M. Roger Karoutchi. Oh là là…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Quel cirque…

M. Yannick Jadot. Il y en a deux qui, ce matin, boivent le champagne pour fêter votre décision : le groupe Bolloré et le RN. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vous n’avez même pas lu le texte !

M. Yannick Jadot. Ils soutiennent cette réforme… (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C’est grotesque !

M. Yannick Jadot. … parce qu’ils ont bien compris qu’elle leur servirait de cheval de Troie contre l’audiovisuel public !

M. Roger Karoutchi. C’est fini !

M. Yannick Jadot. Vous fragilisez le service public pour mieux le sacrifier demain, et cela, c’est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les masques sont tombés, enfin. Nous découvrons que ce texte est non pas la proposition de loi de M. Lafon – c’est fini –, mais le projet de loi de Mme Dati.

Madame la ministre, vous avez décidé d’imposer cette réforme en engageant un rapport de force d’une extrême violence. D’ailleurs, je ne doute pas que vous la ferez adopter à l’Assemblée nationale à l’aide d’un 49.3, ce qui fait qu’aucune des deux chambres n’aura pu discuter de votre texte.

J’ajoute que je suis triste, et même très triste, pour le Sénat.

M. Roger Karoutchi. Moi aussi !

M. Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement n’a pas respecté la parole qu’il nous avait donnée,…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la première fois !

M. Pierre Ouzoulias. … dans cet hémicycle, quant à la réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille.

M. Pierre Ouzoulias. C’était avant-hier, c’est-à-dire tout récemment.

À présent, Mme la ministre préempte l’organisation de nos débats par le biais d’un détournement de procédure sur lequel le Conseil constitutionnel aura à se prononcer.

Le Gouvernement ne peut pas organiser nos débats à sa guise, pour le confort personnel de la ministre.

Ce qui se passe aujourd’hui est grave. Il y va de la démocratie parlementaire. Il y va de la vision que nos concitoyens et nos concitoyennes ont de la politique et de la manière dont elle se fait.

Je sens venir un vent mauvais, qui traverse l’Atlantique. Pour certains, le débat politique a perdu toute valeur : ne compte plus que la force, la force brute, qui s’impose à vous.

Je suis triste pour notre démocratie. Vive la République quand même ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Roger Karoutchi. Belle référence, monsieur Ouzoulias, mais enfin…

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour un rappel au règlement.

Mme Sylvie Robert. Nous vivons un moment d’une très grande gravité : je vous le dis à mon tour avec une profonde tristesse.

Ce matin, nous avions repris nos travaux très sereinement. (M. Mathieu Darnaud sexclame.)

Mme Sylvie Robert. Oui, cher collègue, très sereinement.

Monsieur Darnaud, nous parlions de sujets de fond…

M. Roger Karoutchi. Obstruction !

Mme Sylvie Robert. Or vous avez voulu couper court aux débats.

Permettez-moi de récapituler brièvement les faits.

Le Gouvernement a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat dans des conditions que nous avons tous qualifiées d’inacceptables.

Le présent texte n’est assorti d’aucune d’étude d’impact. Or – je le souligne à mon tour – nous sommes passés d’une proposition de loi de M. Lafon à un projet de loi de Mme Dati.

Madame la ministre, vous êtes partie du principe que, sitôt transmis à notre assemblée, ce texte passerait grâce aux voix de la majorité sénatoriale. Mais vous ne pensiez pas que la gauche se mobiliserait tant.

Pour notre part, nous en sommes convaincus : l’audiovisuel public mérite un débat digne de ce nom. Toutes les questions que nous avons posées, toutes les problématiques que nous avons soulevées méritent des réponses argumentées.

M. Max Brisson. Mais vous posez cinquante fois la même question !

Mme Sylvie Robert. Ce n’est pas cinquante fois la même question. Nous avons accepté qu’il n’y ait pas de débat en commission.

