M. le président. Monsieur le rapporteur, il faut conclure.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il n’y a qu’un seul amendement, monsieur le président : permettez-moi d’en profiter.

M. le président. Mais la règle commune est la même pour tout le monde ! (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je vais donc me l’appliquer à moi-même et conclure de ce pas.

Nous devons affirmer ce principe, disais-je, pour mettre fin à la peur et à l’impuissance qui permettent aux revendications de prospérer.

En outre, la disposition que nous proposons d’inscrire à l’article 1er de la Constitution ne se limite pas à la seule sphère publique, contrairement à l’ensemble des textes auxquels vous avez fait référence, mes chers collègues. Elle s’étend aux interactions collectives de la sphère privée, auxquelles aucune disposition de cette nature ne s’applique actuellement.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je me réjouis que nous prenions en compte le danger que représentent les revendications communautaristes. Nous devons en effet sensibiliser nos concitoyens sur ce sujet et nous remobiliser en faveur de la laïcité, sans laisser l’extrême droite confisquer et pervertir ce principe pour ostraciser.

Je veux néanmoins faire amende honorable, car ma conviction est désormais qu’il ne faut pas légiférer dans l’émotion.

En octobre 2020, quelques jours seulement après avoir été élu, sous le coup de l’émotion qui avait suivi l’assassinat de Samuel Paty, j’avais voté en faveur d’un texte analogue. Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement avait alors eu raison de s’y opposer, car il ne faut pas alourdir inutilement la Constitution.

La liberté d’opinion et de religion est bornée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – cela a été rappelé –, qui ne vise pas seulement les troubles à l’ordre public. Je le rappelle : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » La référence à « l’ordre public établi par la loi » me paraît plus forte que la mention des « règles applicables » ou des « règles communes ».

Nous le savons tous ici, l’ajout d’une phrase dans la Constitution ne réglera aucun problème. Il ne faudrait pas, de surcroît, qu’une telle révision nous anesthésie et nous dispense de nous battre pour la laïcité. Ainsi, j’attends du Gouvernement non pas qu’il se prononce en faveur de ce texte, mais qu’il prenne les choses en main. Et chacun d’entre nous doit d’ailleurs participer à relever ce défi du combat pour la laïcité.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le rapporteur, il n’y a aucune animosité entre nous. Vous affirmez publiquement que M. Benarroche serait notre porte-parole ; je précise simplement, pour que cela figure dans le compte rendu, qu’il n’y a pas de porte-parole. De la même manière, les différents groupes qui composent la majorité sénatoriale se sont chacun exprimés.

Vous m’invitez à me justifier : vous aurez constaté que notre groupe a choisi de ne pas déposer d’amendement sur ce texte. Vous ne pouvez donc pas me reprocher cette précision. Il n’y a dans cette explication, du reste, aucune animosité à l’égard du groupe écologiste.

Vous avez souligné, à raison, que nous ne sommes pas en train d’écrire le scénario d’un film policier dont le suspense resterait entier : vous le savez, à la fin, notre groupe, comme d’autres, votera contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. M. le rapporteur nous a dit que nous n’étions pas ici pour faire du droit : à l’heure où l’on essaie de modifier la Constitution, une telle observation a de quoi poser question…

À cet égard, j’ai le souvenir assez vif que, lorsque nous bataillions pour introduire le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, il nous avait été opposé qu’il était absolument scandaleux, s’agissant d’un tel texte, d’y inscrire des symboles.

Et pourtant, nous nous apprêtons aujourd’hui à faire quelque chose d’absurde. Permettez-moi de relever, pour étayer mon propos, les arguments sur lesquels se fonde cette proposition de loi constitutionnelle.

Dans le rapport, il est écrit que, « de manière préoccupante, les pratiques communautaristes tendent à se banaliser ». Preuve en serait que 72 % des salariés considèrent qu’il est acceptable qu’un restaurant d’entreprise propose systématiquement un plat végétarien, comme c’est le cas, d’ailleurs, du restaurant du Sénat.

