Chacun le sait, le paysage audiovisuel connaît un bouleversement rapide et irréversible. La télévision linéaire perd du terrain. Chez les 15-34 ans, elle est déjà moins centrale ; chez les moins de 25 ans, elle a pour ainsi dire disparu des usages quotidiens.
Les médias historiques sont donc désormais confrontés à la concurrence de grandes plateformes internationales, aux moyens considérables.
Cette concurrence n'est pas seulement de nature financière et technique ; elle est aussi culturelle, car ces plateformes, peu régulées, imposent à notre jeunesse leurs références, leur imaginaire et leur vision du monde.
Nous le disions déjà il y a deux ans : il y a urgence à agir. C'est plus que jamais vrai aujourd'hui.
Les acteurs privés s'adaptent. Nous l'avons vu récemment avec l'accord entre TF1 et Netflix, qui traduit une véritable acceptation de la part d'un acteur français de la nécessité de nouer des accords avec les plateformes.
Les acteurs publics doivent être en mesure de rester dans la course. C'est bien l'enjeu de la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui. Cela implique de porter une stratégie commune et de regrouper les moyens.
Ce texte est bien celui que nous avons voulu et porté au Sénat il y a deux ans, fruit du travail de la commission de la culture depuis de nombreuses années. Nul ne peut prétendre découvrir cette proposition de loi, d'autant que le texte transmis par l'Assemblée nationale est strictement identique à celui que nous avions adopté ici même il y a deux ans.
Le travail de la commission en seconde lecture s'est inscrit dans une grande fidélité à ce texte. Je remercie d'ailleurs pour leur implication, leur travail, ainsi que leur engagement, les deux rapporteurs qui se sont succédé, Jean-Raymond Hugonet et Cédric Vial.
L'objectif est clair : la mise en œuvre d'une stratégie unifiée, une mise en commun des moyens pour optimiser les investissements sans effacement des identités ni uniformisation des lignes éditoriales.
La structure mise en place devra rester légère et de coût limité pour que cette réforme parvienne à son objectif.
Sur le fond, les points restant en débat sont en fait assez limités. J'en relève principalement deux : la présence de France Médias Monde dans la holding et le maintien de la seconde partie du texte.
Concernant France Médias Monde, la commission de la culture a réaffirmé son souhait qu'elle soit présente dans la holding pour permettre à notre audiovisuel extérieur de bénéficier des synergies fortes rendues possibles par cette organisation commune.
Nous savons que, sur ce sujet, le débat transcende les groupes politiques. En revanche, il y a un point sur lequel nous serons d'accord : que l'on soit pour ou contre la holding, l'absence de France Médias Monde – et, d'une certaine manière, je le regrette – ne remettra pas en cause l'existence de cette holding. Je ne dirai évidemment pas la même chose de France Télévisions, de Radio France ou même de l'INA.
En ce qui concerne la seconde partie de la proposition de loi, la commission a souhaité la maintenir.
Elle comporte un nombre limité de dispositions visant à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques, qu'ils soient privés ou publics, en termes de concurrence. Ces dispositions ont toute leur place dans le texte que nous examinons, notamment dans l'objectif de maintenir notre souveraineté. Elles sont en outre – je tiens à le dire – attendues par les entreprises du secteur, qui nous demandent depuis deux ans de maintenir cette partie du texte.
Pour conclure, je forme le vœu, mes chers collègues, que nos débats, après avoir un peu dévié depuis quinze heures, reviennent à la question centrale de l'audiovisuel public, de son avenir, du maintien de ses spécificités, de son adaptation aux nouvelles technologies et à son environnement concurrentiel actuel.
Ayons ce débat en toute sérénité, dans un esprit de responsabilité, avec l'exigence que mérite ce sujet fondamental pour notre souveraineté culturelle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, met à disposition les images d'archives dont il assure la conservation et le dépôt légal, avec des commentaires qui éclairent notre passé récent.
Ainsi, l'on peut regarder, sur son site, un entretien donné le 3 juillet 1974 par le Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, sur la réforme de l'Office de radiodiffusion-télévision française, l'ORTF.
Le président de la République d'alors, Valéry Giscard d'Estaing, voulait rénover la société française et considérait que l'ORTF devait y contribuer, en abandonnant son organisation trop verticale, sa centralisation excessive et en l'affranchissant d'une tutelle politique oppressante.
