Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je ne puis aller contre ma nature, mon cher collègue. C'est tout simplement au-dessus de mes forces ! (Sourires.)
Plus sérieusement, comme c'est la tradition s'agissant de demandes de rapport, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre. Je vous félicite de votre art oratoire d'avocat, monsieur le sénateur Benarroche ! (Sourires.)
J'oserai toutefois vous rappeler que le contrôle et l'investigation comptent parmi les prérogatives du législateur, qui accorde bien souvent, à raison, davantage de crédit à ses propres travaux qu'à ceux d'autrui.
Le Parlement pouvant se saisir de ce sujet, et n'entendant nullement faire entrave à cette liberté, j'émets un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par MM. Roiron, Kerrouche, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Kanner, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Uzenat, Cozic, Redon-Sarrazy, Lurel, Gillé, M. Weber et Marie, Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes Canalès, Bonnefoy, Brossel, Artigalas, Bélim et Blatrix Contat, M. Darras, Mme Féret, MM. Jacquin et Mérillou, Mmes Monier et S. Robert, MM. Ros, Temal, Tissot, Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
portant création d'un statut de l'
par les mots :
visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.
M. Pierre-Alain Roiron. Avant de passer au vote de ce texte, nous vous proposons d'en modifier l'intitulé, mes chers collègues.
Dans sa version initiale, cette proposition de loi affichait l'ambition – que nous partagions – de créer un statut de l'élu local. Or la réalité est un peu différente, puisque le texte que nous nous apprêtons à adopter ne crée pas de « statut de l'élu » au sens juridique du terme : il confère aux élus locaux des droits nouveaux visant à faciliter, à sécuriser, mais aussi à encourager l'exercice du mandat local.
Nous soutenons ces dispositions et nous souhaitons que les élus en bénéficient dès que ce texte entrera en vigueur, mais il faut reconnaître qu'il ne s'agit pas véritablement d'un statut de l'élu local. Je vous renvoie sur ce point à la proposition de loi, présentée en 2023 par notre collègue et rapporteur Éric Kerrouche, visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux, qui portait création d'un statut d'agent civique territorial.
L'Assemblée nationale a modifié l'intitulé du présent texte de manière à rendre celui-ci cohérent avec son contenu. C'est le minimum pour éviter tout aspect déceptif, car il n'y aurait rien de pis que de laisser croire aux élus locaux que ce texte instaure un véritable statut de l'élu local.
Telle est la raison pour laquelle nous vous proposons de rétablir l'intitulé retenu par l'Assemblée nationale : « proposition de loi visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. La présente proposition étant contraire à la position de la commission, l'avis est défavorable.
La présence des termes « statut de l'élu local » correspond à une demande forte des élus locaux, et ces termes reflètent le travail que nous avons mené. Ces termes parlent aux élus qui nous entourent.
Si vous le permettez, monsieur le président, je tiens par ailleurs à remercier, au nom des trois rapporteurs, les collaborateurs de Mme la ministre et, tout particulièrement, les administrateurs de la commission des lois de leur compétence et de leur disponibilité. Durant les deux derniers mois, nous avons énormément travaillé ensemble, et leur aide comme leur accompagnement nous ont été précieux. (Applaudissements.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre. L'article 5 introduit le mot « statut » dans le code général des collectivités territoriales. Nous l'avons fait !
Ce terme admet certes des acceptions différentes. Je salue le travail d'Éric Kerrouche, qui avait proposé à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation de faire du maire un fonctionnaire d'État doté d'un statut particulier, comme c'est le cas dans d'autres pays. Nous n'avions toutefois pas retenu cette option, car l'originalité de la démocratie française et de notre République nous a paru solidaire de l'engagement libre de citoyens ne dépendant d'aucun parti.
Nous avons surtout estimé qu'il importait de conforter les conditions d'exercice du mandat. « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » ; or les élus utilisent déjà les termes « statut de l'élu local » pour désigner ce texte.
Si la décision appartient aux parlementaires, je suis donc favorable au maintien dans l'intitulé du texte des termes mêmes que nous introduisons dans le CGCT et qui constitueront à ce titre une référence juridique. J'estime qu'il s'agit d'un premier pas important dans la reconnaissance de l'engagement de tous les élus, sur le fondement duquel nous pourrons apporter à ce cadre juridique les évolutions qui s'imposeront.
