Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Szczurek, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° quinquies De renouveler, en complément de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, toutes les installations de production d’électricité d’origine nucléaire de deuxième génération dont la mise en service est antérieure à 2005 par la construction de nouveaux réacteurs nucléaires avec pour objectif le maintien d’une capacité installée de production d’au moins 63 gigawatts au-delà de 2050 ;
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. La transition énergétique ne peut réussir que si elle s’appuie sur un solide socle de continuité et de cohérence. Autrement dit, l’électrification des usages que nous appelons de nos vœux suppose un crantage rigoureux entre les capacités existantes et les infrastructures à venir.
Le texte que nous examinons aujourd’hui doit impérativement affirmer, de façon claire, la nécessité de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires actuels, tout en préparant dès à présent leur remplacement à l’horizon 2050 par de nouveaux réacteurs. Il s’agit de garantir à cette échéance une capacité installée de 63 gigawatts, condition sine qua non de notre indépendance énergétique.
Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz, Fagnen et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 10, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
De tendre vers 52 gigawatts de capacités installées de production d’électricité nucléaire au moins, dont 27 gigawatts de nouvelles capacités, à l’horizon 2050.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Je l’ai dit lors de la discussion générale, le groupe socialiste est favorable à un mix énergétique équilibré et optimal du point de vue des coûts de ses composantes de production, de transport, de distribution et de son adaptabilité.
En l’état actuel des données dont nous disposons, avec l’étude Futurs énergétiques 2050 de RTE qui nous apporte quelques éclairages à ce sujet, le scénario N03 – 50 % de nucléaire et 50 % d’énergies renouvelables non pilotables – est le scénario optimal d’intérêt général national.
L’amendement tend à modifier le texte de l’article pour indiquer que l’objectif est de « tendre vers 52 gigawatts de capacités installées de production d’électricité nucléaire au moins, dont 27 gigawatts de nouvelles capacités, à l’horizon 2050 », ce qui correspond aux six EPR2 prévus et aux huit annoncés.
De la sorte, on répondrait au souci exprimé par M. le ministre lors de la discussion générale, lorsqu’il disait que la guerre fratricide du nucléaire et des énergies renouvelables n’avait que trop duré.
En annonçant que le nucléaire devrait atteindre une proportion de 60 % ou de 70 %, on remet en question le développement engagé des filières de production d’énergies renouvelables non pilotables. Ce n’est pas dans l’intérêt général de notre pays que de procéder de la sorte.
Par ailleurs, cet amendement est compatible avec l’intention des rapporteurs et de la commission des affaires économiques, puisqu’il prévoit « 52 gigawatts […] au moins ».
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par M. Menonville, Mme Gacquerre, M. Laugier, Mmes Saint-Pé, Antoine et Jacquemet, MM. Bacci, Cuypers, Duffourg, de Nicolaÿ et Delcros, Mme Romagny, M. Piednoir, Mme Perrot, M. Mizzon, Mme Patru et MM. Belin et Bleunven.
L’amendement n° 108 rectifié ter est présenté par MM. V. Louault et Laménie, Mme Lermytte, M. Chevalier, Mme Bourcier, MM. Rochette, Grand, Chasseing et Brault, Mmes L. Darcos et Pluchet et MM. Capus et Malhuret.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
l’utilisation
par les mots :
la disponibilité
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
M. Franck Menonville. Cet amendement tend à apporter une précision sur l’objectif de disponibilité assigné au parc nucléaire.
S’il paraît légitime de viser une amélioration de la disponibilité des réacteurs nucléaires, notamment en réduisant la durée de leurs périodes d’arrêt, il serait contre-productif de chercher à tout prix à maximiser leur utilisation.
En France, le parc nucléaire a toujours modulé sa production afin de l’adapter aux variations de la demande des consommateurs d’électricité, historiquement en réduisant sa puissance la nuit ou pendant les week-ends. Cette flexibilité est un avantage caractéristique du parc nucléaire français et elle doit être maintenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour présenter l’amendement n° 108 rectifié ter.
M. Vincent Louault. Monsieur le rapporteur, vous ne cessez de nous répéter qu’il ne faut pas toucher à la rédaction de l’article 3, mais, comme j’ai reçu en commission un avis favorable sur mon amendement, je ne vais pas, maintenant, me mettre à pleurnicher en faisant « ouin »…
Je veux bien qu’un accord ait été passé avec les députés, mais nous sommes ici pour apporter des éléments au texte. Si tout est déjà fait, on peut rentrer chez nous et aller à la piscine : cela nous ferait gagner du temps !