M. Max Brisson. Si, le débat a eu lieu !

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, en définitive, tout cela vous arrange. Vous n’aviez pas d’argument. (Marques dexaspération sur les travées du groupe Les Républicains.) Dès lors, mieux vaut empêcher la discussion. Voilà qui est clair. Résultat des courses, nous n’avons pas eu de débat en commission et nous n’en aurons pas en séance.

Le Sénat est devenu l’otage de votre inconséquence. Qu’il s’agisse du respect de la démocratie en général ou du respect du Parlement en particulier, je crois que nous avons franchi une étape… (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour un rappel au règlement.

Mme Karine Daniel. Mon intervention se fonde, elle aussi, sur l’article 44, alinéa 6, de notre règlement.

M. Roger Karoutchi. Cela n’a rien à voir !

Mme Karine Daniel. Hier, nous avons longuement parlé des traditions, des habitudes, des coutumes et des usages de la chambre haute. Or je ne crois pas qu’il soit d’usage ou de tradition d’utiliser cet article pour une proposition de loi.

Ce choix montre bien l’ambiguïté soulevée depuis hier : finalement, qui porte le plus ce texte ? À présent, je pense que nous sommes tous éclairés sur ce point, comme l’a dit à l’instant notre collègue Pierre Ouzoulias.

Madame la ministre, vous avez souhaité que nous débattions, hier et aujourd’hui, de ce texte relatif à l’audiovisuel public. Est-ce actuellement la priorité des Français, alors que les derniers chiffres de la pauvreté sont sortis cette semaine,…

M. Roger Karoutchi. Quel rapport ?

Mme Karine Daniel. … alors que – nous le savons – des discussions budgétaires très difficiles nous attendent à la rentrée ? Le Sénat aurait pu commencer à travailler sur ces enjeux : eh bien non !

Vous nous avez imposé ce calendrier : nous sommes au rendez-vous. Nous faisons simplement notre travail de parlementaires et nous jouons pleinement notre rôle pour alerter sur ce que nous considérons être une mauvaise réforme.

Vous allez fragiliser un secteur à nos yeux essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie, à savoir l’audiovisuel public.

Nous sommes particulièrement attachés à la défense de la liberté d’expression, laquelle suppose la liberté des médias. Vous avez souhaité que nous ayons cette discussion, mais alors que nous sommes au rendez-vous, vous entendez y mettre un terme en recourant au vote bloqué.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Karine Daniel. Cette manœuvre doit apparaître clairement aux yeux des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour un rappel au règlement.

Mme Annick Billon. Je tiens simplement à saluer la décision de recourir au vote bloqué. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Annick Billon. Contrairement à ce que je viens d’entendre, cette proposition de loi, dont le rapporteur est Cédric Vial, a été écrite par le président Laurent Lafon.

Mme Laurence Rossignol. Il y a longtemps !

Mme Annick Billon. Chers collègues, il faut arrêter de se mentir. Vous invoquez le Rassemblement national : or je ne vois aucun élu du Rassemblement national dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. C’est cela qui est grave !

Mme Annick Billon. La semaine dernière, le texte présenté par M. Marseille et moi-même aurait dû être étudié en deux heures : il en aura fallu cinq pour examiner les quinze amendements qui avaient été déposés. Au passage, j’ai été qualifiée de réactionnaire !

En réalité, avec cette proposition de loi, nous vous proposons une réforme pour l’avenir de l’audiovisuel public. Aussi, je m’interroge : qui est réactionnaire dans cet hémicycle ?

À vous entendre, nous avons eu des débats apaisés. Mais qu’avons-nous fait hier…

Mme Annick Billon. … jusqu’à minuit quarante ? Nous avons débattu de trois motions de rejet, entendu des rappels au règlement successifs et subi diverses suspensions de séance. À elle seule, la vérification du quorum nous a fait perdre une heure…

M. Thomas Dossus. Il n’y a personne sur vos travées !

M. Roger Karoutchi. Il n’y a pas grand monde chez vous non plus !

Mme Annick Billon. À longueur de prises de parole, vous n’avez fait que reprendre les mêmes arguments, comme s’il suffisait de les répéter pour nous convaincre.