Tout en entendant vos arguments, monsieur le sénateur Roiron, et tout en admettant que vous pouvez avoir raison du point de vue de l'exégèse, je penche donc du côté du pouvoir des mots et du travail mené par le Sénat.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Les arguments de Mme la ministre ne font qu'affermir la position de mon groupe : nous ne soutiendrons pas ce changement d'intitulé, qui n'a du reste rien d'anodin, mon cher collègue. Nous tenons à cet intitulé et nous souhaitons son maintien.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J'entends pour ma part l'argument de nos collègues socialistes : les élus parlent certes déjà du statut de l'élu, mais devons-nous pour autant donner à croire que ce chantier est abouti, et que nous sommes sur le point d'adopter un véritable statut de l'élu, alors même que des pans entiers du travail restent à mener, et parfois même à défricher, avant de pouvoir parler d'un véritable statut de l'élu ?
Je me souviens qu'en février 2019, lors d'une séance de quatre heures consacrée à l'examen de la proposition de loi créant un statut de l'élu communal de notre collègue Pierre-Yves Colombat – texte qui n'a du reste jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale – la majorité sénatoriale d'alors, qui était d'ailleurs la même que celle d'aujourd'hui, nous expliquait qu'il ne fallait surtout pas créer de statut de l'élu local, car l'engagement des intéressés ne pouvait se résumer à un statut. S'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, prenons garde aux girouettes, mes chers collègues !
J'entends et partage les arguments avancés de part et d'autre, mais je crois que, comme Mme la ministre l'a indiqué, l'essentiel est que les élus appréhendent ce texte comme une véritable avancée, ce dont nous ne pourrons que nous féliciter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. À l'issue de l'examen de ce texte essentiel pour l'avenir de nos communes, et à quelques mois des élections municipales, alors que nous sentons poindre une crise des vocations dont l'avenir nous dira si elle se confirme, je tiens à vous remercier, madame la ministre, du travail mené sur ce texte, auquel je sais que vous tenez, et que vous avez continué de porter depuis l'autre côté de la barrière, si je puis dire.
Je remercie également les rapporteurs du travail d'ampleur qu'ils ont effectué. Je sais que cela n'a pas toujours été simple – ils ont bien souvent fait de la dentelle –, mais je demeure convaincue que ce texte fera une différence pour nos concitoyens.
Il constitue en tout cas – vous l'avez souligné, madame la ministre – un premier pas sur le chemin de la valorisation de l'engagement des élus, en dépit de tout ce qu'il reste à faire pour simplifier l'exercice du mandat de maire au quotidien.
Il sera toutefois bien plus difficile de soulager les maires des normes excessives, de la complexité administrative et, plus généralement, de toutes les tracasseries du quotidien. Il suffit de consulter les circulaires et autres directives, longues parfois de soixante pages, adressées par les préfets aux maires, qui doivent non seulement les lire, mais les appliquer, pour comprendre que nous sommes entrés dans une période de surprotection. Pour ma part, je ne reconnais plus le mandat de maire que j'ai connu en 2001 !
Dans le rapport que j'ai cosigné avec Mathieu Darnaud en 2023, Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires, nous rappelions que les relations avec leurs concitoyens étaient la première cause du malaise des maires.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.
M. Bernard Buis. Je crois qu'en améliorant les conditions d'engagement, d'exercice et de reconversion des élus, nous avons véritablement fait œuvre utile, et que ce texte contribuera à encourager les vocations, mais aussi à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat local.
Je salue à mon tour le travail de la commission, ainsi que celui de Mme la ministre et de ses équipes.
Le groupe RDPI se félicite de l'adoption imminente de ce texte, qui constitue une étape majeure vers la reconnaissance du rôle irremplaçable de nos élus locaux dans la vie démocratique de notre pays.
Nous espérons que la commission mixte paritaire parviendra à parachever ce travail, dans un esprit de responsabilité et d'unité au service des territoires, et que ce texte aboutira le plus rapidement possible, car mieux reconnaître les élus locaux et leur statut, c'est renforcer la République.
