M. Roger Karoutchi. Oh non !
M. David Ros. Nous sommes vendredi matin, tout le monde a pris des forces, presque tout le monde est calme, et le rapporteur a posé une question importante : par rapport à quoi faut-il définir l'indépendance de l'audiovisuel public ?
En toile de fond se pose la question de la gouvernance de la holding, ou plutôt de la société mère. Or l'objectif d'une mère, lorsqu'elle éduque ses enfants, est de les rendre indépendants.
M. Roger Karoutchi. Pitié...
M. David Ros. C'est bien de cela qu'il s'agit : rendre indépendantes les différentes filiales de la société mère.
Si l'amendement n° 75 est si évident et redondant, votez-le ! Faites-nous plaisir ce matin pour que l'après-midi se passe bien…
M. Roger Karoutchi. C'est ça !
M. David Ros. Si c'est bien en le disant, c'est mieux en l'écrivant !
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. J'écoute les débats depuis hier, et j'essaye toujours de comprendre le sens de cette réforme. Nous savons lire, et oui, nous avons lu le rapport !
M. Max Brisson. Non !
Mme Ghislaine Senée. Nous ne viendrions pas dans cet hémicycle et devant nos concitoyens sans avoir lu le rapport !
Par ailleurs, vous êtes les premiers à dire que vous respecterez, bien sûr et absolument, l'indépendance et les lignes éditoriales qui prévalent actuellement. Dans ce cas, expliquez aux Français pourquoi vous refusez d'adopter ces amendements, qui ne visent qu'à ajouter dans le texte un petit bout de phrase pour dire que l'indépendance des médias publics est garantie. Ce n'est rien !
M. Max Brisson. C'est du remplissage !
Mme Ghislaine Senée. Il s'agit juste de nous rassurer ! Qu'est-ce que cela vous coûte ? Strictement rien ! Pourtant, vous refusez de le faire.
À en croire les propos du président Lafon, la holding ne remettrait pas en cause l'indépendance des sociétés éditrices et n'aurait vocation qu'à mener des projets de développement. En somme, elle n'aura aucune compétence.
Je m'interroge : ne sommes-nous pas en train de créer une holding Théodule ? Je m'inquiète : à quoi cela sert-il de créer une holding si elle n'a aucune prérogative sur les lignes éditoriales ? Une ligne éditoriale, c'est la définition de thématiques et du public ciblé, mais également des orientations idéologiques et les valeurs défendues par le média en question !
Nous voyons bien que les médias ne mettent pas en avant les mêmes thématiques ! Nous voyons bien qu'il y a un prisme ! Nous voyons bien que l'impartialité que vous prônez n'existe pas ! C'est précisément cette absence d'impartialité qui constitue une garantie démocratique et permet à chacun de s'y retrouver. C'est cela, la démocratie !
Enfin, madame Dati, vous parlez de légitimité et de compétence, mais à chaque fois que vous nous répondez, vous nous parlez de vous ! Ce que nous voulons, c'est que vous parliez du fond !
Mme Ghislaine Senée. Et cela n'a rien à voir avec votre compétence et votre légitimité. Nous vous demandons simplement de répondre à nos questions.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 224.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 366 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 225 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de vote unique
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur le président, après plus de sept heures de débats, nous n'avons pu examiner que trente et un amendements sur ce texte.
M. Yan Chantrel. Pas mal !
Mme Annick Billon. Hélas…
Mme Rachida Dati, ministre. Ce matin encore, malgré nos efforts, nous avons fait face à de l'obstruction, encore de l'obstruction, toujours de l'obstruction.
M. Yan Chantrel. Non, c'est du débat !
Mme Rachida Dati, ministre. Et je ne parle pas des mises en cause personnelles…
En trente minutes, nous avons examiné deux amendements identiques ; il en reste 301 à examiner. À ce rythme, il nous faudrait plus de soixante-dix heures de débat pour aller au bout du texte. Pourtant, il y a une majorité pour le voter.
Mais force est de constater que la gauche souhaite empêcher le Parlement de se prononcer. Je suis très surprise que cela advienne aussi dans cet hémicycle, dont les membres sont à l'origine de ce texte, lequel a été examiné et adopté ici en première lecture.