Se pose donc d’emblée le problème du manque d’évaluation sérieuse d’un sujet véritablement grave – celui du séparatisme et du respect de la laïcité –, pour lequel on propose une solution qui est juridiquement – pardonnez-moi – complètement aberrante.

En quoi consiste en effet l’article unique de la proposition de loi ? À insérer, après le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, un autre alinéa qui redit la même chose, mais à l’envers !

C’est un peu comme si l’on ajoutait, après le troisième alinéa de l’article 2 de la Constitution – « L’hymne national est “La Marseillaise” » –, une phrase visant à rappeler qu’aucun autre chant que « La Marseillaise » ne saurait être considéré comme l’hymne national…

Poursuivons sur notre lancée : pourquoi ne pas introduire, à l’article 9 – « Le Président de la République préside le conseil des ministres. » –, un alinéa précisant que nul conseil des ministres ne saurait être présidé par une autre personne que le Président de la République ?

Voilà exactement ce que nous sommes en train de faire avec cette proposition de loi constitutionnelle.

Il est dramatique, en vérité, que vous fassiez d’un sujet sérieux et grave – le respect de la laïcité et le risque séparatiste – un sujet de propagande électoraliste absolument minable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Il fallait oser ! Venant des Verts, c’est fort !

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le rapporteur, vous nous avez rappelé, en commission des lois, que nous ne faisions pas n’importe quoi parce que nous étions, dans le cas d’espèce, des constituants.

Nous sommes tous ici d’accord pour dire que le sujet des séparatismes dans notre pays est un sujet sérieux. Ce qui est en question, mes chers collègues, c’est la façon dont vous abordez ce problème.

Vous nous proposez d’introduire dans la Constitution la notion de « règle commune ». Or, cette notion, nous l’avons déjà dénoncée lorsque, dans le passé, cette même rédaction nous a été soumise – un autre que vous était à ce poste, monsieur le garde des sceaux –, en rappelant qu’elle induisait un risque, lequel n’est pas levé.

Vous avez commencé, en 2020, par proposer l’inscription à l’article 1er de la Constitution de la notion de « règle commune », avant de lui substituer, dans le texte initial de la présente proposition de loi, celle de « règles applicables ». La démonstration étant faite que cette solution alternative ne suffisait pas, vous êtes revenus à la notion de « règle commune », que vous savez fragile. Ce faisant, c’est le texte de la Constitution que vous fragilisez ; or ce texte contient d’ores et déjà toutes les dispositions nécessaires pour nous garantir contre le risque que vous dénoncez.

Encore une fois – je le répète –, je ne comprends pas le sens de l’exercice auquel vous vous livrez. Je ne pense pas qu’il faille affaiblir la Constitution en y introduisant des mots qui seraient, d’une part, manifestement inutiles et, d’autre part, éventuellement dangereux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1, tendant à supprimer l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle que l’adoption de cet amendement entraînerait le rejet du texte en discussion.

En conséquence, en application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l’adoption 112
Contre 210

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Et toc !

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l’adoption 210
Contre 112

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République
 

7

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour une mise au point au sujet d’un vote.

M. Laurent Somon. Lors du scrutin public n° 367 de la séance du 11 juillet 2025 portant sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement en application de l’article 44, alinéa 3 de la Constitution, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, Mme Marie-Do Aeschlimann souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, je vais suspendre la séance pour quelques instants.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-sept, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations en santé
Discussion générale (suite)

Formations en santé

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative aux formations en santé, présentée par Mme Corinne Imbert et plusieurs de ses collègues (proposition n° 868 [2024-2025], texte de la commission n° 36, rapport n° 35, avis n° 30).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations en santé
Article 1er

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi.

Mme Corinne Imbert, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les études de santé constituent pour notre pays un enjeu sanitaire, universitaire et territorial majeur. Elles sont au cœur du pacte républicain qui lie notre système de formation à notre système de soins. Elles représentent la principale voie de recrutement de nos professionnels de santé et doivent participer directement à l’amélioration de l’accès aux soins dans nos territoires.

Or, aujourd’hui, ni les modalités d’accès à ces études ni leur organisation ne répondent pleinement aux besoins de notre pays.

