Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

Mme Marie-Pierre Richer.

Mise au point au sujet d'un vote

Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

Question préalable

Discussion générale (suite)

(À suivre)

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

Mme Marie-Pierre Richer.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Delia.

M. Jean-Marc Delia. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 335 sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, ma collègue Laurence Muller-Bronn souhaitait s'abstenir.

Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue.

Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.

2

Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 550, texte de la commission n° 777, rapport n° 776).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi.

Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par une devinette. Parmi les trois actions suivantes, laquelle est la plus sévèrement punie ? Réponse A : insulter une femme dans la rue ; réponse B : conduire sans permis ; réponse C : vendre du pain un 1er mai

La question peut prêter à sourire, mais la réponse a de quoi surprendre. L'acte le plus sanctionné est la vente de pain un 1er mai, soit la réponse C. Un boulanger qui fait travailler ses salariés ce jour-là risque ainsi 750 euros d'amende par salarié, 1 500 euros s'il s'agit d'un apprenti.

Je vous livre deux exemples concrets.

Le 1er mai 2021, un boulanger parisien a reçu une amende de près de 80 000 euros pour avoir fait travailler vingt et un salariés, tous volontaires et payés double.

Le 1er mai 2024, cinq boulangers vendéens ont été inquiétés pour les mêmes raisons. Ils ont été contrôlés, verbalisés puis convoqués. Certains encouraient plusieurs milliers d'euros d'amende.

Alors que la conduite sans permis causerait plus de 200 morts par an, entrer dans une boulangerie n'a, à ma connaissance, jamais tué personne. C'est incompréhensible !

C'est pour mettre fin à ces incohérences qu'avec le président du groupe Union Centriste, Hervé Marseille, que je remercie pour sa réactivité et son engagement, nous avons déposé cette proposition de loi, cosignée par 160 sénatrices et sénateurs, dont trois présidents de groupe.

Cette mobilisation illustre l'urgence et la légitimité de ce texte.

Je précise que nous sommes profondément attachés à la journée du 1er mai, chômée depuis 1946. Elle incarne près de quatre-vingts ans d'histoire sociale. Il s'agit non pas de remettre en cause ce totem, mais simplement de donner une base légale (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.) à des pratiques professionnelles en vigueur depuis plus de quarante ans.

L'engagement du Gouvernement aura également été déterminant pour que nous puissions débattre aujourd'hui. Mesdames les ministres, vous avez engagé la procédure accélérée, déclarant souhaiter une inscription rapide de ce texte à l'Assemblée nationale. Je vous en suis reconnaissante.

Alors, mes chers collègues, qui peut faire travailler ses salariés le 1er mai ? Si la question est simple, la réponse l'est beaucoup moins.

Le code du travail mentionne les « établissements qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Cependant, la liste précise n'a jamais été fixée par décret. Pour un hôpital, c'est évident, mais pour une boulangerie, c'est plus compliqué.

Prenons un exemple. Pour une boulangerie qui livre un hôpital, une prison, un Ehpad, c'est autorisé. Pour les autres clients, sa porte est close.

Pour ouvrir, une boulangerie doit prouver, d'abord, que l'activité ne peut être interrompue et, ensuite, que les salariés présents sont absolument nécessaires. Autrement dit, même le petit-déjeuner du 1er mai devient une affaire d'État !

Pourtant, selon une position ministérielle ancienne, les employeurs autorisés à ouvrir le dimanche peuvent également bénéficier d'une dérogation le jour de la fête du travail.

En 1986, un courrier de Mme Martine Aubry, alors directrice des relations du travail au ministère des affaires sociales et de l'emploi, confirmait cette autorisation. Depuis, la question ne faisait pas débat : l'ouverture était tolérée.

En 2006, un arrêt de la Cour de cassation a changé la donne. En cas de contrôle, chaque situation doit désormais être analysée au cas par cas. C'est donc à l'artisan de prendre le risque, puis au juge de trancher.

Dans la pratique, les professionnels, forts d'une tradition de plusieurs décennies, n'ont pas changé leurs habitudes. L'artisan ouvre sa boutique ; les employés sont payés double ; le client repart sa baguette sous le bras. Bref, tout le monde est content.

Néanmoins, ce statu quo a été remis en cause par une vague de contrôles et de verbalisations en 2023, 2024 et 2025. Les boulangers ne sont pas les seuls concernés. Les fleuristes vivent le même casse-tête.

Imaginez la scène : le fleuriste, respectueux de la loi, ferme boutique, tandis qu'un vendeur de muguet à la sauvette s'installe. Le client n'y voit que du vert, mais le fleuriste, lui, voit rouge.

Les vendeurs de muguet sont censés être soumis à des règles strictes : vendre en brins, sans autre fleur, feuillage, ou emballage ; pas de tréteau ou de table, et surtout pas d'installation à proximité d'un fleuriste. Vous en conviendrez, ces règles ne sont pas respectées. Les fleuristes subissent ainsi une concurrence totalement déloyale.

La journée du 1er mai est pourtant essentielle pour tous ces artisans. C'est le quatrième jour de l'année pour les fleuristes en volume de ventes. Pour certains, elle représente jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires annuel. Pour les 35 000 boulangeries qui ferment, cela représente entre 70 millions et 80 millions d'euros de manque à gagner. En Vendée, cette journée représente 25 % de chiffre d'affaires de plus qu'un jour férié classique. Pour les salariés aussi, les conséquences financières sont concrètes. Trois jours fériés de mai travaillés, ce sont 300 à 400 euros de plus sur une fiche de paie.

En 2025, vingt-deux boulangeries ont été verbalisées pour avoir vendu du pain à des clients, venus nombreux. Elles ont été sanctionnées pour avoir fait leur travail. Ce flou juridique est devenu un non-sens. Alors, aujourd'hui, ces professions ont besoin de clarté. Elles aspirent à travailler sans risquer une verbalisation, une amende.

Nous avons déposé ce texte le 25 avril 2025 dans l'urgence, avec le président Marseille, pour envoyer un signal fort aux professionnels à la veille du 1er mai. Notre rapporteur, Olivier Henno, a retravaillé le texte avec précision et application. Je l'en remercie.

