Il faut mener une réflexion globale autour de l'autonomie. J'espère vraiment, madame la ministre, que vous allez prendre cette question à bras-le-corps et que vous allez nous proposer un texte qui reprenne tout ce sur quoi on nous promet de travailler depuis des années.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour explication de vote.
Mme Brigitte Bourguignon. Si un texte de loi réglait tout dans la vie, il y a longtemps que les personnes en situation de handicap, par exemple, n'auraient plus de revendications, puisqu'il existe un beau texte en la matière, à savoir la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005. Cette belle loi est aussi la championne des dérogations, puisque, en 2025, la moitié de ses dispositions n'est toujours pas appliquée.
Si une loi réglait le problème du financement, ce serait formidable : la branche autonomie aurait déjà toutes les sources de financement possible, et tout le monde serait content. Si une loi réglait tous les problèmes, cela se saurait.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il ne fallait pas nous la promettre !
Mme Brigitte Bourguignon. C'est non pas d'une loi Grand Âge que nous avons besoin, mais d'une vraie réflexion sur la branche autonomie et son financement réel.
Or nous l'avons eu. La réforme sur la cinquième branche de la sécurité sociale est en cours de mise en œuvre et elle est toujours d'actualité. Il faut donc cesser d'asséner ces poncifs qui ne mènent nulle part. Pour ma part, je suis sortie des slogans pour entrer dans la machine.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Qu'est-ce que ça veut dire ?
Mme Cécile Cukierman. C'est quand on n'a plus d'arguments que l'on dit cela ! (Mme Brigitte Bourguignon s'exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne souhaitais pas prendre la parole, mais je ne peux pas laisser passer ce qui vient d'être dit !
Tout ce qui était prévu dans la loi de 2005 n'a pas été réalisé, mais ce texte a montré un cap, une direction. C'est ce que l'on attendait de lui. Par la suite, toutes nos politiques publiques ont tenu compte de cette direction.
Un gouvernement se doit de montrer le cap. Il ne faut pas dire que la loi de 2005 n'a servi à rien et qu'elle aurait tout aussi bien pu ne jamais voir le jour. C'est la première fois que j'entends une chose pareille !
Mme Brigitte Bourguignon. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Raymonde Poncet Monge. Quelque part, c'est bien ce que vous sous-entendez.
Il faut une loi Grand Âge, comme celle de 2005, pour montrer une direction. Puis, nous déclinerons un certain nombre de politiques publiques dans ce cadre.
De plus, dans la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie de 2024, nous avons voté le principe d'une projection pluriannuelle. C'était une simple loi, issue d'une proposition de loi, et non pas « la » grande loi Grand Âge, mais nous avons tout de même acté un engagement important. Pour l'autonomie, il est indispensable d'avoir une projection du vieillissement démographique et d'anticiper tous les obstacles.
La transition démographique est en cours. Nous sommes à mi-chemin et, pour parcourir cette première moitié du chemin, nous avons pris des mesures relatives aux recettes et des mesures tendant à assurer l'efficacité de la dépense.
Pour l'autre moitié, il faut encore prévoir des recettes. Si une grande loi était suffisante, effectivement, ça se saurait…
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue.
La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Les besoins sont immenses en matière d'autonomie. Ils concernent tant les personnes âgées que les personnes en situation de handicap.
Comme l'a dit ma collègue, la fameuse loi Grand Âge nous a été promise. Nous y avons cru, puisque, dans son article 10, la loi sur le bien vieillir prévoyait tous les cinq ans une loi de programmation pour le financement de la perte d'autonomie.
À partir du moment où nous, parlementaires, avons voté cette loi, en particulier cet article 10, nous y avons cru, d'autant plus que la Première ministre de l'époque avait expressément pris l'engagement de présenter un tel texte. Je m'en souviens très bien : c'était au début de l'année 2024, et cette loi de programmation devait être construite et élaborée dans la concertation, avec tous les acteurs de l'autonomie, avant la fin de l'année 2024.
La démarche était très intéressante, mais nous sommes aujourd'hui le 22 novembre 2025, et plus aucune loi de ce type n'est envisagée.
