Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule de l'examen de cette mission, je tiens à redire l'immense respect du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain envers l'ensemble des acteurs du monde combattant d'hier et d'aujourd'hui.
Comme l'an dernier, la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits diminuer. Pour autant, la question de la reconnaissance mémorielle reste centrale et doit être défendue. Elle est l'un des fondements du vivre ensemble dans notre pays.
Les crédits alloués pour l'année 2026 au titre de cette mission diminuent de 6,3 %. Si elle est principalement due à la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cette baisse affecte également certaines enveloppes.
Tout d'abord, et je sais que c'est un point de vue partagé dans cet hémicycle, nous regrettons l'absence de revalorisation suffisante du point de PMI au regard de l'inflation. Nous constatons même une baisse des crédits finançant les pensions militaires d'invalidité de 6,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Pourtant, la baisse du nombre d'allocataires aurait pu et même dû permettre de soutenir le monde des combattants via des revalorisations.
Cela a déjà été souligné, le mode de calcul de la PMI, qui est basé sur l'indice d'ensemble des traitements bruts de la fonction publique d'État, a conduit à une stagnation de ce montant du fait du gel du point d'indice des fonctionnaires, et ce en dépit de l'inflation constatée.
Nous ne pouvons que regretter cet écart entre l'évolution de l'inflation et celle du point de PMI. En effet, il nous paraît indispensable de préserver le pouvoir d'achat de ces retraités, dont les pensions sont déjà très faibles. Nous demandons donc une revalorisation au Gouvernement.
Le projet de budget pour 2026 consacre également une diminution importante – 5 millions d'euros – de la subvention d'action sociale de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG). Celle-ci sert pourtant à soutenir des actions de solidarité envers le monde combattant et les victimes de guerre.
Cette diminution est notamment liée à la fin de la mesure Pupilles majeurs, qui a été introduite en 2024 et qui bénéficiait à 120 000 pupilles de la Nation.
Là encore, nous déplorons la décision du Gouvernement de ne pas soutenir de telles actions sociales. Comme l'a souligné Mme la rapporteure pour avis, le nombre de ressortissants en grande difficulté a tendance à augmenter, en particulier « en raison des besoins grandissants de la troisième génération du feu, et notamment des veuves isolées, et des besoins plus spécifiques des générations des Opex ».
Nous notons de la même manière la diminution de 4,3 % des crédits alloués au financement des aides versées aux harkis et aux rapatriés.
Les crédits alloués au droit à la réparation en faveur des harkis et des autres personnes rapatriées d'Algérie, en application de la loi du 23 février 2022, enregistrent une baisse de 16 %. Il apparaît ainsi que le budget consacré, en particulier, à l'instruction des dossiers de demande de réparation par l'ONaCVG et leur présentation à la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, qui avait alors été installée, est insuffisant pour traiter l'ensemble des 12 600 demandes non traitées et qui devraient être acceptées. Nous appelons donc le Gouvernement à augmenter les crédits alloués pour que chacun, en particulier les harkis, puisse bénéficier au plus vite de l'indemnisation qui lui est due.
Comme les années précédentes, nous demanderons l'adoption d'un amendement visant à assurer l'indemnisation de dix-huit supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d'Algérie qui se sont vu refuser l'allocation de reconnaissance du combattant.
Nous proposerons aussi par voie d'amendement de mettre fin aux disparités existantes et d'élargir la rente viagère de 700 euros par mois qui est accordée aux veuves d'anciens supplétifs à toutes les veuves, sans tenir compte de la date du décès de leur mari, dans un souci d'équité et d'équilibre.
Enfin, ce projet de loi de finances réduit les crédits alloués à la politique de mémoire. Si une partie de cette diminution s'explique évidemment par la fin de la mission commémorative du quatre-vingtième anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire, le budget de l'ONaCVG sera néanmoins amputé de 800 000 euros pour ses actions mémorielles, son soutien à l'entretien du patrimoine et à la rénovation des monuments aux morts. Nous ne pouvons que déplorer cette décision du Gouvernement, dans un temps où notre mémoire doit plus que jamais être transmise et soutenue.
Le projet de loi de finances pour 2026 établit une nouvelle sous-action consolidant les financements destinés aux maisons Athos. Ainsi, une sixième maison est en cours d'installation dans le Haut-Rhin. J'ai assisté à l'inauguration par Mme Mirallès de la cinquième maison dans le Lauragais, dans un petit village situé à dix kilomètres de chez moi. Il s'agit d'un établissement remarquable.
Si nous saluons évidemment ces avancées pour les maisons Athos, qui accompagnent les blessés psychologiques et leurs familles, nous alertons sur la trop faible progression des financements, qui met en péril les capacités de recrutement pérennes de ces structures.