Vous m’avez dit en commission assez sèchement que, comme j’étais un petit nouveau, je ne savais pas qu’ici on n’était pas à l’Assemblée nationale… Je suis tout de même content d’avoir eu un avis favorable !
Mme la présidente. L’amendement n° 100 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
5° sexies A De construire de nouveaux réacteurs nucléaires avec pour objectif que :
« – la construction d’au moins 12 gigawatts de nouvelles capacités soit engagée au plus tard d’ici 2026 pour une mise en route commerciale entre 2034 et 2037 ;
« – la construction d’au moins 12 gigawatts de nouvelles capacités soit engagée au plus tard d’ici 2030 pour une mise en route commerciale entre 2037 et 2040 ;
« – la construction d’au moins 46 gigawatts de nouvelles capacités soit engagée au plus tard d’ici 2035 pour une mise en route commerciale après 2040 afin d’anticiper et compenser l’arrêt progressif des réacteurs du parc nucléaire historique ;
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 100 rectifié est retiré.
L’amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. V. Louault et Laménie, Mme Lermytte, M. Chevalier, Mme Bourcier, MM. Rochette, Grand, Chasseing et Brault et Mmes L. Darcos et Pluchet, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
tendre vers
insérer les mots :
au moins
La parole est à M. Vincent Louault.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Les amendements nos 104 rectifié, 67, 11 rectifié, 108 rectifié ter et 109 rectifié visent à modifier les objectifs de maintien et de renouvellement des capacités nucléaires, prévus à l’article 3, dans des sens opposés.
L’amendement n° 104 rectifié tend à remplacer ces objectifs par un nouvel alinéa qui écraserait en réalité le dispositif phare de la proposition de loi : l’engagement de la construction de 27 gigawatts de nouveau nucléaire d’ici à 2050, dont, je le répète, six EPR2 d’ici à 2026 et huit autres d’ici à 2030. C’est contraire à notre souhait de maintenir la rédaction de l’article 3 que nous avons négociée avec l’Assemblée nationale et adoptée en commission.
L’amendement n° 67 a pour objet d’introduire un nouveau chiffrage de 52 gigawatts de capacités nucléaires d’ici à 2050, existantes comme nouvelles. Cet objectif est moins ambitieux que celui qui est prévu à l’article 3 de la proposition de loi dans sa rédaction actuelle.
Les amendements identiques nos 11 rectifié et 108 rectifié ter tendent à remplacer le mot « utilisation » par celui de « disponibilité », s’agissant de l’objectif d’augmentation des capacités nucléaires. Il s’agit d’une précision rédactionnelle, qui avait d’ailleurs été adoptée par l’Assemblée nationale en commission. C’est l’exception qui confirme la règle : nous y sommes favorables.
En revanche, l’avis est défavorable sur les amendements nos 104 rectifié, 67 et 109 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié et 108 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Margueritte, Mme Gosselin, M. Paccaud, Mme Di Folco, M. Piednoir, Mme Belrhiti, M. Reynaud, Mme Lassarade, M. J.B. Blanc, Mmes P. Martin, Dumont et Canayer, M. Brisson, Mme Ventalon et MM. Sido, Genet, P. Vidal et Bouchet.
L’amendement n° 70 est présenté par MM. Fagnen, Montaugé, Michau, Devinaz et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Après le mot :
alinéa
insérer les mots :
en faisant du retraitement et du recyclage des combustibles usés leur principal mode de gestion,
La parole est à M. David Margueritte, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. David Margueritte. Cet amendement, que j’ai déposé avec ma collègue Béatrice Gosselin, vise à rétablir la rédaction initiale du texte adoptée en octobre 2024, en faisant clairement du principe de traitement-recyclage des combustibles nucléaires usés le mode principal de gestion.
Il s’agit non pas d’une modification technique, mais bien d’un choix stratégique que nous voulons affirmer pour le pays, en faisant progresser la fermeture du cycle nucléaire.
Derrière cet amendement, il y a aussi le projet d’intérêt national Aval du futur d’Orano, qui se déploie sur le territoire du Cotentin : au-delà de créer plusieurs milliers d’emplois, il permettra de faire avancer la filière de traitement-recyclage.