Cette loi de programmation, dont le principe a été acté par les députés et les sénateurs, a disparu. Aussi, nous sommes contraints, au travers de quelques amendements, de proposer les financements nécessaires à cette branche autonomie, qui ne sont toujours pas là. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard dans ce PLFSS. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 418 rectifié ter, 440 rectifié quater et 1707.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ? …
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :
| Nombre de votants | 336 |
| Nombre de suffrages exprimés | 316 |
| Pour l'adoption | 106 |
| Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 12 bis (nouveau)
I. – L'article L. 3332-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le produit des contributions mentionnées à l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans les conditions précisées à l'article L. 131-8 du même code. »
II. – L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le f du 3° est ainsi modifié :
a) À la fin, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;
b) À la fin, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;
2° Le même 3° est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour les contributions mentionnées au 1° du I, aux 1° et 2° du II et aux III et III bis de l'article L. 136-8, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »
3° À la fin du g dudit 3°, tel qu'il résulte du 2° du présent II, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % » ;
4° Le c du 3° bis est ainsi modifié :
a) À la fin, le taux : « 2,08 % » est remplacé par le taux : « 2,04 % » ;
b) À la fin, le taux : « 2,04 % » est remplacé par le taux : « 2,00 % » ;
5° Le même 3° bis est complété par un d ainsi rédigé :
« d) Aux départements, selon des modalités précisées par décret, pour la part correspondant à un taux de 0,04 % ; »
6° À la fin du d dudit 3° bis, tel qu'il résulte du 5° du présent II, le taux : « 0,04 % » est remplacé par le taux : « 0,08 % ».
III. – A. – Le a du 1°, le 2°, le a du 4° et le 5° du II entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
B. – Le b du 1°, le 3°, le b du 4° et le 6° du II entrent en vigueur le 1er janvier 2027.
IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des I et II est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l'article.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je prends la parole non pas en mon nom propre, mais en celui de notre collègue Jean-François Longeot, qui ne pouvait pas être présent aujourd'hui et qui m'a demandé de vous livrer ces quelques réflexions.
L'article 12 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, introduit à l'Assemblée nationale, permet une juste compensation, à hauteur de 50 % par l'État et de 50 % par les départements des concours historiques de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Compte tenu de la situation des départements et du poids croissant des allocations individuelles de solidarité dans leurs budgets, cet article constituerait un premier pas bienvenu. S'il n'est pas parfait, il pallie en partie l'absence de remontée des taux de compensation des concours historiques. Il est nécessaire de donner à chaque échelon les moyens d'assurer les missions qui lui sont confiées. C'est un élément constitutif de toute entreprise de décentralisation.
M. Longeot juge dès lors indispensable de conserver cet article, afin de soutenir les départements, déjà contraints budgétairement pour assurer leurs missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, sur l'article.
M. Rémy Pointereau. Madame la rapporteure générale, vous proposez la suppression pure et simple de l'article 12 bis, en rappelant que la branche autonomie connaît elle-même une trajectoire déficitaire et qu'un simple transfert de recettes de contribution sociale généralisée (CSG) ne constitue pas une réponse structurelle au financement de la perte d'autonomie.
Toutefois, vous connaissez parfaitement la situation financière très difficile des départements. Les dépenses d'APA progressent en moyenne de près de 4 % par an, celles de la PCH de plus de 9 %. Le reste à charge atteint aujourd'hui 4 milliards d'euros pour l'APA et 2,35 milliards d'euros pour la PCH. Dans le même temps, les taux de compensation restent insuffisants : 43,5 % pour l'APA et 30 % pour la PCH.
Je vous rappelle que, en 2024, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a récupéré 0,15 point de CSG de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), soit 2,6 milliards d'euros. Sur cette somme, seuls 200 millions d'euros ont été reversés aux départements pour les compensations. Vous comprenez que nous ne pouvons pas continuer ainsi.
L'APA devait être compensée à l'euro près. Or, lorsque j'étais président de conseil départemental, nous étions à 50 %.
Nous savons bien que, aujourd'hui, les départements n'ont pas la maîtrise du déclenchement ou du calibrage des dépenses. Les critères, les volumes, les revalorisations relèvent de décisions nationales, ce qui crée une tension structurelle très forte, qui explique pour une large part les difficultés budgétaires des conseils départementaux.
