M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Ces deux amendements sont quasiment identiques. Le premier tend à solliciter un rapport dans un délai de trois mois ; le second tend à solliciter le même rapport, mais dans un délai de six mois.

Il s’agit là d’un vrai sujet, mais je ne suis pas persuadée que la réponse se trouve dans un rapport au Parlement. Je rappelle en outre que, de manière générale, le Sénat n’est guère friand de telles demandes de rapport. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Mme la rapporteure a raison : la réponse ne se trouvera pas dans un rapport ; elle relève de la responsabilité du Gouvernement.

Plusieurs groupes de travail ont été réunis à la suite du Ciom de 2023. Leurs membres réfléchissent précisément à des pistes de révision de la réglementation des carburants. Il faut continuer d’assurer l’approvisionnement des Drom en carburants répondant aux normes européennes tout en garantissant aux consommateurs ultramarins une véritable stabilité des prix – je rappelle que nous parlons de marchés étroits et éloignés de l’Union européenne.

Sur ce sujet, je reviendrai prochainement vers vous avec des propositions concrètes, inspirées de ces pistes de révision. À ce stade, j’émets donc à mon tour un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, G. Jourda, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les conséquences pour le pouvoir d’achat des usagers d’une révision des majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit prévues aux articles R. 444-58, R. 444-68, R. 444-7, R. 914-2-1, R. 924-3, R. 924-4, R. 954-2 et R. 954-3 du code de commerce et son impact financier sur les différents offices.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’une nouvelle demande de rapport, portant sur un autre domaine très important,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Nous n’en doutons pas !

M. Victorin Lurel. … à savoir les professions du droit et de la santé.

Il y a quelques années, en défendant son projet de loi de libéralisation économique, M. Macron a tenté d’accroître la concurrence sur certaines professions réglementées, en particulier le notariat – en moyenne, les frais de notaire sont 25 % plus chers dans les outre-mer.

L’Autorité de la concurrence a également consacré un rapport aux huissiers de justice : les frais que prélèvent ces professionnels sont plus de 50 % plus élevés outre-mer. Dans le cas des infirmiers, l’écart est de 10 % : je l’entends. Quant aux livres, ils sont 15 % plus chers : je l’entends également. Je ne dis pas que ces différences sont nécessairement injustifiées, mais il faut à tout le moins se pencher sur certains points afin que le Parlement soit informé.

Dans le cas des pharmaciens, les majorations constatées sont en moyenne de 32 %. Je le répète, un tel écart n’est pas nécessairement indu : nombre de charges sont plus élevées dans nos territoires que dans l’Hexagone. Mais internet ne permet-il pas, tout de même, de réduire un certain nombre de frais ?

On me répondra que la culture du Sénat s’oppose aux demandes de rapport, mais l’Autorité de la concurrence n’en a pas moins réalisé un rapport sur ces questions, il y a déjà quelque temps. Pour faire baisser les prix, au bénéfice des usagers et des consommateurs, ne peut-on pas jeter sur ces questions un coup d’œil intelligent et raisonnable ?

Voilà ce que je demande : que le Gouvernement nous éclaire, afin que nous puissions décider en pleine connaissance de cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cette nouvelle demande de rapport vise les majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit dans les outre-mer.

Il s’agit à l’évidence d’un amendement d’appel, la remise d’un tel rapport n’étant pas de nature à résoudre le problème énoncé. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous n’avons de tabou sur aucun sujet.

L’Autorité de la concurrence a effectivement émis un avis sur l’écart potentiel de rémunération des professions du droit entre les outre-mer et l’Hexagone. J’ajoute que ce travail date de 2019 : il est un peu trop ancien pour servir de base à une révision du taux de majoration appliqué par ces professions. Des données supplémentaires peuvent effectivement avoir leur intérêt pour expliquer les écarts que nous constatons.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic et P. Joly, Mme G. Jourda, M. M. Weber et Mmes Conway-Mouret, Matray et Le Houerou, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant d’objectiver les frais particuliers grevant le coût des médicaments distribués dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et justifiant les majorations des prix prévues par l’article L. 753-4 du code de la sécurité sociale. Ce rapport présente notamment les conséquences pour le pouvoir d’achat des consommateurs et pour l’activité des officines d’une révision de l’arrêté du 7 février 2008 fixant les coefficients de majorations applicables aux prix de vente des médicaments dans les départements d’outre-mer.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement a plus spécifiquement pour objet les professionnels de santé.

Dans le même esprit que précédemment, je demande, non pas la suppression des dispositifs considérés, mais leur évaluation et, le cas échéant, leur révision, pour tenir compte des réalités.

