La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Depuis la fermeture des régimes spéciaux de la SNCF en 2020 et de la RATP en 2023, leurs nouveaux salariés sont affiliés au régime général. La Cnav et l'Agirc-Arrco, qui perçoivent leurs cotisations, sont tenus de verser annuellement à l'État une subvention d'équilibre pour compenser la prise en charge des pensions de ces régimes.
Le droit prévoit que le montant de cette subvention est défini par une convention, mais que, à défaut d'accord entre la Cnav et l'Agirc-Arrco avant le 30 juin de chaque année, le Gouvernement puisse fixer cette subvention par décret afin d'en assurer le versement, et donc de payer les pensions de retraite.
L'article 12 octies supprime la possibilité, pour le Gouvernement, de fixer cette subvention par décret, ce qui menace le versement des pensions et n'a pas lieu d'être, les régimes de la Cnav et de l'Agirc-Arrco s'étant jusqu'à présent toujours mis d'accord sur le montant de la subvention d'équilibre.
La commission propose donc de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. En 2025, un accord a été trouvé sur la compensation que versent l'État et l'Agirc-Arrco à la Cnav, pour assurer la fermeture des régimes spéciaux et ouvrir les droits à la retraite.
Il s'agit de mesures d'équilibre et de sécurité, mais elles sont nécessaires au cas où les partenaires ne parviennent pas à un accord.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 629.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 octies est supprimé.
Article 12 nonies (nouveau)
L'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 35 % » ;
b) Au second alinéa, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) À la fin du 1°, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 35 % » ;
b) À la fin du 2°, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».
Mme la présidente. L'amendement n° 630, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer également l'article 12 nonies, car durant l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme Poncet Monge qui a exactement le même objet.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 630.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 nonies est supprimé.
Article 12 decies (nouveau)
Le II de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale est abrogé.
Mme la présidente. L'amendement n° 631, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article supprime la réduction de la majoration appliquée aux cotisations redressées en cas de travail dissimulé, à l'encontre de l'équilibre du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales que le Sénat a adopté la semaine dernière.
En conséquence, la commission propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 decies est supprimé.
Article 12 undecies (nouveau)
Le II de l'article L. 613-6-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du 1°, le montant : « 7 500 euros » est remplacé par le montant : « 3 250 euros ».
2° Au 2°, le montant : « 7 500 euros » est remplacé par le montant : « 15 000 euros ».
Mme la présidente. L'amendement n° 632, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Là encore, nous proposons la suppression de l'article, qui va également à l'encontre du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 undecies est supprimé.
Après l'article 11 septies (amendements précédemment réservés)
Mme la présidente. Les amendements identiques nos 1396 rectifié et 1774 rectifié bis ont été retirés.
L'amendement n° 1103 rectifié bis, présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, le taux : « 0,16 % » est remplacé par le taux : « 0,21 % ».
La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Cet amendement de mon collègue Philippe Grosvalet vise à consolider durablement le financement de notre sécurité sociale, en ajustant légèrement le taux de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), le faisant passer de 0,16 % à 0,21 %.
L'augmentation proposée de 0,05 point est modeste, mais son rendement est important, puisqu'elle permettrait d'encaisser entre 400 et 500 millions d'euros de recettes supplémentaires dès 2025 pour soutenir la branche vieillesse.
Pour les grandes entreprises qui bénéficient déjà largement des baisses de fiscalité et de charges intervenues ces dernières années, un tel ajustement reste proportionné et sans impact sur leur compétitivité ou leurs investissements. Il s'agit d'un effort juste, ciblé et soutenable, qui concourt à rétablir l'équité entre entreprises et à assurer la soutenabilité de notre protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission n'approuve pas une telle augmentation de la C3S, qui est tout de même significative. Toutes les entreprises ne sont pas soumises à cet impôt, qui ne s'applique qu'à partir d'un certain niveau de chiffre d'affaires, mais celles qui doivent s'en acquitter verraient une sérieuse augmentation de leurs charges.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Monsieur le sénateur, nous ne disposons pas des mêmes estimations, et les conséquences d'une telle hausse seraient bien trop lourdes : d'un montant total de 1,65 milliard d'euros, cette augmentation de 31 % de la C3S, nous paraît ne pas pouvoir être supportée par les entreprises concernées.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1103 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.
TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 13
Est approuvé le montant de 5,7 milliards d'euros correspondant à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, mentionné à l'annexe 4 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Mme la présidente. L'amendement n° 1187, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à dénoncer deux mouvements : d'une part, la part croissante des exonérations de cotisations sociales ; d'autre part, la part importante d'exonérations qui demeurent non compensées par l'État.
