Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Faut oser ! Venant des Verts, c’est fort !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le rapporteur, vous nous avez rappelé, en commission des lois, que nous ne faisions pas n’importe quoi parce que nous étions, dans le cas d’espèce, des constituants.
Nous sommes tous ici d’accord pour dire que le sujet des séparatismes dans notre pays est un sujet sérieux. Ce qui est en question, mes chers collègues, c’est la façon dont vous abordez ce problème.
Vous nous proposez d’introduire dans la Constitution la notion de « règles communes ». Or, cette notion, nous l’avons déjà dénoncée lorsque, dans le passé, cette même rédaction nous a été soumise – un autre que vous était à ce poste, monsieur le garde des sceaux –, en rappelant qu’elle induisait un risque, lequel n’est pas levé.
Vous avez commencé, en 2020, par proposer l’inscription à l’article 1er de la Constitution de la notion de « règles communes », avant de lui substituer, dans le texte initial de la présente proposition de loi, celle de « règles applicables ». La démonstration étant faite que cette solution alternative ne suffisait pas, vous êtes revenus à la notion de « règles communes », que vous savez fragile. Ce faisant, c’est le texte de la Constitution que vous fragilisez ; or ce texte contient d’ores et déjà toutes les dispositions nécessaires pour nous garantir contre le risque que vous dénoncez.
Encore une fois – je le répète –, je ne comprends pas quel est le sens de l’exercice auquel vous vous livrez. Je ne pense pas qu’il faille affaiblir la Constitution en y introduisant des mots qui seraient, d’une part, manifestement inutiles et, d’autre part, éventuellement dangereux.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1, tendant à supprimer l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.
Je rappelle que l’adoption de cet amendement entraînerait le rejet du texte en discussion.
En conséquence, en application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 112 |
Contre | 210 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République.
Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 210 |
Contre | 112 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
7
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Laurent Somon. Lors du scrutin public n° 367 de la séance du 11 juillet 2025 portant sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement en application de l’article 44, alinéa 3 de la Constitution, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, Mme Marie-Do Aeschlimann souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance pour quelques instants.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-sept, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Formations en santé
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative aux formations en santé, présentée par Mme Corinne Imbert et plusieurs de ses collègues (proposition n° 868 [2024-2025], texte de la commission n° 36, rapport n° 35, avis n° 30).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi.
Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les études de santé constituent pour notre pays un enjeu sanitaire, universitaire et territorial majeur. Elles sont au cœur du pacte républicain qui lie notre système de formation à notre système de soins. Elles représentent la principale voie de recrutement de nos professionnels de santé et doivent participer directement à l’amélioration de l’accès aux soins dans nos territoires.
Or, aujourd’hui, ni les modalités d’accès à ces études ni leur organisation ne répondent pleinement aux besoins de notre pays.
Les réformes successives, et notamment celle de 2019 ayant instauré les dispositifs du parcours accès spécifique santé (Pass) et de la licence accès santé (LAS), ont eu pour ambition d’améliorer la réussite des étudiants et de diversifier leurs profils. Mais force est de constater que le système actuel n’a pas tenu ses promesses. Nous ne pouvions en rester là.
Notre collègue Sonia de La Provôté nous avait déjà alertés, par deux rapports aux titres très explicites : le premier, remis en 2021, s’intitule Mise en œuvre de la réforme de l’accès aux études de santé : un départ chaotique au détriment de la réussite des étudiants ; le second, publié en 2022, Mise en œuvre de la réforme de l’accès aux études de santé, bilan après deux ans : des progrès, mais peut mieux faire.
Puis, à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a conduit en 2024 une évaluation approfondie de cette réforme de l’accès aux études de santé. Son rapport, intitulé L’accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable, met en lumière de sérieux défauts de conception ayant rendu difficile la mise en œuvre de ladite réforme.
Certes, les modalités de détermination des effectifs à former ont évolué, permettant une augmentation globale du nombre d’admis. Mais, comme le souligne la Cour, cette hausse ne garantit pas la réponse aux besoins de santé de nos territoires. Le bilan de la réforme est mitigé, en particulier en raison de l’échec de la diversification des profils et des fortes disparités entre universités ; un modèle « tout LAS » a même été inventé !