Les surcoûts dont il s’agit sont-ils réellement nécessaires ? À l’évidence, le différentiel de 15 % sur les livres se justifie, comme l’écart de 10 % constaté pour les infirmiers. Mais, pour d’autres professions, une évaluation s’impose.

On me dira une fois de plus que le Sénat, par tradition, s’oppose aux demandes de rapport. Mais, à tout le moins, je veux attirer l’attention du Gouvernement sur ces enjeux. D’ailleurs, je remercie Mme la ministre des avis favorables qu’elle a exprimés sur les amendements précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui tend lui aussi à assurer la remise d’un rapport, cette fois sur le coût des médicaments outre-mer, reçoit également un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Les médicaments sont évidemment des produits essentiels. Nos concitoyens doivent pouvoir y accéder de manière équitable, où qu’ils se trouvent.

La majoration de prix de vente des médicaments par les officines ultramarines se justifie par le coût structurellement plus élevé d’approvisionnement en de tels produits, notamment dû à l’éloignement des territoires considérés – ce critère vaut dans de nombreux domaines.

Néanmoins, la remise d’un rapport paraît opportune pour objectiver ces coûts et justifier l’ordre de grandeur des majorations dont il s’agit, dans le contexte de cherté que connaissent ces territoires. On sait, en outre, que la question de la santé est capitale pour tous nos concitoyens.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mes chers collègues, attention à l’effet boomerang…

En ce moment, les pharmacies font l’objet de nombreux débats chez nous. Beaucoup d’entre elles risquent la liquidation judiciaire : la parapharmacie subit une concurrence féroce, réduisant dangereusement les marges, si bien que beaucoup de pharmacies sont menacées de fermeture.

Il y a quinze jours de cela, j’ai reçu les représentants d’un syndicat de pharmaciens, qui, pour certains, sont littéralement au bord de la faillite. Dans ces domaines, il faut faire très attention.

Je le dis depuis le début de cette discussion : je conçois que l’on veuille réduire les prix dans tel ou tel secteur, mais prenons garde de faire s’écrouler le système tout entier.

Il faut dépasser les a priori : un pharmacien n’est pas forcément riche. Figurez-vous que j’ai eu l’occasion de rencontrer des pharmaciens qui ne se versent pas de salaire tous les mois, alors même que, pour sauver leur activité, ils avaient accepté d’être au Smic.

Je le répète, attention ! Nous parlons d’un secteur qui emploie énormément de personnes, qui traite de très nombreuses questions de stockage et assume énormément de coûts à ce titre. Ne déshabillons pas saint Paul pour habiller saint Pierre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre II

Réduction des coûts d’acheminement et logistiques

Après l’article 3
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Après l’article 4

Article 4

I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d’effet du contrat, il est institué sous forme de concession en Martinique un service public de gestion logistique.

bis (nouveau). – Le service public mentionné au I bénéficie en priorité aux entreprises établies en Martinique, tant pour leurs activités d’importation que d’exportation.

ter (nouveau). – Seules peuvent avoir recours au service public de gestion logistique mentionné au I les entreprises qui respectent les normes sociales et environnementales déterminées par décret.

II. – Au terme de l’expérimentation, et au plus tard six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation portant sur les effets économiques, sociaux et environnementaux du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

III (nouveau). – Deux ans après la promulgation de la présente loi, les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution à l’exception de la Martinique, les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna peuvent demander à l’État la mise en place d’un service public de gestion logistique à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d’effet du contrat qui est sous forme de concession.

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par Mme Conconne et MM. Lurel, Omar Oili et P. Joly, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Nous proposons simplement de supprimer cet article !

Je l’ai dit lors de la discussion générale, ce projet de loi a été rédigé de manière hâtive, sur la base d’arguments qui ne sont pas tous fondés. Or un tel travail exigeait du temps et de la concertation. En effet, certains systèmes et certains contextes devaient être appréhendés plus finement.

Mes chers collègues, je suis bien placée pour vous parler de ces problèmes : je vis là-bas ! Les personnes dont nous parlons, je les côtoie tout le temps, qu’il s’agisse des acteurs économiques, petits, moyens ou gros, ou des services de l’État, notamment les OPMR. À l’évidence, un certain nombre d’éléments font défaut et, sans eux, ce projet de loi ne peut pas viser juste.

C’est particulièrement vrai pour l’article 4, qui institue en Martinique « un service public de gestion logistique », « sous forme de concession ».