Selon le rapport d'information Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, le montant total des niches sociales s'élève à plus de 100 milliards d'euros, dont 35 milliards ne sont pas compensés. La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, prévoit un principe de compensation, mais les niches antérieures n'y sont pas soumises.
Par ailleurs, comme le souligne le rapport de mai 2024 de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la non-compensation depuis 2019 de l'exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat puis de la prime de partage de la valeur n'est pas conforme à la loi.
Pour ce qui concerne les allégements généraux de cotisations patronales, la sous-compensation du bandeau maladie est estimée à 5,5 milliards d'euros, en raison de la part de TVA affectée, qui a été mal calculée.
En résumé, nous sommes évidemment favorables à la compensation des exonérations, mais nous voulons souligner que les allégements sont très généreux pour l'État, qui ne compense pas à la sécurité sociale 35 milliards d'euros de cotisations, soit un montant supérieur au niveau du déficit.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Supprimer l'article reviendrait à manquer à une obligation des lois de financement de la sécurité sociale, et donc à entraîner la censure de la totalité du texte. Il serait pour le moins dommage de perdre ainsi tout le travail que nous avons accompli.
L'article ne présente qu'un caractère estimatif et informatif. Nous pouvons de nouveau parler des exonérations sociales, mais cet article n'a pour but que de donner une estimation.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cet article revêt effectivement un caractère obligatoire au sein de tout projet de loi de financement de la sécurité sociale, conformément aux dispositions de l'article LO. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
L'existence d'un tel article ne sert pas à se prononcer sur l'opportunité de la non-compensation de certaines exonérations, mais plutôt à constater, pour la transparence des débats et la bonne information du Parlement, le montant de la compensation.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : l'essentiel des 85 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales est compensé, et seuls 2,8 milliards d'euros ne le sont pas.
Enfin, toujours dans un souci de transparence, l'évaluation de l'efficacité des exonérations de cotisation fait chaque année l'objet de travaux dédiés, présentés dans des rapports ou dans le deuxième point de l'annexe de chaque projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. L'amendement de nos collègues communistes valait en quelque sorte comme une prise de parole sur l'article. Monsieur le ministre, en citant le chiffre de 2,8 milliards d'euros non compensés, vous parlez des exemptions d'assiette.
Parmi ces 2,8 milliards d'euros, 2,4 milliards d'euros correspondent à des exonérations d'heures supplémentaires, dont le principe a été adopté postérieurement à la loi Veil.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. En 2019, il a donc fallu expressément dire, contrairement aux dispositions de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi Tepa, non seulement qu'on réintroduisait un dispositif inefficace visant à susciter de purs effets d'aubaine, mais aussi qu'on ne le compensait pas.
Vous citez ce chiffre, monsieur le ministre, mais vous omettez de dire que, dans les fameux 85 milliards d'euros que vous mentionnez, figurent les exonérations des allégements généraux, qui s'élèvent à eux seuls à 5,5 milliards. En les additionnant aux chiffres que vous donnez, monsieur le ministre, on perçoit l'étendue du montant que l'État, normalement, est obligé de compenser. Dans cet article, on nous demande d'approuver que l'État ne compense qu'une partie de ce qu'il doit.
Jeudi dernier, le Sénat a voté en faveur d'une extension du dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires, qui ne sera pas compensée – je croyais pourtant qu'il s'était prononcé pour ne pas étendre les niches sociales.
L'année prochaine, le montant correspondant aux exonérations non compensées en raison des heures supplémentaires sera donc supérieur à 2,4 milliards d'euros : nous aurons creusé le déficit de la sécurité sociale.
La seule justification de cet article, c'est que sa présence est obligatoire ; mais ce qu'il prévoit est inacceptable et illégitime.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l'article 14 est réservé après celui de l'article 16 bis.
Article 15
I. – Pour l'année 2026, l'objectif d'amortissement de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale est fixé à 16,4 milliards d'euros.
II. – Pour l'année 2026, les prévisions de recettes par catégorie affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à :
(En milliards d'euros) |
|
Prévisions de recettes |
|
Recettes affectées |
0 |
Mme la présidente. L'amendement n° 1189, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à supprimer l'article 15, qui fixe les objectifs fixés à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et les prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites.
Le Gouvernement a décidé, par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, le transfert de la dette covid à la Cades. Ainsi, le montant que la caisse est censée rembourser a été artificiellement gonflé de 136 milliards d'euros, prolongeant l'existence de la CRDS jusqu'en 2033, pour poursuivre l'amortissement stérile de cette dette.