Jacques Chirac expliquait qu'il était indispensable de démanteler l'Office pour permettre à l'audiovisuel public de mieux affronter les défis futurs et qu'il devait être remplacé par des « unités à taille humaine » et des entités « autonomes et entièrement responsables » afin d'assurer leur indépendance et leur compétitivité.
Cinquante ans plus tard, la présente proposition de loi, à rebours de la réforme de 1974, recompose la centralité, la verticalité et le pouvoir d'un seul sur des entités qui ont pleinement mis à profit leur autonomie pour s'adapter, évoluer et progresser.
Pourquoi ce retour à l'ORTF ? (Sourires.) Quel est l'objectif politique de la reconstitution d'un combinat ?
L'audiovisuel public n'a pas démérité, bien au contraire. Alors que la demande a considérablement évolué et que les usages ont été bouleversés par les nouvelles technologies, le service public a su s'adapter pour devenir la référence d'une grande majorité de ses usagers.
Fidèle à ses missions, l'audiovisuel public propose des informations, des connaissances et des confrontations respectueuses du pluralisme et de la diversité des opinions, sans jamais oublier qu'il doit sa spécificité au rôle qui lui a été donné de contribuer à la formation de l'esprit critique de tous les citoyens.
Je souhaite remercier avec chaleur et sincérité tous les personnels de l'audiovisuel pour leur engagement au service de cette noble cause. Vous cherchez l'identité de la France ? Elle est là, dans cette volonté de s'affranchir des idées imposées comme des dogmes pour fournir à chacun les moyens de se forger sa propre opinion et de donner du sens à un monde dont l'évolution, aujourd'hui, nous échappe.
Ne pouvant citer toutes les productions qui, selon moi, ont participé avec force à cette mission, j'aimerais dire ma grande satisfaction de savoir que la série consacrée à l'affaire Dreyfus et produite par Philippe Collin pour France Inter a été téléchargée plusieurs millions de fois.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Une très bonne série !
M. Pierre Ouzoulias. La collection Face à l'Histoire, dont elle est tirée, cumule vingt-sept millions de téléchargements. L'émission Alfred Dreyfus, le combat de la République a sans doute beaucoup plus contribué à la lutte contre l'antisémitisme que tous nos discours et toutes nos lois.
Non, madame la ministre, l'audiovisuel public n'intéresse pas seulement les cadres supérieurs. Il a fait le pari de l'intelligence et ce pari est gagnant, car jamais les audiences de ses composantes n'ont été aussi élevées.
Je ne doute pas que, dans cet hémicycle, nous soyons tous réunis pour défendre l'audiovisuel public et lui donner les moyens de poursuivre sa mission de service public dans l'intérêt général de la Nation.
La seule question qui vaille maintenant est de se demander si la réorganisation que vous nous proposez est le moyen le plus efficace de le renforcer.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Pierre Ouzoulias. Nous en doutons absolument et le débat qui vient nous permettra de démontrer que tel n'est pas le cas. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu'elle est restée en suspens pendant deux ans dans la navette parlementaire, alors qu'elle a été rejetée par l'Assemblée nationale il y a quelques jours, nous assistons aujourd'hui à votre obstination à ressusciter cette proposition de loi dont personne ne veut, y compris dans le camp présidentiel.
Nous voilà sommés de prendre part à cette parodie législative, au stade de la deuxième lecture, sans conduite d'auditions et désormais contraints par la règle de l'entonnoir. Quelle urgence justifie cette accélération de calendrier ?
Comme tout service public, nos chaînes audiovisuelles doivent se moderniser et s'adapter à la nouvelle donne numérique. Personne ne le conteste ici.
En réalité, depuis la création de France Télévisions en 1992, les sociétés de l'audiovisuel public sont déjà engagées dans la réforme, une réforme sans fin avec la remise en question perpétuelle de leurs conditions de travail.
Depuis la proposition de Franck Riester, alors ministre de la culture, la menace d'une fusion globale a alimenté une guerre des chefs au détriment des personnels. L'essence même de leur métier est constamment remise en cause. Nous apprenions encore hier que Delphine Ernotte allait dénoncer l'accord collectif.
