M. Ian Brossat. Exactement !

M. Pascal Savoldelli. … concernant ces mesures de la Commission européenne, que va dire la France ? Je vous demande une réponse !

Je vous le dis, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans relance de la production en France, et même si des mesures d’harmonisation sont prises face à une situation de concurrence exacerbée, ces mesures n’auront aucun effet ! Cela signifie que nous avons un problème de souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Je remercie nos collègues du groupe CRCE-K d’avoir mis à l’ordre du jour un texte aussi important. Lors de la discussion générale, la présidente Cécile Cukierman a rappelé que 15 000 emplois étaient concernés en France, dans des sites importants, à Dunkerque, à Fos-sur-Mer, mais aussi à Saint-Chély-d’Apcher en Lozère, et à Mouzon, dans les Ardennes, où 150 emplois sont directement menacés.

Mme Silvana Silvani. Exactement !

M. Marc Laménie. Le sujet est d’importance pour l’aménagement du territoire : le transport de fret ferroviaire décline, malheureusement, mais il joue un rôle important pour la sidérurgie et la fonderie. Sur leurs territoires respectifs, les sites de Saint-Chély-d’Apcher et de Mouzon constituent, en quelque sorte, le dernier client.

Monsieur le ministre, vous êtes saisi de nombreux dossiers relatifs aux Ardennes. Dans ce département, la fonderie de cuivre Tréfimétaux ne compte plus que 35 salariés, alors qu’on en comptait plus de 1 000 dans les années 1980.

De même, Usinor comptait plus de 2 000 emplois sur deux sites dans les Ardennes, dans les vallées de la Meuse et de la Chiers. Historiquement, en ce qui concerne la fonderie et l’estompage, les pertes d’emplois sont bien visibles. Les explications en ont été données, notamment la surcapacité mondiale.

En ce qui concerne plus spécifiquement ArcelorMittal, nous nous battons aussi. Aux côtés de Fabien Gay et d’Olivier Rietmann, j’ai participé à l’audition des grands patrons de l’entreprise lors de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

L’enjeu de cette proposition de loi est fondamental, et, en ce qui me concerne, je resterai fidèle à mes engagements et je ne voterai pas contre ce texte : je m’abstiendrai. Ces sujets stratégiques sont très importants, car il y va aussi des emplois et des familles.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 17 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 107
Contre 235

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national
Article 3

Article 2

Les sites de Dunkerque, de Fos-sur-Mer, de Florange ainsi que toutes autres installations détenues par ArcelorMittal en France, jugées essentielles pour la transition énergétique et la sauvegarde de l’emploi, sont considérées comme stratégiques pour l’industrie sidérurgique nationale et qualifiées d’intérêt général.

Les actifs concernés comprennent toutes les installations industrielles nécessaires à la production d’acier ainsi que les droits de propriété intellectuelle et brevets associés aux procédés industriels et technologiques, indispensables à la modernisation des sites.

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l’article.

Mme Karine Daniel. Je remercie à mon tour les collègues du groupe CRCE-K de leur initiative, qui met en lumière les problématiques relatives à ArcelorMittal et les enjeux de l’acier.

Ce matériau est présent dans les emballages alimentaires, les éoliennes, les véhicules électriques, les infrastructures ferroviaires, soit l’ensemble des équipements décisifs pour répondre au défi de la transition écologique et de l’économie de demain. Ne l’oublions pas : défendre l’acier européen est un enjeu stratégique.

L’article 2 nous permet de ne pas abandonner nos territoires. Nous considérons qu’il faut reconnaître la dignité du travail des ouvriers qui travaillent dans ces filières. On ne peut sacrifier ces lignes de production stratégiques en France.

J’ai évidemment une pensée pour le site bicentenaire des Forges de Basse-Indre, en Loire-Atlantique, où sont produits des aciers destinés à l’industrie agroalimentaire, et qui, si l’article était adopté, ferait partie des installations qualifiées d’intérêt général. Près de 100 ouvriers de cette usine sont touchés par un plan social et reçoivent des lettres de licenciement : j’ai une pensée pour eux et pour leurs familles.

Il est temps de renouer avec une ambition industrielle forte pour la France. Les ouvriers des Forges de Basse-Indre, comme ceux des autres sites, méritent que nous leur accordions notre attention et, surtout, que nous trouvions des solutions.