L'article 12 bis n'était pas parfait, bien sûr, mais il avait une vertu : pousser l'État à reconnaître que la compensation doit évoluer, pour éviter que les départements ne portent seuls des dépenses qu'ils ne pilotent pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, sur l'article.
Mme Corinne Bourcier. Nous sommes nombreux à être alertés par nos exécutifs départementaux. C'est mon cas dans le Maine-et-Loire, où je suis conseillère départementale, et c'est vrai aussi pour Marie-Claude Lermytte, dans le Nord. En effet, nos départements ne peuvent assumer seuls le financement du mur du vieillissement et de la perte d'autonomie, qui ont été insuffisamment anticipés et financés.
L'article 12 bis, qui n'est effectivement pas parfait, permet une juste compensation, à hauteur de 50 % pour l'État et de 50 % pour le département, des concours historiques d'APA et de PCH. L'article 40 ne permettant pas d'augmenter directement les concours versés par la CNSA, l'article 12 bis transfère directement des fonds de la CSG vers les départements. Il s'agit bien d'un transfert et non d'une hausse de taux.
Cet article répond à une demande historique des conseils départementaux, qui font face à un accroissement de charges provenant de facteurs dont ils n'ont pas la maîtrise et qui relèvent de la solidarité nationale. Il apporterait une réponse budgétaire décisive à la crise qu'ils connaissent.
Il est logique que la sécurité sociale, via la branche autonomie et la CNSA, contribue au financement de ces allocations individuelles de solidarité, afin de réduire le reste à charge des départements. L'objectif est de sécuriser le financement des politiques d'autonomie.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 625 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1058 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 625.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, tout ce que j'ai entendu dans vos interventions est juste. Il est certain que nos départements se trouvent dans une situation difficile : de 30 %, nous sommes passés à plus de 50 % des départements qui peinent aujourd'hui à mettre leur budget à l'équilibre et qui renoncent à des politiques importantes d'accompagnement pour payer des prestations.
En revanche, aller prendre à la branche autonomie ce qui manque en partie aux départements serait injuste.
Rappelez-vous, tous les départements ont réclamé cette branche autonomie. Elle a été financée, effectivement, par cette affectation que vous réclamez. Cependant, nous savons très bien, et vos nombreux amendements en sont la preuve, qu'il manque des financements pour rénover les Ehpad et, au-delà, pour toute la branche autonomie. C'est pourquoi certains réclament une loi Grand Âge.
Force est de le constater, cette branche a besoin de ces moyens et il ne serait pas raisonnable de lui prendre ce qui manque aux départements. C'est vrai, ces collectivités supportent des charges et des prestations qui leur ont été transférées dans le cadre de la décentralisation et qui n'ont pas été compensées à l'euro près. Nous parlons de l'APA et de la PCH, mais nous pourrions aussi parler de la protection de l'enfance.
Mme Silvana Silvani. Et du RSA !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que le fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE) n'a jamais compensé intégralement les dépenses des départements à cet égard. Il n'a même pas réussi à financer la moitié de leurs besoins.
Nous le savons, le problème est celui du financement des départements. Il s'agit de leur trouver des recettes supplémentaires. Aujourd'hui, après des années d'errance marquées par des mesures prises sans vision globale, il faudrait remettre à plat toute l'architecture des impôts locaux.
Par ailleurs, mes chers collègues, la CNSA est en lien quotidien avec les départements. Aujourd'hui, elle finance des actions des conseils départementaux. Si vous lui retirez quelques moyens, cela aura des répercussions sur l'accompagnement financier de la CNSA sur des projets que nous sommes heureux d'inaugurer dans nos territoires.
Encore une fois, prenons garde, nous n'allons pas régler le grand problème du financement des départements avec cet article. Il ne s'agit que d'un pansement sur une jambe de bois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1058 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent article prévoit effectivement le transfert aux départements d'une fraction de la CSG affectée à notre cinquième branche, la branche autonomie. Il s'agit non pas d'une augmentation de ressources fléchées vers ces collectivités, mais d'une diminution par transfert d'une partie des ressources affectées à la branche autonomie.