La version initiale du texte s'appuyait sur le décret relatif aux dérogations au repos dominical. Plus de quarante catégories d'établissements étaient visées, ce qui ne permettait pas de sécuriser suffisamment le dispositif.

La réécriture proposée par le rapporteur permet de cibler uniquement les professions visées. Cette nouvelle rédaction insiste aussi sur le volontariat : pas d'obligation ; pas de contrainte ; pas d'automatisme. Tout salarié devra donner son accord préalable. Avec le président Hervé Marseille, nous vous présenterons un amendement tendant à renforcer cette garantie.

Ce texte doit prospérer avant le 1er mai 2026, madame la ministre (Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles approuve.), pour clarifier, sécuriser et encadrer l'autorisation d'ouverture de certains établissements. Il est temps de mettre fin à cette incertitude qui fragilise les professionnels.

Mes chers collègues, entre le pain interdit et le muguet clandestin, remettons un peu de bon sens dans la loi ! J'en profite pour remercier le président de l'interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage (Valhor), qui assiste à nos débats en tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Mmes Marta de Cidrac et Frédérique Puissat applaudissent.)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, s'il convient de légiférer toujours « d'une main tremblante », la maxime de Montesquieu s'applique encore davantage à certains sujets. La symbolique et l'importance du 1er mai nous obligent à agir avec beaucoup de prudence. C'est bien cette ligne de conduite qui a été adoptée pour l'instruction de ce texte et son examen en commission des affaires sociales.

Permettez-moi de revenir d'abord sur cette date et sa portée. Je ne m'attarderai pas sur la longue histoire mouvementée de la fête du travail. Je rappellerai simplement que cette journée fut pendant longtemps le support de la lutte internationale en faveur de la journée de huit heures, ainsi qu'un jour de repos célébré localement au gré des municipalités. Elle s'est aussi chargée d'une forte dimension mémorielle après le drame du 1er mai 1891 à Fourmies, dans le département du Nord – un événement marquant pour le sénateur du Nord que je suis –, lors duquel la répression d'une manifestation fit neuf morts et trente blessés. Puis, après plusieurs tentatives de reconnaissance législative dans l'entre-deux-guerres et une appropriation par le régime de Vichy, c'est le Conseil national de la Résistance (CNR) qui la consacra définitivement comme jour férié et chômé, par les lois du 30 avril 1947 et du 29 avril 1948.

Depuis la IVe République, le 1er mai est donc un jour férié et chômé en vertu de la loi. Parmi les onze jours fériés reconnus, ce régime spécifique, directement inscrit dans le code du travail, fait figure d'exception.

Au principe d'interdiction d'occuper les salariés ce jour est assortie une dérogation applicable aux établissements « qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail ». Les salariés occupés ont alors droit à une indemnité égale au salaire s'ajoutant à leur rémunération habituelle.

Depuis 1947, la liste des établissements pouvant employer des salariés ce jour-là n'a jamais été précisée par voie réglementaire. Il en résulte quelques controverses juridiques sur la portée exacte de la dérogation. Certains secteurs, comme les transports publics, les hôpitaux, les hôtels, les services de gardiennage, semblent, de manière manifeste, ne pas pouvoir interrompre leur activité. Pour d'autres domaines, l'affaire est plus ardue.

Suivant une position ministérielle, une correspondance était établie avec la dérogation permanente de droit au repos dominical. Tous les employeurs admis à accorder le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche étaient également réputés pouvoir faire travailler leurs salariés le 1er mai. Cette assimilation présentait un intérêt pratique, dans la mesure où la liste des secteurs concernés par la dérogation au repos dominical est, elle, expressément fixée par décret.

Cette position fut réaffirmée, dans une lettre du 23 mai 1986, par Martine Aubry, alors directrice des relations du travail au ministère des affaires sociales et de l'emploi, dirigé par Philippe Séguin, également maire d'Épinal. Ce courrier est éclairant pour nos débats actuels : il y est précisé qu'en 1986 cette pratique administrative était déjà ancienne et que, selon le ministère, le boulanger ayant ouvert le 1er mai n'avait nullement commis de fait répréhensible.

La Cour de cassation, toutefois, a retenu une autre interprétation de la loi. Dans un arrêt de 2006, elle a ainsi jugé que les établissements admis à déroger au repos dominical n'avaient pas pour autant le droit, par principe, d'occuper des salariés le 1er mai. Elle a considéré qu'il appartenait à l'employeur de justifier que l'activité exercée ne permettait pas, en pratique, d'interrompre le travail. En vertu de cet arrêt, chaque situation devait donc être analysée au cas par cas.

Vous le constatez, l'état du droit en la matière ne relève pas d'un jardin à la française, ordonné et parfaitement délimité : la portée de la dérogation n'a jamais été précisément définie. Pourtant, dans la plupart de nos départements, les choses, en pratique, se réglaient facilement.

Dans certains secteurs d'activité – boulangeries-pâtisseries, fleuristes, jardineries, théâtres et cinémas –, l'ouverture des établissements et le travail des salariés le 1er mai ont toujours été considérés comme allant de soi. J'insiste aussi sur le fait que cette pratique n'a jamais soulevé de difficultés particulières au sein des entreprises, compte tenu du doublement de la rémunération ce jour-là.

Pour les fleuristes, en particulier, la fête du travail a toujours revêtu une importance majeure, puisque l'affluence du public dans les magasins et le chiffre d'affaires réalisé ce jour sont parmi les plus importants de l'année en raison de la vente du muguet. Cette situation a cependant été remise en cause très récemment par des contrôles et des verbalisations dressées par certains services de l'inspection du travail.

Ces verbalisations ont été très localisées. Selon les informations portées à ma connaissance par les fédérations d'employeurs, quelques jardineries indépendantes, des fleuristes et des boulangeries-pâtisseries ont été verbalisées en 2023 et 2024 en Charente, à Lyon ou à Paris. En particulier, cinq boulangers ont été verbalisés en Vendée pour avoir occupé leurs salariés le 1er mai 2024.

Le phénomène a beau être marginal, les conséquences n'en sont pas moins importantes pour les employeurs mis en cause. Ces derniers risquent une amende de quatrième classe, soit 750 euros par salarié employé. Ce risque financier encouru n'est pas négligeable pour ces commerces, qui sont souvent des très petites entreprises (TPE). Une majorité de boulangeries a donc décidé de rester fermée le 1er mai 2025 et cette situation a fait naître, dans la profession, un sentiment d'incompréhension.