Je partage les propos tenus tout à l’heure : au-delà de la nationalisation et des outils de capitalisation que nous devons trouver, il nous faut aussi être force de proposition sur les enjeux européens. N’ayons aucune naïveté : aujourd’hui, ArcelorMittal utilise la concurrence interne entre ses propres sites pour affaiblir les sites européens. C’est inacceptable, et nous devons lutter face à ces stratégies industrielles de manière globale.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 18 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 107
Contre 235

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national
Article 4 (début)

Article 3

L’État procède à l’expropriation des actifs d’ArcelorMittal situés en France en prenant possession des sites mentionnés à l’article 2.

La valorisation des sites d’ArcelorMittal en France est effectuée par une commission indépendante, dont la composition est précisée par décret en Conseil d’État.

L’indemnité due aux actionnaires est réduite du montant des aides publiques antérieurement perçues par ArcelorMittal.

Un organisme indépendant procède à l’identification et à l’évaluation de ces aides publiques. Ce recensement comprend notamment : les subventions directes versées par l’État ou les collectivités territoriales pour la modernisation des sites, les prêts à taux garantis par l’État, les exonérations fiscales et les autres avantages fiscaux accordés au groupe, les exonérations sociales, les fonds européens et les subventions reçus pour la transition énergétique, notamment à travers les programmes Horizon 2020 ou le Fonds pour la transition énergétique.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 107
Contre 235

Le Sénat n’a pas adopté.

Organisation des travaux

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, pourriez-vous indiquer de combien de temps nous disposons encore dans le cadre de notre espace réservé ?

M. le président. La séance sera levée au plus tard à 16 heures 03, pour être tout à fait précis.

Article 3
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Article 4 (fin)

Article 4

L’État crée une entreprise publique, la Société Nationale de l’Acier, placée sous son contrôle direct, qui est responsable de l’exploitation des sites nationalisés. Cette société a notamment pour missions :

1° La modernisation des installations pour répondre aux objectifs de décarbonation ;

2° Le maintien de l’emploi et des compétences ;

3° La pérennité des sites.

La gouvernance de la Société Nationale de l’Acier est régie par les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

La Société Nationale de l’Acier remet chaque année au Parlement, avant le 30 juin, un rapport détaillé composé de trois volets : économique et financier, social et environnemental, et stratégique. Ce rapport présente notamment l’évolution des effectifs, les conditions de travail et la formation des salariés, la réduction des émissions de CO2, les avancées en matière de décarbonation ainsi que les investissements réalisés. Ce rapport est transmis aux commissions chargées des affaires économiques et du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. le président. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 4.

Si cet article n’était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l’article 5, qui deviendrait sans objet.

Il n’y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement rejetés par le Sénat. Il n’y aurait donc pas d’explication de vote sur l’ensemble.

Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je viens d’une belle région industrielle, le Nord-Pas-de-Calais, où après la fermeture des mines, nous avons eu de belles industries. Pourtant, aujourd’hui, mon département, c’est Metaleurop, 800 salariés virés du jour au lendemain ; Synthexim en 2023, idem ; Meccano en 2023, idem ; Bridgestone, il y a maintenant quatre ans, idem.

Si nous avons déposé cette proposition de loi, c’est qu’elle a du sens. En effet, lorsque nous avions à l’époque proposé la nationalisation des sites qui ont fermé – j’étais moi-même intervenue en ce sens pour Synthexim et pour Meccano –, notre demande avait été refusée.

L’État n’a jamais accepté d’entrer au capital de ces entreprises ni de les nationaliser. Notre département a perdu des milliers d’emplois. On a promis aux salariés des reconversions, mais si l’on fait le bilan, des milliers de familles ont été laissées sur le carreau ; j’y insiste : on a laissé des milliers de familles sur le carreau !

Aujourd’hui, si on laisse faire, si on ne prend pas la mesure de ce qui arrive à ArcelorMittal et si on refuse de nationaliser cette entreprise, elle finira malheureusement dans le même état que celles que je viens de citer.

Nous avons donc une responsabilité particulière. Je vous ai entendu tout à l’heure, monsieur Hochart : ce que le Rassemblement national écrit dans ses tracts, ce que vous dites aux salariés ne correspond jamais aux paroles que vous tenez dans l’hémicycle.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet, si ici vous vous prononcez contre la nationalisation, votre discours sera différent de retour chez nous, dans le Nord-Pas-de-Calais.

M. Joshua Hochart. Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous !

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, sur l’article.

M. Pierre Barros. Le dernier texte que nous examinons au sein de cette niche est particulièrement d’actualité, mais il renvoie aussi à des positions récurrentes dans l’histoire de la stratégie et de la politique industrielle menée en France depuis vingt ou trente ans.