Nous avons assisté hier à des interventions en chaîne sur chaque amendement, à des rappels au règlement à répétition… Nous voyons bien que la volonté d'une partie de cet hémicycle est d'empêcher le Sénat de se prononcer sur ce texte.
C'est pourquoi, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 9, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande à votre assemblée de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte.
La seule modification substantielle que nous souhaitons conserver est le retrait de France Médias Monde de la holding.
Sont retenus les amendements suivants : à l'article 1er, les amendements nos 255, 254, 256, 257, 258, 259, 260, 261 et 262 ; à l'article 1er bis, l'amendement n° 263 ; à l'article 2, les amendements nos 264 et 265 ; à l'article 3, les amendements nos 266, 363, 364, 267 ; à l'article 4, l'amendement n° 268 ; à l'article 5, l'amendement n° 269 ; à l'article 6, l'amendement n° 270 ; à l'article 8, les amendements identiques nos 19 rectifié et 214, ainsi que les amendements nos 282, 365 et 271, à l'article 10, l'amendement n° 366 ; à l'article 11 bis A, l'amendement n° 273 ; à l'article 12, l'amendement n° 367 ; à l'article 13 bis, l'amendement n° 3 rectifié ; à l'article 14 bis, l'amendement n° 368 ; et, à l'article 15, l'amendement n° 369.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à douze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
En application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 9 de notre règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'ensemble de la proposition de loi, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Les amendements restant en discussion retenus par le Gouvernement viennent d'être cités par Mme la ministre. Ils sont réputés faire l'objet d'un avis favorable du Gouvernement. Mes chers collègues, leur liste va vous être distribuée.
Acte est donné de cette demande.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour un rappel au règlement.
Mme Colombe Brossel. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 44 bis de notre règlement.
Il convient de remettre en contexte le moment que nous sommes en train de vivre. Alors que nous sommes censés débattre de la réforme de l'audiovisuel public – ce n'est pas rien ! –, il n'y a pas de débat.
Il n'y a pas eu de débat à l'Assemblée nationale à la faveur d'une sombre manœuvre avec le Rassemblement national qui, nous l'avons peu dit dans cet hémicycle, soutient cette réforme de l'audiovisuel public. Pour ma part, lorsqu'une réforme est soutenue par le Rassemblement national, je me méfie !
M. Roger Karoutchi. Cela ne vous pas gêné de voter la censure avec eux !
Mme Colombe Brossel. Et maintenant, les sénateurs vont être privés de débat comme l'ont été les députés.
J'ai entendu nos collègues de la majorité sénatoriale crier à l'obstruction. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, si nous avons ce débat dans l'hémicycle, c'est parce que nous ne l'avons pas eu en commission ! Les membres qui siègent au sein de la commission de la culture ont tous à l'esprit la façon dont se sont passées les choses.
Au reste, je n'en fais le reproche ni au président de la commission ni au rapporteur. Ce dernier a dû travailler dans la nuit pour déposer des amendements que nous avons examinés le matin suivant, après que la conférence des présidents a inscrit ce texte à l'ordre du jour de la session extraordinaire.
Le rapporteur nous a présenté ces amendements comme des amendements de coordination ou visant à remédier à l'obsolescence de plusieurs articles.
Aujourd'hui, nous faisons simplement notre travail en débattant ! Obstruction, dites-vous ? Les derniers amendements sur lesquels nous nous sommes prononcés portent sur la liberté éditoriale et sur l'indépendance des médias. Pardon, mais il ne s'agit pas d'amendements visant à modifier des virgules ou à réciter le dictionnaire !
Nous ne faisons pas d'obstruction, nous faisons notre travail de parlementaire !