Nous pourrions rejoindre vos constats : il faut adapter le cadre légal à la concurrence des plateformes et aux nouveaux moyens de diffusion de l'information. Notre commission d'enquête sur la concentration des médias en France avait fait des recommandations en ce sens, notamment pour intégrer le visionnage en ligne au calcul de l'audience.
Mais, sur l'ensemble des articles de ce texte, quelles dispositions participent réellement des réponses à apporter à ces questions ?
À la hâte, une ébauche d'étude d'impact a été commandée à Laurence Bloch pour tenter de justifier l'existence de ce texte. Préserver l'essence des métiers, monter en puissance sur le numérique, garantir la diversité des contenus : aucun des principes directeurs qu'elle énumérait comme garde-fou à la fusion dans une holding ne figure aujourd'hui dans ce texte. Nos amendements pour apporter de maigres garanties ont été systématiquement écartés en commission.
Vous proposez au contraire de donner un rôle exécutif à un seul dirigeant, avec un pouvoir de décision et d'action inédit. Les organisations syndicales n'ont pas été écoutées. Les parlementaires n'ont pas été écoutés. Même les auteurs de votre étude d'impact n'ont pas été écoutés. Qui écoutez-vous ?
Seuls les dirigeants des médias privés ont été entendus. L'indépendance des médias en ressort vraiment affaiblie.
L'esprit même de cette proposition de loi est dangereux pour quiconque prétend vouloir vivre en démocratie et défend la liberté d'expression.
Je vais essayer de vous convaincre, monsieur Lafon, monsieur Vial.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Essayez !
Mme Monique de Marco. Imaginez un instant que, contre tous vos pronostics électoraux, les écologistes l'emportent sur l'extrême droite à la prochaine élection présidentielle. (Sourires.)
Mme Colombe Brossel. Enfin !
Mme Monique de Marco. Imaginez un instant que, par un rebondissement historique, des personnalités de sensibilité écologiste prennent le pouvoir dans les groupes audiovisuels privés,…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est déjà le cas ! (Sourires.)
Mme Monique de Marco. … que ces dirigeants et dirigeantes partagent des dîners avec Marine Tondelier, devenue cheffe de l'État.
Imaginez que, dans le même temps, l'audiovisuel public soit devenu le bastion de la pensée conservatrice. Imaginez que Pascal Praud soit devenu le directeur des antennes de France Inter ! (Rires.)
Mme Laurence Rossignol. Ils adoreraient !
Mme Monique de Marco. Dans de telles circonstances, voteriez-vous un texte qui concentre dans les mains d'une seule personne les moyens de l'ensemble de l'audiovisuel public, ce texte qui accélère aussi, dans sa seconde partie, des opérations de concentration médiatique dans le privé ? En d'autres termes, cette proposition de loi est-elle autre chose qu'un texte de circonstance ?
Les clés de l'indépendance de l'audiovisuel public reposent sur deux piliers : l'indépendance politique, par une gouvernance plurielle, et l'indépendance financière, par un financement autonome stable à la hauteur des besoins. Nous n'avons ni l'un ni l'autre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Ouzoulias et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, renforcement des moyens de l'audiovisuel public, aggiornamento de son modèle économique, place de l'audiovisuel public dans la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères – fléau informationnel du XXIe siècle –, distribution et diffusion à l'ère des plateformes – un sujet fondamental, comme en témoigne le récent accord entre France Télévisions et Prime Video –, révolution du podcast, nouveaux usages de la radio, rôle moteur de l'audiovisuel public en matière de pluralisme dans une société chaque jour plus polarisée, mission de service public toujours plus indispensable dans un paysage médiatique en pleine mutation : autant de questions cruciales que cette réforme élude totalement, alors qu'elles sont au cœur de toute ambition pour l'audiovisuel public.
À l'inverse, nous nous retrouvons à nous focaliser sur une discussion d'abord organisationnelle, à savoir sa gouvernance. Est-ce à dire qu'il ne faut pas en débattre ? Certainement pas. Est-ce à dire que la gouvernance doit être le prérequis et les prémisses de toute réflexion collective sur l'audiovisuel public ? Certainement pas.
« Le statu quo n'est plus possible » : voilà le nouveau slogan martelé par les partisans de ce texte, qui a pris le relais du fameux « BBC à la française ». Mais personne sur ces travées ne prône l'immobilisme, monsieur le rapporteur. Mes chers collègues, ne confondez pas tout : refuser cette réforme, c'est refuser un recul maquillé en modernisation.