C’est à la lumière de ces constats que la commission des affaires sociales a décidé de poursuivre le travail d’évaluation. Des auditions nombreuses ont été conduites auprès des universités, des étudiants, des praticiens et des représentants institutionnels, et c’est sur la base de ces travaux que nous avons élaboré la présente proposition de loi, qui en constitue la traduction opérationnelle.
Ce texte s’inscrit également dans la continuité du travail engagé par notre commission des affaires sociales depuis plusieurs années pour améliorer l’accès aux soins. Je veux à cet égard évoquer la proposition de loi de notre collègue et président de commission, Philippe Mouiller, adoptée au Sénat au mois de mai 2025, visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires. Cette proposition de loi constitue une étape importante : elle pose les fondations d’une nouvelle politique de l’installation des médecins, mais surtout consacre le principe de l’évaluation des besoins au plus près des territoires, à l’échelle des territoires de vie-santé (TVS), en y associant les conseils départementaux, placés en première ligne.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en est le complément naturel : elle agit en amont, sur la formation et l’accès aux études de santé, afin d’assurer demain une amélioration du nombre de soignants sur l’ensemble du territoire.
C’est donc sur la base d’un travail mené avec constance et cohérence par le Sénat que nous abordons aujourd’hui ce sujet. Je tiens à saluer les rapporteurs du texte, Khalifé Khalifé et Véronique Guillotin, ainsi que Sonia de La Provôté, rapporteure pour avis, pour son travail inlassable.
Les constats sont connus et largement partagés : une grande disparité d’un territoire universitaire à l’autre ; une lisibilité défaillante pour les étudiants et les familles ; une diversification sociale et géographique du recrutement encore insuffisante.
La Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2024, et les rapporteurs du texte au Sénat ont dressé le même diagnostic : il est temps de simplifier et de refonder l’accès aux études de santé.
Notre commission des affaires sociales s’est également préoccupée d’un autre enjeu : celui du lien entre le lieu de formation et le lieu d’installation des futurs praticiens.
Rappelons qu’en 2019 la moitié des médecins généralistes exerçaient à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance. Autrement dit, le territoire de formation conditionne largement le territoire d’exercice. C’est dire combien l’organisation même des études de santé a un impact direct sur l’accès aux soins.
C’est dans cet esprit que j’ai déposé la présente proposition de loi, élaborée avec le soutien de la commission des affaires sociales, pour répondre à trois objectifs simples mais essentiels : rendre l’accès aux études de santé plus lisible et équitable ; territorialiser la formation médicale ; améliorer les conditions d’accueil et de stage des étudiants.
L’article 1er refond le dispositif Pass-LAS en une voie unique d’accès, plus claire et plus juste. Cette nouvelle licence, majoritairement composée d’enseignements en santé dès la première année, sera proposée dans chaque département, afin de rapprocher la formation des territoires. Elle inclura également la massokinésithérapie, aujourd’hui injustement exclue du champ des formations concernées.
L’article 2 prévoit, à titre expérimental, la possibilité d’une admission directe en pharmacie via Parcoursup, pour remédier au phénomène des places vacantes qui affaiblit cette filière. La réforme Pass-LAS a rendu moins visibles les études de pharmacie.
L’article 3 étend à l’ensemble du territoire national l’expérimentation d’options santé dans les lycées des zones sous-denses, en ville comme à la campagne, afin de susciter des vocations locales et d’encourager les jeunes à s’engager dans les carrières médicales.
L’article 4 fixe un objectif clair : les deux tiers des internes devront, à la suite de l’examen classant qui restera national, effectuer leur troisième cycle dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle. Il y a là un levier puissant pour fidéliser les futurs médecins sur leur territoire de formation et pour mieux répondre aux besoins de santé locaux.