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Je tiens à féliciter à mon tour les rapporteurs et les administrateurs de leur travail exigeant, mené dans un contexte politique dont il faut bien reconnaître qu'il est particulièrement instable et qu'il a poussé de nombreux élus à renoncer, faute de signes leur donnant des raisons d'espérer.
Des concertations longues de plus d'un an et demi ont permis d'aboutir à ce texte, qui marque un pas important, mais mesuré, vers un cadre plus juste de l'exercice du mandat d'élu local. Il trace une ligne d'équilibre claire : valoriser l'engagement, sécuriser l'action, sans placer les élus au-dessus de la règle commune ni les traiter par principe comme des contrevenants potentiels.
S'il ne crée toujours pas ce que l'on pourrait appeler un véritable statut de l'élu local, madame la ministre, ce texte pose néanmoins des jalons solides et nécessaires pour y parvenir.
Nous nous satisfaisons bien évidemment que, dans leur sagesse, les rapporteurs aient préconisé et le Sénat choisi de renoncer au serment républicain qu'il était envisagé d'imposer aux élus. Convaincus que la loyauté à la République se démontre non par l'observance d'un rituel, mais par l'action, de nombreux sénateurs et de nombreux élus auraient à mon sens assez mal vécu l'adoption de cette disposition.
En ce qui concerne les articles 18 et 18 bis A, un équilibre a été trouvé afin de sécuriser sans déresponsabiliser : clarification du champ de la prise illégale d'intérêt, meilleure lisibilité pour les élus mandatés par les collectivités, recentrage du déport sur les seuls cas sensibles de commande publique. C'est une réponse attendue, concrète, fiable et – espérons-le – politiquement utile.
Ce texte ne clôt nullement le dossier de ce qui pourra devenir un jour un véritable statut, mais, à moins de six mois des élections municipales,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre-Alain Roiron. … c'est un signal de confiance indispensable adressé aux élus et à celles et ceux qui les font tenir.
M. le président. C'est terminé !
M. Pierre-Alain Roiron. C'est une exigence démocratique.
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour explication de vote.
M. Louis Vogel. Hier, lors de mon intervention liminaire, je citais le nombre très élevé de démissions de maire, qui constitue à mon sens un appel à l'aide, une interpellation du législateur.
En adoptant ce statut, nous apportons une première réponse à cette interpellation. Nous faisons œuvre utile et – je le crois – conforme à ce qui est attendu de nous dans les territoires, mes chers collègues. De nombreux élus nous ont en effet demandé d'instaurer ce statut, qu'ils attendaient et espéraient avant les prochaines élections municipales.
Permettez-moi de vous féliciter du travail accompli, madame la ministre. Depuis votre place privilégiée, vous avez su parler au Sénat.
Je remercie également la présidente de la commission des lois et les rapporteurs, qui ont eu la tâche difficile de trouver un chemin, comme on le dit aujourd'hui, en dépit de demandes tout à fait contradictoires. Or nous y sommes parvenus, comme nous savons le faire au Sénat.
Au nom du groupe Les Indépendants, je vous en remercie, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Au nom de mon groupe, je me félicite de l'aboutissement de ce texte, qui devrait – je le crois – être encore une fois voté à l'unanimité.
Il y a plusieurs manières de voir les choses. Je pourrais déplorer tout le temps passé – peut-être même perdu – entre le printemps 2024 et aujourd'hui. Je pourrais aussi m'étonner des nombreux événements et soubresauts qu'a connus l'examen de ce texte en une semaine.
Je crois toutefois qu'il était nécessaire de prendre ce temps, un temps sérieux, pour parvenir tous ensemble à un texte répondant à l'aspiration des élus locaux. Il était nécessaire d'exprimer nos désaccords, plus ou moins bienveillants – je l'entends –, car ce n'est pas dans le consensus, et encore moins avec une attitude de béni-oui-oui, que les choses avancent.
À l'issue de nos débats, en adoptant ce texte, nous estimons que, si nous n'instaurons pas encore un véritable statut de l'élu, nous en prenons en tout cas le chemin. La maison étant désormais hors d'eau et hors d'air, le travail peut réellement commencer.