Les détracteurs de ce texte de loi ne manqueront pas de se saisir de ces verbalisations pour objecter que le travail ce jour-là dans les boulangeries était une pratique contra legem et que, dès lors, légiférer sur ce point serait donner une prime aux contrevenants et faire preuve de laxisme. Ce raisonnement est spécieux et repose sur un raccourci juridique. Les cinq employeurs mis en cause en Vendée ont par exemple démontré au juge que la nature de leur activité ne permettait pas d'interrompre le travail. Le tribunal de police leur a donné raison, et ils ont finalement été relaxés par un jugement du 25 avril 2025.

C'est bien là que se révèle la faiblesse du droit existant. La marge d'interprétation de la loi laisse la place à des contrôles et à des poursuites pénales. Ensuite, la charge de la preuve incombe aux employeurs, qui doivent justifier de la légalité de leur situation dans les circonstances de l'espèce. Ce régime comporte une trop grande incertitude juridique qu'il convient de lever.

La prudence, dont je parlais au préalable, demande de légiférer en dernier ressort. Tel est bien le cas sur ce sujet. La jurisprudence ne saurait mettre fin à l'insécurité juridique qui demeure pour les employeurs. La négociation collective non plus, puisque l'interdiction d'employer des salariés le 1er mai est d'ordre public. De même, l'indépendance des inspecteurs du travail, qu'il convient de respecter, ne laisse pas de marge de manœuvre à une instruction ministérielle. Pour en avoir discuté avec Mme la ministre, je puis vous assurer que les choses sont claires et limpides.

Le législateur doit donc se saisir de cet enjeu et je remercie notre collègue Annick Billon et le président Hervé Marseille d'avoir déposé cette proposition de loi. La commission l'a adoptée – j'en profite pour remercier le président Philippe Mouiller –, en souhaitant toutefois repréciser le périmètre des secteurs concernés.

Dans sa version initiale, le texte associait les établissements couverts par cette exception au chômage du 1er mai à ceux bénéficiant d'une dérogation au repos dominical en raison des « contraintes de la production, de l'activité ou des besoins du public ». Cette rédaction avait l'avantage de renvoyer à un décret déjà existant, pris en Conseil d'État.

Cependant, la liste prévue par ce décret comprend de très nombreux domaines d'activité et tend à s'allonger régulièrement. En outre, si le 1er mai n'est pas un jour férié comme un autre, son régime ne saurait, à plus forte raison, être assimilé à celui du dimanche.

La commission a donc renvoyé à un nouveau décret la liste des secteurs qui bénéficieraient d'une dérogation de principe à l'interdiction d'occuper des salariés ce jour. Le décret serait encadré par des critères légaux précis et comprendrait les entreprises qui, traditionnellement, ouvrent ce jour, et dont l'activité justifie la dérogation : les commerces de bouche de proximité, dont les boulangeries, pâtisseries, boucheries, poissonneries, qui permettent la continuité de la vie sociale ; les commerces de fleurs, qui, par la vente du muguet, sont liés à un usage traditionnel du 1er mai ; enfin, les établissements du secteur culturel, cinémas et théâtres notamment, dont l'activité répond à une demande naturelle du public un jour chômé.

Nous n'avons pas souhaité inclure dans cette dérogation les grandes surfaces et je vous proposerai un nouvel amendement visant à éviter tout risque d'élargir le décret en ce sens.

Enfin, la commission a également prévu que l'activité des salariés ne serait possible que sous réserve de leur volontariat. Cette précision est essentielle pour ne pas porter une atteinte disproportionnée à cette date symbolique. Le texte maintient, en parallèle, le régime existant de dérogation, afin de tenir compte de la spécificité de certains secteurs, tels que les hôpitaux, pour lesquels la condition de volontariat ne paraît pas souhaitable.

L'intention des auteurs de cette proposition de loi est non pas de banaliser le 1er mai, mais bien de garantir que la pratique traditionnelle de ce jour soit maintenue. Il s'agit d'un texte de clarification du droit et non pas de renversement de principe. Je vous invite donc à adopter la proposition de loi dans sa version issue de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame l'auteure de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, je vous propose de nous poser une question à la fois simple et essentielle : comment faire vivre les principes de notre droit du travail sans ignorer les réalités du terrain et les besoins de nos concitoyens ?

Mme Corinne Féret. ... en oubliant les luttes des salariés…

Mme Catherine Vautrin, ministre. C'est, au fond, tout l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. (Mme Corinne Féret et M. Pascal Savoldelli s'exclament.)

Nous parlons ici d'une journée très particulière de notre calendrier national : le 1er mai, jour de la fête du travail, journée des droits des travailleurs. Un jour porteur d'un héritage social fort, qui est le seul jour férié à la fois chômé et payé dans notre droit du travail.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Cette reconnaissance n'a rien d'un hasard. Elle est l'aboutissement de décennies de luttes ouvrières, en France comme à l'étranger. Depuis la Libération, le 1er mai est officiellement un jour chômé et payé. C'est incontestablement un acquis et un symbole.

La proposition de loi ne remet nullement en cause le statut et la tradition de la fête du travail, qui restera fériée et chômée pour la grande majorité des salariés. Il ne s'agit ni d'en banaliser la portée ni d'en faire un jour comme un autre. (Mme Corinne Féret ironise.)

Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, la force d'une loi ne réside pas seulement dans ce qu'elle affirme. Elle réside, aussi, dans le fait d'énoncer une règle claire, lisible et applicable sur tout le territoire. L'exemple cité par Mme Billon quant à la vente du muguet était particulièrement parlant à cet égard.

Mme Corinne Féret. La loi est claire, il faut la respecter !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Aujourd'hui, dans certains secteurs, notamment les boulangeries et les fleuristes, des établissements ouvrent, des salariés souhaitent travailler – j'y insiste – et des clients attendent ces services essentiels. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Nous l'avons vu ces derniers mois, les règles relatives à ce jour férié sont source de confusion.