Aujourd’hui, nous parlons d’ArcelorMittal ; pendant des années, nous avons parlé d’Alstom, qui était un fleuron industriel faisant la richesse et la fierté de la France. À la suite de l’entreprise Rateau, créée avant la guerre, elle a produit les turboalternateurs qui ont permis la production de l’énergie électrique par les centrales nucléaires et thermiques ou par les barrages hydrauliques.

Cette industrie s’est déployée avec une grande technicité, grâce à ses agents, à ses personnels, à ses techniciens et à ses ingénieurs. Toute cette histoire s’est arrêtée à la fin des années 1990 et au début des années 2000, voire il y a près de dix ans, quand un ministre devenu depuis Président de la République a bradé l’entreprise Alstom à General Electric.

Ces exemples le montrent donc bien : l’histoire récente de la politique industrielle de la France est celle d’un bradage ; c’est celle de l’abandon de l’ensemble des femmes et des hommes qui ont fait l’histoire comme l’honneur de notre pays et qui ont permis, à un moment donné, de produire de la force motrice et de la richesse.

Au fond, la politique menée depuis les années 1970-1980, qui a tout misé sur le secteur tertiaire tout en faisant de la Chine et de l’Inde le grand atelier du monde, a montré ses limites. Nous avons vu ce que cela a donné d’un point de vue environnemental ou en matière de dumping social.

Je suis d’accord avec ce qui a été évoqué par mes collègues, notamment Pascal Savoldelli : pour des questions de souveraineté, il faut que nous soyons présents sur ces champs d’activité, car nous avons besoin de produire localement pour les nombreuses raisons évoquées cet après-midi.

Malheureusement, l’histoire se répète encore une fois, avec ArcelorMittal. La situation n’est pas seulement dramatique : elle découle d’un vrai choix politique.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote sur l’article.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le rapporteur, en évoquant le coût représenté par la nationalisation d’ArcelorMittal, vous avez mentionné une somme comprise entre un et plusieurs milliards d’euros. Je le reconnais, nous ne vous avons pas demandé de chiffrer notre proposition, mais pour être tout à fait honnête, une telle fourchette ne semble pas représenter un gouffre insurmontable.

Monsieur le ministre, il m’a semblé – je ne sais si je vous ai bien compris – que vous proposiez de fournir à cette entreprise une aide supplémentaire pour soutenir la compétitivité. Mais quand se rendra-t-on enfin compte que les aides financières ne suffisent pas à soutenir la compétitivité de nos entreprises, au vu de leur état ?

Lors de la discussion générale, une de nos collègues a dit qu’il faudra investir. Oui, bien sûr, mais c’est déjà le cas. À vous entendre, on aurait presque l’impression qu’il ne se passe rien, alors que l’on investit déjà !

Plus grave, à mon sens : ce qui nous oppose à ArcelorMittal n’est pas un cas isolé. Dans d’autres situations, des investisseurs nous mènent par le bout du nez. Des aides ont été fournies par l’État, qui a rempli sa part, mais l’investisseur, lui, n’a pas rempli la sienne – je n’insisterai pas davantage sur ce sujet.

Honnêtement, je m’interroge sur le projet de réindustrialisation actuel en France, et je n’en saisis pas les contours. En tout cas, ce qui est sûr, ainsi que mon collègue Savoldelli l’a rappelé, c’est que nous n’en voyons pas les résultats pour l’instant, en tout cas depuis 2017.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Nous le constatons avec grand regret, notre proposition de loi va être rejetée. Pourtant, comme je l’ai dit précédemment, nous ne pouvons pas d’un côté prétendre vouloir réindustrialiser notre pays pour assurer sa souveraineté industrielle et, de l’autre, nous désintéresser de la question de la maîtrise de l’acier.

Je vous le rappelle, pour que l’on prenne la mesure des coûts : un emploi industriel vaut quatre emplois. C’est dire combien, demain, dans nos territoires, la fermeture des hauts fourneaux aura des conséquences catastrophiques, y compris financières, pour la vie des gens et pour les territoires à réaménager.

Mes chers collègues, je n’offenserai personne en disant que nous devons mener une véritable réflexion pour répondre à l’inquiétude de plusieurs centaines de salariés.