Il est inutile de rappeler que nous partageons votre constat sur les grandes difficultés des départements, madame la rapporteure générale. En effet, comme le souligne Départements de France, les départements ont perdu 46 milliards d'euros de dotations depuis quinze ans. Que de transferts en perspective…
Cette situation est plus certainement la conséquence d'une politique budgétaire inconséquente de l'État envers les départements. La solution doit donc venir du projet de loi de finances.
Par ailleurs, il s'agit d'une ponction dans le budget de la branche autonomie, qui est aussi confrontée à la même insuffisance structurelle de recettes et au même dynamisme de dépenses en lien avec ses missions, ainsi qu'au report inédit de ressources qui devaient venir de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), mais qui ont été finalement affectées à la dette.
Compte tenu de son déficit actuel et de sa trajectoire critique, le financement de cette branche n'est qu'un jeu de bonneteau dans lequel les deux parties sont perdantes, l'État se dégageant de ses responsabilités envers les collectivités territoriales et la branche autonomie.
Enfin, rappelons que l'APA et la PCH ne font pas partie du périmètre de l'objectif global de dépenses de la CNSA. Celle-ci participe au financement des départements via des concours alimentés par la CSG qu'elle collecte.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Une telle ponction est contreproductive et incompréhensible.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Nous en sommes aux prémices de la transition démographique et des difficultés de financement qui en découlent, que ce soit pour les collectivités, pour l'État ou pour la sécurité sociale. Nous en parlons depuis le début de cet examen du budget de la sécurité sociale.
Vous le savez, une réforme des concours versés aux départements par la CNSA est en cours. Il s'agit d'une réforme de grande ampleur visant à soutenir le virage domiciliaire.
Les concours évoluent non plus en fonction des recettes de la branche, mais bien en fonction des dépenses. Pour 2026, il en résulte une augmentation de 300 millions d'euros des concours de la branche autonomie, ce qui représente un taux de compensation pour les départements de 43 % en moyenne, allant jusqu'à 49 % pour la prestation de compensation du handicap (PCH), auxquels s'ajoutent les 85 millions d'euros de contributions pour le financement du Ségur.
Ces discussions sur les transferts, de compétences comme de moyens financiers, doivent être réservées pour un futur débat sur un nouvel acte de décentralisation, comme l'ont souligné M. le Premier ministre devant Départements de France et Mme la rapporteure générale ici même.
Je suis donc favorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure générale, une fois de plus, je suis en partie d'accord avec vous.
Nous aurions pu supprimer cet article, qui propose le transfert d'une proportion de la CSG vers les départements. Oui, nous aurions pu le faire, car, effectivement, déshabiller Pierre pour habiller Paul n'a jamais été une bonne solution, et en tout cas pas une solution pérenne. Mais nous aurions pu le faire si vous aviez accepté hier de voter avec nous l'amendement qui tendait à augmenter de 1,4 point la CSG sur le capital, ce qui aurait rapporté tout de même 2,66 milliards d'euros.
Avec cette recette nouvelle, nous aurions pu éviter ce que vous qualifiez de détournement. Cet article nous permet simplement de nous rapprocher un peu de la promesse d'Élisabeth Borne, qui, je vous le rappelle, s'était engagée, voilà maintenant quelques mois ou quelques années, à ce que l'État compense, ou plutôt partage à 50-50 avec les conseils départementaux, le financement de l'APA et de la PCH.
Mes collègues ont déjà évoqué la situation dramatique de 60 % de nos conseils départementaux ; je n'y reviendrai donc pas. Simplement, en cohérence, puisque vous n'avez pas voulu hier d'une recette nouvelle qui était pourtant simple et qui portait, c'est vrai, sur le capital, nous ne voterons pas votre amendement de suppression.