Le code du travail prévoit bien certaines dérogations au principe du repos dominical et des jours fériés, dans l'intérêt du public ou pour assurer la continuité de l'activité, mais il reste beaucoup trop imprécis concernant le 1er mai. On s'en rend compte à la lecture de la lettre de Martine Aubry, à l'époque directrice des relations du travail, en 1986, ainsi que de l'arrêt de la Cour de cassation de 2006, que les deux orateurs précédents ont évoqués.

Résultat, ces dernières années : des sanctions, des procès-verbaux, une insécurité juridique,…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quand on ne respecte pas la loi…

Mme Catherine Vautrin, ministre. … avec des appréciations hétérogènes selon les territoires et des commerçants parfois pénalisés, alors même qu'ils agissaient de bonne foi. Et je tiens à souligner la bonne foi de l'ensemble de ces professionnels.

Avec la ministre Astrid Panosyan-Bouvet, nous avons clairement dit que la loi devait évoluer. Nous devons apporter notre soutien aux artisans de proximité, ces professionnels qui, chaque jour, assurent un service essentiel dans nos territoires, en zone urbaine comme dans les territoires ruraux, parfois dans l'ombre, toujours avec passion.

Le jugement rendu par le tribunal de police de La Roche-sur-Yon, le 25 avril 2025, qui a prononcé la relaxe de cinq boulangeries vendéennes poursuivies pour avoir ouvert le 1er mai, montre bien l'impasse actuelle. Il reconnaît la bonne foi des professionnels concernés, mais il ne suffit pas à sécuriser juridiquement l'ensemble des salariés et des employeurs. Il revient au législateur d'apporter la clarté attendue.

Tel est l'objectif de la proposition de loi déposée par le président Hervé Marseille, la sénatrice Annick Billon et les membres du groupe Union Centriste. Elle ne crée pas un droit nouveau ; elle ne remet pas en cause l'existant. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.) Elle vient combler une faille juridique, mettre fin à une insécurité qui pénalise aujourd'hui des commerçants, des salariés, des territoires, ainsi que certains de nos concitoyens. Elle vient sécuriser les employeurs, comme les travailleurs.

Soyons clairs, nous ne voulons pas banaliser une journée qui reste et restera emblématique du dialogue social. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi.

Mme Monique Lubin. Ben tiens !

Mme Catherine Vautrin, ministre. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité engager la procédure accélérée. Ce texte permettra à certains établissements d'employer le 1er mai des salariés volontaires – encore une fois, j'y insiste, …

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le volontariat, parlons-en !

Mme Catherine Vautrin, ministre. … dans un cadre strictement défini, et avec une rémunération doublée, comme le prévoit le droit commun. Oui, madame la sénatrice, il y a des salariés qui sont demandeurs de cette approche ! Nous leur apportons une réponse concrète avec ce texte. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Il vaudrait mieux augmenter le Smic !

Mme la présidente. Mes chers collègues, écoutons Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je salue à ce titre le travail de la commission et du rapporteur, qui a permis de resserrer le texte pour borner très précisément les activités concernées. Je veux ici les rappeler avec précision, pour lever toute ambiguïté.

Certains établissements et services pourront continuer à se prévaloir du cadre existant, puisqu'ils ne peuvent évidemment pas interrompre leur activité : secours et sécurité, établissements sanitaires et médico-sociaux, transports, maintenance, industries de l'énergie ou utilisant des fours, agriculture, gens de la mer, hôtellerie.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ils travaillent déjà le 1er mai !

Mme Catherine Vautrin, ministre. En plus de ces activités essentielles, seules quatre catégories d'établissements pourront bénéficier de cette dérogation leur permettant d'ouvrir le 1er mai avec des salariés volontaires : les établissements assurant, à titre principal, la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ; les établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail ; les établissements répondant à un besoin du public lié à un usage traditionnel du 1er mai ; enfin, les établissements exerçant une activité culturelle.

Ce périmètre a été pensé avec rigueur et avec le souci de préserver l'exception de la fête du travail.

La mise en œuvre de ces dispositions nécessitera un décret en Conseil d'État, que nous sommes en train de rédiger, en parallèle du processus législatif.

Mme Raymonde Poncet Monge. Bien sûr, il n'y a rien de plus urgent !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Je tiens à être très claire : ce décret sera fidèle à l'intention du législateur. Il ne visera pas d'autres établissements que ceux que je viens de mentionner. Les établissements assurant la fabrication ou la vente de produits alimentaires comprendront les cafés, les restaurants, les boulangeries, les traiteurs, les primeurs et autres commerces de bouche. Les établissements répondant à un besoin du public lié à un usage traditionnel du 1er mai incluront l'activité de vente de fleurs naturelles. Les établissements exerçant une activité culturelle comprendront les cinémas, les musées, les centres culturels et autres lieux de spectacle.

Le Gouvernement ne souhaite pas inclure la grande distribution, qui ne relève ni de la logique de proximité ni d'un usage traditionnel lié au 1er mai. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Grâce à cette proposition de loi, si elle est votée, il n'incombera plus aux employeurs de démontrer qu'ils ne peuvent interrompre le travail ce jour-là en raison de la nature de leur activité. Il leur suffira de figurer dans la liste des établissements et activités mentionnés dans le décret.

Pour conclure, je veux réaffirmer un principe fondamental : cette proposition de loi ne porte en rien atteinte aux droits des travailleurs. Les salariés ne seront amenés à travailler que sur la base du volontariat et ils bénéficieront d'une rémunération doublée, conformément à l'article L. 3133-6 du code du travail.

Il s'agit d'un texte d'équilibre, qui articule liberté d'entreprendre, liberté de travailler, respect des traditions locales et protection des droits sociaux.

Mme Silvana Silvani. C'est grotesque !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi est utile, équilibrée et attendue. Elle clarifie, elle encadre, elle protège, en apportant des réponses concrètes aux professionnels et à leurs salariés. Ce texte ne fait pas l'économie de notre histoire sociale.

Mme Monique Lubin. Non, il crache dessus !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Il en est une déclinaison contemporaine et respectueuse. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani, Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d'une motion n° 18.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai (n° 777, 2024-2025).

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le 1er mai est la fête des travailleurs et non, comme certains à l'extrême droite le prétendent, la fête du travail.

Depuis 1890, la classe ouvrière définit le 1er mai comme une journée d'auto-reconnaissance en tant que classe sociale. Cette journée est l'occasion de rendre visible, sur les scènes locale, nationale et même internationale, la présence massive de ceux qui travaillent et de leurs familles.