Enfin, nous prenons note de la stabilisation des crédits consacrés aux liens armées-jeunesse, notamment du fait de la généralisation de la Journée défense et citoyenneté « nouvelle génération ». Cette journée sera plus immersive, afin de susciter davantage de vocations pour les carrières militaires. Elle sera mise en place à partir du 1er janvier 2026.
Conscient de l'importance de ce budget pour le monde combattant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera toutefois pour l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de cette mission pour 2026 s'inscrit dans une évolution lexicale et politique inquiétante. L'intitulé de la mission, dont les premiers termes étaient auparavant « Anciens combattants », commence désormais par « Monde combattant ».
Ce changement reflète la place plus importante accordée aux générations Opex au détriment des anciennes générations du feu.
Les anciens combattants sont pourtant toujours en vie et subissent toujours le gel du point de la pension militaire d'invalidité et l'absence de revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant.
Ce changement révèle, selon nous, une évolution de la politique de défense de notre pays qui prépare les mentalités au retour des conflits armés sur notre sol.
Lorsque le chef d'état-major des armées affirme que l'armée française doit se préparer à un choc d'ici trois ou quatre ans face à la Russie, il participe à ce discours aux accents bellicistes. Lorsque le même dit : « Si notre pays flanche parce qu'il n'est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu'il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production défense, alors, on est en risque », nous passons un cap dans la rhétorique guerrière.
Jamais nous n'accepterons de perdre des enfants dans des conflits fabriqués par le capitalisme, qui cherche dans l'économie de guerre à dégager des profits qu'il n'arrive plus à accumuler dans la financiarisation de l'économie ! Nous refuserons toujours que nos enfants meurent pour défendre les intérêts financiers d'une poignée de puissants ! L'expérience l'a montré, ce sont toujours les enfants des ouvriers et des employés qui sont envoyés sur la ligne de front, tandis que les enfants des milliardaires jouent à la guerre sur leurs écrans de télévision !
L'intitulé de cette mission budgétaire se termine par les termes « mémoire et liens avec la Nation ». Il faut croire que la transmission des horreurs des conflits armés aux jeunes générations est moins importante pour le Gouvernement, qui veut effacer les monuments aux morts dans nos communes pour y inscrire les noms de nos enfants.
En bon soldat de l'Otan, le Président de la République a annoncé pour l'été 2026 un nouveau service national militaire. Encore volontaire, celui pourra devenir obligatoire demain en cas de situation exceptionnelle. Nos jeunes pourront suivre pendant dix mois une formation militaire gracieusement rémunérée 800 euros par mois.
Bientôt, ils pourront rejoindre leurs voisins allemands, qui, pour l'instant, ont échappé au retour de la conscription obligatoire. Le gouvernement allemand a maintenu son ambition de bâtir l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe pour contrer la menace russe et compenser le désengagement du bouclier américain.
Le modèle européen Erasmus s'est largement fissuré au profit de la concurrence de l'armée la plus imposante et la plus moderne. Vos discours atlantistes nous ont conduits de L'Auberge espagnole à Voyage au bout de l'enfer.
Le 7 mars 1895, dans son discours à la Chambre des députés, Jean Jaurès déclarait : « Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l'état d'apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l'orage. Messieurs, il n'y a qu'un moyen d'abolir enfin la guerre entre les peuples, c'est d'abolir la guerre entre les individus, c'est d'abolir la guerre économique, c'est de substituer à la lutte universelle pour la vie, qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille, un régime de concorde sociale et d'unité. »
Nous refusons la vision impérialiste engagée dans ce projet de loi de finances pour 2026.
Par conséquent, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thierry Cozic applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la présente mission voit ses crédits diminuer.
Pour 2026, la baisse est tout de même de 6,46 %. Cette évolution s'explique seulement en partie par la disparition d'anciens combattants, de bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité ou de victimes de spoliation ou de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale en raison de leur âge avancé. Elle tient aussi à la fin de la branche commémorative.
Cette disparition des anciens combattants et résistants, mais aussi des victimes de guerre et de leurs contemporains, qui ont toutes et tous été touchés de près ou de loin, pose l'évidente question de la transmission de la mémoire.
Comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, j'ai eu l'honneur de pouvoir échanger avec des résistants et des anciens combattants lors de cérémonies officielles ou dans le cadre scolaire. Ces échanges sont toujours marquants, car ils nous rappellent le prix douloureux de la liberté. Malheureusement, ces occasions se font désormais rares.