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
Mme Colombe Brossel. C'est plutôt le Gouvernement qui fait de l'obstruction, sur un sujet aussi majeur que la réforme de l'audiovisuel public ! Voilà l'obstruction ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Comme vient de le dire Colombe Brossel, c'est au moment où nous discutons de la liberté éditoriale et de la pluralité que Mme la ministre a jugé utile d'invoquer l'article 44, alinéa 3…
Si cette décision nous a surpris, il semblerait qu'elle n'ait pas surpris que nous, d'autant que nous aurions pu, avant que le Gouvernement n'utilise ce 49.3 sénatorial – car voilà bien de quoi il s'agit –, utiliser nombre de dispositions de notre propre règlement pour accélérer les débats, ce qui semble être votre volonté.
Pourquoi, sur une proposition de loi, c'est-à-dire un texte d'initiative parlementaire, le Sénat n'a-t-il pas eu recours, comme il l'a fait par le passé, à l'article 38 de notre règlement ? Cela aurait permis d'accélérer les débats !
Il s'agit là d'un nouveau coup de force de la part de la ministre alors que cette proposition de loi n'a pas été examinée à l'Assemblée nationale, car – je vais le redire, parce que cela n'a manifestement pas été compris par tout le monde – la ministre et une partie du Rassemblement national ont organisé une manœuvre pour éviter la tenue d'un débat ; alors qu'elle n'a pas été débattue en commission, voilà qu'elle n'est pas débattue en séance au Sénat !
Avant de parler de liberté de la presse, commencez donc par respecter les droits du Parlement ! Vous dites ne pas vouloir porter atteinte à la liberté de la presse : prouvez vos intentions ! Ce que vous infligez au Parlement aujourd'hui, c'est ce que vous voulez infliger demain à la presse : des restrictions de liberté, une mise sous tutelle et des coups de force comme celui que vous êtes en train de faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. Chers collègues de la majorité sénatoriale, à votre place, je ne serais pas très fier…
M. Roger Karoutchi. Oh si !
M. Guillaume Gontard. Vous êtes, comme nous, des parlementaires. Une session extraordinaire est ouverte et nous pouvons tout à fait conduire ces débats à leur terme : il n'y a aucune raison de s'autocensurer ainsi. Si 300 amendements vous effraient, que faisons-nous là ? À quoi sert notre travail ? Nous parlons bien de 300 amendements… Il me semble que vous en avez déposé bien plus sur d'autres textes.
M. Roger Karoutchi. Je n'en ai pas le souvenir…
M. Guillaume Gontard. Je ne sais pas où est cette obstruction dont vous parlez.
La seule obstruction, en réalité, ce sont les manœuvres consistant à passer par-dessus l'Assemblée nationale, puis par-dessus la commission, au Sénat, avec ce texte mal ficelé : nous avons été dans l'impossibilité de déposer des amendements.
Le Gouvernement a procédé d'une manière tout à fait brutale, avec l'aval et la complicité de la majorité sénatoriale. En fait, nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied en refusant le débat parlementaire et la démocratie.
Pour chapeauter l'Assemblée nationale et le Sénat, on n'a qu'à faire une holding ! (Sourires et exclamations sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Laurence Rossignol rit.) Faisons une holding en plaçant à sa tête la ministre Rachida Dati : ainsi, elle décidera toute seule. C'est cela, ce que vous souhaitez ?
Pour nous, ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas possible d'aboutir à cela. Je n'arrive franchement pas à comprendre. On pouvait ouvrir la séance de samedi, voire celle de dimanche.
Mme Colombe Brossel. Voilà !
M. Guillaume Gontard. Il me semble que nous avions jusqu'à présent des débats apaisés et respectueux. Je souligne, à cet égard, la qualité de nos échanges avec M. le rapporteur. Dès lors, qu'est-ce qui vous fait peur ? Pourquoi voulez-vous passer ainsi en force, à la manière d'un bulldozer ?
Nous aurions également pu reprendre ce débat en septembre prochain – le présent texte aurait d'ailleurs dû être inscrit à l'ordre du jour de la seconde session extraordinaire. Mais nous suivons l'agenda de Mme Rachida Dati, ce qui pose quand même quelques problèmes… (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.
M. Yan Chantrel. Mon intervention se fonde sur l'article 44, alinéa 6, de notre règlement.
Nous le disons depuis le début de cette discussion et nous le constatons une fois de plus : Mme Rachida Dati n'a pas d'argument, elle ne souhaite pas débattre. En brandissant cet article, elle se livre donc à un coup de force contre le Parlement.
L'ensemble des parlementaires, quel que soit leur groupe politique, devraient se dresser contre de telles méthodes.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Eh non !
M. Yan Chantrel. La présidence du Sénat n'a évidemment pas été consultée. Le Premier ministre lui-même n'a sans doute pas donné son aval.
On le sait très bien : avec cette proposition de loi, Mme Rachida Dati suit son agenda personnel.
M. Yan Chantrel. Elle se livre même – on peut le dire – à une vengeance politique.
Madame la ministre, peut-être avez-vous été quelque peu perturbée ce matin, en apprenant qu'une personne très proche de vous était déclarée inéligible.
M. Yan Chantrel. On peut comprendre votre agacement, mais cela n'a pas de rapport avec nos débats.
M. Yan Chantrel. Nous ne devrions pas en être les victimes.
Vous escamotez la discussion, car, de toute évidence, vous ne souhaitez pas débattre. Ce matin, vous prétendiez avoir des arguments à nous opposer : eh bien, donnez-les ! Laissez-nous avoir ce beau débat : l'audiovisuel public le mérite. Je le répète, vous escamotez la discussion en procédant à de tels coups de force.
Vous avez manigancé avec le Rassemblement national pour que le débat n'ait pas lieu à l'Assemblée nationale. À présent, vous l'escamotez ici même, au Sénat, en procédant par la force, en imposant l'inscription de ce texte à la fin de la session extraordinaire.
Il s'agissait là d'un choix délibéré : vous supposiez qu'il n'y aurait pas beaucoup de sénateurs en séance et que ce texte pourrait, dès lors, passer plus facilement. Pas de chance : la gauche est mobilisée. Elle sera toujours mobilisée pour défendre le pluralisme,…
M. Pierre-Alain Roiron. Très bien !
M. Yan Chantrel. … pour défendre l'indépendance des médias et, plus largement, la liberté. Nous continuerons de le faire, même si vous utilisez tous les articles possibles et imaginables.
Nous ne nous laisserons pas faire. Nous continuerons de nous battre. Chers collègues de la majorité sénatoriale, j'espère que vous serez avec nous pour défendre les droits du Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. Roger Karoutchi. C'est n'importe quoi…
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour un rappel au règlement.
M. Yannick Jadot. On est bien obligé de constater que notre démocratie est, aujourd'hui, complètement dysfonctionnelle.
M. Roger Karoutchi. Depuis longtemps !
M. Yannick Jadot. Y compris quand nous sommes saisis d'un texte touchant à la démocratie, on tord les règles démocratiques : c'est quand même extrêmement inquiétant. Et je ne parle pas du fait que nous n'examinons plus que des propositions de loi.
L'Assemblée nationale a rejeté ce texte sans l'avoir examiné. Mais, pour sa part, le Sénat avait l'occasion de débattre de la liberté de la presse et d'un service public aussi important que l'audiovisuel public.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous défendons l'indépendance et la neutralité de ce service public. Nous voulons qu'il soit fort et accessible à toutes nos concitoyennes, à tous nos concitoyens : tel est notre objectif et tel devrait être aussi le vôtre. Eh bien, vous tordez tout !
Monsieur le ministre, vous êtes là pour garantir les bonnes relations entre le Gouvernement et le Parlement. Qu'est-ce que c'est que ce bazar, franchement ?
Le débat d'hier n'était pas un débat. Mme la ministre ne nous répond pas ! Est-ce ainsi que doit fonctionner le Gouvernement ? Doit-on se résigner à ce que le débat soit systématiquement esquivé, alors qu'il faudrait exposer et confronter les différents points de vue, argument contre argument ?
Aujourd'hui, que se passe-t-il ? Parce que tout le monde veut partir en vacances, on sacrifie l'audiovisuel public ?
M. Roger Karoutchi. Oh là là…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Quel cirque…
M. Yannick Jadot. Il y en a deux qui, ce matin, boivent le champagne pour fêter votre décision : le groupe Bolloré et le RN... (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vous n'avez même pas lu le texte !