Ainsi, notre opposition à cette proposition de loi tient au décalage entre ce qu'elle prétend être et ce qu'elle entraînera : en l'occurrence, un affaiblissement durable de l'audiovisuel public.
Pour commencer, je m'attarderai assez peu sur la méthode, que j'ai dénoncée maintes fois. Réformer la gouvernance ne peut pas se faire sans véritable concertation avec les professionnels ni étude d'impact. C'est une condition sine qua non pour rendre tout projet de transformation acceptable.
Or l'étude d'impact transmise par l'exécutif n'en est pas une. Au mieux se révèle-t-elle comme un vaste exposé des motifs. En tout cas, ce document finit par perdre toute crédibilité quand il est affirmé de manière péremptoire que créer une holding, mes chers collègues, ne coûtera rien ! C'est un point majeur qui, d'ailleurs, a été démenti, y compris dans le rapport pourtant pro domo de Laurence Bloch.
Ensuite, sur le fond, cette holding exécutive est un cheval de Troie. Elle est l'étape intermédiaire vers la fusion de l'audiovisuel public, objectif avoué à demi-mot. Souvenez-vous qu'à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait enfin abattu ses cartes avant de rétropédaler, faute de majorité.
Par-delà le contenu de cette proposition de loi, avec lequel nous sommes en profond désaccord, le mouvement qu'elle initie est particulièrement dangereux. Sous l'argument spécieux « en vous rassemblant, vous serez plus forts » se cache une double fragilisation de l'audiovisuel public : sur le volet budgétaire, d'une part, et sur celui de l'indépendance, d'autre part.
Sur le premier volet, qui peut croire sérieusement, dans le contexte actuel, que la holding ne coûtera rien ? La holding exécutive n'est-elle pas le meilleur moyen de réduire le budget alloué à l'audiovisuel public et de réduire ses effectifs ?
Il faut souligner que, depuis 2017, l'audiovisuel public a perdu 776 millions d'euros en valeur réelle. En 2025, 80 millions d'euros de crédits ont été annulés en cours d'exercice. Ceux qui défendent bec et ongles la réforme de la gouvernance au nom de sa modernisation sont les mêmes que ceux qui la condamnent dans les actes, en amputant constamment son budget.
Où est la cohérence ? Comment avoir confiance dans un gouvernement et une majorité sénatoriale qui vont à l'encontre des intérêts de l'audiovisuel public ?
L'horizon est d'autant plus sombre qu'aucune éclaircie n'est à attendre en 2026 dans la mesure où Bercy a d'ores et déjà ciblé l'audiovisuel public. Dans un contexte où les finances publiques sont particulièrement dégradées, transformer la gouvernance revient à l'affaiblir gravement. C'est offrir sur un plateau l'instrument parfait pour réaliser des économies.
Par ailleurs, c'est le second volet, cette réforme porte un risque évident en matière d'indépendance et de pluralisme, enjeu essentiel qui figure pourtant à l'article 5 du règlement européen sur la liberté des médias.
Si, en l'état, les apparences sont sauves d'un point de vue juridique, notamment en ce qui concerne la procédure de nomination du président-directeur général, aucun garde-fou robuste ne prévient l'éventuelle proximité entre l'exécutif et le futur ou la future PDG.
Pire, le rapport de Laurence Bloch, qui préfigure concrètement cette gouvernance, va plus loin : il évoque même un unique directeur de l'information.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Non !
Mme Sylvie Robert. Une telle évolution, qui n'est rien d'autre qu'un verrouillage de l'information, est une ligne rouge pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
À l'international, nous ne pouvons pas critiquer et pointer du doigt les États qui mettent la main sur l'audiovisuel public et, en même temps, à l'échelle nationale, établir une gouvernance qui ouvre la voie à cette mainmise. C'est d'une incohérence totale.
Ces deux raisons principales, budgétaire et de principe, n'épuisent pas les motifs de notre rejet de cette proposition de loi.
L'audiovisuel public me semble être devenu le prisonnier d'une triple coalition qui lui est pernicieuse.
Il y a celles et ceux qui, dans une logique ultralibérale, s'attaquent au service public de l'audiovisuel, comme, au demeurant, à l'ensemble des services publics.