Il est nécessaire pour cette filière que le texte envoie un message fort de confiance dès maintenant, même si le projet ne se déploiera qu’à partir de 2040. Tel est l’objet précis de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour présenter l’amendement n° 70.
M. Sébastien Fagnen. Cet amendement s’inscrit dans le contexte évoqué à l’instant par mon collègue manchois David Margueritte.
Nous avons pu constater, lors de l’examen des amendements précédents, qu’il était possible de faire évoluer la rédaction de l’article 3. Nous en sommes particulièrement heureux, et le serons encore davantage lorsque nous aurons obtenu un avis favorable de nos collègues rapporteurs sur ces amendements.
Ceux-ci ne sont pas que rédactionnels : ils affirment un choix stratégique et technologique quant à l’avenir du recyclage des combustibles usés de la filière nucléaire dans notre pays. Des annonces ont été faites l’an dernier par Bruno Le Maire, alors ministre de l’économie, sur le site de l’usine d’Orano à La Hague quant à l’engagement de deux programmes fondamentaux.
Le premier, Pérennité et résilience, a pour objet de prolonger la vie des usines actuelles qui travaillent au retraitement des combustibles usés ; le second, Aval du futur, permettra enfin d’être à la pointe des innovations technologiques, notamment dans le cadre de la mise en œuvre future des réacteurs à neutrons rapides.
Finalement, ces deux amendements identiques servent à graver dans le marbre législatif les décisions prises lors des derniers conseils de politique nucléaire. Je ne doute pas un seul instant que, de la part aussi bien de nos collègues rapporteurs que de M. le ministre, nous recevrons un avis favorable.
Avec David Margueritte, nous parlons d’une voie commune, pas seulement pour le département de la Manche, mais aussi pour la filière nucléaire française et, surtout, pour la souveraineté énergétique de notre pays et la contribution de cette filière au mix énergétique que nous appelons de nos vœux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Je répondrai pour la France et le département de la Manche ! (Sourires.)
Les amendements identiques nos 7 rectifié et 70 tendent à ajouter une mention sur la nécessité de faire du retraitement et du recyclage des combustibles usés leur principal mode de gestion.
Sur le fond, les projets d’installation de retraitement-recyclage sont déjà pris en compte par les pouvoirs publics. À titre d’illustration, lors du dernier conseil de politique nucléaire du 17 mars 2025, un projet de renouvellement des installations sur l’aval du cycle du combustible nucléaire a été acté.
Malheureusement, mes chers collègues, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Je ne répéterai pas ce qu’a dit M. le rapporteur pour expliquer son avis défavorable ; j’y ajouterai simplement une autre raison.
Je veux d’abord témoigner aux auteurs des amendements le soutien et l’engagement du Gouvernement sur la gestion du projet Aval du futur, qui est évidemment très important.
Mais je rappellerai que l’enjeu du retraitement des déchets est déjà présent dans le code de l’environnement, à l’article L. 542-1-2 : « La réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le retraitement des combustibles usés et le traitement et le conditionnement des déchets radioactifs. » Ces dispositions sont également présentes à l’alinéa 12 du même article.
Les amendements étant, me semble-t-il, déjà satisfaits, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. J’apporterai une précision : la fermeture du cycle, si je ne m’abuse, est prévue depuis la loi de juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
Au travers de ces deux amendements, David Margueritte et Sébastien Fagnen entendent conforter cette disposition, qui a été votée ici même en octobre 2024 à une large majorité, comme cela a été rappelé lors de la discussion générale.
Il n’y a donc là rien de transcendant, si je puis dire. Nous ferions preuve de cohérence en votant ces amendements, qui visent à inscrire dans la loi de manière définitive la fermeture du cycle, et prévoir en quelque sorte l’avenir du nucléaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour explication de vote.
M. Sébastien Fagnen. Finalement, la discussion que nous avons sur ces deux amendements renvoie à celle que nous avons eue lors de la discussion générale. J’entends que les décisions ont été actées en conseil de politique nucléaire, mais nous désespérons de ne pas avoir de projet de loi de programmation énergie-climat, comme la loi y oblige. Dont acte.
Notre collègue Daniel Gremillet – je le remercie de son initiative – nous permet d’avoir ce débat aujourd’hui au Parlement. Nous ne pouvons pas nous satisfaire sur un sujet aussi stratégique d’être renvoyés au compte rendu des conseils de politique nucléaire ou à de futurs décrets.
