Mme Catherine Conconne. Non, tout cela est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur Lurel, on ne peut demander à la fois la suppression du dispositif et son extension à l’ensemble des collectivités. Il y a là un non-sens : s’il faut l’étendre, c’est donc qu’il y a un intérêt, à tout le moins, à l’expérimenter.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, on parle beaucoup de décentralisation en ce moment. Or je vous livre une information qui me paraît importante : l’assemblée de Martinique est opposée à la création de ce hub.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mais non !

Mme Catherine Conconne. J’en suis membre !

M. Daniel Salmon. Peut-être pourrions-nous écouter les assemblées locales, qui ont une vision claire du sujet ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à ramener de cinq à trois ans la durée de l’expérimentation du service public de gestion logistique institué en Martinique.

Afin de mettre tout le monde d’accord, et à la suite du rejet de l’amendement précédent, nous proposons donc d’accorder au dispositif une période de trois ans, qui paraît suffisante pour évaluer son efficacité, comme son impact sur la réduction des coûts d’acheminement et sur la fluidité logistique des territoires concernés.

Cette durée plus courte permettra également de dresser un bilan plus rapidement, de généraliser possiblement la mesure à d’autres territoires demandeurs, comme Mayotte, ou de l’ajuster en fonction des résultats observés, tout en garantissant une utilisation efficiente des moyens publics.

Cet amendement me semble être de bon sens et il est susceptible, je le répète, de mettre tout le monde d’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le recours à une expérimentation pour la mise en place de l’e-hub vise à ménager la possibilité de mettre fin à ce service public de gestion logistique si celui-ci n’atteignait pas les objectifs qui lui sont assignés ou rencontrait des difficultés financières compromettant sa viabilité.

En cas de succès, cette expérimentation pourrait, a contrario, être pérennisée, voire étendue à d’autres territoires ultramarins.

La durée de cinq ans se justifie par la nécessité d’amortir les investissements logistiques et le système d’information requis pour la mise en œuvre du dispositif ; elle apparaît également nécessaire pour en tirer des enseignements exploitables et permettre une évolution durable des comportements d’achat des entreprises et des consommateurs martiniquais.

Une durée de trois ans serait, en revanche, trop brève et rendrait vraisemblablement infructueuse la recherche de l’opérateur chargé d’assurer ce service public.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. J’aimerais, moi aussi, pouvoir accélérer le temps, mais la réduction de la durée d’expérimentation de cinq à trois ans poserait problème : nous disposons d’un calendrier opérationnel et réaliste, qui est le gage d’une évaluation finale fiable. Permettez-moi de vous en présenter le déroulement.

Les six à douze premiers mois sont nécessaires au montage du projet, à la passation du contrat, à la mise en conformité des infrastructures et des systèmes d’information, ainsi qu’aux recrutements. S’ensuit une phase de montée en charge, évaluée entre douze et dix-huit mois, pour atteindre la pleine exploitation.

Sur un horizon de trois ans seulement, il ne resterait donc que six à douze mois d’exploitation mature et solide, ce qui serait insuffisant pour tirer des conclusions suffisamment robustes.

Une durée de cinq ans, au contraire, permettra d’observer l’expérimentation sur une période de deux ans à deux ans et demi d’exploitation stabilisée. Une telle durée est nécessaire pour identifier la courbe d’apprentissage, constater les gains d’efficacité, amortir les investissements engagés et atténuer l’impact d’aléas saisonniers ou exceptionnels.

Je crains, en effet, qu’accélérer le calendrier ne nous permette pas de prendre le recul suffisant pour mesurer précisément les impacts de cette expérimentation et ainsi en tirer toutes les conséquences.

L’avis du Gouvernement est donc malheureusement défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Quel que soit le délai choisi, je m’élève contre ce dispositif, qui n’est pas souhaité par l’essentiel des Martiniquais et qui a provoqué une levée de boucliers parmi les opérateurs déjà à l’œuvre.

L’un d’entre eux a d’ailleurs été contacté par Amazon à la suite d’une audition au Sénat. Il est aujourd’hui le bras armé du géant du e-commerce sur le territoire : quand j’ai quitté la Martinique, on installait des panneaux publicitaires annonçant que les produits Amazon seraient livrés par cet acteur. Je ne comprends donc pas l’utilité de ce dispositif supplémentaire.

Qui va payer ? On aurait trouvé des friches disponibles… Très humblement, qu’il me soit permis de dire à certains orateurs que je connais mon pays un peu mieux que d’autres, et je puis donc vous assurer que ce dispositif ne verra pas le jour : je m’en occupe personnellement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Je veux dire à notre collègue que tous les territoires ne sont pas identiques. Pour ce qui concerne Mayotte, le monde économique m’avait saisie précisément parce qu’il souhaitait bénéficier de cette expérimentation.

J’ai entendu évoquer les plateformes qui existent à La Réunion ou dans d’autres territoires, mais elles sont absentes à Mayotte. J’ai déposé un amendement en ce sens, qui a malheureusement été jugé irrecevable.

Cette expérimentation était pourtant demandée, en raison des difficultés foncières et des problèmes de logistique que connaît Mayotte, alors que la situation est devenue plus difficile encore depuis le cyclone. Dans le bassin de l’océan Indien, nous étions donc preneurs !

Mme Catherine Conconne. Eh bien, changeons d’océan !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Madame la ministre, je souhaite apporter une précision. Vous avez indiqué que la délégation sénatoriale aux outre-mer avait présenté ce dispositif.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Or ce n’est pas ce qui ressort de son rapport, lequel n’évoque nullement la mise en place d’une plateforme semi-publique. Dans le cadre de nos travaux sur la vie chère, nous avons auditionné plusieurs plateformes de e-commerce, comme toutes les personnes concernées, notamment des représentants de la collectivité territoriale de Martinique. Ceux-ci avaient laissé entendre qu’il s’agissait d’une demande soutenue par le territoire et que la collectivité mettrait même à la disposition de l’opérateur un hangar de 1 200 mètres carrés.

Je vous avoue que je suis très confuse, car j’ai pour habitude de ne pas prendre d’initiatives concernant des territoires qui ne sont pas le mien.

Je tenais donc à indiquer que cette démarche ne vise nullement à imposer quoi que ce soit et qu’elle a été menée en étroite collaboration avec notre collègue Frédéric Buval, qui représente également la Martinique.

Mme Catherine Conconne. J’ai la chance d’être élue à l’assemblée territoriale, et nous n’avons rien proposé de tel !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous avions également déposé un amendement visant à étendre ce service public de logistique maritime à d’autres territoires ultramarins, notamment à La Réunion, car, mes chers collègues de Mayotte, nous en avons également besoin. Cet amendement a toutefois été déclaré irrecevable.

Son objectif était de s’attaquer à la dépendance structurelle de nos territoires vis-à-vis des importations en provenance de la métropole.

La solution serait de mettre en place un programme de diversification des approvisionnements dans tous les océans qui permette l’importation de produits de consommation courante à partir de nos voisins géographiques des Caraïbes, d’Amérique latine, d’Afrique et de l’océan Indien. Le manque d’autonomie logistique régionale constitue un verrou, et nous déplorons que ce projet de loi ne renforce pas l’insertion de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional.

Une étude de la Banque mondiale de 2023 montre que la diversification des approvisionnements pourrait réduire les coûts logistiques de 15 % à 25 %. Il s’agit là de chiffres concrets ! De plus, la réduction des trajets maritimes divise par deux l’empreinte carbone des importations, ce qui rejoint une directive européenne sur l’impact environnemental des importations massives vers nos territoires.

Enfin, les accords régionaux, par exemple dans les Caraïbes, sont sous-exploités. Ils permettraient pourtant de sécuriser les approvisionnements et de soutenir les économies locales, notamment face aux risques cycloniques, qui ont été évoqués.

Le récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la coopération et l’intégration régionales des outre-mer le confirme : « Il apparaît donc urgent d’engager les investissements nécessaires, sans lesquels il est inenvisageable de concevoir une stratégie économique crédible vis-à-vis des partenaires régionaux. »

Tout est dit. (M. Pascal Savoldelli applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, il n’y a aucune incohérence dans la position que j’ai défendue en demandant la suppression de cet article. Mes convictions m’inclinent à réclamer plus de responsabilités et plus d’autonomie pour les collectivités. La décentralisation est un fait : nos collectivités sont majeures et aptes à décider. Vous avez choisi de l’ignorer et d’imposer votre décision depuis le sommet. Soit.

Je m’interroge toutefois sur un point : aucune étude d’impact sur la production locale n’a été réalisée. Dont acte. Comment, dès lors, choisirez-vous le délégataire ? Ce service pourrait ainsi être confié à Amazon, à de très grands groupes ou à de grandes plateformes numériques.

Il vous faudra donc caviarder quelque peu le règlement de la consultation – permettez-moi d’être cash. Comment procéderez-vous ? Si vous réservez ce marché à des initiatives locales – plusieurs d’entre elles ont été citées –, il vous faudra justifier votre choix en toute transparence, objectivité et efficacité.

J’avais préparé quelques amendements de repli avec mon groupe, au cas où la proposition principale – le respect de la décentralisation et de l’autonomie des collectivités – ne serait pas adoptée, ce qui fut le cas. J’aimerais donc comprendre votre méthode. Pour le reste, ce projet est votre affaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 148, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

I bis. – Afin de préserver la finalité du service public de gestion logistique mentionné au I, le dispositif est prioritairement destiné aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne au sens de l’article 33 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. Les modalités de cette priorisation sont précisées par décret, et, le cas échéant, par voie contractuelle.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à garantir que l’e-hub ne soit pas un cheval de Troie qui ouvre le marché martiniquais à Shein, Temu ou Amazon, mais qu’il soit destiné en priorité aux entreprises martiniquaises.

Nous avons introduit une disposition en ce sens en commission, et nous avons travaillé pour aboutir à une rédaction plus satisfaisante et juridiquement plus sûre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement vise à réserver prioritairement le dispositif de gestion logistique aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne.

L’article 4, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires économiques, prévoit que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité de ce dispositif, pour leurs activités d’importation comme d’exportation.

Si l’objectif de le réserver aux entreprises martiniquaises est louable, il soulève une difficulté d’ordre juridique : une telle mention crée une distinction de traitement entre les opérateurs, ce qui ouvre la voie à des contestations pour rupture d’égalité entre les acteurs économiques et risque d’être incompatible avec le droit européen. (Mme Catherine Conconne ironise.)

Sur le plan opérationnel, le dispositif envisagé se veut ouvert à tous, mais il bénéficiera, dans les faits, avant tout aux acteurs locaux.

L’amendement que vous présentez retient une rédaction plus solide sur le plan juridique, puisqu’elle se fonde sur un critère objectif issu du droit de l’Union européenne, visant à exclure de fait les grandes entreprises du numérique.

L’avis est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. J’épuiserai l’ensemble des voies et moyens, même si je connais la finalité de cet article !

Nous commençons à toucher aux limites du système. Si l’on écarte les grandes plateformes – Temu, Shein, Amazon et les autres –, qui inclura-t-on ? Quelle sera l’alternative ?

Je rappelle, pour ceux qui l’ignoreraient, que je suis également élue de la collectivité territoriale de Martinique. On m’accordera donc que je sais tant soit peu ce qui s’y passe ! La proposition de la collectivité était de s’appuyer sur des infrastructures existantes pour permettre des importations en zone franche, d’où la mise à disposition d’un hangar de 1 200 mètres carrés, qui n’a rien à voir avec le présent dispositif.

J’ai été reçue il y a trois semaines par le président du conseil exécutif, M. Serge Letchimy. Et que m’a-t-il dit ? « Vous, les parlementaires, vous voulez nous imposer un dispositif concédé par l’État qui ouvrirait la porte à tout ce qui se fait dans le monde ? Si cela ne tient qu’à moi, il n’en sera rien ! » Connaissant ma philosophie politique, il m’a indiqué qu’il comptait sur moi pour éviter cela.

Vous le voyez, le discours selon lequel nous serions demandeurs d’une telle mesure ne tient pas la route. Quand je m’exprime dans cet hémicycle, je sais de quoi je parle ; quand je ne le sais pas, je me tais. Si je me permets d’insister et d’apporter des précisions sur ce sujet, c’est que je l’ai exploré en profondeur.

Je termine en évoquant l’esprit qui a présidé au dernier congrès des élus de Martinique, le 8 octobre dernier. Comme le rappelle souvent ici Victorin Lurel, en off, nous souhaitons disposer d’un pouvoir normatif autonome qui nous permettrait de décider par nous-mêmes de ce genre de dispositifs.

Qu’apporte la concession de l’État ? Rien. Pas un kopeck ! On nous propose de chercher une friche… Mais quelle est la valeur ajoutée de l’État en la matière ?

Laissez-nous mener nos affaires ! (MM. Saïd Omar Oili et Philippe Grosvalet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je n’avais pas connaissance de cet amendement déposé au nom de la commission des affaires économiques. Son exposé des motifs indique que l’objectif n’est pas d’exclure certaines entreprises, mais l’effet sera identique : des entreprises seront exclues.

J’avais évoqué le sujet, vous me répondez par un ou deux amendements, que je découvre, et qui s’appuient sur les règlements relatifs aux très grandes plateformes en ligne, les very large online platforms, ou VLOP. Vous vous heurterez là à un problème juridique.

Je ne m’oppose pas à la protection de notre économie, bien au contraire. J’ai moi-même évoqué les circuits que nous pourrions mettre en place. Pour autant, vous décidez de nous imposer d’en haut un dispositif. Vous serez contraints de caviarder le règlement et d’organiser une fausse mise en concurrence pour effectuer votre choix. Nous construisons là une véritable usine à gaz !

Ensuite, un point que l’on semble vouloir éviter : Mme la ministre a mentionné la possibilité d’exporter nos productions, mais en matière d’importation, de concurrence, de promotion de la compétitivité, l’État est défaillant. Il prend une initiative qu’il ne finance pas.

Dans ces conditions, je m’abstiendrai, car je souhaite être agréable à notre rapporteure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 148.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 5

Après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, G. Jourda, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les modalités de mise en œuvre par l’État, les collectivités territoriales d’outre-mer, les chambres consulaires et les professionnels locaux de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales en vue d’une mutualisation des moyens, d’une réduction des coûts et frais d’approvisionnement et d’une réduction des prix de consommation courante.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à obtenir un rapport du Gouvernement afin d’inciter à la création de centrales régionales d’approvisionnement. Madame la ministre, vos prédécesseurs, MM. Carenco et Valls, étaient d’accord pour s’engager dans une telle démarche.

Je reconnais que les centrales d’achat existantes avaient fort mal accueilli cette perspective ; elles acceptaient toutefois, sportivement, l’émulation et la compétition.

Cet amendement d’appel vise donc à inviter le Gouvernement à réfléchir à l’intensification du paysage concurrentiel en outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Outre le fait que le Sénat est traditionnellement opposé aux demandes de rapport au Gouvernement, les centrales régionales d’approvisionnement et de stockage évoquées par les auteurs de cet amendement verraient leur mission recouper largement celle des e-hubs tels que celui que l’article 4 prévoit d’expérimenter en Martinique.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 88, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et Conconne, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, lorsque les pouvoirs publics décident d’une baisse de la fiscalité pesant sur les opérateurs économiques aux fins de lutter contre la hausse ou le niveau des prix de détail, les opérateurs bénéficiant directement ou indirectement de cette baisse sont tenus d’apporter aux administrations concernées tout élément utile permettant d’établir la répercussion effective de cette baisse sur les prix. Le bilan de contrôle de cette répercussion est adressé aux présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus territorialement compétents.

Un décret précise les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de contrôler l’effectivité de la répercussion des baisses de la fiscalité sur le niveau des prix de détail afin d’éviter toute captation de marge, telle celle que l’on observe peut-être déjà en Martinique, à l’occasion de la baisse de la TVA ou de celle de l’octroi de mer.

Comment, dès lors, contrôler l’effectivité d’une telle répercussion sur les prix ? Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à contrôler la répercussion des baisses de fiscalité sur le niveau des prix de détail.

Son adoption imposerait à chaque opérateur économique bénéficiant, directement ou indirectement, de ces baisses de fournir aux administrations concernées des bilans relatifs à leurs conséquences sur les prix au détail.

Ce dispositif apparaît lourd et contraignant, alors que la relation entre la fiscalité et la baisse des prix au détail n’obéit à aucune mécanique directe.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 4
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Après l’article 5

Article 5

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de deux sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il est institué un organisme de péréquation des frais d’approche, par l’ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation des produits, comprenant les entreprises du secteur du commerce de détail, leurs fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires, afin de réduire ces frais sur des produits de grande consommation vendus dans ces collectivités.

