compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Mandelli
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
M. Bernard Buis.
1
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Lors du scrutin public n° 358, mes collègues Mireille Conte Jaubert, Véronique Guillotin et moi-même souhaitions voter contre, le reste des membres du groupe du RDSE souhaitant voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles figureront dans l’analyse politique du scrutin concerné.
2
Réforme de l’audiovisuel public
Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l’Assemblée nationale, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (proposition n° 797, texte de la commission n° 825, rapport n° 824).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier, l’examen de l’article 1er.
Chapitre Ier (suite)
Réforme de l’audiovisuel public
Article 1er (suite)
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Avant l’article 44, il est inséré un article 44 A ainsi rédigé :
« Art. 44 A. – La société France Médias est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l’article 43-11. Pour l’accomplissement de ses missions, elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l’article 53, elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. » ;
2° Après le IV du même article 44, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – A. – La société Institut national de l’audiovisuel est chargée de conserver, de mettre en valeur et d’enrichir le patrimoine audiovisuel national.
« B. – La société assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, y compris celles des programmes qu’elles diffusent sur des services non linéaires, et contribue à leur exploitation. Elle assure la mise à disposition de ces archives auprès de ces sociétés. Elle procède également à la conservation de l’ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes. La nature, les tarifs et les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d’exploitation de ces archives sont fixés par convention entre la société et chacune des sociétés nationales de programme concernées.
« C. – La société exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et des filiales des sociétés mentionnées à l’article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l’article 44-1 lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes, dans les conditions prévues par les cahiers des charges mentionnés à l’article 48. À ce titre, elle bénéficie des droits d’exploitation de ces extraits à l’expiration d’un délai d’un an à compter de leur première diffusion, à titre exclusif vis-à-vis de ces sociétés, chacune d’elles conservant toutefois, pour ce qui la concerne, un droit de réutilisation de ses archives dans les conditions prévues par les conventions qu’elle conclut avec la société.
« La société demeure propriétaire des supports et des matériels techniques et détentrice des droits d’exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et de la société mentionnée à l’article 58 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée, ainsi que les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques, qui lui ont été transférés avant la publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« La société exerce les droits d’exploitation mentionnés au présent IV bis dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d’auteurs ou de droits voisins du droit d’auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent IV bis et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes, ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes, et la société. Ces accords précisent notamment le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations.
« D. – La société peut passer des conventions avec toute personne morale pour la conservation et l’exploitation des archives audiovisuelles de cette dernière. Elle peut acquérir des droits d’exploitation de documents audiovisuels et recevoir des legs et donations.
« E. – La société est seule responsable de la collecte, au titre du dépôt légal prévu aux articles L. 131-2 et L. 132-3 du code du patrimoine, des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés ; elle participe, avec la Bibliothèque nationale de France, à la collecte, au titre du dépôt légal, des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication publique en ligne. La société gère le dépôt légal dont elle a la charge, conformément aux objectifs et dans les conditions définis à l’article L. 131-1 du même code.
« F. – La société contribue à l’innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle. Dans le cadre de ses missions, elle procède à des études et à des expérimentations et, à ce titre, produit des œuvres et des documents audiovisuels pour les réseaux actuels et futurs.
« G. – La société contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d’enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle. Elle assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 45 A, 45 et 45-2 de la présente loi et au présent article. » ;
3° L’article 44-1 est ainsi rédigé :
« Art. 44-1. – Pour l’exercice des missions qui leur sont assignées par le présent titre, les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 peuvent créer des filiales dont le capital est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques.
« Afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues par le présent titre, ces sociétés peuvent également créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 75 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 224 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, en garantissant le respect de leur indépendance et de leur liberté éditoriale
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 75.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à garantir l’indépendance et la liberté éditoriale des sociétés de l’audiovisuel public après leur intégration dans la holding France Médias, ce qui suppose une répartition équitable des ressources budgétaires entre ces différentes sociétés.
Le Conseil de l’Europe, dans son rapport du 25 septembre 2023 sur le respect par la France des obligations découlant de son adhésion au Conseil, faisait part de ses inquiétudes quant à une fragilisation de la liberté d’information dans notre pays, notamment du fait de la concentration des médias sous la forme de holdings. La création de la holding France Médias est donc de nature à alimenter ces inquiétudes.
Le Conseil de l’Europe souligne que l’existence d’un secteur audiovisuel indépendant et de qualité est un élément déterminant du pluralisme de l’information. Il s’inquiète de la pérennité, de la solidité du financement de l’audiovisuel public en France, qui n’est plus garanti depuis l’application de la loi organique du 13 décembre 2024. Comme il le note, ce sont bien les règles et les conditions d’exercice du service public de l’audiovisuel qui permettent d’assurer le pluralisme interne et externe.
