Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte trouve son origine dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cela ne nous rajeunit pas ! J’ai une pensée pour notre ami Michel Forissier et pour notre regrettée amie Catherine Fournier, avec qui j’ai rapporté ce texte en 2018.
Ensemble, nous avions décidé de donner corps à cette expérimentation, partant du constat que, en dépit de l’expérimentation, instaurée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, de contrats de professionnalisation visant à l’acquisition de qualifications non prévues de droit, nous n’atteignions pas la cible des demandeurs d’emploi les moins qualifiés ou les plus éloignés du marché du travail.
L’expérimentation prévue permettait alors la conclusion de contrats de professionnalisation aux fins d’acquérir des compétences définies par l’employeur et l’opérateur de compétences, en accord avec le salarié. Ces contrats pouvaient de plus être adaptés aux besoins des entreprises et du marché du travail.
En bref, il s’agissait d’un contrat plus flexible, susceptible de répondre aux besoins des secteurs en tension et de mieux s’adapter aux demandeurs d’emploi.
Ce dispositif présentait toutefois deux risques : le dévoiement des contrats de professionnalisation classiques, d’une part, et une moindre valorisation de ce contrat expérimental sur le marché du travail, d’autre part.
Pérenniser l’expérimentation ou l’adapter suppose donc que nous disposions d’une évaluation montrant que ce contrat a fonctionné.
Bien qu’il soit arrivé tardivement – de nombreux orateurs l’ont souligné –, le bilan de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), évoqué par notre rapporteur, indique que plus de 35 000 contrats ont été signés depuis 2018, que la part des contrats expérimentaux ne représente que 4,37 % des contrats de professionnalisation, que les secteurs en tension sont les principaux recruteurs et que les bénéficiaires de ces contrats sont majoritairement des jeunes de 16 à 25 ans, dont une partie est en situation de forte précarité. À ce stade, rien n’est dit toutefois du niveau de formation de ces personnes.
Par ailleurs, comme notre rapporteur l’a souligné en commission, les organisations patronales ont salué la possibilité qui leur est offerte d’adapter au plus près des besoins le parcours de formation des salariés et les employés concernés ont joué le jeu de l’insertion durable – dans plusieurs secteurs, des CDI ont été conclus.
Si ce contrat complexifie un peu plus le champ de l’offre et s’il emporte un coût – non négligeable – de 5 millions d’euros, un tel bilan montre qu’il a trouvé sa place et qu’il a su répondre aux attentes des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Je note que le contrat de professionnalisation que l’auteure de cette proposition de loi propose de pérenniser ne permettra d’acquérir qu’un ou plusieurs blocs de compétences définis par l’employeur et l’opérateur de compétences. Le dispositif sera donc moins souple, mais cette modification favorisera sans doute la valorisation de son contrat par le demandeur d’emploi.
Comme Pascale Gruny l’a souligné, il s’agit d’accélérer les processus dans un contexte économiquement tendu. Notre groupe votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Viviane Malet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui, bien qu’elle soit technique en apparence, a trait à l’insertion professionnelle de nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi.
Nous le savons, le marché du travail évolue rapidement. Si cette dynamique crée des opportunités, elle laisse trop souvent des personnes sur le bord du chemin : des jeunes sans diplôme, des demandeurs d’emploi de longue durée, des bénéficiaires de minima sociaux. Nous devons accompagner ces publics vers une insertion professionnelle durable.
Depuis plus de vingt ans, le contrat de professionnalisation est un outil de réinsertion essentiel. Il combine emploi et formation, en permettant aux salariés d’apprendre un métier tout en travaillant contre rémunération, avec une certification professionnelle à la clef.
Les 87 000 contrats de professionnalisation conclus en 2024 montrent que ce dispositif est apprécié. En 2023, le coût total de ces contrats, financé par les opérateurs de compétences, s’est élevé à plus de 1 milliard d’euros, le coût moyen de chaque contrat s’établissant à 8 700 euros.
Pour encourager le recours à ces contrats, des aides à l’embauche d’un montant moyen de 2000 euros, pouvant atteindre jusqu’à 7 000 euros pour un adulte en situation de handicap, ont été instaurées. Dans la grande majorité des cas, les employeurs n’ont rien à cofinancer, puisque seuls 5 % des contrats exigent une contribution de leur part.