Des entreprises privées se sont déjà organisées pour exercer cette mission. Elles ont investi en conséquence. Que leur dira-t-on, demain, quand cette concession de l’État aura été créée ? On leur imposera de fermer, en licenciant tout leur personnel ?

D’ailleurs, si l’État veut créer une telle concession, il ne compte pas pour autant débourser un kopeck ! On nous laisse entendre que l’on va trouver du foncier… S’il y a du foncier de l’État disponible autour du port ou de l’aéroport de Fort-de-France, par exemple pour créer une zone franche ou déployer des moyens logistiques internes, nous sommes évidemment preneurs ; pour ma part, je ne vois pas où trouver de tels terrains dans nos territoires.

Une fois de plus, on invente un « truc » en faisant croire que l’État ne peut rien faire, qu’il ne peut rien mettre sur la table pour assurer la continuité territoriale. Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le développement du e-commerce est entravé en Martinique par des difficultés structurelles – marché local restreint, coûts logistiques élevés, contraintes douanières, et j’en passe – qui le rendent peu attractif pour les investisseurs, engendrant une forme de carence de l’initiative privée.

La création d’un e-hub doit permettre aux entreprises martiniquaises, en particulier les TPE et les PME, de commander ou d’expédier des volumes importants de produits pour lesquels aucune gestion logistique n’est jusqu’à présent disponible. Une telle formule permettrait de susciter de nouveaux flux commerciaux.

Afin de conforter cette orientation, la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité du e-hub pour leurs activités, tant à l’importation qu’à l’exportation.

Elle a également adopté un amendement tendant à ajouter que les entreprises utilisant le e-hub doivent respecter des critères de responsabilité sociale et environnementale définis par décret.

Assortie de tels garde-fous, cette expérimentation mérite d’être tentée pour améliorer la disponibilité et la rapidité de livraison des produits les plus demandés par les Martiniquais tout en renforçant la concurrence, afin de lutter contre les situations oligopolistiques.

Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Avant tout, je rappelle que l’article 4 ouvre la voie à une simple expérimentation, destinée à tester la faisabilité d’une logistique pensée comme étant mutualisée, dans un contexte marqué – on le sait – par une grave défaillance du marché.

Madame la sénatrice, vous pointez un certain nombre d’imprécisions, qu’il s’agisse de la procédure d’attribution de concession, des conditions d’accès ou de la tarification, imprécisions que vous détaillez dans l’objet de votre amendement. Mais, en réalité, tous ces éléments relèvent du cahier des charges à venir.

Les difficultés identifiées sont d’ores et déjà prises en compte : un encadrement précis sera assuré lors de la mise en œuvre du dispositif. Tous ces points sont évidemment suivis de près lors du déploiement opérationnel.

L’objectif n’est en aucun cas de venir concurrencer les opérateurs martiniquais actuels, mais bien de les associer pleinement pour réduire les coûts logistiques et favoriser le développement de l’offre en ligne locale. (Mme Catherine Conconne manifeste sa circonspection.) En réalité, ce dispositif a vocation à compléter les initiatives existantes, dans une logique de coopération économique et territoriale.

C’est exact, la dynamique actuelle du petit import constitue une véritable avancée. Elle permet aux consommateurs ultramarins, et notamment martiniquais, d’accéder à une offre élargie de produits en ligne : cette évolution traduit une demande légitime d’égalité d’accès au e-commerce par rapport à l’Hexagone. Vous savez comme moi que cette demande est très forte de la part de nos concitoyens ultramarins.

Le système actuel est souvent fondé sur des initiatives individuelles plus ou moins informelles, plus ou moins bien encadrées. Dans bien des cas, il repose sur l’envoi par des particuliers. De plus – je le rappelle –, il emprunte des circuits parallèles de réexpédition.

Ce système ne présente ni la pérennité…

Mme Catherine Conconne. C’est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre. … ni la sécurité nécessaires à une structuration durable du commerce en ligne outre-mer. Non seulement il engendre une opacité tarifaire et des risques juridiques majeurs, mais encore il ne garantit ni la traçabilité ni la conformité des produits.

L’expérimentation du e-hub vise précisément à remédier à cette fragmentation, en proposant une solution logistique collective et suffisamment encadrée, donc solide juridiquement et transparente.

En procédant ainsi, l’on agira au bénéfice conjoint des acteurs économiques locaux, qui pourront trouver leur place dans la chaîne du e-commerce et développer leurs services, et des plateformes situées en Europe, notamment dans l’Hexagone.