Non, vous ne nous avez pas convaincus. Cette discussion est totalement surréaliste, à l’image de cette session extraordinaire elle-même, et c’est de votre faute, chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite proposer au Sénat une solution d’apaisement.

Nous avons le plaisir d’accueillir M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, que je salue. Pendant tout le débat sur la réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille, il a su faire preuve d’un calme olympien et d’une constante courtoisie.

M. Roger Karoutchi. De la flatterie, maintenant ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous l’avons appris ce matin : l’ancien directeur de cabinet de Mme la ministre, devenu député de la deuxième circonscription de Paris, a été déclaré inéligible. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Quel rapport ?

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ils ne pensent qu’à Paris…

M. le président. Poursuivez, chère collègue.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, faites appliquer le règlement !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est certainement contrariant pour elle, d’autant qu’il s’agit de son ancienne circonscription.

Mme Rachida Dati, ministre. Et votre ami l’agresseur sexuel ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Afin qu’elle puisse se consacrer à la législative partielle qui se profile,…

M. Max Brisson. C’est honteux !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … le plus simple et le plus sage – nous pourrions ainsi avoir un véritable débat – serait que M. Mignola prenne le relais,…

M. Max Brisson. Scandaleux !

M. Roger Karoutchi. Invraisemblable !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … comme il a su le faire avec beaucoup d’élégance lors de l’examen de la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, dont personne au Gouvernement ne voulait assurer la défense… (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Incroyable !

Mme Rachida Dati, ministre. Du racisme social, comme toujours !

M. Max Brisson. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, faites appliquer les règles !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur Brisson, mon intervention se fonde sur l’article 42 de notre règlement, relatif à l’organisation de nos débats, dont je vous recommande la lecture. D’ailleurs, il me semble que c’est au président d’assurer la police de la séance et non à vous, en vociférant ou en tapant sur votre pupitre.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, il faut mettre un terme à cette mascarade !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur Mignola, nous aurions ainsi davantage de réponses à nos questions.

Mme Rachida Dati, ministre. Encore et toujours votre racisme !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il serait assez intéressant que vous puissiez suppléer votre collègue ministre, qui semble avoir d’autres tâches à accomplir par ailleurs.

Mme Rachida Dati, ministre. Venant de la part d’une fille de sénateur ! D’une héritière ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Savoldelli. Premièrement, je fais appel à la mémoire des plus anciens membres de cette assemblée : a-t-on jamais eu recours au vote bloqué alors que seuls 300 amendements restaient en discussion ? J’ai consulté des collègues plus expérimentés que moi : cela n’a jamais été le cas.

M. Pascal Savoldelli. Il y a donc un loup.

Deuxièmement, j’invite Mme Billon à aller au bout de son raisonnement. Certes, je me félicite qu’il n’y ait pas d’élu du Rassemblement national dans cet hémicycle. Mais le Rassemblement national compte de nombreux députés et, à l’évidence, il y a eu un deal, à l’Assemblée nationale, entre le Gouvernement et les élus du RN.

Aujourd’hui, nous discutons d’un texte dont toutes les dispositions relatives à l’audiovisuel privé ont été gommées. C’est ainsi que la négociation a été menée : il faut aussi le dire ! Il y a donc un deuxième loup…

Troisièmement, nous sommes saisis de textes soutenus par un Gouvernement dépourvu d’une majorité à même de lui donner une véritable légitimité.

Nous discutons dans le respect des uns et des autres, argument contre argument.

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est n’importe quoi…

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, monsieur le ministre, votre Gouvernement n’a pas de majorité. Vous n’avez pas gagné les élections, mais vous êtes là. Nous discutons néanmoins de manière apaisée, calme et argumentée.