Le remboursement de la dette sociale prive de ressources la sécurité sociale et immobilise 16,4 milliards d'euros, soit quasiment le niveau du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base.
La dette qu'il s'agit de rembourser est illégitime, imposée par la droite et gonflée par la Macronie dans le but de servir des intérêts sur les marchés financiers. En 2024, la Cades s'est acquittée de 3,2 milliards d'euros de charges financières. Durant le premier semestre de 2025, les marchés financiers ont déjà coûté 1,4 milliard d'euros à la sécurité sociale.
Les ressources issues des cotisations des assurés sociaux n'ont pas à alimenter les rentes des investisseurs ; elles doivent financer la réponse aux besoins de santé, assurer la prise en charge de la perte d'autonomie, aider les familles et servir les pensions de retraite.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable. L'examen de l'amendement de la commission sur cet article nous fournira l'occasion de développer ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1189.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1870 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1871 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l'alinéa 1
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – Après le II septies de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« II.... – A.- La couverture des déficits de l'exercice 2024 des branches mentionnées aux 1° et 3° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale est assurée par des transferts de la Caisse d'amortissement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans la limite de 15 000 000 000 euros.
« Ce montant est affecté à la couverture des déficits de ces branches, au prorata de leur situation nette patrimoniale au 31 décembre 2024.
« B. – Les transferts mentionnés au A interviennent au plus tard le 31 décembre 2026. Leurs dates et montants sont fixés par décret. »
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 1870.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a examiné cet amendement tardif hier soir. Il est important que je sois très précise, car cet amendement, identique à l'amendement n° 1871 du Gouvernement, est particulièrement important : il vise en effet à transférer 15 milliards d'euros de dettes de l'Urssaf Caisse nationale (anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Acoss) à la Cades.
L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de fixer pour l'Acoss un plafond d'emprunt de 83 milliards d'euros en 2026.
Pour mémoire, lors de la crise sanitaire en 2020, l'Acoss, ne parvenant pas à financer totalement sur les marchés un pic de besoin de 90 milliards d'euros, s'était alors tournée vers la Caisse des dépôts et consignations et un pool bancaire. Il importe donc de sécuriser le financement de l'Acoss.
Selon les indications fournies par la Cades, la fin de l'amortissement de la dette qui lui a été transférée aura lieu vers le milieu de l'année 2032, soit un semestre plus tôt que l'exigence de la loi organique, qui fixe l'échéance du remboursement au 31 décembre 2033.
Il est donc possible, tout en respectant l'échéance organique de 2033, de transférer de l'Acoss à la Cades un certain montant de dette, qui correspond schématiquement à la capacité d'amortissement annuel de la Cades, soit une quinzaine de milliards d'euros. Tel est l'objet de cet amendement.
Le tome I du rapport général de la commission des affaires sociales sur le PLFSS envisage explicitement un tel « petit » transfert. Toutefois, lors de sa rédaction, la commission n'avait pas clairement pris parti, en raison d'une incertitude juridique : nous ne savions pas si les dispositions organiques permettaient de transférer de la dette à la Cades sans augmenter parallèlement ses recettes – mes chers collègues, je vous en ai plusieurs fois parlé.
Cette incertitude juridique a été levée par un avis du Conseil d'État daté d'avant-hier, dont la commission a eu communication hier. Cet avis confirme la possibilité juridique d'un tel transfert, qui ne nécessite pas un apport de recettes.
Cet amendement a pour objet d'accorder à l'Acoss une année de répit, même si sa situation dépend aussi du déficit de la sécurité sociale à la fin de l'année 2026, avant le véritable transfert de dette impliquant de reporter l'échéance de 2033 et donc de réviser l'article 4 bis à valeur organique de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
Ce transfert serait vraisemblablement postérieur à la prochaine élection présidentielle. Son montant pourrait dépasser la centaine de milliards d'euros. Mes chers collègues, je vous rappelle que s'il n'a pas lieu, la dette sociale serait plus importante à l'Acoss qu'à la Cades à partir de 2027.
Pourquoi la commission a-t-elle déposé un amendement en apparence irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution ? Certains d'entre vous pourraient s'étonner que nous disposions tout à coup de la capacité de déposer des amendements occasionnant des dépenses, une augmentation de dette constituant une augmentation de charges, puisque, techniquement, lors d'un transfert de dette de l'Acoss vers la Cades, celle-ci emprunte sur les marchés une somme qu'elle verse à l'Acoss, ce qui occasionne une charge.