Madame la ministre, je sais que, sur ces sujets, une fois ce texte adopté, il nous restera beaucoup de travail à faire.
Comme je le disais lors de la discussion générale, l'enjeu est de permettre à tout un chacun d'exercer ou de ne plus exercer un mandat local : il y va de la préservation de la démocratie locale, et donc de notre République tout entière. Cette ambition est facile à énoncer, mais nous savons tous combien elle est complexe à mettre en œuvre pour nombre de nos concitoyens. C'est en faisant le pari d'un engagement à la portée de tous que nous sécuriserons l'accès à ce très beau mandat qu'est celui d'élu local.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je veux à mon tour m'adresser à Mme la ministre pour la remercier de son écoute tout au long de l'examen de cet excellent texte. Je tiens également à saluer mes collègues rapporteurs : en effet, cette proposition de loi n'enlève rien à personne et va au contraire profiter à beaucoup de nos concitoyens, même si, en définitive, tous n'en bénéficieront pas dans ce pays.
Je m'explique : beaucoup d'élus de communes situées dans des départements frontaliers – je suis moi-même élu d'un tel département – travaillent de l'autre côté de la frontière. La réponse que vous m'avez faite hier soir à ce sujet, madame la ministre, était certes sympathique, mais elle ne me convient pas. C'est en effet non pas à l'Europe, mais à chaque État de régler le problème dans le cadre de discussions bilatérales qu'en l'espèce le gouvernement français doit engager avec l'Italie, avec l'Allemagne, avec le Luxembourg, avec l'Espagne, et ainsi de suite. L'objectif est de permettre aux élus français qui travaillent de l'autre côté de la frontière de disposer du même statut que celui que nous nous apprêtons à accorder aux élus français qui travaillent dans notre pays.
À défaut, il restera des territoires déshérités et le risque est grand que, dans certaines communes où le taux de travailleurs frontaliers est très élevé – il « tangente » parfois les 99 % –, il n'y ait demain plus personne pour se présenter aux élections municipales. Et, dans ce cas de figure, nous n'aurons pas servi la démocratie.
Avec ce texte, donc, nous n'avons pas fini notre travail, car ses dispositions profitent aux élus de la très grande majorité des communes, mais non de la totalité des communes – et je vous sais très sensible à cet argument, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Comme vous tous, je me réjouis que, grâce au travail réalisé, nous aboutissions à un texte qui ne crée certes pas réellement un statut de l'élu local, mais qui contient un ensemble de dispositions que nous qualifierons tout de même de « statut », parce que tout le monde, y compris les maires, les appelle ainsi.
Cette proposition de loi comporte un certain nombre d'avancées considérables qui vont – c'est important – sécuriser l'engagement des élus locaux, malgré l'absence – je la regrette – de certains éléments que j'aurais aimé voir y figurer ; mais ce n'est que partie remise.
Cela dit, mes chers collègues, permettez-moi d'appeler votre attention sur un point : la crise démocratique que nous vivons n'est pas liée à la seule absence d'un statut de l'élu.
Le défaut d'engagement citoyen, qui est un défaut de participation à la vie publique des habitants de nos communes et de toutes les personnes résidant dans notre pays qui pourraient s'y impliquer, le manque de motivation et l'absence de dynamique que nous observons en la matière – je rappelle que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales avait intitulé l'un de ses rapports, publié il y a trois ans : Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative –, ces problèmes ne sont pas imputables, j'y insiste, à la seule absence d'un statut de l'élu ; et ils ne seront pas résolus par un tel statut – même un statut parfait n'y suffirait pas. Ces manques sont liés aussi à l'absence d'un certain nombre de procédures, de modes de fonctionnement, en un mot de cultures, qui n'ont pour le moment pas pu être développés dans notre pays.
Il existe des communes qui ont d'ores et déjà mis en œuvre des dispositifs locaux de participation citoyenne, par exemple en matière de transition environnementale. Je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport sur la transition environnementale des collectivités dont Mme la ministre m'avait confié l'élaboration lorsqu'elle présidait la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales : nous y montrions que, dans beaucoup de nos territoires, des initiatives sont prises en matière de participation citoyenne.