Que signifie le vote bloqué ? Seuls les 50 amendements retenus par le Gouvernement seront examinés, alors même qu’il n’y a pas eu de débat à l’Assemblée nationale. Les 250 autres sont pour ainsi dire déclarés irrecevables : nous aurons le droit de les défendre, mais ils ne seront pas mis aux voix.

Dès lors, de quel côté se trouve l’obstruction ?

M. Roger Karoutchi. Du vôtre !

M. Pascal Savoldelli. Ces 250 amendements ne recueilleront même pas l’avis de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est évidemment pas bon pour le Parlement.

Comme Pierre Ouzoulias et d’autres orateurs le suggèrent, personne ne détient la vérité révélée. L’enjeu, c’est le respect de la règle démocratique, en vertu de laquelle c’est la représentation qui décide, dans sa pluralité.

Personne ici n’a jamais mis en cause la légitimité d’un scrutin.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. En tout cas, ce ne fut jamais mon cas – jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Fialaire. Le recours au vote bloqué est toujours un échec de la vie parlementaire, et les élus du RDSE le regrettent.

Comment en est-on arrivé là ? J’ai dénoncé l’inexplicable précipitation dans laquelle nous avons été contraints d’étudier ce texte : rien ne la justifiait. Mais je regrette tout autant l’évidente obstruction…

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Bernard Fialaire. … à laquelle nous avons assisté hier après-midi, puis hier soir. Même les interventions pertinentes, responsables et respectables ont été noyées dans un flot de paroles qui n’avaient d’autre but que de nous faire perdre notre temps.

M. Max Brisson. Très bien !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Bravo !

Mme Laurence Rossignol. Nous sommes payés pour être là !

M. Bernard Fialaire. Je regrette aussi les anathèmes lancés contre ceux qui, comme moi, soutiennent la proposition de loi de M. Lafon.

Je suis un défenseur de l’audiovisuel public. Je souhaite non seulement qu’il perdure, mais qu’il se renforce.

Nous pouvons avoir des désaccords. Il en existe au sein de mon propre groupe, dont les membres sont majoritairement opposés à ce texte ; mais nous nous respectons. Personne n’y met en doute mon intention de défendre l’audiovisuel public et de le renforcer pour relever les défis qui se présentent.

J’entends que l’audiovisuel public irait bien et qu’il ne faudrait rien changer, comme si, dans une société qui va bien, il ne faudrait rien modifier, rien anticiper. C’est, pour moi, la définition même du conservatisme.

M. Max Brisson. Très bien !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Tout à fait !

M. Bernard Fialaire. À l’inverse, je suis progressiste. Je crois dans le progrès. J’estime qu’il faut avoir le courage de proposer un certain nombre d’évolutions, même si tout semble bien aller.

C’est là le drame actuel de notre pays : depuis trop longtemps, la France est paresseusement endormie dans un certain confort intellectuel. C’est ce qui nous a conduits à la situation économique et politique que nous connaissons.

En bon élève radical, je fais mienne cette phrase du philosophe Alain, que mon instituteur avait écrite sur le tableau noir de sa classe : « Tout peuple qui s’endort en liberté se réveillera en servitude. » (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour un rappel au règlement.

M. David Ros. Ma prise de parole se fonde sur l’article 42 de notre règlement.

J’entends parler d’« obstruction » et de « perte de temps ». Chers collègues, ce texte doit fixer l’avenir de l’audiovisuel public pour les dix et peut-être même pour les vingt prochaines années. Le Sénat travaille sur ce sujet depuis 2014 : l’initiative dont il s’agit remonte à cette date. Déposer 300 amendements, dont l’examen suppose peut-être deux jours de débats, est-ce faire de l’obstruction ?

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. David Ros. Pourquoi refuser de faire notre travail de parlementaires, alors même que le débat n’a pas pu avoir lieu à l’Assemblée nationale ?