M. Yannick Jadot. Ils soutiennent cette réforme… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est grotesque !
M. Yannick Jadot. … parce qu'ils ont bien compris qu'elle leur servirait de cheval de Troie contre l'audiovisuel public !
M. Roger Karoutchi. C'est fini !
M. Yannick Jadot. Vous fragilisez le service public pour mieux le sacrifier demain, et cela, c'est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les masques sont tombés, enfin. Nous découvrons que ce texte est non pas la proposition de loi de M. Lafon – c'est fini –, mais le projet de loi de Mme Dati.
Madame la ministre, vous avez décidé d'imposer cette réforme en engageant un rapport de force d'une extrême violence. D'ailleurs, je ne doute pas que vous la ferez adopter à l'Assemblée nationale à l'aide d'un 49.3, ce qui fait qu'aucune des deux chambres n'aura pu discuter de votre texte.
J'ajoute que je suis triste, et même très triste, pour le Sénat…
M. Roger Karoutchi. Moi aussi !
M. Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement n'a pas respecté la parole qu'il nous avait donnée,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la première fois !
M. Pierre Ouzoulias. … dans cet hémicycle, quant à la réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Pierre Ouzoulias. C'était pas plus tard qu'avant-hier, c'est-à-dire tout récemment.
À présent, Mme la ministre préempte l'organisation de nos débats par le biais d'un détournement de procédure sur lequel le Conseil constitutionnel aura à se prononcer.
Le Gouvernement ne peut pas organiser nos débats à sa guise, selon le confort personnel de la ministre.
Ce qui se passe aujourd'hui est grave. Il y va de la démocratie parlementaire. Il y va de la vision que nos concitoyens et nos concitoyennes ont de la politique et de la manière dont elle se fait.
Je sens venir un vent mauvais, qui traverse l'Atlantique. Pour certains, le débat politique a perdu toute valeur : ne compte plus que la force, la force brute, qui s'impose à vous.
Je suis triste pour notre démocratie. Vive la République quand même ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Roger Karoutchi. Belle référence, monsieur Ouzoulias, mais enfin…
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour un rappel au règlement.
Mme Sylvie Robert. Nous vivons un moment d'une très grande gravité : je vous le dis à mon tour avec une profonde tristesse.
Ce matin, nous avions repris nos travaux très sereinement. (M. Mathieu Darnaud s'exclame.)
M. Roger Karoutchi. Mais oui…
Mme Sylvie Robert. Oui, cher collègue, très sereinement.
Monsieur Darnaud, nous parlions de sujets de fond…
M. Roger Karoutchi. Obstruction !
Mme Sylvie Robert. Or vous avez voulu couper court aux débats.
Permettez-moi de récapituler brièvement les faits.
Le Gouvernement a inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat dans des conditions que nous avons tous qualifiées d'inacceptables.
Le présent texte n'est assorti d'aucune d'étude d'impact. Or – je le souligne à mon tour – nous sommes passés d'une proposition de loi de M. Lafon à un projet de loi de Mme Dati.
Madame la ministre, vous êtes partie du principe que, sitôt transmis à notre assemblée, ce texte passerait grâce aux voix de la majorité sénatoriale. Mais vous ne pensiez pas que la gauche se mobiliserait tant.
Pour notre part, nous en sommes convaincus : l'audiovisuel public mérite un débat digne de ce nom. Toutes les questions que nous avons posées, toutes les problématiques que nous avons soulevées méritent des réponses argumentées.
M. Max Brisson. Mais vous posez cinquante fois la même question !
Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas cinquante fois la même question. Nous avons accepté qu'il n'y ait pas de débat en commission.
M. Max Brisson. Si, le débat a eu lieu !
Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, en définitive, tout cela vous arrange. Vous n'aviez pas d'argument. (Marques d'exaspération sur les travées du groupe Les Républicains.) Dès lors, mieux vaut empêcher la discussion. Voilà qui est clair.
Résultat des courses, nous n'avons pas de débat en commission et nous n'aurons pas de débat en séance.