L'une des premières recommandations de ce rapport avait trait à la capacité des élus à « embarquer » leurs concitoyens avec eux dans la participation aux projets de transition ; et, dans cette perspective, nous mettions en avant le rôle crucial de la mise en récits comme vecteur de l'engagement. C'est la même chose pour la démocratie en général. Or, dans ce domaine, il nous reste beaucoup d'efforts à faire.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Ce texte est né de la volonté commune des membres du Sénat de défendre nos élus. Personne ici n'a oublié le fameux hashtag #BalanceTonMaire. Vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, qu'il avait été lancé juste avant le congrès de l'Association des maires de France. Il était question de nier les corps intermédiaires ; mais qu'aurait-on fait sans eux ?
En vérité, nos communes sont de « petites républiques » qui font tenir la grande. À nous de continuer à les défendre pour préserver cette proximité qui fait tout simplement vivre la démocratie !
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Tout d'abord, je rappelle que le vote de ce texte, qui ne crée peut-être pas un statut complet de l'élu local – même si un statut n'est rien d'autre qu'un ensemble de textes –, mais qui a bel et bien pour objet un tel statut, répond à une attente des élus eux-mêmes. Ces dispositions les rassurent : les voilà reconnus dans leur « métier » – je mets des guillemets – d'élu local. Ainsi, la proposition de loi octroie automatiquement une protection fonctionnelle à tous les élus ; elle exclut aussi l'intérêt public des motifs constitutifs de l'infraction de prise illégale d'intérêt, la situation juridique actuelle posant énormément de problèmes dans les collectivités.
Ce texte favorisera peut-être l'engagement citoyen. Certes, monsieur Benarroche, je vous rejoins : il ne modifiera pas la donne à lui seul en matière d'engagement dans la vie publique, mais il contribuera à accroître l'attractivité des mandats locaux – en tout cas, il ne désespérera pas ceux de nos concitoyens qui voudraient s'y engager.
Je tiens également à féliciter la commission : son travail, ardu, a nécessité des échanges nombreux, sur un sujet que Mme la ministre tient à bout de bras depuis un certain nombre d'années – tel était déjà le cas lorsqu'elle présidait la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation : elle a su mener toutes ces réflexions jusqu'à leur terme et, en tout cas, jusqu'au vote d'aujourd'hui.
Grâce à la volonté de chacun de faire vivre cet « esprit de travail » spécifique au Sénat, qui le distingue d'autres assemblées, cette proposition de loi, qui démontre la qualité de nos travaux, va être votée.
Certes, cela été dit, le texte ne réglera pas tout. Du reste, certaines demandes de précision, émanant y compris de mon groupe, n'ont peut-être pas encore été entièrement levées. Mais, on le sait, une loi n'est jamais parfaite. C'est la jurisprudence qui se dégagera des cas à traiter dans les années à venir qui permettra de la faire évoluer.
À l'aube du congrès des maires et, surtout, des prochaines échéances électorales, c'est un pas important qui est franchi, s'agissant d'un combat que nous menons depuis des années. Je me réjouis donc de la volonté commune du Gouvernement, de la commission et de l'ensemble des groupes politiques de cette assemblée d'aboutir à un texte qui n'est certes probablement pas parfait, mais qui va en tout cas dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Nous en arrivons au terme de longues journées de travail partagé, de longues heures de labeur collectif. Comme je l'ai indiqué au nom du groupe Union Centriste lors de mon intervention en discussion générale, ce texte n'est pas une révolution : c'est la politique des petits pas que l'on voit ici à l'œuvre, mais ces petits pas permettent de cheminer. Et, pour le montagnard que je suis, atteindre un col – sans même parler du sommet – est important : alors seulement on peut se fixer de nouveaux horizons.
En l'espèce, l'horizon est d'abord celui de la mobilisation pour les élections municipales. L'enjeu principal est en effet de mobiliser nos concitoyens, celles et ceux qui sont éloignés de l'engagement public, de l'engagement tout court. Le signal que nous envoyons par le biais de ce texte permettra, je n'en doute pas, à un certain nombre de maires, qui se cherchent des successeurs ou tentent de composer de nouvelles équipes, de trouver de nouveaux visages.