Or une transformation en holding fragiliserait tout le système, notamment en termes de qualité de l’information et de ligne éditoriale, et aboutirait à une hyperconcentration des médias en France, susceptible d’affaiblir notre modèle démocratique.
Ces inquiétudes sont d’autant plus légitimes que votre projet institue un PDG tout-puissant, sans contre-pouvoir réel, si ce n’est un conseil d’administration dans lequel l’État serait très bien représenté, voire majoritaire. Ce président détiendra le pouvoir de fixer la stratégie et d’attribuer les financements publics aux différentes sociétés, sans que leur fléchage puisse être contrôlé et voté par le Parlement.
Il est donc primordial que l’objet social de la société France Médias prévoie que la répartition des ressources publiques entre sociétés permette de respecter leur indépendance et leur liberté éditoriale.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 224.
Mme Monique de Marco. Cet amendement très important vise à assurer que la holding France Médias sera la garante de l’indépendance et de la liberté éditoriale de chacune des sociétés audiovisuelles concernées par la réforme : les sociétés France Télévisions, Radio France, ainsi que l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ne sont en effet ni interchangeables ni solubles les unes dans les autres ; ces sociétés ont chacune leur histoire, leur mission spécifique, et un rapport singulier au public.
La diversité est une force qui garantit la pluralité de l’information, une pluralité qui est aujourd’hui menacée par le projet de holding. La mise en place d’un PDG unique pour l’ensemble du secteur audiovisuel, la réduction des marges de manœuvre de chaque société, la dilution des responsabilités éditoriales dans une entité centralisée constituent une menace directe pour l’indépendance de l’audiovisuel public.
Cette réforme ouvre la voie à une prise de contrôle politique, à une uniformisation inquiétante des contenus, alors même que l’Union européenne vient d’adopter un règlement contre les ingérences politiques dans les médias. Nous savons toutes et tous ce que signifie une information sous tutelle. C’est une information moins libre, moins diverse, moins critique. Il s’agirait d’une régression démocratique majeure au moment où la défiance envers les médias, les institutions et la parole publique progresse dangereusement.
Avec cet amendement, nous faisons donc acte de responsabilité. Celui-ci vise à prémunir nos médias publics contre les risques d’une concentration autoritaire, en inscrivant dans la loi une exigence claire : la future société France Médias sera légalement tenue de garantir l’indépendance éditoriale de chacune de ses filiales. C’est une clause de sauvegarde, une ligne rouge démocratique, ainsi qu’une manière d’envoyer un message clair à nos concitoyens : nous défendons un audiovisuel public pluraliste, vivant et libre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Ce qui garantit l’indépendance de l’audiovisuel public, c’est l’indépendance de son financement, que nous avons votée ici même.
Mes chers collègues, je veux bien que chacun répète à chaque fois les mêmes arguments, mais nous avons déjà discuté de ces sujets hier. Aujourd’hui, je souhaiterais que l’on puisse avancer – quelques amendements me semblent intéressants –, même si je vous laisse évidemment libres de juger de la meilleure manière de faire évoluer les débats.
En tous les cas, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Hier, vous m’avez demandé d’argumenter. Or nous n’avons eu de cesse de le faire : j’ai argumenté sur les amendements ; j’ai argumenté au cours de la discussion générale ; j’ai argumenté à chaque fois que j’ai été interpellée.
Ce matin, vous défendez des amendements du même type : comme vient de le dire M. le rapporteur, je souhaite que l’on avance, d’autant que nous sommes appelés à examiner une série d’amendements identiques.
Je précise par ailleurs que, quand j’émets un avis défavorable, ce n’est pas pour fuir le débat : ce n’est pas mon genre ! J’ai toujours pris soin de répondre, d’argumenter, et d’exposer ma position. Même si nous ne sommes pas d’accord, j’observe qu’il existe ici une majorité qui est favorable à ce texte.
M. Pierre Ouzoulias. Cette majorité n’est pas présente dans l’hémicycle ce matin !
M. Roger Karoutchi. La gauche n’est pas très présente non plus !
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Notre amendement est important, parce qu’à travers lui nous abordons la question de la liberté éditoriale et du respect de l’indépendance des médias. C’est un sujet dont nous avons commencé à parler hier et sur lequel nous vous avons fait part de nos craintes, en exposant nos arguments. Nous avons notamment expliqué que la holding exécutive, dotée d’un patron tout-puissant, briderait, voire brimerait cette indépendance et cette liberté éditoriale.
Alors que Laurence Bloch évoque dans son rapport, que vous jugez « inspirant », un directeur unique de l’information, il est tout de même compréhensible que nous nous posions des questions sur l’indépendance et la liberté éditoriale au sein de la future holding. Cet amendement présenterait donc un grand intérêt de ce point de vue, puisqu’il tend à graver dans le marbre de la loi des principes absolument fondamentaux.
J’ai à l’esprit en cet instant les travaux menés l’année dernière par la commission d’enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères – je n’en étais pas membre, mais j’ai pris connaissance de ses conclusions. On voit bien à quel point les questions d’indépendance et de liberté éditoriale sont stratégiques aujourd’hui pour la France et pour notre démocratie.
Si l’on veut se prémunir contre toute forme d’ingérence, notamment étrangère, il faut inscrire dans le marbre le fait que l’indépendance et la liberté éditoriale sont des valeurs absolument cardinales.
M. Max Brisson. Ce sont déjà des valeurs cardinales !
Mme Colombe Brossel. Nous proposons à l’article 1er toute une série d’amendements de repli, qui ont pour objet de traduire une vision différente de la holding exécutive – nous examinerons ultérieurement d’autres amendements visant à revenir sur son caractère exécutif.
Ayant entendu les réponses et les remarques de l’auteur et du rapporteur de ce texte, que je remercie de leurs explications, nous pensons qu’il est absolument crucial d’introduire dans la loi ces références au respect de l’indépendance et de la liberté éditoriale. Si ces principes n’y figurent pas, il n’y aura pas de service public audiovisuel libre.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Tout d’abord, je tiens à remercier le rapporteur et la ministre de leur réponse.
Vous allez sûrement nous objecter tout au long de la journée que nous revenons toujours sur les mêmes sujets. Bien sûr qu’il s’agit des mêmes sujets ! Vous admettrez cependant que le sujet que nous abordons au début de notre séance ce matin est important : il s’agit tout de même de la liberté éditoriale et de l’indépendance des médias et, donc, du pluralisme.
Je vous poserai deux questions, à commencer par une question de confiance finalement : cette super-holding et ce super-PDG vont-ils nous garantir cette liberté éditoriale et cette indépendance ? Voilà le cœur du sujet !
Ma collègue Colombe Brossel vient d’évoquer le rapport dans lequel Laurence Bloch prône en effet la mise en place d’un directeur unique de l’information. Alors je vous demande officiellement, madame la ministre – ce sera ma seconde question –, si vous êtes favorable à ce qu’il n’y ait qu’un directeur unique de l’information dans cette super-holding et auprès de ce super-PDG ?
Cette question appelle une réponse qui contribuera utilement à nos débats. Car, j’y insiste, il s’agit d’une question de confiance : on a entendu parler de pluralisme hier, à propos de France Inter notamment… Or je vous rappelle, mes chers collègues, que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui est le gendarme de l’audiovisuel, fixe des règles et que notre audiovisuel public les respecte. Il n’y a donc pas de sujet !
Ne faisons pas de cette question un sujet de polémique, d’autant moins que, objectivement, il n’y a pas matière à controverse. L’enjeu est si important que cette question nous préoccupe tous ici.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne comprends même pas que la ministre et le rapporteur émettent un avis défavorable sur des amendements qui devraient être consensuels, qui relèvent d’une évidence démocratique, et qui ne font qu’inscrire dans la proposition de loi ce qui constitue les fondements mêmes de notre rapport à la presse, c’est-à-dire l’indépendance et la liberté éditoriale.
J’ai longtemps été convaincue que ces principes étaient une valeur commune à la droite et à la gauche. Je le suis moins aujourd’hui. J’en suis moins convaincue – et je vais peut-être vous surprendre, mes chers collègues – à cause d’une partie de la droite et d’une partie de la gauche, ou qui se dit de gauche : les populistes de gauche comme de droite ont pris pour cible la liberté de la presse et les journalistes.
Le procès qui est régulièrement fait à France Inter – on entend souvent dire que France Inter est une radio de gauche, une radio woke, etc. – lui est également intenté par d’autres. On entend ainsi dire, dans la bouche d’autres personnes, dont les idées politiques ne sont certes pas représentées dans cet hémicycle, mais le sont à l’Assemblée nationale, que France Inter est la radio du macronisme et du pouvoir…
M. Pierre Ouzoulias. Voire des islamophobes !
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien, les populistes de gauche et de droite s’entendent aujourd’hui pour mettre en cause la liberté éditoriale d’une radio comme France Inter.
Vous nous reprochez de répéter en boucle les mêmes arguments. Mais, mes chers collègues, nous ne répétons pas les mêmes arguments, nous faisons de la pédagogie ! Nous faisons surtout de la pédagogie à l’égard des Français : puisque le débat n’a pas eu lieu à l’Assemblée nationale, c’est à nous, sénateurs, qu’il revient d’expliquer aux Français quel est l’enjeu de la réforme dont nous débattons.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Bien évidemment, nous allons débattre sur le fond. Hier, nous avons pu manifester une certaine exaspération devant des méthodes qui traduisent une forme de mépris pour notre façon de travailler. Aujourd’hui, nous voulons vraiment discuter sur le fond.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Ouzoulias. Pour ce qui est de l’indépendance des médias, on aurait très bien pu imaginer que, dans le cadre de cette réforme, Public Sénat et LCP rejoignent la holding. Si tel n’a pas été le cas, c’est parce que le Sénat et l’Assemblée nationale veillent scrupuleusement à l’indépendance éditoriale de ces deux chaînes. Voilà un argument !