Ces plateformes disposeront de conditions logistiques et douanières maîtrisées pour livrer les territoires ultramarins, au bénéfice, bien sûr, des consommateurs, lesquels pourront accéder à divers produits dans un cadre sécurisé. En somme, on aura la certitude qu’ils ne se feront pas avoir. Le cadre retenu sera conforme aux règles de la concurrence et de protection des droits des consommateurs.

Enfin, cette expérimentation ne trahit aucun des engagements de l’État. Au contraire, elle relève d’une approche pragmatique : nous cherchons à identifier des solutions opérationnelles avant un éventuel déploiement pérenne, y compris dans d’autres territoires ultramarins. Je le sais, certains de ces territoires y aspirent d’ores et déjà.

Cette initiative s’inscrit pleinement dans une logique d’intérêt général, orientée vers la cohésion économique et sociale des territoires.

C’est pourquoi je suis particulièrement défavorable à la suppression de l’article 4. À la fin de l’expérimentation, nous pourrons réexaminer les différents sujets abordés dans le cadre de ce débat ; et, s’il le faut, nous nous en tiendrons au statu quo.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, je suis tentée de vous dire que cette expérimentation est déjà lancée. (Mme la ministre proteste.) En effet, trois ou quatre plateformes ont été créées, et elles font ce que vous venez de décrire.

Dites-moi comment le coût des marchandises va baisser. Vous entendez faire supporter les coûts logistiques par ce concessionnaire : en quoi les droits de douane et les coûts de fret vont-ils diminuer ? Quelle est la valeur ajoutée d’un tel système, inventé par l’État ? Il n’y en a aucune !

Vous nous dites que les consommateurs ne se feront pas avoir : cette phrase est révélatrice de l’état d’esprit qui a présidé à l’élaboration du présent texte. « Se faire avoir »… Vous partez du principe qu’il y a des loups partout, des escrocs partout (Mme la ministre manifeste son désaccord.), que c’est précisément ce qui caractérise nos territoires. Et donc, il faut doubler le nombre des loups… pour éviter qu’ils ne mangent toute la bergerie !…

Madame la ministre, cette concession de l’État ne présente absolument aucun intérêt. Aujourd’hui, l’expérimentation que vous proposez est déjà à l’œuvre. Plusieurs plateformes existent. Elles assurent un véritable service de transport, et les gens ne se font pas avoir. Elles sont dirigées par des chefs d’entreprise sérieux, qui ont pignon sur rue, qui sont connus en Martinique. Ils ont commencé ce travail et tout se passe très bien. Je pense par exemple à Dom Export et à Shopîles, et je pourrais citer d’autres noms. Il existe des plateformes similaires à La Réunion.

Que leur apportez-vous ? Quand ces entrepreneurs vous demanderont de les aider à construire un bâtiment, vous leur répondrez non ; vous leur opposerez que l’État ne peut rien faire. L’État va donc créer une concession pour assurer un service qui existe déjà ? Il va mener ce travail sans aucune valeur ajoutée ? Mais on marche sur la tête, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Si l’article était supprimé, mon amendement deviendrait-il sans objet ? Dans l’affirmative, pourquoi n’est-il pas intégré à une discussion commune ?

M. le président. Les amendements de suppression sont toujours examinés en premier, mon cher collègue.

La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je n’ai pas la chance de vivre en Martinique, mais je n’en soutiens pas moins cet amendement, dont je comprends le sens.

Mes chers collègues, nous débattons de mesures destinées à lutter contre la vie chère outre-mer, dans le prolongement du bouclier qualité prix, dont on a pu constater les insuffisances. Or cet article crée un hub de e-commerce chargé d’acheminer je ne sais quels produits au détriment des commerçants locaux. Il s’agit bel et bien d’une concurrence déloyale.

S’il y a un hub à faire, c’est un hub inspiré du marché de Rungis et destiné aux produits régionaux. Ne perdons pas le sens des réalités et des priorités. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’ai cosigné cet amendement, avec mes collègues Catherine Conconne, Saïd Omar Oili et Patrice Joly, car, à mon sens, l’article 4 pose bel et bien problème. J’approuve en particulier ce que Mme Conconne vient de dire de la philosophie générale de cet article.

Non seulement l’État ne met rien sur la table, mais encore il refuse purement et simplement de modifier l’encadrement juridique ou de renforcer le droit de la concurrence outre-mer. Dans le cas d’espèce, l’État est à la manœuvre : il sera autorité délégante et choisira souverainement les plateformes numériques bénéficiaires de la concession.

Le Gouvernement veut procéder, grosso modo, par privatisation. J’ai connu une situation comparable avec le câble « Guadeloupe numérique », traversant toute la Caraïbe : nous avons dû nous battre comme des fous pour faire baisser les tarifs de la bande passante et de la fibre noire.