Sur une question aussi sensible, il faut pouvoir graver la fermeture du cycle dans le marbre législatif à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. C’est la raison pour laquelle nous réaffirmons, de manière transpartisane, la nécessité d’intégrer la rédaction originelle que nous avons adoptée en octobre 2024, comme vient de le rappeler, à juste titre, Stéphane Piednoir. Il ne s’agit de rien d’autre que de cela.
J’espère, mes chers collègues, que vous voterez nos amendements identiques !
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Que nos collègues du Cotentin interviennent comme ils l’ont fait nous semble parfaitement audible, mais cela fait cinquante ans qu’on nous raconte l’histoire de la fermeture du cycle !
On peut prévoir des programmes – « Aval du futur », c’est très joli ! –, mais, quand on parle avec les opérateurs des réacteurs nucléaires, on se rend compte qu’en réalité le traitement des combustibles ou les nouveaux combustibles issus du retraitement, c’est une sacrée galère à gérer !
Ce n’est pas un hasard si l’on utilise aussi peu le MOX dans nos réacteurs : ce combustible est moins stable, et les manipulations sont plus compliquées. C’est aussi pour cela que, depuis tant d’années, malgré les fantasmes d’une forme de mouvement perpétuel du nucléaire, seuls quelques pourcents de la matière issue du retraitement sont réutilisés dans les réacteurs nucléaires. Voilà la réalité : à un moment donné, il faut l’accepter.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Mon cher collègue, ce n’est pas quelques pourcents : on était à 10 %, nous allons passer à 20 %, et peut-être à 30 % demain. Voilà la vraie réalité ! Ce n’est pas l’épaisseur du trait : 10 %, c’était déjà pas mal ; 20 %, ça commence à peser en termes d’économies de combustible…
Mon groupe Les Indépendants votera ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Lors de la discussion générale, je parlais de mirage. On est là devant un mirage, celui de la fermeture du cycle. On en parle depuis des années et des années, on évoque la transmutation.
En fin de compte, que fait-on ? On concentre la radioactivité, mais sans on ne la neutralise pas : elle met des centaines d’années à diminuer, voire des millénaires.
J’entends mes collègues de la Manche, mais cette région marquée par une monoculture du nucléaire est en conséquence presque sinistrée… (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
On hésite à rechercher des fûts très mal entreposés, concentrés dans des piscines. On voit bien à quel point la gestion du nucléaire est calamiteuse : on continue de produire des déchets, mais les piscines nécessaires pour les accueillir n’ont toujours pas été construites ! Les déchets nucléaires émettent de la chaleur, et leur retraitement dans la Manche est un vrai problème. Ce n’est pas un mirage, c’est une réalité !
En outre, le monde est on ne peut plus instable. Nous le savons, si le nucléaire rend la France vulnérable en temps de paix, il rend notre pays indéfendable en temps de guerre. Les piscines de La Hague sont très mal protégées, et s’il y avait un accident, celui-ci provoquerait la libération de plusieurs dizaines de fois la radioactivité émise par Tchernobyl. (MM. Stéphane Piednoir et Sébastien Fagnen s’exclament.)
Je veux bien que certains croient le monde stable ad vitam æternam et qu’il n’y aura pas de soucis, mais ce qui peut être en question demain, c’est la survie de l’Europe de l’Ouest. D’ailleurs, si l’usine de retraitement des déchets nucléaires a été située à La Hague, c’est pour l’éloigner le plus possible, parce que l’on connaît les dangers du nucléaire et de ses déchets.
M. Stéphane Piednoir. Arrêtez ! Comparer La Hague et Tchernobyl, ce n’est vraiment pas sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Nos amis écologistes jouent très bien la comédie et font semblant d’ignorer que ce qui permettra de fermer le cycle est non le MOX, mais les réacteurs à neutrons rapides (RNR).
Nous devrions tous déplorer que, faute de moyens, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ait dû arrêter les recherches et le développement des RNR et du projet Astrid. Voilà la vérité, et tout le reste n’est que littérature !
M. Yannick Jadot. Et donc ? Il n’y a pas de débouchés !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Le débat est sérieux. J’écoute les questions et j’essaie d’y répondre, sans invectiver ceux qui sont contre le nucléaire.