L’article 5 crée quatre statuts homogènes de maîtres de stage pour toutes les disciplines de santé – médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique –, avec une formation obligatoire et une juste rémunération. C’est une reconnaissance attendue pour ces praticiens, acteurs essentiels de la qualité des formations.
L’article 6, enfin, assure la réussite de la réforme de la quatrième année de médecine générale. Il permet, à titre transitoire, d’accroître le nombre de lieux de stage disponibles en garantissant un encadrement de qualité, jusqu’à la rentrée universitaire 2031.
Madame la ministre, monsieur le ministre, j’ai bien noté le lancement – ce jour – de la concertation nationale pour un modèle simplifié, lisible et équitable de l’accès aux études de santé. Nous partageons le même objectif, et nous approuvons la date choisie pour son entrée en application ; il serait dommage de perdre du temps.
Mes chers collègues, cette proposition de loi ne prétend pas tout résoudre. Mais elle apporte des réponses concrètes, équilibrées et opérationnelles à des difficultés que nous avons toutes et tous constatées sur le terrain. Elle repose sur une conviction simple : former mieux, c’est soigner mieux, et former partout, c’est soigner partout.
En votant ce texte, nous affirmons notre volonté commune de donner aux étudiants les moyens de réussir, et aux territoires les professionnels de santé dont ils ont besoin.
Je tiens à remercier les nombreux collègues qui ont signé cette proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains.
Ce texte s’inscrit dans la continuité du travail rigoureux conduit par notre groupe, et de manière générale du travail mené ici au Sénat : évaluation, concertation, puis action ! Il vise à apporter des réponses pragmatiques et équilibrées à des difficultés identifiées depuis plusieurs années.
Je tiens enfin à saluer le travail de nos rapporteurs, dont les propositions ont permis d’enrichir et de consolider ce texte, certaines dates d’application étant notamment ajustées pour garantir la faisabilité de la réforme. Je souscris pleinement à la version issue de leurs travaux, qui conserve l’esprit et les objectifs initiaux de la proposition de loi tout en améliorant sa crédibilité et ses modalités de mise en œuvre concrète. Ces mesures de bon sens renforcent la portée de cette réforme, qu’il faut faire sans attendre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Véronique Guillotin, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que l’a exposé notre collègue Corinne Imbert, les études de santé constituent un enjeu sanitaire et universitaire de premier ordre. Il s’agit ici de construire des parcours de formation plus lisibles, plus justes et plus pertinents, tant pour nos étudiants que, surtout, pour satisfaire les besoins de santé de nos territoires.
La commission des affaires sociales a apporté un soutien appuyé à ce texte, qui est le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie par l’enquête sur l’accès aux études de santé que nous avions commandée à la Cour des comptes, mais aussi par de nombreuses auditions.
Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes à trois enjeux qui préoccupent notre commission comme tous les acteurs que nous avons entendus : la nécessaire réforme de la première année d’accès aux filières de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et massokinésithérapie (MMOPK) ; l’impératif d’atteindre à davantage d’équité sociale et territoriale, à la fois dans l’accès aux formations et dans l’accès aux soins ; enfin, le souhait de faciliter et d’améliorer l’accueil des étudiants en stage en ambulatoire.
Pour ce qui est du premier volet, il ne se trouve plus guère aujourd’hui de défenseurs du système Pass-LAS mis en place en 2019 pour l’accès aux filières MMOPK.
L’hétérogénéité du déploiement de la réforme selon les universités et la multiplicité des disciplines proposées – mineures en Pass ou majeures en LAS – ont été une source d’illisibilité pour les lycéens, pour leurs familles et même pour le législateur et les professionnels. Cette situation a renforcé les inégalités sociales et territoriales préexistantes et a fait le jeu des organismes de préparation privée, qui proposent des formations à des prix exorbitants aux familles inquiètes, perdues dans la jungle du Pass-LAS.
En outre, la réforme n’a pas atteint ses objectifs d’amélioration de la réussite étudiante et de diversification des profils. In fine, deux tiers des étudiants échouent à intégrer les filières MMOP. Et, parmi ceux qui échouent, près de huit sur dix abandonnent même la discipline dans laquelle ils s’étaient engagés. C’est un immense gâchis humain et universitaire.