En parallèle, nous assistons au grand retour des discours belliqueux promus par l'extrême droite. Par le biais de ses accointances avec certains régimes autoritaires et ses politiques impérialistes, celle-ci prépare les guerres de demain. Par ailleurs, la cohésion sociale de notre société se réduit de manière préoccupante avec la prolifération de propos et actes racistes, antisémites et négationnistes.
Dans ce contexte très inquiétant, le devoir de mémoire est plus important que jamais. Je regrette donc vivement le choix du Gouvernement de réduire de plus de 23 % le budget de la sous-action « Mémoire et patrimoine mémoriel », qui remplit justement cette fonction. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à accorder 3 millions d'euros supplémentaires à cette branche du budget. Je vous invite vivement à le voter, mes chers collègues.
En cette année du quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la tentative de suppression du jour férié commémorant cette victoire contre l'occupant nazi par le Premier ministre François Bayrou était déjà un affront total à cette mémoire ! Si je me réjouis que cette folie n'ait pas abouti, diminuer le budget de la mémoire d'une telle ampleur serait également un très mauvais signal.
Permettez-moi également de regretter la transmission parfois très partiale de cette mémoire. Ainsi, alors que 57 % des Français estimaient en 1945 que l'URSS était la nation ayant le plus contribué à la défaite du Troisième Reich, contre 20 % pour les États-Unis et 12 % pour la Grande-Bretagne, ces proportions se sont inversées depuis. Si la contribution évidente des États-Unis, notamment par le débarquement de Normandie, est largement transmise, c'est beaucoup moins le cas de celle de l'URSS, qui a pourtant perdu 20 millions de personnes durant la Seconde Guerre mondiale.
De même, la transmission des guerres coloniales, notamment d'Indochine et d'Algérie, reste encore trop faible. Alors que des représentations caricaturales de cette mémoire inondent le débat public et que l'enjeu mémoriel reste central dans nos relations avec l'Algérie, la réalité de ces guerres doit être enseignée à toutes les Françaises et tous les Français.
Le sang versé par de nombreux colonisés, comme les tirailleurs sénégalais, ou par les francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) n'a pas moins de valeur que celui des autres résistants ou soldats français. Leur contribution à la libération de la France doit être connue du plus grand nombre. Inscrire cette mémoire dans le roman national est d'autant plus important que cela permettrait de développer un plus fort sentiment d'appartenance à la Nation chez des milliers de jeunes Français héritiers de cette mémoire.
Pour conclure, le groupe GEST votera les crédits de cette mission, mais sera très attentif à ce que la politique mémorielle ne soit pas sacrifiée sur l'autel de l'austérité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, les générations qui ont connu les conflits du XXe siècle disparaissent.
Cette réalité entraîne mécaniquement une baisse du nombre de bénéficiaires de la mission consacrée aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens avec la Nation.
Toutefois, cette diminution ne doit pas nous conduire à effacer la reconnaissance nationale qui est due à ceux qui ont défendu notre pays. Cette mission n'est pas qu'un soutien financier. Elle est la concrétisation d'une obligation morale de la Nation envers ses anciens combattants et leurs familles, mais également envers les générations futures.
Je tiens à saluer le renforcement du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».
De plus, la progression des crédits dédiés aux harkis répond à la nécessité d'honorer certaines décisions de justice, restées trop longtemps insatisfaites. Il faudra aller plus loin.
En effet, cette mémoire n'est pas juste un concept abstrait. Dans nos territoires, elle se vit au quotidien, notamment en Lot-et-Garonne. Je pense évidemment aux camps de Bias et de Sainte-Livrade-sur-Lot, qui ont accueilli plus d'un millier de Français d'Indochine à partir de 1956. Ce sont des familles entières, des couples et des veuves de Français qui fuyaient la guerre et pour lesquels la France représentait un refuge. Ces lieux ont ensuite accueilli, à partir de 1962, des familles de harkis en transit. Leur histoire fait désormais partie intégrante de celle du Lot-et-Garonne.
À Sainte-Livrade-sur-Lot, qui reste aujourd'hui l'un des derniers sites historiques, la mémoire des Français d'Indochine est encore très présente et continue d'être transmise. Elle fait partie de l'histoire de notre département, de notre pays et elle mérite pleinement sa place dans la politique mémorielle nationale. Une proposition de loi a d'ailleurs été déposée sur ce thème et il serait légitime que le Sénat puisse l'examiner dans les meilleurs délais.