Les réformes successives, et notamment celle de 2019 ayant instauré les dispositifs du parcours accès spécifique santé (Pass) et de la licence accès santé (LAS), ont eu pour ambition d’améliorer la réussite des étudiants et de diversifier leurs profils. Mais force est de constater que le système actuel n’a pas tenu ses promesses. Nous ne pouvions en rester là.

Notre collègue Sonia de La Provôté nous avait déjà alertés, par deux rapports aux titres très explicites : le premier, remis en 2021, s’intitule Mise en œuvre de la réforme de laccès aux études de santé : un départ chaotique au détriment de la réussite des étudiants ; le second, publié en 2022, Mise en œuvre de la réforme de laccès aux études de santé, bilan après deux ans : des progrès, mais peut mieux faire.

Puis, à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a conduit en 2024 une évaluation approfondie de cette réforme de l’accès aux études de santé. Son rapport, intitulé Laccès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable, met en lumière de sérieux défauts de conception ayant rendu difficile la mise en œuvre de ladite réforme.

Certes, les modalités de détermination des effectifs à former ont évolué, permettant une augmentation globale du nombre d’admis. Mais, comme le souligne la Cour, cette hausse ne garantit pas la réponse aux besoins de santé de nos territoires. Le bilan de la réforme est mitigé, en particulier en raison de l’échec de la diversification des profils et des fortes disparités entre universités – un modèle « tout LAS » a même été inventé.

C’est à la lumière de ces constats que la commission des affaires sociales a décidé de poursuivre le travail d’évaluation. Des auditions nombreuses ont été conduites auprès des universités, des étudiants, des praticiens et des représentants institutionnels, et c’est sur la base de ces travaux que nous avons élaboré la présente proposition de loi, qui en constitue la traduction opérationnelle.

Ce texte s’inscrit également dans la continuité du travail engagé par notre commission des affaires sociales depuis plusieurs années pour améliorer l’accès aux soins. Je veux à cet égard évoquer la proposition de loi de notre collègue et président de commission, Philippe Mouiller, adoptée au Sénat au mois de mai 2025, visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires. Cette proposition de loi constitue une étape importante : elle pose les fondations d’une nouvelle politique de l’installation des médecins, mais surtout consacre le principe de l’évaluation des besoins au plus près des territoires, à l’échelle des territoires de vie-santé (TVS), en y associant les conseils départementaux, placés en première ligne.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en est le complément naturel : elle agit en amont, sur la formation et l’accès aux études de santé, afin d’assurer demain une amélioration du nombre de soignants sur l’ensemble du territoire.

C’est donc sur la base d’un travail mené avec constance et cohérence par le Sénat que nous abordons aujourd’hui ce sujet. Je tiens à saluer les rapporteurs du texte, Khalifé Khalifé et Véronique Guillotin, ainsi que Sonia de La Provôté, rapporteure pour avis, pour son travail inlassable.

Les constats sont connus et largement partagés : une grande disparité d’un territoire universitaire à l’autre ; une lisibilité défaillante pour les étudiants et les familles ; une diversification sociale et géographique du recrutement encore insuffisante.

La Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2024, et les rapporteurs du texte au Sénat ont dressé le même diagnostic : il est temps de simplifier et de refonder l’accès aux études de santé.

Notre commission des affaires sociales s’est également préoccupée d’un autre enjeu : celui du lien entre le lieu de formation et le lieu d’installation des futurs praticiens.

Rappelons qu’en 2019 la moitié des médecins généralistes exerçaient à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance. Autrement dit, le territoire de formation conditionne largement le territoire d’exercice. C’est dire combien l’organisation même des études de santé a un impact direct sur l’accès aux soins.

C’est dans cet esprit que j’ai déposé la présente proposition de loi, élaborée avec le soutien de la commission des affaires sociales, pour répondre à trois objectifs simples mais essentiels : rendre l’accès aux études de santé plus lisible et équitable ; territorialiser la formation médicale ; améliorer les conditions d’accueil et de stage des étudiants.