Dans le cas présent, l'amendement de la commission est recevable, car le Gouvernement a également déposé un amendement identique. Ce dépôt conjoint permet également à la commission de « couvrir » le Gouvernement, qui ne peut normalement pas déposer au Sénat d'amendements instaurant des mesures entièrement nouvelles.
Mes chers collègues, quelle est la position de la rapporteure générale ? J'ai conduit plusieurs auditions avec les représentants de la Cades et de l'Acoss ces derniers mois ; l'Acoss tient ses comptes non sans une certaine fébrilité, car elle doit rechercher sur les marchés financiers les meilleurs emprunts possible pour que leurs intérêts ne coûtent pas trop cher à la France ni à la sécurité sociale.
Si, l'an dernier, nous avons accepté que l'Acoss emprunte jusqu'à 65 milliards d'euros, cette année, le besoin de financement est de 80 milliards d'euros. Si l'on continue sur cette trajectoire, il n'est pas difficile d'imaginer que la situation s'inverse, et que la dette sociale soit bientôt plus élevée à l'Acoss qu'à la Cades.
En revanche, si nous voulons augmenter le montant de la dette amortie à la Cades et reporter l'échéance de 2033, nous aurons besoin d'une loi organique – en effet, cette date est inscrite dans le marbre de la loi.
Nous avons un peu d'avance sur l'échéance de la Cades, ainsi que la Cour des comptes l'a récemment indiqué dans le rapport sur la situation financière de la sécurité sociale qu'elle a remis à l'Assemblée nationale. Nous voulions simplement lever l'inquiétude relative à la possibilité juridique d'un tel transfert de dette de l'Acoss à la Cades. Nous aurions pu choisir de transférer 20 milliards d'euros, mais il nous semble plus prudent d'en rester à une somme de 15 milliards d'euros.
Madame la présidente, veuillez m'excuser d'avoir été si longue, mais on ne transfère pas 15 milliards d'euros d'un coup de baguette magique. Surtout, mes chers collègues, souvenez-vous qu'il s'agit d'un emprunt, et que le déficit n'en disparaît pas pour autant.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 1871.
Mme Stéphanie Rist, ministre. La commission des affaires sociales du Sénat propose de transférer 15 milliards d'euros de déficits cumulés de l'Acoss vers la Cades, afin de soulager la trésorerie de la sécurité sociale.
Dans notre système social, l'Acoss a pour mission de couvrir les besoins de trésorerie des organismes de sécurité sociale ; elle en est le financeur à court terme. Elle n'est donc pas censée constituer une dette importante et n'est d'ailleurs pas équipée pour la faire rouler à long terme, comme le fait l'État. Ce n'est pas un oubli, c'est la conséquence d'un principe simple : la sécurité sociale doit être à l'équilibre et, quand elle ne l'est pas, elle doit prendre des mesures pour y revenir.
Par le passé, une dette importante s'est ponctuellement constituée. Pour éviter que son poids ne soit transféré aux générations futures, la Cades a alors été instituée, afin de reprendre cette dette et de l'apurer en quelques années, au moyen de ressources spécifiques, qui comprennent notamment une part de CSG et la CRDS.
Le dernier transfert en date a été autorisé en 2020, pour un montant de 136 milliards d'euros, ce qui a permis d'apurer la plus grande part des dettes constituées à l'occasion de la crise sanitaire. La Cades a déjà remboursé 275 milliards d'euros depuis sa création et aura achevé de rembourser les dettes déjà transférées au milieu de l'année 2032, avec un an et demi d'avance sur la date butoir initialement fixée.
Depuis 2024, le déficit s'accumule à l'Acoss. Cela nous oblige collectivement à prendre les mesures responsables requises pour revenir au plus vite à l'équilibre ; c'est l'objectif fixé par le Gouvernement. Néanmoins, au-delà de l'horizon de retour à l'équilibre, cette accumulation met à court terme la trésorerie de l'Acoss sous tension, malgré les mesures prises par le Gouvernement et le Parlement pour sécuriser son financement, à savoir l'allongement de ses durées d'emprunt et l'assouplissement de ses contraintes.
La Cour des comptes a souligné les risques croissants que faisait peser une telle situation sur la trésorerie de l'Acoss et elle recommande de tirer parti de l'existence des ressources non utilisées déjà affectées à la Cades. Elle a évalué ces ressources disponibles à environ 20 milliards d'euros et considère que cela pourrait ouvrir la voie à une reprise partielle de la dette.
C'est ce que la commission des affaires sociales propose de faire et le Gouvernement juge qu'une telle solution peut être opportune ; il soutient donc l'initiative du Sénat.