L’article 1er propose donc de refondre le dispositif Pass-LAS en une voie unique d’accès articulée autour d’une licence universitaire qui comportera, en première année, une majorité d’enseignements relevant du domaine de la santé. Il intègre explicitement la massokinésithérapie dans ce parcours, alors que deux tiers des étudiants de cette filière sont d’ores et déjà issus du Pass ou de la LAS.
La création d’une voie unique est largement soutenue, même si les modalités imaginées par les différents acteurs peuvent varier.
L’article 1er contient également une disposition visant à organiser une première année d’accès aux études de santé dans chaque département au plus tard d’ici à la rentrée universitaire 2030.
C’est un enjeu de justice sociale et territoriale pour nos jeunes. Vingt-cinq départements demeurent dépourvus de première année d’accès aux études de santé. Or suivre des études hors du département d’origine implique des coûts financiers et des contraintes logistiques significatifs. Ainsi, seuls 21 % des étudiants admis dans les filières MMOPK sont issus d’une commune rurale, 6 % d’une commune rurale peu dense, et 19 % de milieux défavorisés ou assez défavorisés.
C’est aussi un enjeu de lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins. Une récente étude de l’Insee a montré que la moitié des médecins généralistes s’installent à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance.
Il faudra évidemment s’assurer de la qualité des conditions de vie et d’études au sein des formations délocalisées. Nous avons prévu, pour cela, la communication de données sur la réussite des étudiants au sein de ces campus.
En complément de la voie commune d’accès aux filières MMOPK, l’article 2 autorise l’expérimentation d’un accès direct à la filière de pharmacie, dès l’obtention du baccalauréat. En effet, cette filière souffre d’un déficit d’attractivité. Des places restent vacantes chaque année, tandis que des étudiants, effrayés par la première année commune, partent étudier à l’étranger.
Cette expérimentation, souhaitée par les doyens comme par les pharmaciens, vise à recruter, directement via Parcoursup, des lycéens motivés par la discipline, qui bénéficieront du même bloc d’enseignements en santé que dans la voie commune et d’un autre bloc d’enseignements soit transversaux soit spécifiques à la pharmacie.
Enfin, dernier article de ce chapitre, l’article 3 étend l’expérimentation des options santé dans les lycées à l’ensemble du territoire national et précise les objectifs du dispositif.
L’idée est de faire connaître les études de santé dans les territoires ruraux ou sous-dotés et, nous l’espérons, de faire naître des vocations chez des jeunes qui, souvent, ne pensent pas à de telles études, mais pourront revenir dans ces territoires une fois diplômés. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le deuxième volet de cette proposition de loi vise à territorialiser, ou à « rerégionaliser » – les deux termes reviennent au même –, le troisième cycle des études de médecine.
Aujourd’hui, le constat est clair : plus de 50 % des étudiants qui terminent le deuxième cycle de médecine quittent leur région. Certains le font par choix, mais beaucoup le font par défaut, car ils y sont contraints faute de places disponibles ou d’un rang de classement suffisant pour obtenir la spécialité de leur choix dans leur région d’origine.
Permettez-moi de garder à l’esprit la devise : « Loin des yeux, loin du cœur ». On sait que 70 % des médecins s’installent là où ils ont suivi leur internat. Ce lieu d’internat est donc un puissant levier pour rééquilibrer l’offre médicale sur le territoire et pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins.
Par ailleurs, la procédure actuelle de définition du nombre de postes d’internat et de leur répartition territoriale est critiquée par divers acteurs – notamment, parmi bien d’autres, les centres hospitaliers –, qui se jugent insuffisamment consultés et déplorent l’insuffisante prise en compte des besoins de santé du territoire.
Se fondant sur ces constats, l’article 4 hiérarchise les critères de répartition des postes d’internat dans le sens d’une meilleure prise en compte des besoins de santé et territorialise partiellement le troisième cycle de médecine.