L’article 1er refond le dispositif Pass-LAS en une voie unique d’accès, plus claire et plus juste. Cette nouvelle licence, majoritairement composée d’enseignements en santé dès la première année, sera proposée dans chaque département, afin de rapprocher la formation des territoires. Elle inclura également la massokinésithérapie, aujourd’hui injustement exclue du champ des formations concernées.

L’article 2 prévoit, à titre expérimental, la possibilité d’une admission directe en pharmacie via Parcoursup, pour remédier au phénomène des places vacantes qui affaiblit cette filière. La réforme Pass-LAS a rendu moins visibles les études de pharmacie.

L’article 3 étend à l’ensemble du territoire national l’expérimentation d’options santé dans les lycées des zones sous-denses, en ville comme à la campagne, afin de susciter des vocations locales et d’encourager les jeunes à s’engager dans les carrières médicales.

L’article 4 fixe un objectif clair : les deux tiers des internes devront, à la suite de l’examen classant qui restera national, effectuer leur troisième cycle dans la région où ils ont validé leur deuxième cycle. Il y a là un levier puissant pour fidéliser les futurs médecins sur leur territoire de formation et pour mieux répondre aux besoins de santé locaux.

L’article 5 crée quatre statuts homogènes de maîtres de stage pour toutes les disciplines de santé – médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique –, avec une formation obligatoire et une juste rémunération. C’est une reconnaissance attendue pour ces praticiens, acteurs essentiels de la qualité des formations.

L’article 6, enfin, assure la réussite de la réforme de la quatrième année de médecine générale. Il permet, à titre transitoire, d’accroître le nombre de lieux de stage disponibles en garantissant un encadrement de qualité, jusqu’à la rentrée universitaire 2031.

Madame la ministre, monsieur le ministre, j’ai bien noté le lancement – ce jour – de la concertation nationale pour un modèle simplifié, lisible et équitable de l’accès aux études de santé. Nous partageons le même objectif et nous approuvons la date choisie pour son entrée en application ; il serait dommage de perdre du temps.

Mes chers collègues, cette proposition de loi ne prétend pas tout résoudre. Mais elle apporte des réponses concrètes, équilibrées et opérationnelles à des difficultés que nous avons toutes et tous constatées sur le terrain. Elle repose sur une conviction simple : former mieux, c’est soigner mieux, et former partout, c’est soigner partout.

En votant ce texte, nous affirmons notre volonté commune de donner aux étudiants les moyens de réussir et aux territoires les professionnels de santé dont ils ont besoin.

Je tiens à remercier les nombreux collègues qui ont signé cette proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains.

Ce texte s’inscrit dans la continuité du travail rigoureux conduit par notre groupe et, de manière générale, du travail mené ici au Sénat : évaluation, concertation, puis action. Il vise à apporter des réponses pragmatiques et équilibrées à des difficultés identifiées depuis plusieurs années.

Je tiens enfin à saluer le travail de nos rapporteurs, dont les propositions ont permis d’enrichir et de consolider ce texte, certaines dates d’application étant notamment ajustées pour garantir la faisabilité de la réforme. Je souscris pleinement à la version issue de leurs travaux, qui conserve l’esprit et les objectifs initiaux de la proposition de loi tout en améliorant sa crédibilité et ses modalités de mise en œuvre concrète. Ces mesures de bon sens renforcent la portée de cette réforme, qu’il faut faire sans attendre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Véronique Guillotin, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que l’a exposé notre collègue Corinne Imbert, les études de santé constituent un enjeu sanitaire et universitaire de premier ordre. Il s’agit ici de construire des parcours de formation plus lisibles, plus justes et plus pertinents, tant pour nos étudiants que, surtout, pour satisfaire les besoins de santé de nos territoires.

La commission des affaires sociales a apporté un soutien appuyé à ce texte, qui est le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie par l’enquête sur l’accès aux études de santé que nous avions commandée à la Cour des comptes, mais aussi par de nombreuses auditions.