Afin d’aller plus loin dans cette logique incitative, la loi du 5 septembre 2018 a instauré, pour une durée initialement fixée à deux ans, le contrat de professionnalisation expérimental.
Ce dispositif visait à offrir une voie d’accès plus souple à la formation, en permettant aux employeurs ayant des besoins spécifiques de former un salarié, en vue non pas de l’obtention d’une certification complète, mais de la validation d’un ou de plusieurs blocs de compétence. Plus ciblée, une telle approche est en effet plus réaliste et souvent plus efficace.
Concrètement, ce contrat de professionnalisation dit expérimental a permis de construire des parcours adaptés aux besoins de chaque entreprise et de chaque salarié.
Avec son bilan encourageant, il complète les outils qui sont déjà à la disposition des employeurs pour favoriser l’insertion professionnelle. Entre 2018 et 2023, quelque 35 000 contrats expérimentaux ont en effet été conclus. En proportion, le nombre de contrats expérimentaux ne représente que de 4 % des contrats de professionnalisation, ce qui montre qu’ils ne sont pas entrés en concurrence avec le dispositif classique.
Les organisations patronales ont apprécié de pouvoir adapter la formation au plus près des besoins, sans que celle-ci soit forcément certifiante ou diplômante. Elles n’ont d’ailleurs pas attendu pour s’emparer du dispositif. Je pense notamment aux secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire ou encore des mobilités, qui se sont notablement saisis de ce dispositif.
D’autres secteurs, comme la santé ou la construction, se montrent encore hésitants, pour une raison simple : ce contrat étant encore expérimental, les employeurs sont enclins à penser qu’il pourrait disparaître.
Une telle réflexion n’est pas sans fondement. Depuis la création du dispositif, en 2018, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’instabilité politique ont rendu incertaine la prolongation du dispositif jusqu’à la fin de l’année 2024. Bien que Mme la ministre Catherine Vautrin ait finalement confirmé celle-ci, cette décision n’a pas été inscrite dans la loi. Il nous faut donc aujourd’hui lever l’incertitude, mes chers collègues.
Cette proposition de loi, adoptée sans modification par la commission, vise précisément à pérenniser le recours au contrat de professionnalisation en vue de l’acquisition d’un ou de plusieurs blocs de compétences par le salarié. L’article unique du présent texte prévoit à cette fin l’inscription définitive de ce dispositif dans le code du travail.
L’expérimentation de ce dispositif a montré que, dans certains cas, celui-ci répondait aux besoins des salariés et des employeurs. La droite sénatoriale croit en l’insertion par les compétences, à une formation professionnelle adaptée et à la responsabilité des acteurs économiques.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Viviane Malet. Il ne nous reste plus qu’à mettre nos croyances en pratique, en inscrivant définitivement ce nouveau type de contrat dans notre droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close, mes chers collègues.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental
Avant l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Senée, Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le bilan de l’expérimentation du contrat de professionnalisation permettant d’acquérir un ou plusieurs blocs de compétences de certification professionnelle.
Le rapport évaluera les effets de ce dispositif, le public touché, son bilan en termes d’insertion professionnelle, ainsi que les effets des aides publiques à l’embauche en contrat de professionnalisation sur les dynamiques d’entrée dans ce dispositif.
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Le 24 juin dernier, lors de l’examen de cette disposition déjà déposée par ma collègue Raymonde Poncet Monge en commission, nous avons appris l’existence d’un rapport d’évaluation. On nous avait alors indiqué que celui-ci nous serait communiqué dans les meilleurs délais, ce qui aurait emporté le retrait du présent amendement.
Depuis lors, neuf jours sont passés et ce rapport ne nous a toujours pas été transmis. J’en tire deux constats.
Premièrement, sans tomber dans la paranoïa, ce rapport contient peut-être des données dont il ne faut pas que nous ayons connaissance…
Deuxièmement, nous, parlementaires, de droite comme de gauche, nous devons nous prononcer sans disposer de la moindre information.
J’ai bien compris que M. le rapporteur, et sans doute d’autres collègues de la majorité sénatoriale, avait pu consulter ce rapport. Mais nous, nous n’en avons pas eu connaissance. Comme ma collègue Corinne Féret, j’estime que ce n’est pas normal et que cela pose un véritable problème démocratique.
