M. Guy Benarroche. Enfin, vous savez très bien que l’inexécution d’une OQTF ne résulte pas uniquement d’erreurs administratives. Cela n’arrive que dans des cas exceptionnels, comme dans l’affaire qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi. De même, son exécution ne dépend pas de la durée du séjour en CRA. Aujourd’hui, il n’y a aucun lien avéré entre la durée de rétention et le nombre plus ou moins grand d’OQTF exécutées.

Vous savez très bien que le nombre d’expulsions dépend essentiellement de notre puissance diplomatique et de notre capacité à faire en sorte que les étrangers concernés puissent retourner chez eux une fois les documents nécessaires obtenus.

Brandir des crimes odieux comme vous le faites, monsieur le ministre, peut produire un bel effet sur un certain nombre de journalistes, de médias, voire sur une partie de l’opinion publique, mais ce n’est pas la réalité, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 5.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Article 2 bis (texte non modifié par la commission)

Article 2

(Non modifié)

L’article L. 743-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) La seconde phrase est supprimée ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le quatrième alinéa du présent article est également applicable lorsque l’intéressé fait l’objet d’une peine d’interdiction du territoire, d’une condamnation définitive pour l’un des crimes ou délits mentionnés à l’article L. 742-6 du présent code ou d’une décision d’expulsion ou d’interdiction administrative du territoire ou si son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.

« Dans les cas prévus aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article, l’intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 6 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Christophe Chaillou. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, lequel prévoit de généraliser le caractère suspensif de l’appel interjeté par le préfet contre une décision du juge des libertés et de la détention mettant fin à la rétention administrative, et ce à chaque fois qu’est visé un étranger sous le coup d’une mesure d’éloignement. En effet, un tel dispositif revient de fait à remettre en cause la décision du juge des libertés et de la détention et, surtout, conduit mécaniquement à allonger la durée de rétention jusqu’à la décision en appel.

Comme cela a été dit à plusieurs reprises, les CRA sont en situation de saturation. Monsieur le ministre, vous avez annoncé le déploiement d’un plan « CRA 3000 ». Or, vous le savez bien, un certain nombre de centres de rétention administrative n’ont pas le personnel leur permettant d’atteindre véritablement leur capacité d’accueil maximale. D’ores et déjà, il existe donc de nombreuses difficultés et les tensions sont très fortes.

Le fait de maintenir éternellement des personnes en rétention ne modifiera pas fondamentalement les choses. Contrairement à ce que j’ai entendu dire tout à l’heure, il est faux d’affirmer que le dispositif fonctionnera mieux si l’on prolonge de cent jours la durée maximale de rétention, sachant que le délai moyen pour qu’une décision d’éloignement du territoire soit prise est de quinze jours.

Par cet amendement de suppression, nous demandons le retour à la situation de droit commun. Nous souhaitons revenir à un dispositif plus censé, plus équilibré, qui respecte nos principes fondamentaux.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Guy Benarroche. Pour compléter les propos de M. Chaillou, j’indique que l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des personnels qui travaillent dans les CRA, des services de police ou de ceux du ministère de l’intérieur, reconnaissent qu’une longue période d’enfermement en CRA, sans éloignement effectif, aboutit de fait à une dégradation de l’état de santé des personnes concernées, à une hausse des tensions au sein des centres, les personnels n’étant pas formés pour gérer ce type de situation, dans des lieux qui ne sont pas prévus pour cela, ainsi qu’à une saturation des juridictions.

Nous discutons régulièrement de la politisation des pouvoirs du préfet : non seulement ces pouvoirs sont appliqués de manière très variable selon les territoires, mais ils entraînent un recours abusif à la rétention administrative, faisant de celle-ci un outil de gestion de la politique sécuritaire plutôt qu’un moyen de garantir l’exécution des mesures d’éloignement. Cet empiétement du pouvoir administratif sur le pouvoir judiciaire va aussi à l’encontre du principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire, qui découle de l’article 64 de la Constitution.

Au vu de ces conséquences désastreuses, de la multiplication du nombre des rétentions administratives et de l’allongement de leur durée, qui ne permettent pas, j’y insiste, de rendre plus effectives les décisions d’éloignement, notre groupe s’oppose au caractère suspensif de l’appel du préfet contre la décision du juge des libertés et de la détention de lever une décision de placement en CRA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’article 2. Or l’effet suspensif de l’appel contre la décision de remise en liberté est nécessaire et proportionné.

Une telle mesure est nécessaire tout d’abord parce que la remise en liberté immédiate des étrangers concernés reviendrait à priver l’appel d’objet. Dans l’hypothèse où la cour d’appel annulerait la décision de première instance et accorderait une prolongation de la rétention, quel serait l’effet de cette décision si l’étranger était libéré et – on ne peut en douter – s’était enfui ?

Elle est proportionnée, ensuite, parce que la remise en liberté immédiate d’un étranger qui a commis des faits graves ou qui présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public revient à créer un risque inacceptable pour la sécurité de nos concitoyens. L’actualité est malheureusement riche de tels exemples.

En outre, la durée pendant laquelle l’étranger est maintenu à la disposition de la justice est très brève, puisqu’elle ne peut excéder soixante-douze heures, soit le délai d’appel de vingt-quatre heures et le délai de quarante-huit heures dont dispose le juge d’appel pour statuer.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

J’ajouterai deux éléments à l’argumentaire de Mme la rapporteure.

Premièrement, si l’on veut protéger les Français, il faut que l’appel du préfet soit suspensif. Croyez-moi, dans bien des affaires, si le préfet avait disposé d’un tel pouvoir, un certain nombre de Français auraient été beaucoup mieux protégés. Cela doit être notre obsession.

Deuxièmement, la portée de cette règle est assez modeste. Je rappelle que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile érige en principe que l’appel n’est pas suspensif, sauf exception, lorsque la personne est poursuivie pour terrorisme. L’article 2 prévoit tout simplement d’étendre cette exception à la liste des infractions particulièrement graves que j’ai citées tout à l’heure. Je ne l’ai d’ailleurs pas inventée, puisqu’elle figure à l’article 1er de la présente proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui viennent d’être développés par mes collègues. Je tiens seulement à préciser que l’une des raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression de l’article 2 tient à l’incertitude qui est la nôtre – et je me tourne vers vous, monsieur le ministre – quant à la compatibilité de cette mesure, qui permettrait de suspendre les délais d’appel, voire les délais de recours, avec le pacte sur la migration et l’asile, dont vous avez vous-même parlé tout à l’heure.

Vous avez indiqué qu’à la rentrée prochaine vous feriez un point devant la représentation nationale sur la mise en œuvre de ce pacte, qui suscite beaucoup d’interrogations. Un certain nombre d’éléments de ce pacte relevant malheureusement – c’est ce qui semble se profiler – d’un règlement et non d’une directive, le Parlement ne pourra pas les examiner.

La commission des affaires européennes du Sénat a d’ailleurs indiqué, dans un avis motivé, qu’elle considérait que ce règlement n’était pas conforme au principe de subsidiarité. Aussi les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aimeraient-ils être certains que les dispositions de la présente proposition de loi seront bien conformes aux règles en matière de recours qui régiront prochainement notre droit, à la suite de la réforme de la directive Retour.

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Madame la sénatrice, il faut distinguer, d’une part, le pacte sur la migration et l’asile, et, d’autre part, la transformation de la directive Retour en règlement.

D’abord, le pacte sur la migration et l’asile est tout simplement un ensemble de règles en matière de contrôle des frontières extérieures. Il n’entre pas directement dans le champ de cette proposition de loi. Cela étant, ce pacte comprendra un certain nombre d’outils beaucoup plus restrictifs, par exemple pour les demandeurs d’asile, dont la probabilité d’obtenir le statut de réfugié est aujourd’hui inférieure à 20 %.

Ce pacte va aussi contribuer à accélérer les procédures et offrir la possibilité à ces demandeurs d’asile d’être placés en zone d’attente, et, donc, de rester sous la main, si j’ose dire, en attendant le terme de la procédure. Dans ce cas de figure, l’Allemagne, comme d’autres États, souhaiterait que l’appel n’ait plus du tout de caractère suspensif.

Ensuite, il y a la directive Retour, qui deviendra le règlement Retour. La Commission européenne a mis sur la table un projet de règlement qui prévoit de porter la durée de rétention de tous les étrangers, et pas seulement de ceux qui pourraient être dangereux, de dix-huit mois à vingt-quatre mois. Cette réforme du droit européen va nettement plus loin que les évolutions que nous envisageons, via notamment cette proposition de loi d’initiative sénatoriale, pour améliorer la protection des Français.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 6.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Article 3 bis (texte non modifié par la commission)

Article 2 bis

(Non modifié)

L’article L. 741-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de refus caractérisé de l’étranger de se soumettre au relevé des empreintes digitales et à la prise de photographies lors de son placement en rétention administrative et lorsque ces opérations constituent l’unique moyen de l’identifier avec certitude, l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire peut, sur autorisation du procureur de la République que l’officier de police judiciaire a saisi préalablement d’une demande motivée, procéder à cette opération sans le consentement de l’intéressé, en présence de son avocat. L’étranger doit avoir été dûment informé des conséquences de son refus. L’opération prévue au présent alinéa fait l’objet d’un procès-verbal, qui mentionne le jour et l’heure auxquels elle a lieu. Ce procès-verbal est présenté à la signature de l’étranger intéressé, qui est informé de la possibilité de ne pas le signer. S’il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’intéressé. Le recours à la contrainte est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne. L’article L. 824-2 demeure applicable. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 7 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Christophe Chaillou. L’article 2 bis prévoit la possibilité de recourir à la contrainte physique pour relever les empreintes digitales des personnes refusant de se soumettre à une telle démarche.

Je formulerai trois remarques.

Première remarque, cet article est de toute évidence un cavalier législatif.

Ma deuxième remarque porte sur les tensions qui peuvent éclater dans les CRA. Nous craignons fortement que la mise en œuvre de mesures contraignantes, comme celle que prévoit cet article 2 bis, qui est d’ailleurs attentatoire aux droits de la personne, soit problématique, notamment parce qu’elles concernent des personnes qui sont souvent très malades, parfois dans des états d’excitation difficiles. Le dispositif de cet article nous paraît exposer les personnels des centres de rétention administrative à des situations particulièrement complexes.

Enfin, ma troisième remarque porte sur l’utilité de cette disposition. Compte tenu des circulaires qui ont été prises il y a quelques mois, les personnes qui se trouvent aujourd’hui dans des centres de rétention administrative ont été condamnées à des peines de prison. Dans la mesure où elles ont été incarcérées, leurs empreintes digitales et leur photographie ont en toute logique été prises, et ce en vertu d’un cadre parfaitement légal.

Je ne vois pas ce que cette mesure apportera de plus par rapport aux dispositions existantes, sinon davantage de tensions, de difficultés, notamment pour les agents des centres de rétention administrative.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Guy Benarroche. Il convient d’ajouter aux arguments avancés par mon collègue Christophe Chaillou contre le recours à la contrainte pour la prise des empreintes digitales et de photographies des étrangers, en premier lieu que les articles L. 821-2, L. 822-1 et L. 824-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile punissent déjà d’un an d’emprisonnement le fait de refuser le relevé de ses empreintes digitales. Aussi, en permettant le recours à la contrainte, l’article 2 bis s’inscrit dans une dynamique qui renforcera la déshumanisation des personnes placées dans les CRA.

En second lieu, le recours à la coercition, alors que ces personnes ne sont pas suspectées, je le rappelle, d’avoir commis une infraction pénale, porte atteinte au droit au respect de la présomption d’innocence et au principe de dignité de la personne humaine. Il participe également à la hausse des tensions, comme l’a très bien rappelé M. Chaillou, entre les agents des CRA et les personnes retenues ; une telle mesure dégrade de ce fait les conditions de travail des personnels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Lauriane Josende, rapporteure. L’article 2 bis, introduit à l’Assemblée nationale par notre regretté collègue Olivier Marleix, autorise la prise d’empreintes et de photographies sans le consentement de l’étranger placé en rétention administrative.

En effet, l’une des principales difficultés auxquelles nous nous heurtons pour mettre en œuvre l’éloignement de ces personnes réside dans leur identification et la détermination de l’État dont ils sont ressortissants, ce dont tous les praticiens peuvent témoigner. La jurisprudence comporte de nombreux exemples dans lesquels l’étranger refuse de donner ses empreintes afin de dissimuler son identité, et, par conséquent, de faire obstacle à son éloignement, ce qui conduit souvent le juge à prolonger sa rétention.

Ces dispositions devraient donc contribuer à réduire la durée de rétention, ce dont vous devriez vous féliciter, mes chers collègues.

Sur le fond, il s’agit de mettre fin à une situation absurde : aujourd’hui, l’étranger est tenu, sous peine de sanctions pénales, de donner ses empreintes digitales, mais on ne peut l’y contraindre. Une telle situation revient donc à engorger la justice pénale pour des sanctions dérisoires et à encourager ces comportements d’obstruction. C’est inacceptable !

Quant à la violence que vous décrivez, il ne faut pas l’exagérer : d’ailleurs, en ouvrant la possibilité d’un recours à la contrainte, je ne doute pas que nous verrons le nombre de refus diminuer.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Permettez-moi de citer les extraits de deux décisions du Conseil constitutionnel, puisque j’ai entendu dire que certaines dispositions figurant dans ce texte violeraient nos règles de droit.

Le 25 janvier 2024, quelques semaines après l’adoption du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, le Conseil constitutionnel a censuré, en statuant sur le fond, un article qui prévoyait la prise d’empreintes, ce qui nous permet aujourd’hui de disposer d’une analyse argumentée du Conseil sur une telle mesure. Dans sa décision, le juge constitutionnel a reconnu que cette mesure avait ainsi « poursuivi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle ». C’était en 2024.

Par ailleurs, dans sa décision du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel explique que la prise d’empreintes est un « prélèvement externe », c’est-à-dire un prélèvement « n’impliquant aucune intervention corporelle interne », qui « ne comportera donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés ».

Par conséquent, à deux reprises, à vingt ans d’intervalle, le Conseil constitutionnel a estimé qu’une prise d’empreintes, même quand elle est forcée, respecte pleinement nos règles de droit.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 7.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

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Article 2 bis (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Article 5

Article 3 bis

(Non modifié)

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 523-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Si, au regard de la gravité et de l’actualité de la menace et sur la base d’une appréciation au cas par cas, cette mesure s’avère insuffisante, l’autorité administrative peut le placer en rétention. Ces mesures sont applicables uniquement à l’étranger qui n’est titulaire d’aucun document de séjour en cours de validité, sans préjudice de l’attestation mentionnée à l’article L. 521-7. » ;

b) Après la référence : « L. 521-1 », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « et qui présente un risque de fuite peut faire l’objet d’une assignation à résidence afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d’asile. Si cette mesure est insuffisante, sur la base d’une appréciation au cas par cas, l’autorité administrative peut le placer en rétention. » ;

2° L’article L. 523-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par les mots : « et ne présente pas de garanties de représentation effectives suffisantes » ;

b) Le 4° est complété par les mots : « et ne présente pas de garanties de représentation effectives suffisantes » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 523-6 est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « En l’absence d’introduction de la demande d’asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention ou » sont supprimés ;

b) Après la deuxième occurrence du mot : « décision », sont insérés les mots : « de clôture, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 8 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Christophe Chaillou. L’article 3 bis prévoit le placement en rétention administrative de demandeurs d’asile, alors même qu’aucune mesure d’éloignement n’a encore été décidée à leur encontre.

Je rappelle que la finalité de la rétention administrative est de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. Nous parlons ici non pas d’un système de détention ou d’une prison, mais d’un dispositif ayant pour objet de permettre la reconduite effective d’un étranger à la frontière. Aussi, ne le détournons pas de son objectif premier pour enfermer des personnes dont la demande d’asile est en cours d’examen.

Nous le savons tous, l’asile est, pour un étranger, une protection contre son renvoi vers un pays où il craint des persécutions. En autorisant le placement en rétention des demandeurs d’asile avant même l’instruction de leur demande, cet article 3 bis tend à les exposer, de manière anticipée, à un risque que la procédure d’asile vise justement à prévenir.

Par ailleurs, le placement en rétention administrative compromet l’effectivité d’un certain nombre de droits procéduraux des demandeurs d’asile, notamment le droit de faire valoir les éléments de leur demande dans des conditions dignes et équitables.

Dans ce contexte, une telle disposition nous paraît complètement disproportionnée et contraire à un certain nombre de nos principes, notamment le principe de nécessité. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Guy Benarroche. Bis repetita placent… L’argumentaire de M. Chaillou est implacable. Sa description correspond par ailleurs exactement à la réalité.

La situation est aujourd’hui ubuesque : les centres de rétention administrative sont destinés à placer en rétention un certain nombre de personnes qui doivent quitter le pays, parce qu’elles sont sous le coup d’une OQTF ; or cet article 3 bis, dont je me demande bien par quelle aberration il figure dans le texte, prévoit que des personnes n’étant pas sous le coup d’une telle mesure – il s’agit de simples demandeurs d’asile – peuvent être placées en centre de rétention administrative dans l’attente d’être expulsées de notre pays.

Cet amendement ne me semble obéir à aucune logique particulière. J’aurais même tendance à estimer qu’il s’agit d’un cavalier législatif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Dans sa décision rendue le 23 mai dernier en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, s’il a censuré les dispositions relatives aux motifs du placement en rétention des demandeurs d’asile issues de la loi du 26 janvier 2024, n’a pas remis en cause leur principe même.

L’article 3 bis a précisément pour objet de tirer les conséquences de cette décision. Le placement en rétention des demandeurs d’asile serait désormais possible dans deux cas de figure limitatifs : d’une part, en cas de menace à l’ordre public, celle-ci devant être grave et actuelle ; d’autre part, en cas de risque de fuite, lorsque l’étranger a présenté sa demande devant une autorité autre que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Je rappelle enfin que le droit européen, et plus précisément la directive Accueil de 2013, permet, dans des conditions d’ailleurs beaucoup moins restrictives, le placement en rétention des demandeurs d’asile. En effet, la demande d’asile ne doit pas être détournée afin de faire obstacle à l’éloignement du territoire national des étrangers en situation irrégulière. C’est là un constat de bon sens. Nous constatons malheureusement trop souvent un tel détournement. L’article 3 bis permettra de lutter contre ce phénomène.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 8.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(Larticle 3 bis est adopté.)

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Article 3 bis (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Article 6

Article 5

(Non modifié)

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 813-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il précise le jour et l’heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci, les heures auxquelles la personne retenue a pu s’alimenter et, le cas échéant, la prise d’empreintes digitales ou de photographies ainsi que l’inspection visuelle ou la fouille des bagages et effets personnels et les dates et heures de début et de fin de ces opérations. – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Article 7

Article 6

(Non modifié)

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° G L’article L. 761-8 est ainsi modifié :

a) Le 5° est ainsi modifié :

– les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre-vingt-seize heures » ;

– à la fin, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « cent vingt heures » ;

b) Le 6° est ainsi modifié :

– les mots : « vingt-huit jours » sont remplacés par les mots : « vingt-six jours » ;

– les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre-vingt-seize heures » ;

– à la fin, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « cent vingt heures » ;

c) Au deuxième alinéa du 7°, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « cent vingt heures » ;

1° à 3° (Supprimés)

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures relevant de la compétence de l’État nécessaires à l’application et, le cas échéant, à l’adaptation de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Cette ordonnance est prise dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’ordonnance – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7

(Non modifié)

Les articles 1er à 4 et 6 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi – (Adopté.)