La réalité, c’est que soit nous conservons l’existant, alors que le retraitement des déchets nucléaires n’est actuellement pas satisfaisant, soit nous décidons d’investir et de parier sur l’avenir. La question qui nous occupe est un enjeu d’avenir.
Je partage la remarque de M. Sido : l’arrêt du projet Astrid était, à mon avis, une erreur. Avec la présidente de la commission des affaires économiques, nous visiterons les installations du projet Iter après la suspension des travaux parlementaires : il s’agit là aussi d’un projet d’avenir, même s’il ne portera peut-être ses fruits qu’en 2050, 2060 ou 2070. Nous avons raison de continuer d’investir dans la recherche et développement.
Les recherches actuellement conduites sur la réutilisation de l’uranium usagé intéressent tant les défenseurs que les opposants au nucléaire. En effet, nous avons intérêt à résoudre collectivement le problème du retraitement de ces déchets.
Je voterai ainsi en faveur des deux amendements identiques. Ne pas les adopter reviendrait à faire une erreur stratégique. Nous devons soutenir la filière d’excellence de retraitement des déchets nucléaires, et permettre à Orano de sécuriser son projet d’avenir. (M. Sébastien Fagnen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je ne conteste pas l’intérêt de ces amendements. Ces mesures ont effectivement été votées au Sénat en octobre dernier. Pour autant, nous avons les uns et les autres rappelé le cheminement suivi par cette proposition de loi depuis le 16 octobre dernier et les débats à l’Assemblée nationale.
La commission des affaires économiques a ainsi décidé, au sujet des deux principaux articles de la proposition de loi, à savoir l’article 3 et l’article 5, d’adopter un texte le plus proche possible de la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. Nous assumons cette volonté, que l’auteur de la proposition de loi, Daniel Gremillet, partage avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Antoine Armand, ainsi qu’avec les rapporteurs de la commission des affaires économiques.
Pour cette raison, l’article 3 comporte quelques modifications par rapport au texte que nous avions adopté en octobre dernier. Des points que nous avions alors adoptés ne s’y trouvent plus, parce que nous voulons que sa rédaction soit la plus proche possible de celle de l’Assemblée nationale, afin que nous ayons le plus de chances possible d’aboutir à un vote conforme sur ces deux articles majeurs de la proposition de loi.
Nous avons volontairement resserré la rédaction en ce sens. Chacun prendra ses responsabilités. Mes chers collègues, je souhaite que tous ceux qui partagent la position de l’auteur de la proposition de loi, des rapporteurs et de la commission des affaires économiques puissent, dans l’hémicycle, voter en suivant l’avis de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente de la commission, je vous remercie de vos propos, et je veux affirmer mon soutien aux rapporteurs.
Dans la version initiale du texte, la précision que les auteurs de ces amendements identiques souhaitent apporter était présente. Nous en sommes à la deuxième lecture de ce texte. Nous le savons tous, l’enjeu est désormais davantage d’obtenir la relance du nucléaire que de défendre cette précision.
Mes collègues ayant signé cette proposition de loi et moi-même avions initialement apporté une telle précision au sujet du traitement des déchets nucléaires. Si nous acceptons de ne pas la conserver dans le texte, c’est parce que nous devons, en deuxième lecture, nous donner toutes les chances de relancer le nucléaire. Nous devons tenir compte du fait que l’Assemblée nationale, toutes sensibilités confondues, a adopté l’article 3.
Cela fait partie de notre rôle. Il s’agit d’une loi quinquennale. Nous partageons évidemment les mêmes positions au sujet de la fermeture du cycle du combustible. Je me fais violence pour ne pas trop intervenir, mais cette disposition, tout comme celle qui était défendue par Stéphane Piednoir à l’amendement n° 12 rectifié bis, était comprise dans le texte initial.
Pour donner un cap énergétique à la France, les deux assemblées doivent se mettre d’accord avant la parution du décret. Ainsi que nous le revendiquions, la représentation nationale a eu la chance de débattre du futur énergétique. Je souhaite que, en définitive, nous ayons effectivement la capacité de relancer la politique nucléaire dans le pays, ce dont nous avons vraiment besoin et ce qui serait historique.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié et 70.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
(Mme Sylvie Vermeillet remplace Mme Anne Chain-Larché au fauteuil de la présidence.)