Je n’ai aucun a priori négatif sur ce dispositif, bien au contraire, mais il n’est pas acceptable que certains groupes politiques disposent d’informations dont les autres sont privés !
Vous nous poussez donc à nous abstenir, monsieur le rapporteur, et nous le ferons avec fierté, car il est hors de question que nous nous prononcions sans disposer des éléments concrets susceptibles d’éclairer notre vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. Mme Raymonde Poncet Monge, dont vous défendez l’amendement, ne vous a pas donné l’intégralité des informations utiles, ma chère collègue. En effet, le rapport visé lui a bien été communiqué hier, après que le Gouvernement l’a déposé de manière officielle sur le bureau du Sénat. (Mme Ghislaine Senée manifeste son étonnement.)
Il a été transmis non pas à mon groupe politique, mais à la commission, ainsi qu’à moi-même, en ma qualité de rapporteur.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Moi, je ne l’ai pas reçu !
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. Vous disposez donc désormais de toutes les informations utiles, madame la sénatrice.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le rapport a en effet été transmis au Sénat hier, mais vous avez raison, madame la sénatrice : il est arrivé trop tardivement, du fait des procédures qui nous contraignent, et je le déplore sincèrement.
Toujours est-il que ce rapport existe et qu’il est désormais à votre disposition. Je sollicite donc le retrait de cet amendement, qui n’a plus d’objet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je tiens à exprimer mon incompréhension, car, pour ma part, ce rapport ne m’a pas été transmis, madame la ministre. Ne disposant pas des éléments chiffrés, nous nous abstiendrons donc, et je le regrette.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Peut-être ce rapport a-t-il été transmis à Mme Poncet Monge, mais pourquoi ne l’a-t-il pas été aux autres commissaires des affaires sociales, qui avaient tout autant intérêt à en prendre connaissance ?
Comme je l’ai indiqué lors de mon intervention liminaire, nous le regrettons et, en conséquence, nous nous abstiendrons. Nous n’avons jamais travaillé ainsi !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Il serait fort dommage que vous vous absteniez sur un texte qui mérite un accord unanime, mes chers collègues.
Le rapporteur a en effet transmis ce rapport, communiqué de manière officielle au Sénat hier seulement, à l’auteure du présent amendement. Nous aurions sans doute dû le transmettre ce matin à l’ensemble des commissaires des affaires sociales, mais il serait dommage que, du fait de cette erreur, ce dispositif d’intérêt général reçoive un vote défavorable.
Je tiens à cet égard à faire passer un message important au ministère du travail, auprès duquel je vous prie de vous faire notre porte-parole, madame la ministre : il est fréquent que les informations nous parviennent à la dernière minute ou que le contenu d’une restitution ne soit pas en ligne avec les informations qui nous ont été données oralement.
Cette après-midi encore, lors d’une audition, nous avons constaté un décalage entre les propos qui ont été tenus et ce qui nous avait été indiqué précédemment. Je vous remercie donc de bien vouloir faire part – osons le mot – du mécontentement du Sénat, madame la ministre. (Mme la ministre acquiesce.)
Mme Ghislaine Senée. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article unique
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 6325-1, après la référence : « L. 6314-1 », sont insérés les mots : « ou un ou plusieurs blocs de compétences de certification professionnelle mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 6113-1, selon des modalités définies par décret, » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 6325-3, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ou un ou plusieurs blocs de compétences de certification professionnelle mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 6113-1 ».
II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 344 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 243 |
Pour l’adoption | 243 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier les rapporteurs des deux textes que nous avons examinés aujourd’hui, Olivier Henno et Xavier Iacovelli, du travail qu’ils ont réalisé, qui plus est dans des délais extrêmement courts pour le second texte. Je salue de même l’apport, toujours très utile, des services du Sénat.
Nous l’avons vu ce matin et cet après-midi, même si nous ne sommes pas forcément d’accord entre nous, le débat a toujours lieu au Sénat : c’est chaque fois pour nous l’occasion d’affirmer nos convictions.
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 juillet 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l’Assemblée nationale, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (texte de la commission n° 802, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER