Mme Audrey Bélim. L’amendement n° 54 vise à mettre fin aux pratiques persistantes de blocage géographique injustifié, dit géoblocage, subies par les consommateurs ultramarins en violation du principe d’égalité d’accès aux biens et services au sein du territoire de la République.
Malgré l’entrée en vigueur du règlement européen du 28 février 2018, qui interdit le géoblocage injustifié dans le marché intérieur, de nombreux sites ou plateformes numériques continuent à exclure ou à limiter leurs offres dans les outre-mer, notamment à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte.
Le dispositif proposé vise à garantir l’égalité républicaine dans l’accès aux biens et services numériques, à lutter contre les discriminations fondées sur le lieu de résidence et à renforcer l’effectivité du droit européen dans les régions ultrapériphériques (RUP).
Il protège les consommateurs, tout en prévoyant un encadrement juridique sécurisé, et il accorde à la DGCCRF des possibilités de sanction.
Il applique par ailleurs la recommandation de l’Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019 : « Compte tenu de l’incertitude quant à l’applicabilité du règlement européen […] aux situations impliquant un consommateur des Drom et un site basé en métropole, [il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité] d’adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen. Cela permettrait d’assurer une protection aux internautes ultramarins contre les mesures de blocage géographique et les discriminations susceptibles d’être mises en œuvre par les enseignes de commerce en ligne. »
En cas d’adoption de cet amendement, les amendements nos 132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié et 131 rectifié n’auront plus d’objet et je retirerai l’amendement n° 130 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’amendement n° 54 et les amendements de repli visent à lutter contre les pratiques de certains opérateurs économiques qui bloqueraient l’accès à leurs services électroniques aux consommateurs ultramarins.
Ces comportements dits de blocage géographique injustifié sont déjà interdits par les articles L. 121-23 et L. 132-24-2 du code de la consommation et punis d’une amende de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Cette disposition est donc satisfaite depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2020.
Contrairement à ce qu’indique l’objet de cet amendement, l’interdiction en vigueur est applicable au sein du territoire national et ne se limite pas aux seules infractions transfrontalières dans le marché intérieur européen.
Pour toutes ces raisons, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. J’insiste à mon tour : des mesures contre le géoblocage ont été mises en place, et ce encore récemment.
Il est vrai que certains utilisateurs se sont plaints de dysfonctionnements : absence d’accès à l’ensemble des services numériques ou à des contenus de plateformes auxquelles ils ont souscrit moyennant paiement. Au-delà du préjudice de ne pas disposer d’un service pour lequel on a payé, cela crée une inégalité d’accès injustifiée.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 54 et un avis défavorable sur les amendements de repli. Néanmoins, si cette disposition est adoptée, il faudra notifier cette évolution à la Commission européenne pour s’assurer de sa bonne articulation avec le cadre en vigueur.
Parallèlement, je vous informe que les services de la DGCCRF lanceront prochainement une enquête sur le sujet à partir des signalements recueillis.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable sur l’amendement n° 54.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12, et les amendements nos 132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié et 131 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 130 rectifié, présenté par Mme Bélim et M. Lurel, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Dans le cadre de ses missions, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille également au respect du principe d’égalité d’accès des utilisateurs aux contenus, œuvres, biens et services numériques, quelle que soit leur localisation sur le territoire de la République.
« À ce titre, elle peut être saisie de toute pratique consistant, sans motif légitime, à restreindre ou bloquer l’accès à un contenu, un produit ou un service en ligne, ou à en modifier les conditions d’accès, au seul motif que l’utilisateur réside dans une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution.
« Sont notamment visés les services de médias audiovisuels à la demande, les plateformes de partage de vidéos, les services de diffusion ou de distribution d’œuvres culturelles, musicales ou sportives, ainsi que les boutiques applicatives et services en ligne proposant des versions ultramarines distinctes restreignant le catalogue ou les fonctionnalités disponibles.
« Est réputé sans motif légitime tout refus discriminatoire fondé sur la localisation géographique de l’utilisateur lorsque l’offre est disponible dans une autre partie du territoire national ou du marché intérieur de l’Union européenne.
« L’Autorité peut, après mise en demeure restée sans effet, enjoindre au professionnel concerné de se conformer à ses obligations. En cas de manquement grave ou répété, elle peut prononcer les sanctions prévues à l’article L. 331-25.
« Toute clause contractuelle visant à contourner ces dispositions est réputée non écrite.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent paragraphe, notamment les motifs légitimes de restriction liés à la sécurité nationale, à la cybersécurité ou à la protection de l’ordre public. »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié est retiré.
TITRE IV
SOUTENIR LE TISSU ÉCONOMIQUE ULTRAMARIN
Article 13
À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 420-5 du code de commerce, les mots : « ou similaires » sont remplacés par les mots : « , similaires ou substituables ».
M. le président. L’amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 420-5 du code de commerce est ainsi rédigé :
« En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans le Département de Mayotte, lorsque des produits alimentaires substituables à ceux qui sont produits et commercialisés localement sont proposés aux consommateurs à des prix manifestement inférieurs aux coûts moyens de production sur ces territoires, les acteurs de l’importation et de la distribution, d’une part, et ceux de la production et de la transformation locales, d’autre part, négocient, sous l’égide du représentant de l’État et des collectivités compétentes en matière de développement économique, un accord visant à augmenter et valoriser la production locale dans les commerces de détail à dominante alimentaire. Celui-ci prend en compte les volumes de produits concernés, la situation économique des producteurs locaux et l’intérêt des consommateurs à très faibles revenus. L’accord est rendu public par arrêté préfectoral. En cas d’échec des négociations dans le délai d’un mois à compter de leur ouverture, le représentant de l’État dans le territoire prend par arrêté toute mesure relevant de sa compétence et permettant de répondre aux objectifs précités. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement vise à donner un effet utile aux dispositions de l’article L. 420-5 du code de commerce en levant les incompatibilités et les incertitudes juridiques qui empêchent leur application. L’objectif est de renforcer la protection de la production locale face à certaines pratiques commerciales déloyales.
Il tend à étendre le dispositif existant, qui est limité aux produits identiques ou similaires importés et vendus en outre-mer à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans l’Hexagone, aux produits substituables.
Cette extension permettra de mieux protéger les filières locales quand elles sont confrontées à la concurrence exercée de produits importés qui, bien qu’ils présentent des caractéristiques différentes, répondent aux mêmes besoins de consommation et sont proposés à des tarifs nettement plus bas.
Cet amendement tend également à conférer au préfet la faculté de rendre obligatoire la conclusion d’un accord entre importateurs, distributeurs et producteurs locaux, et ainsi à renforcer l’effectivité du dispositif et la capacité d’intervention de l’État pour garantir des conditions de concurrence équitables.
Il vise enfin à préciser les objectifs de cet accord, ainsi que les conséquences d’une absence d’accord, c’est-à-dire la possibilité pour le représentant de l’État d’agir. Ce dernier pourra ainsi aller jusqu’à fixer lui-même les prix, ce qui devrait naturellement inciter tous les acteurs à entrer dans une dynamique de négociation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Nous soutiendrons cet amendement, qui vise à protéger, sans bloquer, ou plutôt sans « vitrifier » l’économie…
M. le président. En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé et les amendements nos 72 et 58 n’ont plus d’objet.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, je vous propose de prolonger notre séance afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé. Je vous invite cependant à faire preuve de concision afin que nous terminions à une heure raisonnable.
Après l’article 13
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Malet, MM. Fouassin et Khalifé, Mme Aeschlimann, MM. H. Leroy, Sol et Panunzi, Mmes Petrus, Gosselin, Gruny et Berthet, MM. Rietmann, Burgoa, Brisson et Cambon et Mmes Imbert, Eustache-Brinio, Canayer, Bellurot et Lassarade, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les modalités de mise en œuvre de cette obligation, et notamment celle de la négociation entre l’État et les acteurs du secteur. Sont prises en compte, en tant que de besoin et pour chaque collectivité, les capacités de production locales. »
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. En 2012, la loi relative à la régulation économique outre-mer (Réom) obligeait les distributeurs à réserver une part de leur surface de vente aux productions régionales. Faute de décret, cette disposition est restée lettre morte.
Cette mesure est pourtant d’une importance capitale pour les collectivités, car elle est susceptible à la fois de faire baisser le coût de la vie, de favoriser la souveraineté alimentaire et d’aider nos agriculteurs, par ailleurs durement touchés par les récents aléas climatiques.
Cependant, la publication d’un décret imposant des modalités non prévues par la loi pourrait fragiliser juridiquement le texte. Or la loi n’en prévoit aujourd’hui aucune. Le présent amendement vise donc à définir les contours du décret prévu dans la loi de 2012.
M. le président. L’amendement n° 126, présenté par MM. Salmon et Mellouli, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret, pris après consultation des collectivités concernées, détermine les conditions d’application du présent article pour chaque collectivité, en particulier la surface de vente minimale, qui ne peut excéder 400 m², à partir de laquelle les entreprises de distribution sont soumises à l’obligation mentionnée au premier alinéa, les catégories de produits concernés, la part de surface de vente dédiée à l’approvisionnement régional en fonction des caractéristiques et du potentiel de production du marché local et les sanctions applicables en cas de manquement. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, je souhaite rendre cet amendement identique à celui que notre collègue vient de défendre, car il en est très proche.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 126 rectifié, dont le libellé est désormais identique à celui de l’amendement n° 19 rectifié.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à rendre effective l’obligation pour les distributeurs de réserver une part de leur surface de vente aux productions locales.
Créée par la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, cette obligation n’a jamais été appliquée, comme vient de le rappeler notre collègue.
On ne peut pas se satisfaire de ce statu quo, alors que le taux de dépendance des territoires d’outre-mer aux importations oscille entre 75 % et 80 % et qu’il atteint même 98 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il faut absolument valoriser les productions locales. Nous savons que, dans certains territoires d’outre-mer, d’importantes productions sont réservées à l’exportation. Nous pensons que certaines surfaces agricoles pourraient être réservées à des cultures vivrières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. La commission s’en remettra à la sagesse de notre assemblée sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, tout en précisant que le décret est en cours d’écriture. Des questions de conformité au droit européen se posant, il faudra saisir la Commission européenne, mais le Gouvernement est à la tâche.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je rappelle simplement que cela fait treize ans que nous attendons ce décret !
Nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. En Martinique, la production locale est très bien représentée dans la grande distribution. En effet, 70 % de la production de certaines filières est écoulée en grande distribution.
Certains propos tenus ici sont peut-être valables dans d’autres pays, mais en Martinique, il y a très longtemps que ces deux entités, la grande distribution et les producteurs locaux, ont fini par s’entendre, même si cela a été très difficile au début.
Lorsque j’étais chargée des filières – je connais un peu le sujet –, j’ai fait face à des gens qui ne se parlaient pas, voire qui se combattaient. Aujourd’hui, un grand pas a été fait et l’essentiel de la production locale est écoulé en grande distribution, à des tarifs corrects et avec des délais de paiement raisonnables. On ne peut que s’en réjouir, même si on peut toujours faire mieux.
Pour conclure, la plupart des distributeurs m’ont dit que s’il était possible d’acheter plus de produits locaux, ils le feraient. Or il manque des produits. Si nous produisions trois fois plus, disent-ils, ils achèteraient ces volumes supplémentaires.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Il est vrai que nos territoires sont différents et que nos économies le sont également. Pour ma part, je vous parlerai uniquement de La Réunion.