Il y a celles et ceux qui veulent en profiter pour faire – je l'ai entendu en commission – le procès de l'audiovisuel public, formulation que nous avons entendue.
Mme Laurence Rossignol. Qui a dit cela ?...
Mme Sylvie Robert. Enfin, il y a celles et ceux qui, au nom d'un agenda personnel, veulent coûte que coûte un texte, indépendamment de son contenu.
Pour terminer, je dirai simplement que le meilleur indicateur de la direction vers laquelle tend cette proposition de loi est d'observer ses soutiens. Lorsque le Rassemblement national, qui veut privatiser l'audiovisuel public, se montre favorable à l'adoption rapide de ce texte, tout devient limpide. (Mme Laurence Rossignol renchérit.)
Mes chers collègues, c'est une bataille culturelle qui se joue ici, dans cet hémicycle. Voter ce texte, ce sera simplement faire le jeu de ceux qui veulent détruire notre audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, dans des conditions pour le moins rocambolesques, la réforme de l'audiovisuel public.
Cela fait déjà plusieurs années que notre Chambre s'est saisie de cette question. Je pense notamment au rapport d'information des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, paru en 2015, sous la houlette de la présidente de la commission de l'époque, Catherine Morin-Desailly, ainsi qu'à celui de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, publié en 2022.
Il y a eu, bien sûr, la tentative de réforme menée par le ministre Franck Riester, qui fut interrompue par la crise sanitaire.
C'est dans ce contexte qu'a été déposée la présente proposition de loi, dont je salue l'auteur, Laurent Lafon. Le Sénat l'a adoptée il y a déjà deux ans en première lecture, mais son examen à l'Assemblée nationale a tourné court.
L'audiovisuel public est aujourd'hui régi par la loi Léotard, qui date de 1986. Depuis l'adoption de cette loi, notre société et nos médias ont fait l'objet de transformations majeures, comme beaucoup d'entre vous l'ont dit avant moi. Que ce soit l'émergence des réseaux sociaux, les smartphones, l'internet ou encore les tablettes, la situation a bien changé en l'espace de quarante ans. Il est donc essentiel de nous adapter.
Nous le savons tous, le cœur de la réforme était la création d'une holding, France Médias, qui regrouperait France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.
Néanmoins, je pense sincèrement que l'ambition d'origine s'est muée en une future fusion qui ne dit pas son nom et que sa raison d'être se borne à avoir un grand « manitou » à la tête de cette nouvelle instance et des sociétés qui la composeront. Ce n'est plus du tout le texte de la première lecture que j'avais voté bien volontiers en 2023. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
J'ai aujourd'hui une pensée pour les dirigeants de ces sociétés, Sibyle Veil, Delphine Ernotte, Marie-Christine Saragosse et Laurent Vallet, qui ont fait l'objet d'attaques regrettables, alors qu'ils n'ont pas démérité dans leurs fonctions, tant s'en faut, et qu'ils seront sans doute tout bonnement remerciés si ce texte est adopté définitivement.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien ! (M. David Ros renchérit.)
Mme Laure Darcos. Seule exception, France Médias Monde, qui devait initialement intégrer la holding, pourrait y échapper si les nombreux amendements déposés en ce sens sont adoptés. Nous pouvons nous en réjouir compte tenu des particularités de cette structure sur le plan international.
Dès lors, au regard des évolutions contenues dans le texte, il nous appartiendra de veiller à ce que chacune des composantes de cette nouvelle holding conserve son âme et ses spécificités, en espérant que nous ne reviendrons pas à la bonne vieille ORTF.
À cet effet, nous devrons être vigilants sur les dispositions de cette proposition de loi qui portent sur la direction de la holding et de ses sociétés. Chacune d'elles doit pouvoir être dotée de responsables qui ne seront pas les simples délégués du PDG de France Médias. Il y va de la richesse de cet audiovisuel public français.
Par ailleurs, je n'ai toujours pas compris comment, dans la foulée de la création de cette holding, la gouvernance de France Médias pourrait procéder à des redécoupages en filiales inter-sociétés avec les difficultés de fusionner les grilles salariales et les statuts des journalistes et des fonctions support, si différents d'une société à l'autre. Tout cela sans aucune étude d'impact, faut-il le rappeler…
J'ajoute que la présente réforme intervient dans un contexte budgétaire particulier. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022 partait d'un principe louable, bien que je m'y sois vivement opposée pendant la campagne présidentielle.