Nous choisissons le pis-aller que constitue ce transfert. Ce n'est pas un financement pérenne de la branche autonomie, mais c'est mieux que rien. Il nous faudra de toute façon revenir sur l'architecture globale de la décentralisation et sur le financement de nos départements dans plusieurs domaines : nous l'avons vu pour les Sdis, nous le voyons pour l'autonomie, et il y en a d'autres.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous examinons l'article 12 bis, introduit de façon très largement transpartisane à l'Assemblée nationale par des amendements venant de tous les bancs.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les députés ne connaissent pas les collectivités !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cet article prévoit l'affectation d'une fraction très minime de la CSG – 0,04 point – aux départements, afin d'améliorer la compensation au titre de l'APA et de la PCH.
Le rapport de nos collègues de la commission des affaires sociales est très clair : les dépenses liées à ces deux prestations sont très dynamiques ; elles ont crû, de 2009 à 2023, de 30 % pour ce qui concerne l'APA et de 260 % pour ce qui concerne la PCH. Vous avez bien entendu : 260 % ! Ces chiffres sont vertigineux.
Le taux de compensation, s'il a évolué de façon marginalement positive ces dernières années, pour atteindre 43 % pour l'APA et 30 % pour la PCH, est largement insuffisant.
Aujourd'hui, nos conseils départementaux sont à l'os. C'est tout ce que je retire de mes discussions régulières avec M. Grégory Dorte, président du conseil départemental de l'Yonne, ou avec ses vice-présidentes, Mmes Catherine Maudet et Élisabeth Frassetto.
Il faut conserver cet article, que ne renierait pas le Premier ministre. Ce dernier a en effet déclaré voilà quelques jours devant Départements de France qu'il était « logique » – je reprends ses propos – que les départements perçoivent une part de la CSG.
Si nous rejetons l'amendement de suppression et que, par conséquent, nous validons l'article 12 bis, le Gouvernement aura tout loisir, ensuite, de déposer un amendement de « tuyauterie », si je puis dire, pour éviter de pénaliser la CNSA. Il s'agit non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais bien d'habiller Paul et de rhabiller Pierre en même temps.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, je voudrais tout de même vous alerter sur la légalité d'une telle mesure. En effet, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a rappelé que la CSG, de par son historique et sa nature, est une recette affectée à la sécurité sociale, dont elle est un élément central du pilotage.
Par conséquent, prélever une partie de la CSG affectée à une branche, en l'occurrence la branche autonomie, pour la reverser aux départements pose problème. Mais nous verrons bien si cette mesure passe.
Vous nous dites, monsieur Lemoyne, que le Gouvernement redonnera ensuite des moyens à la CNSA. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans le texte ?
Rappelons tout de même que, dans les limites de cette enveloppe très nettement insuffisante – je suis la première à le dire –, la CNSA prend à sa charge, par exemple, la disposition adoptée l'année dernière en faveur de la mobilité dans l'aide à domicile.
C'est aussi elle qui a pris en charge, pour les départements, le prix plancher de l'heure d'intervention, qui était très loin du prix correct – ce fut d'ailleurs une véritable prime aux retardataires ! –, ou encore la réforme des concours. Tout cela s'inscrit dans une enveloppe qui reste stable.
Aussi, s'il faut augmenter une enveloppe, augmentons celle de la CNSA, d'autant qu'il paraît difficile d'affecter à des collectivités une recette qui, par essence, revient à la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Supprimer purement et simplement l'article 12 bis serait difficilement audible pour nos départements. On peut bien leur dire que l'on procédera ensuite à une réforme de fond, mais cela ne règle rien, car la hausse des dépenses, elle, est immédiate.
Je souhaiterais simplement un peu plus d'équilibre. On a redonné 2,6 milliards d'euros à la CNSA, par le biais de la Cades, mais l'on n'accorde que 200 millions d'euros aux départements pour compenser leurs charges. Il aurait fallu équilibrer beaucoup mieux les choses, pour faire en sorte, fût-ce en deux ou trois ans, que les départements voient finalement leurs dépenses compensées au moins à hauteur de 50 %. Cela leur permettrait d'accorder ensuite des financements accrus à la résorption des problèmes rencontrés par les Ehpad, notamment les déficits de ces établissements.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous avez raison !
M. Rémy Pointereau. Il est question à cet article d'un transfert de charges, non d'une taxe supplémentaire. Il est nécessaire de le maintenir dans le texte, parce que cette disposition permettra de soulager bien des départements.