Monsieur Karoutchi, vous avez toutes les vacances pour répondre à cette question.

M. Roger Karoutchi. Oh, moi je ne pars pas en vacances !

M. David Ros. Madame la ministre, vous utilisez l’article 44, alinéa 3, de la Constitution pour la seule raison que vous n’êtes pas capable de mener un tel débat. Eh bien, c’est fort regrettable.

Nous émettons des doutes, non pas sur le texte initial de notre collègue Laurent Lafon, mais sur la méthode employée. Les précédents orateurs l’ont rappelé : le Sénat a été saisi dans la précipitation.

En pareil cas, il existe deux moyens de s’assurer le concours des différents groupes politiques : soit il faut accepter certains de leurs amendements – or les avis émis sont tous défavorables –, soit il faut faire vivre le débat par des échanges argumentés.

M. Max Brisson. Cela fait dix heures !

M. David Ros. Ce n’est pas davantage le cas.

Comme solution d’apaisement, je propose pour ma part que nous retournions en commission de la culture.

M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr…

M. David Ros. C’est, je le sais, une coutume bien antérieure à mon arrivée au Sénat, pratiquée notamment sous la présidence de M. Lafon.

Nous n’avons pas pu débattre de ces sujets en commission : eh bien, retournons-y pour examiner les amendements déposés.

Nous sommes partis de la proposition de loi Lafon, que je salue ; mais, avec la dernière décision de Mme la ministre, nous touchons désormais le fond… (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour un rappel au règlement.

Mme Ghislaine Senée. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 1, qui a pour objet les prises de parole intempestives.

À en croire certains, nous serions responsables de la situation. Nous nous serions livrés à des manœuvres d’obstruction et ces débats ne seraient pas sérieux. Mais la vérité est tout autre.

Madame la ministre, nous étions en train de défendre un amendement visant, de manière très concrète et très formelle, à garantir l’indépendance des trois entités de la holding ; et, tout à coup, vous avez décidé de recourir au vote bloqué. Selon moi, c’est tout un symbole.

Vous nous promettiez que la holding ne trancherait pas sur une quelconque ligne éditoriale, que sa seule mission serait de développer l’offre face à une concurrence de plus en plus active…

M. Max Brisson. Quel est le rapport ?

M. Roger Karoutchi. C’est n’importe quoi !

Mme Ghislaine Senée. C’est exactement ce que vous étiez en train de nous expliquer ! Le président Lafon lui-même a déclaré que cette holding n’aurait aucune compétence… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Ce sont de faux rappels au règlement !

Mme Ghislaine Senée. Il y a de cela cinquante et un ans, Jacques Chirac, Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, annonçait l’éclatement de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF). Ce faisant, il entendait mettre fin à une forme d’irresponsabilité, car, selon lui, la concurrence était gage d’autonomie et de responsabilité.

Aujourd’hui, on vient nous taxer de conservatisme.

M. Max Brisson. Quel est le rapport ?

Mme Ghislaine Senée. Chers collègues, quelle est votre boussole ? Il y a cinquante et un ans, votre famille politique estimait qu’il fallait absolument faire vivre la concurrence, faute de quoi l’audiovisuel public ne fonctionnerait pas. Désormais, vous nous expliquez le contraire…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Ghislaine Senée. À vous entendre, il faut assurer la concentration des décisions. Il faudrait que tout dépende d’un seul homme…

Le RN en a rêvé, Rachida Dati l’a fait ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Max Brisson. Ça suffit !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cédric Vial, rapporteur. Mes chers collègues, vous dites et vous répétez que vous n’avez pas eu le temps d’étudier ce texte. Pourtant, vous avez déposé plus de 350 amendements. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Laurence Rossignol. Nous parlons du débat en commission !