II. – L’organisme est chargé de collecter les contributions volontaires versées par les entreprises mentionnées au I, dont la charge est affectée aux autres produits de ces entreprises que ceux identifiés comme étant des produits de grande consommation et dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l’État. Les contributions versées sont exclusivement destinées à réduire les frais d’approche desdits produits de grande consommation.

III. – L’organisme est géré par un comité de gestion composé de représentants des entreprises mentionnées au I qui fixe les modalités de son fonctionnement et les modalités de financement des mesures visant à réduire les frais d’approche des produits de grande consommation mentionnés au II, dans des conditions objectives, transparentes, efficaces et non discriminatoires.

IV. – Pour l’application du I, les frais d’approche s’entendent de l’ensemble des frais de logistique et d’acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées.

V. – Les modalités d’application des I à IV sont précisées par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. L’article 5 du texte initial était important : il habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an, toute mesure législative visant à réduire les frais d’approche sur les produits de première nécessité importés en outre-mer.

Ce dispositif reposait sur un système de péréquation entre les frais d’approche des produits de première nécessité et ceux des produits à plus forte valeur ajoutée.

Vous connaissez les chiffres, mais je souhaite en rappeler deux, issus de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Martinique : les frais d’approche représentent à eux seuls 12 % du prix de vente au consommateur et 67 % du différentiel de prix avec l’Hexagone.

Cette mesure est issue des réflexions qui ont suivi le protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé en Martinique le 16 octobre 2024 par l’État, la collectivité territoriale de Martinique et les principaux acteurs économiques de l’île, dans le contexte d’un important mouvement de contestation des prix pratiqués sur l’île.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article d’habilitation, préférant que ces dispositions soient directement inscrites dans la loi.

La régularité des scénarios étudiés avec les acteurs martiniquais devait être consolidée au regard du droit européen, notamment dans la perspective d’établir un mécanisme pérenne et élargi aux autres territoires ultramarins, avant d’inscrire précisément la mesure dans le projet de loi. C’est la raison pour laquelle l’article prévoyait initialement une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Depuis lors, nous avons poursuivi ce travail afin de vous présenter une disposition législative qui puisse être directement inscrite en dur dans la loi. Tel est l’objet de l’amendement que je vous soumets.

Celui-ci vise à instaurer un mécanisme de péréquation des frais d’approche que mettront en place l’ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation dans chacun des territoires concernés – entreprises du secteur du commerce de détail, fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, entreprises de fret maritime et transitaires –, afin de faire baisser les prix de vente des produits de grande consommation.

La liste des produits concernés sera fixée par arrêté du représentant de l’État, afin de tenir compte, comme il se doit, des spécificités et des habitudes de consommation de chaque territoire ultramarin concerné.

Ce mécanisme sera non pas limité à la Martinique, mais étendu à l’ensemble des collectivités qui relèvent de l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

Un organisme dédié sera créé par les acteurs de la chaîne de commercialisation, qui aura la charge de percevoir leurs contributions, puis d’opérer les restitutions aux distributeurs, grossistes et importateurs, destinées à réduire le prix des produits de grande consommation concernés, selon des modalités qui seront, in fine, fixées par décret en Conseil d’État.

Comme le protocole le prévoyait en son point 12, ce mécanisme fera donc appel à des contributions volontaires et privées, notamment, comme je l’ai précédemment indiqué, de CMA CGM, laquelle ne pourra toutefois pas être la seule à participer, faute de quoi le dispositif ne pourra pas légitimement tenir.

Comme prévu au point 13, l’État accompagne ce projet par l’expertise de ses services, mais les « modalités juridiques retenues » ne prévoient pas sa participation financière, car celle-ci serait contraire au droit de l’Union européenne concernant les aides d’État.

Telle est la raison pour laquelle je serai défavorable aux sous-amendements et à l’amendement visant à introduire une participation de l’État, laquelle non seulement n’était pas prévue, mais encore mettrait en danger tout le dispositif sur le plan juridique.

Comme vous, je veux un dispositif qui fonctionne, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous invite donc à voter cet amendement. L’engagement et la responsabilité des acteurs sont au fondement même de la mise en œuvre du protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère, qui, en moins d’un an – je le rappelai précédemment –, a d’ores et déjà permis une baisse des prix de 10 % en moyenne en Martinique.