Il instaure, à cet effet, un objectif national de deux tiers d’étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont validé leur deuxième cycle. Il s’agit par là de fidéliser les étudiants sur un territoire et de leur permettre de rester dans leur région d’origine, sans renoncer à l’excellence médicale ni interdire la mobilité estudiantine.
Enfin, le troisième volet de la proposition de loi concerne les conditions d’accueil des étudiants en stage.
L’article 5 crée quatre statuts homogènes de maîtres de stage universitaires pour toutes les filières MMOP, statuts inspirés de celui qui est actuellement applicable aux médecins – il offre en effet les meilleures garanties. Chaque maître de stage bénéficiera ainsi d’une formation préalable, d’un agrément et d’une rémunération. C’est une mesure de justice pour les professionnels, mais aussi une garantie de qualité de l’encadrement pour les étudiants.
Cependant, inciter des professionnels à s’investir dans l’accueil des étudiants et former des maîtres de stage universitaires prend quelques années. C’est pourquoi l’article 6 permet à titre transitoire l’accueil, à partir de novembre 2026, de docteurs juniors par des médecins généralistes accueillants non encore agréés.
Cette mesure facilitera l’accueil de docteurs juniors en stage dans les zones sous-denses, qui ne disposent pas aujourd’hui d’un nombre suffisant de maîtres de stage agréés. Ces médecins accueillants devront se former à la maîtrise de stage et auront vocation à être agréés. Les étudiants, eux, demeureront suivis par un maître de stage exerçant à proximité du lieu de stage.
Par ailleurs, cet article ouvre aux docteurs juniors la possibilité de suivre, au cours de leur quatrième année d’internat, la formation nécessaire à l’obtention de l’agrément à la maîtrise de stage, ce qui permettra de former davantage de futurs maîtres de stage.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue selon nous un texte équilibré et largement attendu par le secteur.
Sans résoudre l’ensemble des problèmes constatés, elle apportera des réponses opérationnelles aux principales difficultés remontées par les étudiants en santé, les professeurs et les maîtres de stage.
En diversifiant le recrutement des étudiants et en territorialisant l’organisation du troisième cycle, elle contribuera à freiner la progression inacceptable des inégalités territoriales d’accès aux soins.
Cette proposition de loi est donc le bon véhicule législatif pour mettre en œuvre rapidement les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du pacte de lutte contre les déserts médicaux.
Nous le savons, le Gouvernement a lancé ce matin même une concertation sur ces sujets, notamment sur les modalités d’une nouvelle voie unique d’accès aux études de santé, dont nous espérons que les résultats seront intégrés au texte lors de son examen à l’Assemblée nationale. Cela permettra une mise en œuvre rapide des mesures envisagées dès la rentrée 2027, une échéance qui convient à tous les acteurs que nous avons auditionnés.
Pour toutes ces raisons, mes collègues rapporteures et moi-même vous invitons au nom de la commission des affaires sociales à donner à cette proposition de loi la majorité qu’elle mérite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport s’est saisie, dès 2021, de la réforme de l’accès aux études de santé qui avait été mise en place en septembre 2020.
En 2022, dans un second rapport, elle tirait la sonnette d’alarme sur les nombreux dysfonctionnements constatés dans la mise en œuvre du dispositif Pass-LAS. Ses propositions visaient alors à rectifier le tir d’une réforme dont le démarrage était extrêmement contesté.
Alors que le premier rapport évoquait une « réforme chaotique », le second reconnaissait des effets positifs et des efforts, mais nuançait ce bilan par une mention « peut mieux faire ». Tout un programme !
Objet de contestations et de décisions du Conseil d’État, la réforme connut ensuite quelques évolutions, un recadrage et de la concertation – peut-être trop. Il n’en reste pas moins que la réforme de l’accès aux études de santé reste aujourd’hui nécessaire.
La voie unique d’accès proposée à l’article 1er répond aux exigences de simplification et de clarification d’un double système actuel jugé complexe, illisible, inéquitable et anxiogène, et qui fait l’unanimité contre lui.