Pour trouver des produits locaux en vente dans une enseigne du groupe GBH – pour ne pas le citer –, il faut se bagarrer et se faire entendre.
La Réunion étant une île, elle est bordée par la mer : on y produit donc du sel. Pourtant, on trouve chez GBH du sel en provenance de partout dans le monde, sauf de La Réunion. Il faut que cela cesse ! Nous sommes capables de produire du sel d’exception, du sel de chez nous, ayant des saveurs différentes.
Je vous parle du sel, mais il en va de même pour beaucoup d’autres denrées, par exemple les confitures et toutes sortes de produits d’exception qui sont primés au Salon de l’agriculture, mais qu’on ne trouve pas chez GBH. Je conteste cela.
Il faut réserver des parts de rayonnage à nos produits locaux. C’est une mesure de bon sens ; c’est ainsi que nous parviendrons à l’autonomie alimentaire.
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. J’abonderai dans le sens de mes collègues.
En Polynésie française, le gouvernement local consacre depuis la nuit des temps d’importants moyens à la promotion des produits locaux sur l’ensemble du territoire. J’ai d’ailleurs une pensée, à cet instant, pour tous nos élus locaux, pour les maires, qui font la promotion de nos produits dans les cantines scolaires de toute la Polynésie française. Nous pouvons mieux faire, oui, je le dis, et je vous prends au mot, madame la ministre.
Il y a tout de même quelque chose qui m’offusque, en tant que sénatrice de Polynésie : ce sont les normes européennes. Je m’explique : la meilleure viande que nous puissions fournir à nos cantines scolaires ou à la population est la viande locale, puisqu’il y a du bétail en Polynésie française. Or les maires ne peuvent pas acheter cette viande locale à cause des normes européennes. C’est ridicule ! Ces normes tuent l’initiative.
Je vous écoute depuis tout à l’heure, madame la ministre : vous renvoyez constamment à la législation européenne. Heureusement que la Polynésie est dotée d’une autonomie et que nous décidons pour nous, là-bas, à 20 000 kilomètres d’ici !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 126 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 14
À titre expérimental et pour favoriser à moyen terme l’émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d’exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu’à 20 % de leurs marchés dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens applicables aux marchés publics, mentionnés dans l’avis annexé au code de la commande publique, aux microentreprises et aux petites et moyennes entreprises, au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ainsi qu’aux artisans répondant aux critères prévus aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de l’artisanat, dont le siège social est établi dans les territoires mentionnés au présent article durant l’expérimentation. Cette expérimentation peut être conduite dans les mêmes conditions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna pour ce qui concerne les marchés passés par les services et les établissements publics de l’État.
Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer l’opportunité de ses éventuelles pérennisation et extension.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer le pourcentage :
20 %
par les mots :
un tiers
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à porter à 33 % la part maximale de marchés publics pouvant être réservée aux TPE-PME et aux artisans locaux dans les territoires ultramarins, conformément au dispositif initialement prévu par la loi Érom.
L’article 73 de cette loi avait instauré, à titre expérimental pour cinq ans, la possibilité de réserver jusqu’à un tiers des marchés publics aux petites et moyennes entreprises locales. Cette expérimentation s’est achevée en 2022.
L’article 14 du présent projet de loi reprend ce dispositif de réservation, mais en limitant le plafond à 20 %, soit une réduction significative par rapport au dispositif antérieur.
Le retour au seuil de 33 % permettra de renforcer le tissu économique local. Les TPE-PME et les artisans ultramarins restent structurellement fragiles et sous-capitalisés. Un seuil de 33 % leur offre de meilleures perspectives de développement et de consolidation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à relever de 20 % à 33 % la part des marchés publics que les acheteurs ultramarins pourront réserver aux TPE, aux PME et aux artisans à titre expérimental pour cinq ans.