Le 1er mai est une fête ouvrière et populaire qui sert de catalyseur, mais aussi de baromètre des mouvements sociaux comme de la conjoncture politique. En France, le 1er mai ne se résume pas à des défilés de cortèges dans les villes ; c'est également l'occasion de rassemblements, de meetings et de moments populaires où l'on chante Le Temps des cerises et où l'on danse dans les bals de village.

Dans le sillage des ouvriers de Chicago, qui avaient manifesté le 1er mai 1886 en faveur de la journée de huit heures, et du 1er mai 1891 à Fourmies, où la répression de la manifestation avait fait neuf morts, dont deux enfants, et plus de trente blessés, cette journée a été inscrite dans l'histoire du mouvement social.

C'est bien cette histoire que le groupe centriste veut rayer d'un trait par cette proposition de loi. Le 13 novembre 2024, le président du groupe Les Républicains du Sénat avait déclaré aux journalistes de Public Sénat que la suppression d'un jour férié était « quelque chose qui pourrait être voté ».

Si le choix du jour férié en question s'est porté sur le 1er mai, c'est parce que c'est le seul qui, de par la loi, est obligatoirement chômé. L'idée que des salariés puissent percevoir une rémunération sans travailler est insupportable pour la majorité sénatoriale comme pour les soutiens du Gouvernement. Si au moins c'était une journée religieuse, ou servant à commémorer une guerre capitaliste…

Au prétexte que cinq boulangeries ont été verbalisées, nous devrions changer le droit qui organise les usages depuis 1947 ! Alors même que ces cinq boulangeries ont toutes été relaxées, le Gouvernement a estimé nécessaire de déclencher l'urgence sur ce texte qui étend les dérogations au jour chômé du 1er mai.

En effet, il importe de rappeler qu'il existe déjà des dérogations au 1er mai, puisque les employeurs qui ne peuvent pas interrompre le travail sont autorisés à poursuivre leur activité ce jour-là. Selon la direction générale du travail, les transports publics, les hôpitaux, les hôtels et les services de gardiennage remplissent naturellement cette condition, de même, d'ailleurs, que certaines industries. Certains ont voulu s'insérer dans la brèche en arguant qu'un restaurant ne pouvait s'arrêter de fonctionner, tout comme les cafés, ce qui est déjà contestable.

Depuis des années, bénéficiant de cette dérogation, les employeurs qui ne pouvaient arrêter de fonctionner ouvraient leur établissement le dimanche. Lorsque la Cour de cassation a exigé des boulangers de démontrer l'impossibilité pour eux d'arrêter de travailler, les premières plaintes sont apparues, lors de la campagne présidentielle de 2007. La tolérance ministérielle a été contredite par la plus haute juridiction de droit civil.

Aujourd'hui, les entreprises exigent donc que soient légalisées leurs pratiques illégales.

Cette manière de faire est d'autant plus insupportable que ce texte fait partie d'un ensemble de remises en cause du droit social que mène le Sénat depuis plusieurs années. La guerre idéologique consiste à affaiblir toutes les victoires syndicales de notre pays, qui constituent notre pacte social.

Depuis un an, c'est un festival de la part du groupe centriste : remise en cause du droit de grève dans les transports, création d'une journée de travail gratuite et, aujourd'hui, dérogation au seul jour férié et chômé de l'année !

Au nom de la correction d'une prétendue insécurité juridique, cette proposition de loi était censée permettre aux boulangers et aux fleuristes d'ouvrir le 1er mai. Pourtant, le périmètre retenu dans sa rédaction initiale dépassait largement ce cadre, puisque toutes les entreprises autorisées à ouvrir le dimanche, comme les magasins d'ameublement, les supermarchés ou les casinos, auraient été autorisées à faire travailler leurs salariés le 1er mai.

En réalité, derrière le débat sur l'autorisation de faire travailler les salariés le 1er mai se révèle un désaccord, entre nous, sur la vision que l'on se fait de notre société et du droit au repos.

Les modernes seraient ceux qui souhaitent travailler 365 jours par an pour consommer en tout temps et en tout lieu. Pour notre part, nous considérons que les moments sans consommation deviennent déjà trop rares et qu'il faut protéger des temps démarchandisés.

Certains répètent à l'envi que notre société se délite du fait d'un repli sur les individus, au détriment du collectif ; pourtant, en autorisant des dérogations au chômage du 1er mai, vous remettez en cause une journée de repos et de partage en famille et entre amis.

En commission le texte a été modifié, sur l'initiative du rapporteur, de manière à limiter le bénéfice des dérogations supplémentaires aux commerces de bouche de proximité, aux fleuristes et jardineries, aux cinémas et aux théâtres.

Le rapporteur ne nous a pas fourni d'évaluation du nombre de salariés potentiellement concernés, mais, si l'on cumule les secteurs de l'agroalimentaire et des commerces de détail alimentaire, les boulangers, les fleuristes et les activités culturelles, nous arrivons à près de 1,5 million de salariés affectés par ce texte.

Vous avez beau jeu de nous répondre que les salariés devront être volontaires pour travailler le 1er mai ! Vous avez eu l'air surpris de découvrir, en commission, le principe du lien de subordination. C'est ce rapport particulier qui fait que, lorsqu'un patron demande à un salarié s'il veut venir travailler le 1er mai, celui-ci acceptera par crainte de répercussions négatives. Le volontariat n'existe pas pour les salariés !

On avait prétendu sécuriser de la même manière l'instauration du travail dominical. Eh bien, dix ans après le vote de la loi Macron, le volontariat des salariés qui travaillent le dimanche n'existe pas. Je ne vois pas trace non plus des taxis censés être payés par les employeurs pour ramener chez eux ces salariés ! Même la majoration de salaire de droit le dimanche, qui devait être de 50 %, est descendue à 30 %, voire à 20 %, selon les conventions collectives.

Le travail dominical était censé permettre à la fois aux étudiants de payer leurs études et aux entreprises de gagner plus d'argent. Selon une étude, publiée par l'Insee en 2023, intitulée Qui travaillera dimanche ? Les gagnants et les perdants de la déréglementation du travail dominical, le résultat est sans appel : l'ouverture dominicale ne s'est accompagnée d'aucune hausse des effectifs ni du chiffre d'affaires.