Nous avons de nouveau prouvé que nous étions collectivement – unanimement – attentifs à la question de l'attractivité du mandat local, s'agissant notamment d'attirer les jeunes femmes – je pense à la proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, que nous avons votée récemment et qui étend l'exigence de parité aux communes de moins de 1 000 habitants –, mais aussi les jeunes en général – je vous renvoie aux aménagements prévus pour les étudiants dans le texte que nous nous apprêtons à voter.
Si nous ne faisons pas l'aumône, je tiens par ailleurs à rappeler que les élus locaux, notamment dans les plus petites communes, doivent percevoir des indemnités qui soient à la hauteur de leur engagement et du temps consacré à leur mandat. Ils doivent aussi être mieux accompagnés face au risque de prise illégale d'intérêt. Avec ce texte, nous y pourvoyons.
Bref, ce travail a été réalisé intelligemment et en profondeur : il s'appuie sur les rapports nombreux et importants faits au Sénat ces dernières années.
Il reste que l'Assemblée nationale doit encore se prononcer sur cette proposition de loi. J'espère, madame la ministre, qu'elle pourra être adoptée définitivement avant les prochaines élections municipales et que la convergence des deux assemblées sur cette question donnera à nos concitoyens une image positive de ce que le Parlement peut faire pour les acteurs locaux.
En conclusion, je tiens évidemment à saluer les rapporteurs et la présidente, ainsi que les services de la commission des lois, qui ont beaucoup œuvré ces derniers jours pour parvenir à ce résultat. Un rendez-vous important nous attend lors des prochaines élections municipales : nous pourrons y porter dans de bonnes conditions, en direction de nos territoires, la voix d'une démocratie locale vivante et régénérée. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission. Permettez-moi de dire quelques mots, non pas pour revenir sur le fond de ce texte – chacun a pu s'en faire une idée durant ces longues heures de débat, et il constitue effectivement une avancée, puisqu'il crée un statut de l'élu local, qui n'est certes pas encore complet, mais dont il ne dépend que de nous qu'il le soit un jour –, mais pour me réjouir de la façon dont la démocratie fonctionne.
Ici, au Sénat, nous avons su mener un travail fructueux en commission – j'en profite d'ailleurs pour remercier à mon tour les rapporteurs et les services de la commission pour le long travail qu'ils ont fourni. Les débats se sont déroulés de manière apaisée, malgré les oppositions qui ont pu se manifester dans cet hémicycle. Nos fréquents désaccords, mes chers collègues, ont été réglés comme ils doivent l'être en démocratie, c'est-à-dire par la discussion, puis par le vote.
Je ne peux que me réjouir également du travail mené en commun entre le Sénat et le Gouvernement. La séparation des pouvoirs ne signifie pas en effet que nous ne devons pas nous parler, même si les échanges se sont parfois déroulés dans des conditions quelque peu sportives, madame la ministre, comme ce fut le cas hier. En tout cas, il faut s'en féliciter : le dialogue entre nous n'a jamais été rompu.
Je constate également qu'ensemble nous avons su respecter un modèle qui me paraît extrêmement important et qui est pourtant souvent remis en cause, celui du bicamérisme. Ce qui a été fait à l'Assemblée nationale n'a pas été défait par principe au Sénat : nos rapporteurs, et notre assemblée dans son ensemble, ont su écouter et parfois suivre des positions qui n'étaient pas tout à fait celles que nous avions initialement arrêtées. En ces temps troublés, voilà qui me semble important.
De la même façon, permettez-moi de me réjouir que nous portions une attention particulière aux maires, dans une France qui est aujourd'hui relativement fracturée. Je ne me lancerai pas dans un discours de politique générale – tel n'est pas mon rôle –, mais nous savons tous ici qu'aujourd'hui c'est le maillage communal qui tient lieu de coutures à la France. C'est ce maillage territorial, j'y insiste, qui nous tient ensemble.
Nous faisons donc œuvre d'intérêt public – je pèse mes mots – en aidant les maires à continuer de rendre la vie beaucoup plus apaisée dans les territoires qu'elle ne l'est au niveau national. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.