Dans la mesure où il s’agit d’une expérimentation dans un cadre juridique dérogatoire au droit commun, il ne semble pas pertinent de rehausser ce seuil, qui plus est après l’échec de la précédente expérimentation issue de la loi Érom de 2017 qui était similaire à celle-ci. Il faut avant tout que les acheteurs publics s’approprient cette expérimentation et la mettent en œuvre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Vous me désespérez vraiment…
Le dispositif avait été adopté, il fonctionnait assez bien au départ à La Réunion. Dans un rapport sur sa mise en œuvre, il a été dit – c’était surréaliste ! – que l’expérimentation était un échec, car seuls 8 % ou 10 % de cette part étaient utilisés. Or il s’agit d’un plafond.
À l’époque, nous avions introduit dans la loi un Small Business Act et lancé une expérimentation à partir de l’expérience réunionnaise appelée stratégie du bon achat – je veux rendre ici hommage à Ericka Bareigts. Nous avions pour cela, premièrement, modifié le code de la commande publique afin de donner la priorité aux marchandises de proximité ; deuxièmement, réservé une part des marchés publics aux PME et aux TPE.
Après cinq ans d’expérimentation, le plafond de 33 % n’a pas été atteint, c’est vrai, mais pourquoi le réduire à 20 % ? Il n’a été fait qu’une évaluation sommaire de ce dispositif, que l’on n’a du reste jamais vue. Il a simplement été décidé unilatéralement qu’il ne marchait pas ! Or il vise à soutenir la production locale.
Un deuxième volet avait été voté, dans ce même texte, sur la sous-traitance. On demandait aux grosses entreprises passant des marchés publics ultramarins de plus de 500 000 euros de faire une place aux artisans locaux et aux petites entreprises. Nous avions voté cette disposition.
Tout cela forme un tout cohérent : ce n’est pas du protectionnisme, comme si nous voulions que nos sociétés vivent en autarcie.
Nous continuons de défendre ces mesures.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. J’invite ceux qui affirment que l’on ne sait pas si cette expérimentation fonctionne à se rendre à La Réunion.
La Réunion et certaines de ses entreprises ont reçu le label French Tech pour un super projet, appelé le Kub. Il s’agit d’un outil protéiforme entièrement conçu grâce à la stratégie du bon achat. De nombreux autres chantiers à La Réunion ont été menés à bien grâce à ce dispositif.
Je rappelle que, sur nos territoires, plus de 95 % de nos entreprises sont de très petites entreprises, comptant moins de onze salariés. Plus le plafond que nous fixerons sera élevé, plus nous aurons les moyens de les renforcer.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.
Mme Annick Girardin. Nous avons là l’exemple même d’objectifs atteints quelque part – La Réunion dans ce cas –, mais pas obligatoirement ailleurs. Les chiffres que j’ai vus sont globalisés pour l’ensemble de l’outre-mer. À La Réunion, ce dispositif fonctionne et le territoire veut atteindre le plafond de 33 %. Pourquoi lui dire qu’il n’est pas possible d’aller jusque-là ? C’est bien dommage !
Dans les autres territoires d’outre-mer, il ne faut pas nécessairement aller si loin, car les acteurs ne sont pas toujours là. C’est le cas dans le mien.
Aujourd’hui, fixons un plafond plus élevé, il n’imposera aucune obligation à quiconque. Ce serait un peu dommage de ne pas le faire.
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par Mme Bélim, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Une part minimale du marché peut être réservée à des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées sur le territoire du département, région ou collectivité d’outre-mer concerné.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Le présent amendement vise à compléter le dispositif expérimental prévu à l’article 14, en y intégrant une dimension d’économie circulaire adaptée aux spécificités ultramarines.
Il tend à autoriser la réservation d’une part minimale du marché à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées produites localement. L’emploi du verbe « peuvent » permet de laisser une marge d’appréciation aux soumissionnaires, en fonction des différents marchés.