Aujourd'hui, vous reprenez le même argument de la rémunération doublée pour justifier l'ouverture du travail le 1er mai. Pourtant, nous avons la démonstration qu'il n'existe pas d'argent magique, qu'il s'agisse du dimanche ou du 1er mai. Nos concitoyens ne consomment pas davantage le dimanche ou le 1er mai parce que les magasins ouvrent leurs portes, puisque les entreprises refusent d'augmenter les salaires !

L'augmentation des salaires, voilà un sujet qui aurait mérité que le Gouvernement dépose un projet de loi et engage la procédure accélérée ! L'augmentation du Smic et l'indexation des salaires sur l'inflation – nous avions proposé ces mesures en février dernier – permettraient d'augmenter le pouvoir d'achat et de dynamiser l'économie.

Mais vous préférez vous attaquer à une journée hautement symbolique dans notre pays. Le 1er mai chômé est une conquête des luttes sociales, acquise en 1947 dans notre pays. Après les dérogations au repos dominical, après le recul de l'âge de départ à la retraite, après la journée de solidarité, voici que les 35 heures et le 1er mai sont les nouveaux acquis sociaux remis en cause par les groupes Union Centriste, RDPI, Les Indépendants et Les Républicains du Sénat : les mêmes qui vantent depuis des mois le dialogue social au motif de l'organisation du conclave sur les retraites s'attaquent aujourd'hui ouvertement aux organisations syndicales.

Avec l'extension des dérogations, vous détricotez petit à petit le principe du 1er mai chômé, de manière à justifier demain sa remise en cause totale.

Votre objectif final, évidemment non revendiqué, est de voler un jour de congé aux salariés, car vous jugez qu'ils ne travaillent pas suffisamment. Cette vieille rengaine du patronat semble trouver un grand d'écho du côté droit de l'hémicycle !

Je voudrais pourtant rappeler les données de l'OCDE de 2022, selon lesquelles la France se classe sixième en Europe en matière de productivité. Pour nous, l'enjeu n'est pas de travailler plus ; c'est de travailler tous, et dans de bonnes conditions, pour ne pas finir cassés à la retraite.

Cette proposition de loi, inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour de la session extraordinaire de juillet, est une bombe à fragmentation de la société. La prudence et la proportionnalité, si chères aux rapporteurs, auraient dû inciter à l'abstinence, mais vous semblez prêts à affronter une nouvelle colère sociale.

Vous pouvez compter sur le groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Kanaky pour ne pas céder un pouce quand on s'attaque à des acquis sociaux obtenus dans le sang et les larmes. Clara Zetkin voyait dans le 1er mai « l'unique vrai jour de fête du prolétariat exploité et militant, un jour de fête librement voulu et résolu, en antagonisme avec les jours de fête religieux ou laïcs octroyés aux esclaves de l'usine, de la mine et des champs, par la volonté des exploiteurs et des gouvernants. […] Le 1er mai est une fête de l'avenir, une fête révolutionnaire. »

Nous sommes profondément attachés à cette dimension du 1er mai et, comme l'ensemble des organisations syndicales, nous refusons ce texte.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous appelons, solennellement, à voter notre motion et à rejeter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Il est évidemment défavorable.

Notre volonté n'est pas d'empêcher quiconque de chanter Le Temps des cerises ou d'écouter Jean Ferrat. (Sourires sur les travées du groupe UC.) Nous voulons que le débat ait lieu, afin de démontrer que cette proposition de loi d'Annick Billon et Hervé Marseille est connectée à la vie réelle,…

M. Pascal Savoldelli. On va en parler, de la vie réelle !

M. Olivier Henno, rapporteur. … qu'elle sécurise les employeurs comme les salariés…

M. Pascal Savoldelli. Des salariés, il n'y en a pas beaucoup dans vos rangs !

M. Olivier Henno, rapporteur. … et qu'elle vise simplement à revenir à la situation antérieure aux récentes décisions de justice.

Mes chers collègues, les TPE qui emploient des salariés ne sont pas des esclavagistes ! Le travail n'est pas l'enfer et le lien de subordination n'a pas forcément une dimension maléfique.

Il sera donc intéressant, sur ces bases, d'avoir ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Comme vous pouvez l'imaginer, le Gouvernement est particulièrement défavorable à cette motion.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Faire travailler le 1er mai, c'est porter atteinte à la spécificité d'un jour symbolique, façonné par une histoire longue et internationale, dont la portée émancipatrice a traversé les XIXe et XXe siècles.

Le législateur a pour mission non de satisfaire des intérêts économiques particuliers, mais de protéger un temps commun qui, depuis les grèves pour la journée de huit heures – huit heures de loisir ! – jusqu'à sa consécration légale en 1947, rappelle que ce temps libre de toute subordination pour les travailleurs et travailleuses est, dans nos aspirations comme dans les faits, un temps d'émancipation.

Faire travailler le 1er mai au-delà des activités qui ne peuvent être arrêtées, c'est nier l'aspiration qui est à son origine, celle de la réduction du temps de travail, de la libération d'un temps pour l'épanouissement personnel et familial du salarié, d'un temps qui permette de faire ensemble société, faire ensemble classe, dans la majorité des pays.

À Fourmies, en 1891, à la veille de la journée qui vit l'armée ouvrir le feu sur les manifestants, le patronat avait fait placarder une affiche affirmant que « l'on travaillerait le 1er mai comme tous les autres jours ». La volonté patronale de faire travailler le 1er mai n'est donc pas nouvelle.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est dangereux, car il ouvre une brèche. En cédant à certains établissements, alors que la population sait très bien se passer de leurs services les jours de leur fermeture, on s'expose à une stratégie du pied dans la porte. Le champ de dérogation sera demain élargi.

Faire travailler le 1er mai crée aussi une inégalité entre, d'une part, celles et ceux qui seront, à terme, contraints de travailler – le volontariat étant voué à devenir un leurre – alors que la plupart des services sont fermés et, d'autre part, celles et ceux qui auront la possibilité de se reposer et de participer aux temps sociaux, dont les temps de manifestation.

Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront donc cette motion.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Voici venu le temps des propositions de loi réactionnelles, pour ne pas dire réactionnaires… Réactionnelles, dis-je, car il suffit que quelques boulangers – cinq pour être exact – qui, je le précise, n'ont pas respecté la loi se voient opposer l'obligation de la respecter pour que l'on décide soudainement que, décidément, cette loi ne convient pas et qu'il faut la changer.

Or quel changement propose-t-on ? On voudrait permettre de travailler le 1er mai à un certain nombre d'artisans et de commerçants, lesquels demanderont bien évidemment à leurs salariés de travailler ce jour-là.

Il va tout de même falloir nous expliquer – je ne doute pas de la qualité de la démonstration qui nous sera offerte – pourquoi l'on ne pourrait pas se passer, le 1er mai, d'aller dans une charcuterie acheter un pâté tout juste sorti du four, ou dans une boulangerie où l'artisan ne sera pas le seul à travailler : il aura mobilisé une horde de salariés – l'un des boulangers condamnés, puis relaxés, en avait vingt et un – pour préparer tartes, viennoiseries et salades, tout ce qui se vend aujourd'hui dans les grandes boulangeries. De tout cela, à vous entendre, on ne pourrait absolument pas se passer !

De surcroît, vous osez – la socialiste que je suis a bien compris la manœuvre ! – vous prévaloir de la caution de Martine Aubry ! Mais celle-ci, qui n'était, à l'époque à laquelle vous nous renvoyez, que directrice des relations du travail, a simplement voulu – sous l'autorité de son ministre de tutelle, j'imagine – faire en sorte que les services qui ne peuvent et ne doivent pas être arrêtés, notamment les services de soins, puissent continuer de fonctionner.

Mme la présidente. Merci de conclure, ma chère collègue !

Mme Monique Lubin. J'aurai l'occasion de m'exprimer de nouveau sur ce sujet au fil du débat. Pour l'heure, sachez que les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront bien évidemment pour la motion de nos collègues du groupe CRCE-K. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Il est tout à fait nécessaire de clarifier dans la loi la possibilité offerte aux volontaires de certaines professions, comme les fleuristes et les boulangers, de travailler le 1er mai. Il convient aussi, à l'évidence, de préciser les conditions dans lesquelles ce volontariat s'exercera ; tel est l'objet d'un amendement.

Cette proposition de loi ne remet pas en cause le 1er mai, fête des travailleurs et du mouvement social, en tant que journée fériée et chômée. Mais il serait quand même difficile d'expliquer aux travailleurs volontaires – ce volontariat, je le répète, doit être bien encadré – qu'ils peuvent être sanctionnés pour ce travail. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.) Il y avait une tolérance en en la matière, mais la multiplication des contrôles et des sanctions impose de clarifier en droit la nature des établissements de commerce exemptés de cette obligation de chômer ; nous devons donc légiférer.

Je suis par conséquent favorable à la proposition de loi de notre collègue Annick Billon, que j'ai cosignée, car elle clarifie la situation et protège les professionnels et les salariés. Je ne voterai donc pas cette motion.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste votera évidemment contre cette motion, que ses auteurs justifient, je dois le dire, par des arguments assez caricaturaux, pour ne pas dire complètement erronés.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quels arguments sont erronés ?

Mme Annick Billon. Le président Hervé Marseille et moi-même, auteurs de cette proposition de loi, sommes attachés au 1er mai chômé et férié. Je le répète, car nous avons été attaqués sur ce point de manière assez incisive. Nous n'ouvrons pas une brèche ; nous sécurisons certaines situations.

Mes chers collègues, quarante ans durant – plus ou moins, en fonction de votre âge –, vous avez acheté du muguet le 1er mai, vous avez acheté du pain le 1er mai,…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, jamais !

Mme Annick Billon. … sans que cela vous pose aucun problème. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Oui, mes chers collègues, je le rappelle, Martine Aubry a sécurisé la situation en 1986 et, depuis lors, pas un seul député ou sénateur, qu'il siège à droite ou à gauche, n'est venu remettre en cause cet équilibre. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Cette proposition de loi a donc pour seul objet de préciser le droit et de sécuriser ces situations.

Mme Cécile Cukierman. Elle n'est pas pour les artisans, votre proposition de loi, elle sécurise juste les profits des grands groupes ! Il faut assumer !

Mme Annick Billon. Mes chers collègues, à l'évidence, nous ne partageons pas votre vision du travail tirée de Germinal ! C'est pourquoi nous voterons contre votre motion. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de respecter l'expression de chacun des orateurs.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Beaucoup de commentateurs s'escriment à expliquer qu'il n'y aurait plus de gauche, plus de confrontation gauche-droite. Franchement, notre débat de ce matin illustre bien combien cela est faux.

Il me donne aussi l'occasion, madame la ministre, de rappeler – cela permettra de clarifier les choses – les propos que vous avez tenus en janvier dernier : vous mettiez au débat l'idée de sept heures de travail supplémentaires non rémunérées pour les salariés. C'est bien vrai, madame la ministre ? « C'est une piste qui est sur la table », ajoutait votre collègue chargée des comptes publics. Là est la vérité, le sens réel de cette proposition de loi.

Un autre élément justifie le dépôt de cette motion : le débat s'est déjà tenu, mes chers collègues. Le 20 novembre 2024, les groupes Les Républicains et Union Centriste défendaient un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) inspiré du dispositif de la « journée de solidarité ». C'est cela même qui se retrouve dans cette proposition de loi !

Le sujet n'est donc nullement les boulangeries ou les traiteurs, ni ce que l'on peut acheter ou non le 1er mai. C'est de tout autre chose que nous débattons ! Il me semble d'ailleurs que Mme la ministre l'a tout à fait assumé à la tribune tout à l'heure. Elle a de la cohérence politique, je ne lui reproche pas : ce qu'elle a annoncé en janvier, elle l'a bien soumis au débat.

Mais je veux inviter à deux réflexions nos collègues de droite et Mme la ministre avant de conclure mon propos.

Premièrement, rappelez-vous la prudence du Premier ministre de l'automne dernier, Michel Barnier, qui est loin d'être un homme de gauche : « Attention, disait-il, on ne peut pas prendre une telle décision sans l'accord des organisations syndicales. » Vous pouvez le vérifier. Eh bien, toutes les organisations syndicales sont opposées à ce texte ; c'est bien pourquoi nous appelons par cette motion à le rejeter.