Si, comme vous nous le dites, l’indépendance éditoriale doit être respectée de façon absolue au sein de la holding, pourquoi les chaînes Public Sénat et LCP ne la rejoignent-elles pas ? C’est tout simplement parce que nous voulons préserver leur identité propre. Et je le redis, LCP et Public Sénat ne sont la voix ni de l’Assemblée nationale ni du Sénat ; il convient de préserver leur indépendance de ton.
Mes chers collègues, prenons la mesure de ce que nous sommes en train de faire et demandons-nous si nous ne commettons pas l’irrémédiable, au vu notamment d’un possible scénario politique que je n’ose pourtant pas imaginer devant nous.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. L’indépendance et la liberté éditoriale de l’audiovisuel public sont vraiment au cœur de nos débats. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié que l’on fasse référence, lors de la présentation de ces deux amendements identiques, au cadre européen. Je pense en effet que la France, compte tenu de la place qu’elle occupe au sein de l’Union européenne, doit montrer la voie et être exemplaire sur les problématiques ayant trait à l’État de droit et à la démocratie.
Au cours de la discussion, on a fait beaucoup de comparaisons entre la situation de la France et celle d’autres États européens. Si l’on se penche sur les dérives qui ont cours dans certains pays, on voit bien que la question de la concentration des médias et celle de la répression des journalistes sont cruciales : ce sont des enjeux déterminants pour la préservation de nos démocraties.
Ne soyons pas arrogants, soyons plutôt visionnaires et protecteurs, de sorte que notre modèle français puisse continuer à rayonner et à inspirer le reste de l’Europe, y compris en matière de démocratie, de respect de la liberté des médias et de leur ligne éditoriale.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Nous sommes en effet au cœur du débat. Nous avons déjà exprimé un certain nombre de craintes à l’égard de ce texte et nous continuerons de le faire.
Normalement, nous devrions pouvoir rassembler tout le monde autour de notre amendement. Vous êtes nombreux sur ces travées – et nous vous croyons sur parole, mes chers collègues – à affirmer que vous êtes des défenseurs de l’audiovisuel public. Or, par cet amendement, nous proposons de garantir le respect de son indépendance et de sa liberté éditoriale.
M. Roger Karoutchi. Mais oui, bien sûr…
M. Yan Chantrel. Alors que vous nous dites que vous êtes attachés à ces principes depuis le début, pourquoi le rejetez-vous ?
Si vous y êtes attachés, vous devriez d’autant plus comprendre notre inquiétude : l’ensemble des arguments que nous avançons, des critiques que nous formulons sur cette proposition de loi depuis le début de la discussion ciblent justement, en grande partie, tout ce qui remet en cause l’indépendance et la liberté éditoriale des sociétés de l’audiovisuel public, à travers – on l’a dit – la création d’un directeur unique de l’information.
Madame la ministre, je suis désolé de vous le dire, mais vous n’avez pas répondu sur ce point. Nous souhaiterions que vous nous garantissiez qu’il n’y aura pas de directeur unique de l’information, et que l’indépendance et la liberté éditoriale seront préservées au sein de l’audiovisuel public. Vous ne l’avez pas fait jusqu’à présent, ce qui ne nous rassure pas.
C’est pourquoi nous vous invitons, chers collègues – si vous êtes véritablement attachés à ces valeurs ! –, à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Hier, les débats ont été plutôt intéressants. Nous avons débattu de deux visions opposées de l’audiovisuel public.
De notre côté, nous sommes favorables à la pluralité, à l’indépendance de l’audiovisuel public; vous considérez de votre côté – si j’ai bien compris vos propos – que la création d’une société mère les garantirait.
Nous avons exprimé nos craintes, défendu nos arguments. Ce matin, mon groupe présente un amendement, dont le dispositif est en fait assez simple, je dirais même basique, et qui ne devrait même pas poser de problème, au point que je m’étonne que l’on passe autant de temps à en débattre.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Nous sommes bien d’accord !
M. Guillaume Gontard. Que demande-t-on au juste ? Nous demandons que soient garanties l’indépendance et la liberté éditoriale des différentes sociétés de l’audiovisuel public. Vous nous avez dit hier de ne pas nous inquiéter, que l’indépendance et la liberté éditoriale seraient préservées et que la holding en serait la principale garante. Or quand nous proposons d’inscrire ces valeurs dans la loi, par principe tout simplement, vous le refusez, qui plus est sans argumentaire !
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée : vous n’avez pas argumenté…