Un certain nombre d’entre vous ont répondu qu’il ne fallait surtout pas nationaliser, qu’il ne fallait pas que l’État se mêle de la question. Mais la réalité, aujourd’hui, c’est que le marché n’a rien fait pour ces salariés. La réalité, c’est qu’une majorité des femmes et des hommes politiques de notre pays leur disent : « C’est triste, c’est malheureux, mais on ne peut rien faire pour vous. »

Je le dis avec beaucoup de sincérité, car c’est peut-être encore plus vrai aujourd’hui : si je fais de la politique, c’est parce que, avec l’ensemble de mon groupe, je crois en notre capacité à nous mobiliser collectivement et à agir pour changer la vie des gens. Renoncer à de tels combats, c’est finalement nourrir la résignation, l’individualisme, l’immobilisme, c’est-à-dire le terreau qui fait grandir l’extrême droite dans notre pays.

En déposant cette proposition de loi, au-delà de la question de la nationalisation, nous avons voulu mesurer avec quelle force l’action publique répond aux Françaises et aux Français. (Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Ian Brossat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Bazin, rapporteur de la commission des finances. Mes chers collègues, j’ai tenté de démontrer que la nationalisation des sites d’ArcelorMittal en France n’est pas la solution. Pour autant, il ne s’agit pas du tout de dire que l’on ne peut ou que l’on ne doit rien faire, bien au contraire !

Un pays comme la France peut-il être un pays sans industrie ? La réponse est non. Peut-il y avoir une industrie sans acier ? La réponse est non.

M. Arnaud Bazin, rapporteur. Nous devons tout simplement prendre en considération l’écosystème général européen et international, ainsi que la situation de concurrence totalement déloyale que nous imposent, entre autres, la Chine, mais aussi, demain, l’Inde. Il faut le savoir, les surcapacités de production ne diminueront pas, elles continueront d’augmenter.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Et on fait quoi alors ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur. La solution est donc de garantir un prix de l’acier en Europe qui permette de produire sur notre continent. Pour cela, il faut des mesures de protection. Doubler les droits de douane envoie un premier bon signe. Il faut maintenant que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières soit très rapidement mis en œuvre.

Moyennant ces mesures, nous pourrons attendre d’ArcelorMittal que cette entreprise honore ses engagements – qu’elle a pour l’instant suspendus – en matière de décarbonation.

Mme Silvana Silvani. Pourquoi attendre ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur. Les investissements, colossaux, devraient être soutenus par le budget de l’État si l’entreprise était nationalisée, tandis qu’ils seront, en l’état actuel des choses, essentiellement apportés par des fonds privés.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un milliard d’euros !

M. Arnaud Bazin, rapporteur. Aujourd’hui, nous savons donc ce qu’il faut faire. On peut regretter très fortement que l’Europe ait tardé à réagir, et il est plus que temps de le faire. Nous sommes en train d’obtenir gain de cause, mais nous devrons continuer d’être vigilants.

Mes chers collègues, vous avez déposé cette proposition de loi afin de susciter un débat. Très sincèrement, ce débat a été de qualité. Le dossier, évidemment, restera sous notre vigilance la plus complète.

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l’article.

M. Joshua Hochart. Quelques éléments de réponse à nos collègues communistes, qui ont cru bon de m’accuser de tenir un double discours.

Bien évidemment, une telle accusation est fausse. Vous dénoncez aujourd’hui les effets des textes que vous avez vous-mêmes soutenus…

M. Ian Brossat et Mme Cathy Apourceau-Poly. N’importe quoi !

M. Joshua Hochart. En 2014, il me semble que vous avez soutenu le gouvernement de M. Hollande lorsqu’il décida de la fermeture des hauts fourneaux de Florange.

M. Joshua Hochart. Vos amis socialistes sont par ailleurs très peu nombreux dans l’hémicycle.

M. Ian Brossat. Vous n’êtes pas bien nombreux non plus !

M. Joshua Hochart. Le marché européen de l’acier, vous le soutenez, puisque vous soutenez l’Union européenne.

Arrêtez donc de dénoncer les effets des textes que vous avez soutenus et de l’Union européenne que vous soutenez en permanence !

Mme Cécile Cukierman. C’est mieux quand il ne parle pas !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Avant le vote dont la présidente Cukierman a annoncé l’issue, je voulais insister sur la qualité de nos échanges de cet après-midi.

Sur toutes les travées, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez défendu l’idée, partagée dans notre nation, qu’il est nécessaire de soutenir l’industrie française et l’industrie européenne.

Je ne suis pas là pour dire – monsieur le sénateur Savoldelli, ne faisons pas dire aux Échos ce qu’ils ne disent pas – que la situation n’est pas difficile. Elle est extrêmement difficile, extrêmement complexe.