En l’occurrence, nous devrons donc composer avec un acteur privé soucieux de rentabiliser son investissement. L’État n’aura pas barre sur lui.

Ensuite, l’État invoque une défaillance du secteur privé. Pourtant, et Catherine Conconne vient de le rappeler, des initiatives ont été prises dans les îles dans ce domaine. Je ne suis donc pas certain qu’une telle défaillance puisse être reconnue à l’avenir, par exemple à l’occasion d’un recours devant le Conseil constitutionnel, voire de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C’est pourtant ce qu’affirme le rapport !

L’État se défausse et concentre les moyens sur la Martinique. Je n’y vois, au demeurant, pas de problème, mais pourquoi ne pas autoriser chacune des collectivités à agir dans le cadre de ses compétences ? Une loi n’est d’ailleurs pas nécessaire pour cela : je défendrai dans la suite de la discussion un amendement tendant à la remise par le Gouvernement d’un rapport portant sur les modalités de création de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales. Je l’avais d’ailleurs fait moi-même, mais j’ai perdu l’élection suivante et mon successeur a enterré le dispositif.

L’État prend ici une initiative sans y consacrer un kopeck, sans un sou vaillant ; cela me gêne. Nous demandons plus de responsabilités et plus d’autonomie.

N’adoptez pas cette disposition ; pour ma part, je voterai pour la suppression de cet article et j’incite mes collègues, puisqu’ils sont libéraux, à faire de même. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je reprends la parole pour tenter de convaincre Mme la sénatrice Conconne du bien-fondé du dispositif ou, à tout le moins, d’introduire un peu de doute dans son esprit, en m’adressant à l’ensemble de l’hémicycle.

Êtes-vous satisfaits de la situation actuelle du commerce en ligne en Martinique ? Les Martiniquais, à l’évidence, ne le sont pas, la délégation sénatoriale aux outre-mer non plus, dont le rapport souligne un problème en la matière.

Mme Catherine Conconne. Prétendez-vous connaître les Martiniquais mieux que moi ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je ne parle pas en théorie, madame la sénatrice, nous échangeons simplement des points de vue et je verse au débat des éléments factuels, qui ne sont pas de simples vues de l’esprit. Si ces constats contredisaient ma position, je l’admettrais sans difficulté.

Les échanges menés par les équipes de la direction générale des entreprises (DGE) à Bercy avec les acteurs locaux aboutissent à un constat commun : le e-commerce est très peu développé dans les territoires ultramarins par rapport à l’Hexagone. Selon le Sénat, le commerce en ligne dans les outre-mer est de dix à cinquante fois plus faible que dans l’Hexagone. Les grandes enseignes, comme Amazon ou Cdiscount, ne livrent pas les DOM,…

Mme Catherine Conconne. C’est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre.… ce qui contraint les consommateurs à recourir à des réexpéditeurs, comme ColisExpat, ou à des plateformes émergentes, comme Dommarket ou Isleden.

Ce contournement renforce les inégalités d’accès au numérique marchand et constitue, c’est évident, une rupture d’égalité devant l’accès aux biens de consommation. Parallèlement, on observe une explosion des flux en provenance d’Asie, ce qui atteste l’existence d’une demande.

Il en résulte des surcoûts considérables pour les consommateurs ultramarins : le seul fret peut représenter pour eux jusqu’à 50 % du prix d’un panier moyen, soit en moyenne 68 euros, ce qui est énorme.

Mme Catherine Conconne. C’est pourquoi il importe de garantir la continuité territoriale !

Mme Naïma Moutchou, ministre. S’agissant de la question foncière, vous avez évoqué des bâtiments construits, mais le projet porte sur une friche à réhabiliter et la DGE a déjà identifié plusieurs terrains. Un travail est donc engagé et des réponses seront apportées à cette situation, nous aurons l’occasion d’en parler à nouveau.

J’ai entendu parler de concurrence déloyale. Ce n’est pas exact : le projet vise à renforcer le tissu commercial ultramarin en offrant aux acteurs locaux un canal logistique commun et structuré.

L’e-hub offrira un soutien logistique essentiel aux commerçants physiques locaux, qui, contrairement aux grandes entreprises dominantes, ne disposent pas de leurs propres entrepôts. Il leur permettra de simplifier la gestion de leurs commandes et d’optimiser les opérations de stockage et de livraison.

Je forme le vœu que ces éléments factuels vous rassurent sur l’intérêt de cette expérimentation.