On estime que cinquante d'entre eux connaissent des difficultés en la matière ; pour certains, notamment dans le centre du pays – je pense à la Nièvre, au Cher, à l'Indre, ou encore aux départements de l'Auvergne –, qui perdent des habitants et qui voient leur population vieillir, la situation est proprement dramatique. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
C'est pourquoi je tenais à attirer l'attention de notre assemblée sur la nécessité de cet article 12 bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Je me suis intéressée à la manière dont tous ces sujets ont été portés au débat parlementaire, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Je suis assez surprise qu'il ait fallu un amendement à l'Assemblée nationale pour que ce sujet soit abordé.
Ensuite, nous avons entendu le Premier ministre annoncer, après avoir rencontré les représentants des départements, que l'on allait renforcer le fonds de sauvegarde, voire le doubler, si j'ai bien compris les propos de Mme la ministre, pour le faire passer de 300 millions à 600 millions d'euros.
À l'Assemblée nationale, un député a également pointé du doigt que, si la CNSA a bénéficié d'un transfert de 0,15 point de CSG en provenance de la Cades, en revanche, seuls 200 millions d'euros ont été consacrés à l'amélioration des taux de compensation des charges des départements.
Je siège certes depuis peu de temps dans cet hémicycle, mais il ne me semble pas que ce sujet de préoccupation soit nouveau.
Pour autant, je conviens avec Mme la rapporteure générale qu'aucune des solutions proposées n'est parfaite. La proposition qui nous arrive de l'Assemblée peut en particulier être critiquée. Mme Poncet Monge a rappelé à juste titre la position du HCFiPS : la CSG étant une recette affectée à la sécurité sociale, en transférer une part aux départements semble quelque peu la dévoyer. Pour autant, aucune autre réponse n'est apportée au problème, alors que les constats sont posés depuis des années…
Ce qui nous est soumis n'est donc pas tout à fait satisfaisant ; je serais presque tentée de parler de bricolage.
Il n'en reste pas moins que 54 ou même 58 départements connaissent une situation dramatique, voire catastrophique. Nous allons au-devant de grandes difficultés, et on pourrait même bientôt voir 80 départements en danger si aucune réponse solide n'est apportée au problème.
Bon an, mal an, il n'y a donc pas de bon choix. Nous ne sommes pas tout à fait satisfaits du maintien de l'article 12 bis, mais nous n'avons pas non plus envie de voter ces amendements de suppression. Aujourd'hui, face à une difficulté aussi majeure et à un constat aussi difficile pour les départements, il faut constater qu'il n'y a pas de bonne solution.
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Il y a des choses qui m'échappent un peu. J'entends sans mal qu'il ne s'agit que d'un transfert ; j'entends volontiers que les départements sont en difficulté ; enfin, j'entends également que, depuis très longtemps – peut-être pas depuis la nuit des temps… –, l'État ne compense pas comme il le faut les charges qu'il lui impose.
Seulement, il me semble que cet article déshabille quelque peu la branche autonomie. Je vois bien le tuyau qui vide cette caisse, mais je ne vois pas celui qui la remplirait d'autant. Est-ce bien notre rôle que d'agir ainsi ?
Nous nous plaignons sans cesse, me semble-t-il, des systèmes de vases communicants qui empêchent de voir clairement où l'on en est. En l'occurrence, j'ai l'impression d'être face à un tonneau percé que l'on persiste à essayer de remplir. Il est grand temps de sortir de ce genre de système et de poser les vraies questions.
La CSG n'est absolument pas faite pour ce à quoi vous voulez l'employer ! Si l'on veut, je n'ose pas dire améliorer la situation des départements, mais à tout le moins limiter leurs problèmes, ce n'est pas le bon support. (M. Rémy Pointereau s'exclame.) Cessons donc d'aller chercher des solutions là où l'on ne saurait en trouver de bonnes !
Le drame de la France, c'est cette tuyauterie infernale, cette manie d'aller toujours chercher ce dont on a besoin là où il ne faut pas.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Dans les tonneaux, il faut mettre du chablis, pas de l'eau ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.