M. Pascal Savoldelli. C’est votre bilan !

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Aujourd’hui, nous voyons bien toutes et tous que, en Europe, ce n’est pas seulement le modèle économique qui est attaqué. Plus globalement, c’est le modèle européen lui-même qui est attaqué, avec des leviers non seulement économiques, mais aussi politiques et numériques.

Face à cela, la réponse doit-elle être la nationalisation ? Pour ma part, je crois que la première des réponses est une mobilisation très forte. (Mme Cathy Apourceau-Poly fait la moue.)

Elle doit associer la puissance publique nationale qu’est l’État, le monde économique, et – je suis devant la chambre des territoires, et c’est ma conviction profonde, car j’ai été pendant des années président d’une association nationale d’élus – bien évidemment les territoires eux-mêmes, qu’il s’agisse des régions, des intercommunalités, des communes. Bref, elle doit réunir toutes celles et tous ceux qui croient véritablement en l’industrie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous croyez tous à la nécessité de l’industrie. Le sujet n’est pas seulement économique : c’est aussi un sujet de cohésion nationale ; c’est aussi un sujet de parcours professionnels, parfois bien plus intéressants dans l’industrie que dans le secteur des services. Il s’agit aussi de savoir quel projet proposer à un territoire qui ne créerait plus de valeur, car l’industrie n’y serait plus présente.

Pour moi, la vraie réponse à toutes ces questions – plusieurs d’entre vous l’ont indiqué – est avant tout la sortie de la naïveté face à l’agression à laquelle nous sommes confrontés. Il n’y a pas d’autre terme : quand les produits envoyés en Europe sont subventionnés massivement, dans le seul objectif de créer un prix tellement imbattable que rien ne sert de lutter, cela s’appelle une agression. Et nous nous défendons.

Nous devons désormais aller plus fort et plus loin au niveau européen. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, des droits de douane vont s’appliquer à partir de janvier 2026. En tout cas, la France fait tout pour que très peu d’amendements soient apportés au texte de la Commission, afin que celui-ci s’applique le plus rapidement possible. C’est là que se trouve la vraie réponse aux problématiques d’invasion de la sidérurgie asiatique en Europe.

Nous croyons en la nécessité de décarboner, mais encore faut-il que des mécanismes de protection aux frontières soient actifs pour s’assurer que les productions qui ne sont pas décarbonées soient pénalisées et paient, elles aussi, les coûts du carbone. C’est le MACF qui doit établir des sanctions non pas simplement par rapport à une usine, mais bien par rapport à un pays, sinon elles seront trop fortement contournées.

Un dernier point doit nous rassembler, quelles que soient les travées sur lesquels vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est le principe de la préférence européenne, que nous devons véritablement inscrire au niveau de la Commission européenne. (M. Joshua Hochart proteste.)

En effet, si nous n’instaurons pas la préférence européenne, qui requiert dans nos produits finis une part d’éléments européens d’au moins 60 % à 70 %, tous les mécanismes dont je viens de parler pourraient être tout simplement contournés.

Tels sont les combats que le Gouvernement va mener dans les mois qui viennent, avec, je l’espère, l’ensemble des parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.

M. Thomas Dossus. J’ai trouvé le discours du ministre très œcuménique (Mme Cathy Apourceau-Poly rit.) : donnons-nous tous la main et, à la fin, avec la mobilisation de chacun, nous y arriverons…

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Ce serait utile, oui !

M. Thomas Dossus. Toutefois, vous n’avez pas avancé la moindre solution d’action publique de la part de l’État français ni proposé aucune vision de la stratégie industrielle française, voire européenne. On reste un peu sur sa faim, monsieur le ministre, et je suis largement déçu.

J’approuve le réveil européen sur le protectionnisme, qui a enfin lieu. Si je puis dire, nous avons besoin de barrières et de frontières en la matière. Devant la bascule des grands empires vers l’archisubvention de leur économie, face à la concurrence déloyale permanente et à la surproduction, il est évident que l’Europe doit se réveiller.

Toutefois, nous avons aussi besoin en France d’une vision industrielle, qui insiste sur les filières, alors que, en la matière, nous n’avons pas entendu grand-chose dans votre discours.

Je partage les propos tenus par nos collègues du groupe communiste : la solution de la nationalisation n’est peut-être pas l’outil adapté, mais pour l’instant, c’est le seul qui ait été mis sur la table. Nous n’avons entendu personne en proposer un autre. Je remercie le groupe communiste d’avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour. Nous avons besoin d’une mobilisation plus forte et, en tout cas, d’une vision stratégique pour l’industrie française.

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 107
Contre 235

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, l’article 5 n’a plus d’objet.

Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national