Je tiens également à saluer le travail de nos communes. Aucune d'entre elles ne manque les commémorations en mémoire de nos anciens combattants. Tout comme nos écoles ! Je pense notamment au concours de la Résistance organisé par l'Association nationale des anciens combattants de la résistance (Anacr) dans les collèges et les lycées, qu'il faut, là aussi, accompagner. Ce concours gagnerait à être généralisé ; il se déroule principalement dans le Sud-Ouest. Je regrette d'ailleurs qu'il ne soit pas imposé dans les programmes scolaires aujourd'hui.
Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » connaît aussi une baisse du nombre de bénéficiaires.
Malgré cette baisse, l'État doit continuer d'assurer une réparation complète et traiter les derniers dossiers en cours en matière de restitution des biens spoliés. La loi du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 a permis de faciliter cette démarche. Les moyens prévus pour 2026 permettront de suivre ce travail jusqu'à son terme.
Ce programme finance également l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie. Là encore, madame la ministre, votre administration ne doit laisser aucun ayant droit sans réponse, il lui faut respecter la promesse mémorielle de la Nation envers ces personnes.
Cette mission est donc bien plus qu'une simple addition de crédits. Elle illustre une histoire nationale et le devoir que nous avons envers les anciens combattants, leurs familles, mais aussi les générations futures.
Le groupe RDSE, fidèle à son engagement envers la mémoire combattante et les valeurs républicaines, votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons a cette particularité d'unir le passé et l'avenir : le monde des combattants, mais aussi celui des jeunes, avec les liens armées-jeunesse, que l'actualité remet au centre.
Il ne s'agit donc pas seulement d'une mission de témoignage pour ceux qui ont combattu pour notre pays. Elle est aussi une mission de mémoire, de transmission et une mission qui rappelle la nécessaire cohésion des citoyens dans un monde redevenu incertain et instable. Elle regroupe donc beaucoup d'enjeux. Outre le passé et l'avenir, c'est aussi le présent qui est impliqué.
La particularité de cette mission est de subir une baisse de la quasi-totalité de ses crédits, par exemple en raison de l'attrition d'une population, comme c'est le cas des crédits pour les allocations viagères. Les autres crédits, en effet, stagnent ou diminuent.
Je salue mon collègue des Ardennes Marc Laménie, rapporteur spécial des crédits de cette mission. Notre département, les Ardennes, est une terre qui a connu le feu et qui est intimement concernée par tous les programmes de la mission.
Cette mission a évidemment pour objet les engagements que nous honorons, comme ceux envers les harkis, les autres supplétifs et les rapatriés.
Les crédits sont en baisse par rapport à 2025. Ainsi, la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie peut être fragilisée dans son application. C'est un point sur lequel nous devons rester vigilants. Je salue l'amendement du rapporteur spécial visant à réabonder à hauteur du niveau de l'année dernière les crédits consacrés à l'indemnisation des harkis. La parole donnée doit être respectée.
Je regrette cependant que les supplétifs de statut civil de droit commun ne bénéficient pas de l'allocation de reconnaissance du combattant pour des raisons contentieuses. Cette injustice doit être réparée sans plus tarder !
La baisse des crédits de la politique de la mémoire est aussi à suivre avec beaucoup d'attention. Ceux-ci ont connu un pic en 2024 en raison de la commémoration du quatre-vingtième anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire qui l'avaient entourée.
Les annulations, dont le niveau est préoccupant, comme l'a souligné le rapporteur spécial, posent des problèmes pour la réalisation des travaux d'entretien et fragilisent ainsi notre patrimoine mémoriel. En effet, nous devons rester attentifs aux nécropoles et carrés militaires.
Notre patrimoine mémoriel doit être entretenu, car les dégradations qui ne sont pas réparées à temps peuvent évidemment coûter plus cher à terme. J'appelle l'attention de Mme la ministre sur la nécessaire protection de nos lieux de mémoire. Je peux en témoigner dans les Ardennes.
Je salue au passage tous les bénévoles des associations qui participent à la vie de ces lieux de mémoire. Leur engagement doit être honoré, car ils donnent de leur temps et de leur énergie.
On note enfin la stabilité des crédits de la Journée défense et citoyenneté et du service militaire volontaire. Dans le contexte actuel, ces institutions sont appelées à jouer un rôle, notamment avec ce récent appel au renforcement du service militaire volontaire. Beaucoup de questions sont posées. La guerre en Ukraine s'invite indirectement dans l'examen de cette mission. Songeons aussi à toute cette instabilité géopolitique.
Comment réévaluer la Journée défense et citoyenneté à l'aune de l'inévitable remilitarisation de l'Europe ? Comment faciliter ce service militaire volontaire, appelé à prendre de l'ampleur ?
Enfin, dans la cohésion de la Nation, la Journée défense et citoyenneté a permis de détecter des situations d'illettrisme, preuve ce dispositif a une utilité. Comment, dans une journée, continuer à détecter ce qui fait défaut à notre cohésion ? Voilà un aspect qui pourrait être renforcé.