Comme prévu, elle a eu des conséquences non négligeables. La loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l'audiovisuel public a permis d'apporter une première réponse, mais est-ce suffisant ? Trois ans après la suppression de la redevance télé, Bercy cherche encore à réaliser des économies.
La création de la holding devrait permettre la mutualisation de fonctions support. Selon les estimations de l'inspection générale des finances, cela pourrait générer 10 millions d'euros de gains par an. Nous le verrons bien.
Par ailleurs, je tiens à alerter sur la nécessité de retirer de ce texte les dispositions relatives à l'audiovisuel privé, qui doit bénéficier d'une réforme distincte afin de mieux prendre en compte ses spécificités. Le privé et le public font face à des problématiques différentes. Chaque secteur mérite un texte qui y réponde avec efficacité et de façon adaptée.
Comme vous pouvez le constater, mon avis et celui de mes collègues du groupe Les Indépendants deviennent de plus en plus mitigés au fur et à mesure de l'avancement de l'examen de ce texte, qui accouche dans la douleur. Nous attendons avec intérêt nos échanges lors de la discussion des amendements pour éclaircir certains points cruciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes SER et GEST. – MM. Bernard Fialaire et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, mes chers collègues, pour un peu, madame la ministre, on se pincerait pour y croire. (Sourires au banc des commissions.)
J'ai vu passer à basse altitude, sur ce banc, pas moins de quatre ministres de la culture depuis 2017 (M. Roger Karoutchi renchérit.) sans qu'aucun ait été capable de faire avancer de façon significative la situation de l'audiovisuel, notamment public, dans notre pays,…
Mme Laurence Rossignol. Ils défendaient l'audiovisuel public !
M. Jean-Raymond Hugonet. … et voilà que, le 11 janvier 2024, vous débarquez rue de Valois.
Comme par enchantement (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.), tout ce qui était impensable, impossible, voire littéralement proscrit dans ce monde merveilleux, devient d'un seul coup réalité. Telle Mary Poppins, vous osez vous attaquer au totem absolu : l'audiovisuel public.
Tirant les leçons de tant d'années d'inaction ou d'errance, dans un contexte où la transition numérique et les plateformes, elles, n'attendent pas, vous avez choisi d'avancer résolument, contre vents et marées. Il était effectivement plus que temps.
Qu'à cela ne tienne, en la matière, le Sénat regorge d'idées et de propositions, déjà sur étagères depuis bien longtemps. Il n'y a même, à vrai dire, que l'embarras du choix.
Citons tout d'abord une période ancestrale, avec le rapport d'information du 29 septembre 2015 de nos anciens collègues de la commission de la culture, Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, alors sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, que je veux ici saluer, qui préconisait déjà, il y a donc dix ans, la création d'une holding.
M. Max Brisson. Eh oui !
M. Jean-Raymond Hugonet. Passons ensuite au rayon du disruptif – c'est à la mode – avec le rapport d'information du 8 juin 2022 de Roger Karoutchi et de votre serviteur, qui recommandait la solution de bon sens à laquelle il faudra bien sûr se résoudre un jour : je veux parler de la fusion.
M. Max Brisson. Un excellent rapport !
M. Jean-Raymond Hugonet. Finalement, pour des raisons assez évidentes de temporalité, vous avez souhaité vous appuyer sur la contribution la plus récente, c'est-à-dire la proposition de loi standard du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, déjà adoptée ici au Sénat en première lecture le 13 juin 2023.
Disons-le tout de suite, afin de tordre le cou aux caricatures d'un autre âge : pour une écrasante majorité d'entre nous ici, nous sommes très attachés à l'existence d'un audiovisuel public fort, indépendant et s'adressant à tous les Français.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. Nous considérons cependant, comme le Président de la République en son temps d'ailleurs, que l'audiovisuel public n'est pas exemplaire, tant s'en faut. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Nous y voilà !
M. Jean-Raymond Hugonet. Pour le dire de façon tout à fait diplomatique, il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller – quand même – à l'impartialité de l'information…
M. Max Brisson. Absolument !