Cette solution de transfert nécessite toutefois d'être sécurisée juridiquement. Le Gouvernement a donc vérifié la faisabilité de cette piste en saisissant le Conseil d'État, lequel a validé les modalités proposées et a confirmé qu'il était possible de réaliser un tel transfert en respectant l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
Afin de garantir que la date de 2033 soit respectée, la commission propose de conserver une importante marge de sécurité en ne transférant que 15 milliards d'euros. Le Gouvernement est favorable à ce transfert, qui apporte une solution ponctuelle et partielle, mais bienvenue, pour sécuriser la trésorerie de notre protection sociale.
Les conséquences de ce transfert sur le profil de trésorerie de l'Acoss devront encore être travaillées. C'est la raison pour laquelle, si vous adoptez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, le plafond d'emprunt de l'Acoss, prévu à l'article 16, ne sera pas amendé immédiatement. L'article sera rappelé par le Gouvernement à l'issue de l'examen de la troisième partie du texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. La commission et le Gouvernement proposent le transfert de 15 milliards d'euros de déficits récents des branches maladie et vieillesse vers la Cades.
C'est une mesure nécessaire, je le reconnais volontiers ; l'Acoss, qui gère la trésorerie des branches, ne peut plus assumer seule ces déficits. Les données sont claires : selon la Cades, l'amortissement de la dette actuellement à sa charge interviendrait en 2032, soit un an avant la date limite de 2033, fixée par l'ordonnance de 1996.
La Cour des comptes le confirme : au rythme actuel, la dette sociale serait éteinte au second semestre de 2032, dégageant potentiellement près de 20 milliards d'euros de capacité. Autrement dit, oui, il existe une marge pour procéder à ce transfert sans mettre en cause l'équilibre de la Cades.
Toutefois, si ce transfert est voté, s'il est techniquement soutenable et juridiquement sécurisé, il ne constitue nullement une solution de long terme ; il est même le symptôme d'un problème profond dans la trajectoire, ou plutôt l'absence de trajectoire, de nos comptes sociaux. Derrière cette opération comptable, la réalité demeure : les déficits de la sécurité sociale dérivent, la branche maladie reste structurellement déficitaire, de même que la branche vieillesse.
Surtout, disons-le sans détour, vous refusez d'aller chercher les recettes là où elles se trouvent, sauf chez les pauvres. On laisse ainsi de côté des pistes pourtant identifiées – nous avons fait de nombreuses propositions en ce sens – alors que la sécurité sociale manque cruellement de financement pérenne. Ce refus politique délibéré fragilise durablement notre modèle social.
Soyons lucides, ce transfert n'est pas un choix de confort ni une méthode pérenne, c'est une solution transitoire, un moyen de soulager l'Acoss aujourd'hui, mais sans traiter les causes profondes du déséquilibre. On déplace la dette vers la Cades comme on met la poussière sous le tapis ; cela donne de l'air, mais cela ne règle rien.
La Cades a déjà amorti 290 milliards d'euros depuis sa création, c'est vrai, mais on lui a ajouté des dépenses en période de crise. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans une situation de crise.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Annie Le Houerou. Nous soutenons cet amendement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je demande instamment à chacun de respecter son temps de parole.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est une nécessité technique, mais c'est un problème politique.
Vous dites, madame la rapporteure générale, qu'il faut soulager la trésorerie ; en effet, il faut délester l'Acoss, qui n'a qu'une fonction de gestion de trésorerie, de la gestion des déficits que vous accumulez depuis plusieurs années, madame la ministre. L'Acoss n'est pas une Cades bis, elle ne gère pas la dette sociale. Bref, c'est une nécessité, il fallait le faire ; dont acte.
Toutefois, vous pourriez prévoir ce transfert bien plus tôt, bien avant la prochaine élection présidentielle ; vous avez le temps de le faire. Mais, grâce au caractère strict des conditions de transfert de déficits cumulés à la Cades, vous masquez que vous avez accumulé 100 milliards d'euros de déficit.
Ainsi, en refusant toute recette nouvelle et même en réduisant les recettes actuelles, puisque vous avez élargi le dispositif d'exonération des heures supplémentaires, et en ne diminuant pas les dépenses de façon efficiente, puisque vous vous contentez d'en transférer la charge sur d'autres acteurs – les ménages – en augmentant chaque année les franchises médicales, eh bien, la sécurité sociale ne reviendra jamais à l'équilibre en 2029 ! Et vous continuez de creuser un déficit qui n'est pas conjoncturel, qui est devenu structurel ; vous avez recréé un déficit structurel, et cela ne date pas d'aujourd'hui, cela date de 2019 !