Cette proposition de loi apporte des réponses concrètes à trois enjeux qui préoccupent notre commission comme tous les acteurs que nous avons entendus : la nécessaire réforme de la première année d’accès aux filières de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et massokinésithérapie (MMOPK) ; l’impératif d’atteindre à davantage d’équité sociale et territoriale, à la fois dans l’accès aux formations et dans l’accès aux soins ; enfin, le souhait de faciliter et d’améliorer l’accueil des étudiants en stage en ambulatoire.

Pour ce qui est du premier volet, il ne se trouve plus guère aujourd’hui de défenseurs du système Pass-LAS mis en place en 2019 pour l’accès aux filières MMOPK.

L’hétérogénéité du déploiement de la réforme selon les universités et la multiplicité des disciplines proposées – mineures en Pass ou majeures en LAS – ont été une source d’illisibilité pour les lycéens, pour leurs familles et même pour le législateur et les professionnels. Cette situation a renforcé les inégalités sociales et territoriales préexistantes et a fait le jeu des organismes de préparation privée, qui proposent des formations à des prix exorbitants aux familles inquiètes, perdues dans la jungle du Pass-LAS.

En outre, la réforme n’a pas atteint ses objectifs d’amélioration de la réussite étudiante et de diversification des profils. In fine, deux tiers des étudiants échouent à intégrer les filières MMOP. Et, parmi ceux qui échouent, près de huit sur dix abandonnent même la discipline dans laquelle ils s’étaient engagés. C’est un immense gâchis humain et universitaire.

L’article 1er propose donc de refondre le dispositif Pass-LAS en une voie unique d’accès articulée autour d’une licence universitaire qui comportera, en première année, une majorité d’enseignements relevant du domaine de la santé. Il intègre explicitement la massokinésithérapie dans ce parcours, alors que deux tiers des étudiants de cette filière sont d’ores et déjà issus du Pass ou de la LAS.

La création d’une voie unique est largement soutenue, même si les modalités imaginées par les différents acteurs peuvent varier.

L’article 1er contient également une disposition visant à organiser une première année d’accès aux études de santé dans chaque département au plus tard d’ici à la rentrée universitaire 2030.

C’est un enjeu de justice sociale et territoriale pour nos jeunes. Vingt-cinq départements demeurent dépourvus de première année d’accès aux études de santé. Or suivre des études hors du département d’origine implique des coûts financiers et des contraintes logistiques significatifs. Ainsi, seuls 21 % des étudiants admis dans les filières MMOPK sont issus d’une commune rurale, 6 % d’une commune rurale peu dense et 19 % de milieux défavorisés ou assez défavorisés.

C’est aussi un enjeu de lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins. Une récente étude de l’Insee a montré que la moitié des médecins généralistes s’installent à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance.

Il faudra évidemment s’assurer de la qualité des conditions de vie et d’études au sein des formations délocalisées. Nous avons prévu, pour cela, la communication de données sur la réussite des étudiants au sein de ces campus.

En complément de la voie commune d’accès aux filières MMOPK, l’article 2 autorise l’expérimentation d’un accès direct à la filière de pharmacie, dès l’obtention du baccalauréat. En effet, cette filière souffre d’un déficit d’attractivité. Des places restent vacantes chaque année, tandis que des étudiants, effrayés par la première année commune, partent étudier à l’étranger.

Cette expérimentation, souhaitée par les doyens comme par les pharmaciens, vise à recruter, directement via Parcoursup, des lycéens motivés par la discipline, qui bénéficieront du même bloc d’enseignements en santé que dans la voie commune et d’un autre bloc d’enseignements soit transversaux soit spécifiques à la pharmacie.

Enfin, dernier article de ce chapitre, l’article 3 étend l’expérimentation des options santé dans les lycées à l’ensemble du territoire national et précise les objectifs du dispositif.

L’idée est de faire connaître les études de santé dans les territoires ruraux ou sous-dotés et, nous l’espérons, de faire naître des vocations chez des jeunes qui, souvent, ne pensent pas à de telles études, mais pourront revenir dans ces territoires une fois diplômés. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le deuxième volet de cette proposition de loi vise à territorialiser, ou à « rerégionaliser » – les deux termes reviennent au même –, le troisième cycle des études de médecine.