M. Cédric Vial, rapporteur. On peut donc considérer que vous avez été en mesure d’accomplir ce travail.

Hier, nous avons consacré plus de huit heures trente de discussions à ce texte – je mets à part la demande de quorum et les débats surréalismes auxquels cette procédure a donné lieu. Moins de trente amendements ont pu être examinés, mais nous avons laissé les débats se dérouler.

Ce matin, nous avons repris nos travaux. En l’espace d’une demi-heure, nous n’avons voté qu’un amendement.

Ce n’est pas le nombre d’amendements, le problème…

M. Roger Karoutchi. Bien sûr ; c’est le blocage !

M. Cédric Vial, rapporteur. Vous avez méthodiquement, systématiquement, pris la parole pour ralentir les débats. Tous les membres des groupes de gauche sont intervenus tour à tour.

M. Roger Karoutchi. C’est la définition de l’obstruction !

M. Cédric Vial, rapporteur. L’obstruction n’est pas une opinion. C’est une méthode que l’on emploie pour empêcher les autres de défendre leurs idées… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. C’est incroyable…

M. Cédric Vial, rapporteur. … et c’est exactement la stratégie que vous mettez en œuvre.

Depuis hier, vous nous dites tous que vous défendez l’audiovisuel public : chiche !

Nous aussi, nous défendons l’audiovisuel public. Or, alors que vous en appelez à une information de qualité, nous avons entendu de votre part ce que nous pourrions qualifier de fake news, si nous parlions anglais. Certaines informations et certains débats, totalement faussés, ont été mis au service de procès d’intention – comme si nous voulions mettre en coupe réglée l’audiovisuel public ! Ce n’est absolument pas l’objet de cette proposition de loi.

J’ajoute que le présent texte est bien celui de Laurent Lafon et non, comme vous l’affirmez, celui du Gouvernement – vous voulez lui en faire porter la responsabilité pour d’autres raisons encore.

Ce texte, que nous assumons et que le Sénat a voté, nous revient en deuxième lecture pour ainsi dire à l’identique. Il donne lieu à des débats de forme, alors que nous attendions des débats de fond. Or, quand on se concentre sur la forme, c’est souvent parce que l’on n’a pas grand-chose à dire sur le fond…

Comment croire qu’il n’y ait pas d’obstruction aujourd’hui ? Mme Robert a déposé plus de 170 amendements ; on peut tout de même considérer qu’un certain nombre de mesures proposées ont pour seul but de faire durer les débats.

M. Thomas Dossus. C’est le droit de l’opposition !

Mme Sylvie Robert. Il ne fallait rien faire ?

M. Cédric Vial, rapporteur. En tout, on dénombre 75 amendements de suppression ou de réécriture – 28 de Mme de Marco, 22 de Mme Robert et 25 de M. Bacchi… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Colombe Brossel. Nous travaillons !

M. Cédric Vial, rapporteur. M. Bacchi nous propose de reporter la réforme à 2126, de différer la nomination du président de la holding à 2075, deux ans plus tôt si la météo est favorable. (Mêmes mouvements.)

Mme Colombe Brossel. Ce n’est pas vrai, on n’a jamais dit ça !

M. Roger Karoutchi. Cela suffit, cette obstruction !

M. Cédric Vial, rapporteur. S’agit-il d’amendements de fond ? Non !

Nous voulions débattre de l’audiovisuel public : malheureusement, nous ne pouvons pas mener à bien cette discussion. Et, quand les coupables jouent les victimes, on se heurte à un problème supplémentaire.

Aujourd’hui, vous vous posez en victimes, vous regrettez d’être privés de débat, mais c’est vous qui êtes responsables de cette situation,… (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Roger Karoutchi. Exactement ! Responsables et coupables !

M. Cédric Vial, rapporteur. … pas nous ! Au contraire, nous étions prêts à débattre du fond. Or c’est impossible. Pourquoi ? Parce que vous avez décidé de faire durer la discussion.

Hier, un de nos collègues a entrepris de nous lire le bottin… (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)