Deuxièmement, rappelez-vous ce qui s'est passé cette année pour le budget de la sécurité sociale ; je m'en souviens très bien, et ceux de mes collègues qui siègent à la commission des affaires sociales mieux encore. Les amendements visant prétendument à financer l'autonomie par du travail supplémentaire non rémunéré ont été soutenus par les députés du Front national. Cela aussi, vous pouvez le vérifier ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cécile Cukierman. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir sur plusieurs points.

Mme la sénatrice Apourceau-Poly, en présentant cette motion, nous a parlé du Temps des cerises et des bals populaires, mais elle a oublié le pain. Pourtant, s'il y a une tradition française qui est toujours mise en avant, c'est bien celle du pain ! Il y a toujours eu, parmi nos concitoyens, des gens qui vont acheter du pain tous les jours. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. On peut l'acheter le 30 avril au soir, le pain !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Le problème que nous avons aujourd'hui, c'est que, alors que cela n'a pas posé la moindre difficulté pendant des années (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.), le fondement légal manque désormais de sécurité, la loi n'est pas claire. C'est pour y répondre que cette proposition de loi a été déposée.

Monsieur Savoldelli, par votre interpellation, vous essayez de nous amener sur un tout autre terrain, à savoir celui de la journée de solidarité instituée après la canicule de 2003, quand notre pays devait s'équiper pour faire face au phénomène du vieillissement. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.) Une question a bien été posée lors de l'examen du PLFSS pour 2025 : celle de l'instauration d'une deuxième journée de solidarité ; cette idée n'a d'ailleurs pas prospéré dans ce cadre. Mais ce n'est pas du tout ce dont il est question aujourd'hui !

La meilleure preuve en est que cette proposition de loi est extrêmement précise quant aux professions qui pourraient bénéficier de la dérogation ouverte. Il s'agit bien d'un dispositif exceptionnel, avec une journée de travail payée double, alors que la proposition à laquelle vous faites référence consistait à l'inverse à demander aux gens de travailler une journée de plus sans être rémunérés. Il s'agit d'une logique absolument différente ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Vous suscitez là une grande confusion en évoquant des idées qui n'ont rien à voir avec la proposition de loi de Mme Billon, dont M. le rapporteur nous a exposé le dispositif tout à l'heure.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Union Centriste et, l'autre, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 337 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 101
Contre 225

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner en préambule que cette proposition de loi suscite des interrogations profondes quant à la manière dont nous nous penchons sur la problématique du travail. Là est bien le sujet, car on ne peut pas dénouer le 1er mai de la question du travail et des travailleurs.

Était-il si urgent de discuter ensemble d'une question qui traverse la société tout entière ? Était-ce le bon véhicule ?

Certes, ce débat n'est pas sans légitimité. Je comprends les revendications exprimées par certains commerçants de proximité – boulangers, fleuristes, primeurs – confrontés à des injonctions contradictoires.

D'un côté, une tradition commerciale les incite à ouvrir le 1er mai ; de l'autre, ils subissent une insécurité juridique face aux sanctions qu'on leur inflige parfois, et ce alors même que de grandes enseignes ouvrent leurs portes le 1er mai sans que l'État n'assure réellement le respect de la loi.

La demande des professionnels, c'est qu'il y ait une stricte égalité de traitement entre les commerces et entre les territoires, qu'il n'y ait pas de régime factuel d'exemption, hors de la loi.

Ils identifient une demande de consommation sur la journée du 1er mai, donc une perte de chiffre d'affaires potentiel. Cette éventuelle perte ne doit pas peser sur les seuls volontaristes qui, sans contrôle, respectent la loi.

Malgré la prégnance de l'enjeu, il me semble que cette proposition de loi divise outre mesure, alors qu'il nous faudrait au contraire trouver ici de la concorde.

Ce que vous sous-entendez, mes chers collègues, c'est que le 1er mai serait caduc. Les valeurs qui sont au cœur de cette fête ne seraient plus d'actualité.

Pourtant, il y a des dates dans notre calendrier républicain qui relèvent non pas simplement de l'organisation du travail, mais de la mémoire collective. Le 1er mai en fait partie. C'est cette mémoire sociale que la République a sanctuarisée en 1947, en faisant de cette date le seul jour férié obligatoirement chômé et payé.

C'est bien ce socle symbolique que ce texte, même amendé, vient fragiliser. En instaurant un régime de dérogation pour certaines activités commerciales, il modifie ce qui, jusqu'ici, faisait l'unité du 1er mai, donc l'unité du corps social des salariés.

Certes, la proposition est encadrée : les secteurs concernés sont restreints, le volontariat est exigé, une majoration salariale est prévue.

Mais l'histoire du droit du travail nous a appris que les dérogations finissent souvent par devenir la norme. Le travail dominical, auquel j'étais d'ailleurs opposé en tant qu'employeur – je dirigeais quelques magasins –, en est l'exemple le plus évident.

Ce risque s'accentue à une époque de net recul du syndicalisme. Cette réalité affaiblit le dialogue social, réduit la capacité de négociation des salariés et rend plus fragile encore l'effectivité du volontariat, notamment dans les petites structures.

Pour conclure, je reconnais la valeur du travail de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, M. Olivier Henno, qui a exclu une assimilation au régime du dimanche.

Franchement, je ne suis pas arc-bouté contre ce texte, et je ne veux pas esquiver cette question, mais un véritable débat national doit être ouvert, comme sur tant d'autres sujets : la dégradation des conditions de travail – j'ai une pensée particulière pour les travailleurs agricoles, en ces journées caniculaires –, l'attractivité des métiers du social, ou encore l'ubérisation du travail.

Surtout, le législateur ne saurait passer outre la démocratie sociale. Court-circuiter les corps intermédiaires aboutirait à une décision non concertée, donc non acceptée. Preuve en est la réaction face à la réforme des retraites et l'enlisement que l'on connaît.

C'est pourquoi, reconnaissant les intentions d'apaisement exprimées par les commissaires aux affaires sociales et refusant tout dogmatisme, les membres du RDSE voteront, comme à l'accoutumée, selon leurs convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

(À suivre)