Le Sénat est devenu l'otage de votre inconséquence. Qu'il s'agisse du respect de la démocratie en général ou du respect du Parlement en particulier, je crois que nous avons franchi une étape… (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – M. Pierre Barros applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour un rappel au règlement.
Mme Karine Daniel. Mon intervention se fonde, elle aussi, sur l'article 44, alinéa 6, de notre règlement.
M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir !
Mme Karine Daniel. Hier, nous avons longuement parlé des traditions, des habitudes, des coutumes et des usages de la chambre haute. Or je ne crois pas qu'il soit d'usage ou de tradition d'utiliser cet article pour une proposition de loi.
Ce choix montre bien l'ambiguïté soulevée depuis hier : finalement, qui porte le plus ce texte ? À présent, je pense que nous sommes tous éclairés sur ce point, comme l'a dit à l'instant notre collègue Pierre Ouzoulias.
Madame la ministre, vous avez souhaité que nous débattions, hier et aujourd'hui, de ce texte relatif à l'audiovisuel public. Est-ce actuellement la priorité des Français, alors que les derniers chiffres de la pauvreté sont sortis cette semaine,…
M. Roger Karoutchi. Quel rapport ?
Mme Karine Daniel. … alors que – nous le savons – des discussions budgétaires très difficiles nous attendent à la rentrée ? Le Sénat aurait pu commencer à travailler sur ces enjeux : eh bien non !
Vous nous avez imposé ce calendrier : nous sommes au rendez-vous. Nous faisons simplement notre travail de parlementaires, et nous jouons pleinement notre rôle pour alerter sur ce que nous considérons être une mauvaise réforme.
Vous allez fragiliser un secteur à nos yeux essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie, à savoir l'audiovisuel public.
Nous sommes particulièrement attachés à la défense de la liberté d'expression, laquelle suppose la liberté des médias. Vous avez souhaité que nous ayons cette discussion, mais alors que nous sommes au rendez-vous, vous entendez y mettre un terme en recourant au vote bloqué.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Karine Daniel. Cette manœuvre doit apparaître clairement aux yeux des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour un rappel au règlement.
Mme Annick Billon. Je tiens simplement à saluer la décision de recourir au vote bloqué… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Annick Billon. Contrairement à ce que je viens d'entendre, cette proposition de loi, dont le rapporteur est Cédric Vial, a été écrite par le président Laurent Lafon.
Mme Laurence Rossignol. Il y a longtemps !
Mme Annick Billon. Chers collègues, il faudrait arrêter de se mentir. Vous invoquez le Rassemblement national : je ne vois aucun élu du Rassemblement national dans cet hémicycle… (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Yannick Jadot. C'est cela qui est grave !
Mme Annick Billon. La semaine dernière, le texte présenté par M. Marseille et moi-même aurait dû être étudié en deux heures : il en a fallu cinq pour examiner les quinze amendements déposés et, au passage, j'ai été qualifiée de réactionnaire…
En réalité, avec cette proposition de loi, nous vous proposons une réforme pour l'avenir de l'audiovisuel public. Aussi, je m'interroge : qui est réactionnaire dans cet hémicycle ?
À vous entendre, nous avons eu des débats apaisés. Mais qu'avons-nous fait hier…
M. Roger Karoutchi. Rien…
Mme Annick Billon. … jusqu'à minuit quarante ? Nous avons débattu de trois motions de rejet, entendu des rappels au règlement successifs et subi diverses suspensions de séance. À elle seule, la vérification du quorum nous a fait perdre une heure…
M. Thomas Dossus. Il n'y a personne sur vos travées !
M. Roger Karoutchi. Il n'y a pas grand monde chez vous non plus !
Mme Annick Billon. À longueur de prises de parole, vous n'avez fait que reprendre les mêmes arguments, comme s'il suffisait de les répéter pour nous convaincre.
Non, vous ne nous avez pas convaincus. Cette discussion est totalement surréaliste, à l'image de cette session extraordinaire elle-même, et c'est de votre faute, chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite proposer au Sénat une solution d'apaisement.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, que je salue. Pendant tout le débat sur la réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille, il a su faire preuve d'un calme olympien et d'une constante courtoisie.