M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Article 26

I. – Après le premier alinéa de l'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'opposition est formée par les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et à l'article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime et porte sur un contrat d'assurance rachetable, elle entraîne le rachat forcé de ce contrat. Elle a pour effet d'affecter à ces organismes la valeur de rachat du contrat d'assurance au jour de la notification de l'opposition, dans la limite du montant de cette dernière. Ces dispositions s'appliquent à tout contrat d'assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations. »

II. – Aux articles L. 132-14 du code des assurances et L. 223-15 du code de la mutualité, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : «, de l'article L. 133-4-9 du code de la sécurité sociale » – (Adopté.)

Article 27

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 5426-8-2 est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – En cas de manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses, les sommes indues peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur, dans les conditions prévues par l'article L. 262 du livre des procédures fiscales.

« L'avis de saisie administrative à tiers détenteur est notifié par le directeur général de l'opérateur France Travail ou par des agents placés sous son autorité qu'il désigne selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, au redevable et au tiers détenteur. L'exemplaire notifié au redevable mentionne, sous peine de nullité, les délais et les voies de recours. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 5428-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque, pour le remboursement de sommes indûment versées en raison d'un manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses, l'opérateur France Travail procède, en application de l'article L. 5426-8-1, à des retenues sur les paiements à venir. »

II. – Le 4 de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une personne est simultanément destinataire d'une saisie administrative à tiers détenteur émise par le comptable public en application du présent article et d'une saisie à tiers détenteur émise par le directeur général de l'opérateur France Travail ou par les agents placés sous son autorité en application de l'article L. 5426-8-2 du code du travail, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter en priorité la saisie administrative à tiers détenteur émise par l'administration fiscale. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 124 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 239 rectifié est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 124.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'article 27 ouvre à France Travail la possibilité, d'une part, d'émettre des saisies administratives à tiers détenteur, d'autre part, de retenir la totalité des versements à venir des allocations d'assurance chômage en cas d'indus engendrés par des manquements délibérés ou par des manœuvres frauduleuses.

Dans son avis, le Conseil d'État s'est prononcé contre la seconde mesure : « Le Conseil d'État constate tout d'abord qu'aucun élément de l'étude d'impact ne permet d'apprécier l'importance des situations, vraisemblablement marginales, mentionnées au deuxième paragraphe du présent point et que le Gouvernement n'a pas été́ en mesure de lui apporter plus d'informations – il nous en donnera peut-être dans cet hémicycle – […]. Il souligne ensuite les difficultés d'articulation de la mesure avec la mise en œuvre des dispositifs visant à garantir un niveau de ressources minimal. Dans ces conditions et au regard des objectifs poursuivis par le projet de loi, le Conseil d'État suggère de ne pas retenir la mesure envisagée. »

De même, la Défenseure des droits appelle spécifiquement l'attention du législateur sur le fait que, conformément aux dispositions du code du travail, les aides, prestations et allocations versées par France Travail sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Ces retenues doivent rester strictement dans le cadre de la fraction saisissable prévue par le code du travail, qui fixe le montant maximal de la saisie, en fonction des revenus et de la composition familiale du foyer du demandeur d'emploi. Une autre fraction des revenus est, quant à elle, totalement insaisissable, de sorte qu'une personne seule dispose au moins d'une somme équivalente au montant forfaitaire du revenu de solidarité active. Ces mécanismes assurent au salarié comme au demandeur d'emploi un reste à vivre, permettant de subvenir à ses besoins essentiels.

Il convient donc de ne pas légiférer pour des situations « vraisemblablement marginales », pour reprendre les termes du Conseil d'État, en contradiction avec le principe de garantie d'un niveau de ressources minimal.

Suivant les recommandations du Conseil d'État et de la Défenseure des droits, nous proposons de supprimer l'article 27

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l'amendement n° 239 rectifié.

Mme Silvana Silvani. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

La commission soutient l'article 27, qui a pour objet de renforcer les prérogatives de France Travail afin d'améliorer le taux de recouvrement des indus frauduleux. Je rappelle que ces derniers s'élèvent à 84 millions d'euros.

À l'heure où nous parlons du déficit de l'Unédic, pour des raisons diverses et variées, il nous semble important de pouvoir lutter contre cette fraude. Cet article vise les indus provoqués par un manquement délibéré ou par une manœuvre frauduleuse : ces dispositions sont donc bien au cœur de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'adoption de ces amendements identiques empêcherait France Travail de disposer de moyens supplémentaires dont il a besoin, à savoir avoir l'autorisation de procéder à des saisies administratives à tiers détenteur et créer une exception au respect de la quotité saisissable dans certains cas.

Vous avez cité l'avis du Conseil d'État, madame la sénatrice. Il est vrai que l'étude d'impact n'était pas finalisée lorsque des premiers échanges entre mon ministère et le Conseil d'État ont eu lieu. Je tiens toutefois à souligner que mes services, en lien avec les équipes de France Travail, ont pu évaluer l'impact financier de cette mesure et que le chiffrage est désormais consultable en ligne sur le site du Sénat. Les éléments que vous avez demandés sont donc à votre disposition.

Le Gouvernement estime que la mesure proposée pourrait se traduire par une hausse de 20 % du taux de recouvrement des trop-perçus frauduleux. C'est significatif.

Vous avez également avancé l'argument de la privation du droit à bénéficier de moyens convenables d'existence. Je tiens à rappeler que nous ne prévoyons la levée de l'opposabilité de la quotité insaisissable que dans les cas de fraude. Nous ne remettons nullement en cause cette protection lorsque les sanctions sont prononcées pour tout autre motif.

Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 239 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 123, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses

par le mot :

fraude

II. – Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L'article 27 autorise l'opérateur France Travail à réaliser des saisies à tiers détenteur en cas de manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses.

La Défenseure des droits a rappelé que la notion de « manœuvres frauduleuses » ne correspond à aucune qualification expressément prévue par la réglementation de l'assurance chômage, tandis que celle de « manquement délibéré » ne renvoie qu'à la pénalité prévue dans le code du travail.

Par conséquent, sur la recommandation de la Défenseure des droits, qui, jusqu'à présent, a été peu entendue, nous proposons de ne permettre à France Travail de réaliser des saisies à tiers détenteur ou de procéder à la retenue intégrale des versements à venir pour rembourser un trop-perçu de prestations de chômage qu'en cas de fraude.

En ne mobilisant qu'une seule qualification, cette approche garantirait la sécurité juridique du dispositif, tout en distinguant clairement les situations où l'intentionnalité frauduleuse est établie de celles qui sont liées à des erreurs ou à des négligences.

L'article 27 confère également à France Travail la possibilité de retenir l'intégralité des versements à venir pour rembourser un trop-perçu de prestations de chômage.

Nous proposons de supprimer cette disposition. En effet, le Conseil d'État – mais peut-être celui-ci a-t-il précisé sa position depuis la publication de son avis – et la Défenseure des droits appellent spécifiquement l'attention du législateur sur le risque que cette mesure n'entraîne une privation du droit à bénéficier de moyens convenables d'existence.

Par ailleurs, les rares personnes demandant la réouverture des droits à l'assurance chômage après une radiation pour fraude le font sur le fondement de droits nouveaux ou d'anciens droits acquis de manière légitime. En effet, lorsqu'ils résultent uniquement d'une fraude, les droits attribués sont systématiquement annulés. Les prestations susceptibles d'être entièrement récupérées correspondent donc à des droits légalement obtenus et financés par des cotisations sociales.

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par Mmes Pantel et M. Carrère, MM. Roux, Masset et Guiol, Mmes Jouve, Guillotin et Girardin et MM. Bilhac, Cabanel et Gold, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour le recouvrement de sommes indûment versées à la suite d'un manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses, l'opérateur France Travail peut, en application de l'article L. 5426-8-1, effectuer des retenues sur les versements à venir.

« Ces retenues sont effectuées dans la limite assurant le maintien d'un montant minimal de ressources laissé à la disposition du bénéficiaire, conformément à l'article L. 3252-2 du code du travail. »

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par Mme Puissat et M. Henno, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le mot :

paiements

par le mot :

échéances

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 123 et 47 rectifié bis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L'amendement n° 295 est rédactionnel.

L'amendement n° 123 vise, d'une part, à remplacer l'expression « manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses » par le mot « fraude », d'autre part, et surtout, à supprimer les alinéas 7 et 8, afin de rétablir l'application de la quotité insaisissable pour les allocations chômage.

Comme je l'ai déjà indiqué, la commission est favorable au projet de loi, notamment à l'article 27 dans son intégralité. Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur les amendements nos 123 et 47 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur les amendements nos 123 et 47 rectifié bis, et un avis favorable sur l'amendement n° 295.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié.

(L'article 27 est adopté.)

Après l'article 27

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 67 rectifié quater est présenté par Mme Lermytte, MM. Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier et L. Darcos, MM. Wattebled, Pellevat, Chevalier, Grand, Rochette, Capus, Médevielle, V. Louault, Laménie et Brault, Mme Vermeillet et M. Houpert.

L'amendement n° 80 rectifié est présenté par M. Milon.

L'amendement n° 87 rectifié quater est présenté par Mme Gruny, MM. Milon et J.P. Vogel, Mmes Muller-Bronn, M. Mercier et Malet, MM. Hugonet, Sol et Panunzi, Mme Micouleau, MM. H. Leroy, Daubresse et de Nicolaÿ, Mme Josende, M. Khalifé, Mmes Petrus, Dumont et Gosselin, M. Sido, Mmes Belrhiti et Ventalon, MM. Chatillon, Burgoa et Rapin, Mmes P. Martin, Lassarade et Imbert et M. Belin.

L'amendement n° 161 rectifié ter est présenté par Mmes Romagny et N. Goulet, MM. Cambier et J.B. Blanc, Mme Billon, MM. Mizzon, Lévrier, Menonville, Kern et Pillefer, Mme Antoine, M. Fargeot, Mmes Perrot et Aeschlimann, M. Levi, Mmes Saint-Pé, Guidez, Demas, Patru et Gacquerre, MM. Canévet et Hingray, Mme Devésa, MM. Courtial, Parigi et Meignen et Mme Jacquemet.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 27

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale, il est rétabli un article L. 711-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 711-13-1. – Sous réserve de l'application des dispositions prévues au présent titre, les organismes gestionnaires d'un régime spécial visé à l'article L. 711-1 sont habilités à délivrer une contrainte en vue de recouvrer une pénalité financière dans les conditions prévues au deuxième alinéa du c du I de l'article L. 114-17-2. »

La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l'amendement n° 67 rectifié quater.

Mme Corinne Bourcier. Il existe aujourd'hui une incertitude quant à la possibilité pour les organismes gestionnaires d'un régime spécial de recouvrer une pénalité financière par voie de contrainte. Il est par conséquent nécessaire, si l'on veut renforcer la lutte contre la fraude sociale, de sécuriser l'usage d'une telle prérogative par les caisses de sécurité sociale, afin d'assurer la cohérence de l'action des organismes gestionnaires, quel que soit le régime concerné, notamment en matière de recouvrement des prestations indues.

M. le président. L'amendement n° 80 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 87 rectifié quater.

Mme Pascale Gruny. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 161 rectifié ter.

Mme Nathalie Goulet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces amendements identiques visent à conférer une base légale aux organismes gestionnaires d'un régime spécial afin qu'ils puissent recouvrer les pénalités financières par voie de contrainte.

La commission émet un avis favorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les organismes gestionnaires d'un régime spécial peuvent d'ores et déjà prononcer des contraintes en application des dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

En particulier, la caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la RATP, même si celle-ci n'est juridiquement pas distincte de l'établissement public de la RATP, a bien la personnalité morale.

Par ailleurs, le champ de ces amendements nous semble trop large. Ces derniers visent ainsi l'ensemble des prérogatives attribuées aux organismes de sécurité sociale, mais certaines d'entre elles ne sont pas applicables aux régimes spéciaux. C'est pourquoi, en l'état du droit, la CCAS de la RATP peut prendre des mesures contraignantes. Tels qu'ils sont rédigés, ces amendements, ont en partie pour objet des dispositions qui ne sont pas applicables.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 rectifié quater, 87 rectifié quater et 161 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.

Article 28 (nouveau)

Après le chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE II bis

« Lutte contre la fraude

« Art. L. 5312-15. – Pour l'accomplissement de leur mission de lutte contre la fraude, les agents chargés de la prévention des fraudes agréés et assermentés mentionnés à l'article L. 5312-13-1 peuvent interroger l'unité de gestion mentionnée au VI de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure en vue d'être destinataires de données mentionnées au II du même article L. 232-7 aux seules fins de contrôler le respect de la condition de résidence en France, dès lors que les allocations mentionnées à l'article L. 5421-2 du présent code sont soumises à une telle condition.

« Art. L. 5312-16. – Pour l'accomplissement de leur mission de lutte contre la fraude, les agents chargés de la prévention des fraudes agréés et assermentés mentionnés à l'article L. 5312-13-1 peuvent interroger les services du ministre chargé des affaires étrangères tenant le registre mentionné à l'article L.12 du code électoral, aux seules fins de contrôler le respect de la condition de résidence en France, dès lors que les allocations mentionnées à l'article L. 5421-2 du présent code sont soumises à une telle condition.

« Art. L. 5312-17. – Pour l'accomplissement de leur mission de lutte contre la fraude, les agents chargés de la prévention des fraudes agréés et assermentés mentionnés à l'article L. 5312-13-1 sont autorisés à traiter, en application de l'article 47 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), et dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les données de connexion des bénéficiaires dont ils disposent, aux seules fins de contrôler le respect de la condition de résidence en France, dès lors que les allocations mentionnées à l'article L. 5421-2 du présent code sont soumises à une telle condition.

« Art. L. 5312-18. – Les modalités d'application des articles L. 5312-15 à L. 5312-17 sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Art. L. 5312-19. – Lorsque les agents chargés de la prévention des fraudes agréés et assermentés mentionnés à l'article L. 5312-13-1 réunissent plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses, de manquement délibéré à ses obligations ou de commission d'infractions de la part d'un bénéficiaire d'une des allocations mentionnées à l'article L. 5421-2, le directeur général de France Travail peut procéder à la suspension conservatoire de tous paiements au titre de ladite allocation.

« Cette décision motivée est immédiatement notifiée à l'intéressé. Elle précise les voies et délais de recours, ainsi que la possibilité pour l'intéressé de présenter, lors d'un débat contradictoire tenu à sa demande, dans un délai de deux semaines à compter de ladite notification, des éléments de nature à rétablir le versement de l'allocation.

« La durée de la mesure de suspension ne peut excéder trois mois à compter de sa notification.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article, et notamment les garanties de respect du contradictoire dont dispose le bénéficiaire dont l'allocation est suspendue. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Le Houerou, Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 238 rectifié est présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour présenter l'amendement n° 100.

M. Jean-Luc Fichet. Cet article, introduit sur l'initiative des rapporteurs lors de l'examen en commission, vise prétendument à renforcer les moyens de France Travail dans la lutte contre la fraude.

Nous partageons évidemment cet objectif : la fraude doit être combattue avec fermeté et discernement. En l'occurrence toutefois, les moyens prévus dépassent largement le champ de ce qui est nécessaire et acceptable.

Donner aux agents de France Travail accès à des fichiers aussi sensibles que ceux des compagnies aériennes ou que ceux qui contiennent les données de connexion ou les relevés téléphoniques, c'est franchir une ligne rouge. Cela revient à introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d'emploi, assimilés à des fraudeurs potentiels.

Une telle extension des pouvoirs de contrôle constitue une atteinte grave à la vie privée des demandeurs d'emploi. La lutte contre la fraude ne doit jamais se faire au détriment des libertés individuelles ni au prix d'une suspicion permanente envers celles et ceux qui cherchent simplement à retrouver un emploi.

Nous sommes également très inquiets en ce qui concerne la possibilité donnée au directeur général de France Travail de suspendre le versement d'une allocation sur le simple fondement d'« indices sérieux » de fraude.

Derrière cette formule vague, il y a des allocataires, des femmes et des hommes, qui, en cas d'erreur ou de suspicion infondée, pourraient se voir temporairement privés de toute ressource du jour au lendemain, ce qui aurait des conséquences graves sur leur situation personnelle et familiale.

En réalité, cet article s'inscrit dans une logique de défiance à l'égard des chômeurs, alors qu'il faudrait, au contraire, leur faire confiance et leur donner les moyens de se réinsérer durablement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 118.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je pourrais me contenter de dire que cet amendement est déjà défendu, mais il convient, me semble-t-il, de l'examiner avec attention, car il dote France Travail de prérogatives particulièrement intrusives en matière de contrôle des allocataires.

Monsieur le ministre, vous disiez refuser tout dispositif de surveillance généralisée. Pourtant, nous y sommes !

L'article 28 permet ainsi aux agents d'interroger les fichiers de compagnies aériennes pour vérifier la résidence des personnes indemnisées. Cette mesure introduit un contrôle sur les déplacements individuels, au mépris de la vie privée et du droit à la libre circulation. Donner accès à des données sensibles sans soupçon avéré de fraude – il n'y a donc plus de présomption d'innocence – est contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité définis par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Cet article instaure également un droit de communication auprès des opérateurs téléphoniques pour accéder aux relevés d'appels. Cette disposition, d'une nature intrusive manifeste, autoriserait France Travail à examiner les habitudes de communication des allocataires, ce qui porte atteinte au secret de leurs données personnelles intimes.

Nous le disons fermement : un tel dispositif ouvre la voie à des dérives incompatibles avec un État de droit.

La possibilité d'accéder au registre des Français établis hors de France participe du même esprit de suspicion. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères estime que seuls 70 % des Français établis hors de France s'y sont inscrits, car l'inscription n'est pas obligatoire. Quel fraudeur cette mesure permettra-t-elle donc réellement d'identifier ?

La possibilité de traiter les données de connexion des personnes inscrites à France Travail achève de dessiner un dispositif de traçage numérique. L'extension des données exploitables crée un précédent dangereux pour les libertés individuelles.

En outre, le directeur général de France Travail pourrait suspendre le versement d'une allocation, simplement sur le fondement d'« indices sérieux », qu'il définirait lui-même. Cette mesure, contraire à la présomption d'innocence et au principe du contradictoire, introduit une insécurité juridique inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l'amendement n° 238 rectifié.

M. Pascal Savoldelli. Je partage les arguments qui viennent d'être exposés par mes collègues Jean-Luc Fichet et Raymonde Poncet Monge.

Cet article, comme d'autres, ne justifie d'ailleurs pas le « et » entre fraudes sociales et fraudes fiscales, qui figure dans l'intitulé du projet de loi.

Si nous avons bien compris le dispositif proposé, il s'agit d'instaurer une surveillance de masse systématique et uniforme de l'adresse IP de tous les allocataires de l'assurance chômage. Quel autre corps social accepterait un tel dispositif ? D'ailleurs, qui pourrait accepter cela ? Voilà un sujet qui relève non pas du social, mais de la protection des libertés.

Je vous le dis franchement, à mon sens, la transformation de l'État social à laquelle nous assistons ne correspond ni à l'esprit républicain ni à nos valeurs d'égalité et de fraternité. Dans ce projet de loi, la misère devient suspecte et il en est alors de même pour l'allocataire, et ce systématiquement. Permettre l'accès aux données IP, c'est entrer dans une autre société.

Il me semble qu'il convient de disposer d'un avis éclairé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Si vous me prouvez que ce n'est pas nécessaire, je m'inclinerai. L'avez-vous saisie ? Il importe en effet d'évaluer les dispositifs avant de les mettre en place. La Cnil a-t-elle donc donné son accord à ce dispositif, à l'aune du respect des libertés ?

J'avoue être effaré par ce texte.