Aujourd’hui, le constat est clair : plus de 50 % des étudiants qui terminent le deuxième cycle de médecine quittent leur région. Certains le font par choix, mais beaucoup le font par défaut, car ils y sont contraints faute de places disponibles ou d’un rang de classement suffisant pour obtenir la spécialité de leur choix dans leur région d’origine.

Permettez-moi de garder à l’esprit la devise : « Loin des yeux, loin du cœur ». On sait que 70 % des médecins s’installent là où ils ont suivi leur internat. Ce lieu d’internat est donc un puissant levier pour rééquilibrer l’offre médicale sur le territoire et pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins.

Par ailleurs, la procédure actuelle de définition du nombre de postes d’internat et de leur répartition territoriale est critiquée par divers acteurs – notamment, parmi bien d’autres, les centres hospitaliers –, qui se jugent insuffisamment consultés et déplorent l’insuffisante prise en compte des besoins de santé du territoire.

Se fondant sur ces constats, l’article 4 hiérarchise les critères de répartition des postes d’internat dans le sens d’une meilleure prise en compte des besoins de santé et territorialise partiellement le troisième cycle de médecine.

Il instaure, à cet effet, un objectif national de deux tiers d’étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont validé leur deuxième cycle. Il s’agit par là de fidéliser les étudiants sur un territoire et de leur permettre de rester dans leur région d’origine, sans renoncer à l’excellence médicale ni interdire la mobilité estudiantine.

Enfin, le troisième volet de la proposition de loi concerne les conditions d’accueil des étudiants en stage.

L’article 5 crée quatre statuts homogènes de maîtres de stage universitaires pour toutes les filières MMOP, statuts inspirés de celui qui est actuellement applicable aux médecins – il offre en effet les meilleures garanties. Chaque maître de stage bénéficiera ainsi d’une formation préalable, d’un agrément et d’une rémunération. C’est une mesure de justice pour les professionnels, mais aussi une garantie de qualité de l’encadrement pour les étudiants.

Cependant, inciter des professionnels à s’investir dans l’accueil des étudiants et former des maîtres de stage universitaires prend quelques années. C’est pourquoi l’article 6 permet à titre transitoire l’accueil, à partir de novembre 2026, de docteurs juniors par des médecins généralistes accueillants non encore agréés.

Cette mesure facilitera l’accueil de docteurs juniors en stage dans les zones sous-denses, qui ne disposent pas aujourd’hui d’un nombre suffisant de maîtres de stage agréés. Ces médecins accueillants devront se former à la maîtrise de stage et auront vocation à être agréés. Les étudiants, eux, demeureront suivis par un maître de stage exerçant à proximité du lieu de stage.

Par ailleurs, cet article ouvre aux docteurs juniors la possibilité de suivre, au cours de leur quatrième année d’internat, la formation nécessaire à l’obtention de l’agrément à la maîtrise de stage, ce qui permettra de former davantage de futurs maîtres de stage.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue selon nous un texte équilibré et largement attendu par le secteur.

Sans résoudre l’ensemble des problèmes constatés, elle apportera des réponses opérationnelles aux principales difficultés remontées par les étudiants en santé, les professeurs et les maîtres de stage.

En diversifiant le recrutement des étudiants et en territorialisant l’organisation du troisième cycle, elle contribuera à freiner la progression inacceptable des inégalités territoriales d’accès aux soins.

Cette proposition de loi est donc le bon véhicule législatif pour mettre en œuvre rapidement les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du pacte de lutte contre les déserts médicaux.

Nous le savons, le Gouvernement a lancé ce matin même une concertation sur ces sujets, notamment sur les modalités d’une nouvelle voie unique d’accès aux études de santé, dont nous espérons que les résultats seront intégrés au texte lors de son examen à l’Assemblée nationale. Cela permettra une mise en œuvre rapide des mesures envisagées dès la rentrée 2027, une échéance qui convient à tous les acteurs que nous avons auditionnés.

Pour toutes ces raisons, mes collègues rapporteures et moi-même vous invitons au nom de la commission des affaires sociales à donner à cette proposition de loi la majorité qu’elle mérite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)