La commission soutient donc l’initiative bienvenue de notre collègue Corinne Imbert. Mettre fin à un statu quo devenu délétère ne serait pas le dernier mérite de cette proposition de loi.
Consciente du coût organisationnel qu’a représenté le déploiement de la réforme, la commission estime d’autant moins raisonnable d’attendre des universités une mise en œuvre de la voie unique pour la rentrée 2026 qu’elles ont déjà préparé l’édition 2026 de Parcoursup.
C’est pourquoi, sur ma proposition, nous avons adopté un amendement tendant à fixer la date d’entrée en vigueur de la voie unique au 1er septembre 2027. Cette précision, également proposée par les rapporteurs au fond, est désormais intégrée au texte.
Au-delà de cet ajout, la commission a identifié cinq points de vigilance.
Premièrement, la commission s’interroge sur la faisabilité de la départementalisation de la nouvelle voie unique.
Bien sûr, l’objectif d’un meilleur maillage territorial de l’offre de formation en santé ne peut qu’être partagé, notamment afin de favoriser la diversité territoriale des promotions.
Faut-il pour autant mettre en place la voie unique d’accès dans chaque département ? Avons-nous les moyens de cette ambition et n’est-ce pas là, finalement, le nerf de la guerre ?
Il ne faudrait pas, en effet, que cette mesure aboutisse à la création de cursus inéquitables aux conditions d’études diversement satisfaisantes. Je pense, par exemple, à des formations qui seraient organisées entièrement à distance ou sans enseignement dirigé, dans lesquelles l’encadrement serait moindre et le tutorat étudiant moins encouragé.
Deuxièmement, la commission insiste sur la nécessité d’un cadrage réglementaire plus serré de la part du ministère de l’enseignement supérieur, pour remédier à la grande hétérogénéité des situations des universités. (M. le ministre acquiesce.) Jusqu’à présent, en effet, c’était un peu « à chaque université sa réforme » !
Autonomie des établissements et pilotage national ne sont pas antinomiques. Si la proposition de loi a bien pour objectif d’améliorer le cadrage des disciplines hors santé, il faut cependant aller plus loin dans l’harmonisation et inclure dans ce processus les connaissances en santé, ce fameux socle commun essentiel pour sélectionner les bonnes compétences. Les épreuves orales et les modalités d’interclassement restent également à définir.
Troisièmement, la commission considère que la refonte du dispositif Pass-LAS doit être l’occasion, dans un objectif de diversification académique des profils, de renforcer les passerelles existantes entre certaines formations paramédicales et les filières de santé. Ces passerelles sont certes régies au niveau réglementaire, mais le moment est venu de rappeler l’effet d’opportunité qu’elles représentent pour la formation dans les études de santé.
Quatrièmement, la réforme proposée doit permettre de rappeler l’importance du tutorat étudiant, dont le rôle est central dans la préparation aux études de santé, mais qui contribue également à l’objectif de diversification sociale des profils.
Le développement de l’accompagnement pédagogique par les pairs est d’ailleurs un effet positif de la réforme : celle-ci était tellement complexe qu’il a bien fallu des personnes pour l’expliquer, et si possible des pairs !
Le tutorat étudiant demeure concurrencé par une offre privée encore souvent perçue comme indispensable et dont les promoteurs recourent à des techniques commerciales parfois très invasives. Les universités doivent donc être incitées à mener une politique active en faveur du tutorat étudiant.
Cinquièmement, enfin, la commission réitère son appel à un travail conjoint du ministère de l’enseignement supérieur et du ministère de l’éducation nationale sur l’articulation entre la réforme de l’accès aux études de santé et la réforme du lycée.
En effet, la mise en place d’une voie unique ne sera pas sans conséquence sur les choix disciplinaires, et ce dès la classe de seconde. Il faudra donc redoubler d’efforts en matière d’information et d’orientation des lycéens.
La commission a émis évidemment un avis favorable sur les articles dont elle s’est saisie dans le cadre de cette proposition de loi, dont le contenu reprend largement les conclusions des précédentes missions d’information. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Raphaël Daubet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.