Quelles peuvent être donc les pistes pour une Journée défense et citoyenneté qui serait peut-être appelée à être encore refondue ? Il y a donc matière à réflexion en raison des évolutions actuelles.
Enfin, nous restons préoccupés par l'ONaCVG. La subvention pour charges de service public n'a pas été revalorisée, ce qui compromet les capacités de l'Office à recruter à hauteur de son plafond d'emplois autorisé en loi de finances. Il faut aussi faciliter les missions de cet établissement. Là aussi, nous devons garantir la bonne application d'une loi que nous avons votée en 2022.
Malgré certaines craintes, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer l'exceptionnelle promotion du Bleuet de cette année. Je connais votre engagement en la matière et je vous en remercie.
Voilà quatre-vingts ans, au mois de juin 1945, le général Leclerc faisait ses adieux à la 2e division blindée en recommandant de conserver dans le temps de paix qui s'ouvrait alors ce qu'il appelait un « patriotisme agissant ». Les interventions qui se sont succédé ce soir ont, me semble-t-il, fait écho à cette exigence d'un « patriotisme agissant ».
Oui, il s'agit bien de « patriotisme », car l'objectif est de développer l'esprit de défense de notre Nation, dans un moment où – cela a également été souligné – les dangers s'accumulent.
Oui, ce patriotisme est « agissant » : reconnaître ce que nous devons à ceux qui se sont battus pour nous, c'est regarder non pas vers le passé, mais vers l'avenir.
Madame la sénatrice Sollogoub, vous avez évoqué l'Ukraine. J'ai récemment rencontré la ministre ukrainienne des vétérans et lui ai exprimé mon soutien. Preuve que ce devoir de reconnaissance est à la fois très actuel et très concret, l'Ukraine doit d'ores et déjà gérer la situation de ses vétérans ; cela fait intégralement partie de l'effort de guerre. Nous devons y être attentifs, car cela nous dit aussi quelque chose des réalités du temps présent.
Ce « patriotisme agissant », c'est celui du monde combattant, qui, s'il n'est pas présent dans l'hémicycle aujourd'hui, est bien à nos côtés. Plusieurs orateurs y ont fait référence.
Je tiens à saluer l'engagement et le savoir de ces hommes et de ces femmes. Je parle en connaissance de cause, puisqu'ils m'ont déjà beaucoup appris depuis mon entrée en fonction, et ils continuent de le faire. J'ai aussi beaucoup appris à vos côtés, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, et j'ai vraiment l'intention de coconstruire mon action avec vous.
En effet, cette mission a évidemment un caractère particulier. Ce n'est pas une mission budgétaire comme les autres. Elle revêt une dimension morale, puisqu'elle relève d'un devoir. Toucher à un euro de cette mission, c'est toucher à une partie de nous-mêmes, de notre pays, de ce que la Nation doit à celles et ceux qui se sont battus pour lui.
Ainsi que cela a été évoqué, la mission est marquée cette année par un changement sémantique. Elle s'intitule désormais « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Ce changement est emblématique de la dynamique que je viens de décrire.
Madame la rapporteure pour avis, je crois que tout le monde sait ici combien ce nouveau nom vous doit. Je vous félicite donc de ce succès, qui a déjà été annoncé par le changement de nom de l'Office.
Non, madame la sénatrice Apourceau-Poly, cette évolution lexicale ne s'inscrit pas dans une perspective belliciste. Au contraire ! Il s'agit bien de reconnaître la quatrième génération du feu, celle qui s'est battue pour nous dans les opérations extérieures. Nous voulons que la génération des anciens combattants et, plus généralement, l'ensemble du monde combattant se projettent vers l'avenir. Pour en avoir beaucoup parlé avec les représentants des associations, je sais qu'ils y sont tout à fait prêts. Ce travail de mémoire et de transmission, auquel vous êtes nombreuses et nombreux à avoir fait référence, nous le leur devons. C'est important pour notre pays.
Malgré ce qui a pu être dit, les grands équilibres de ce budget sont préservés. Certes, on note une baisse, mais vous en connaissez les motifs.
Cela s'explique d'abord par l'érosion du nombre de ressortissants de l'ONaCVG – évidemment, il s'agit d'une perspective triste –, qui devrait passer de 1,6 million actuellement à environ 550 000 en une vingtaine d'années, soit une baisse annuelle moyenne de 6 % à 7 %, d'après nos calculs. Nos évaluations s'appuient sur des éléments tangibles.
Par ailleurs, ne nous racontons pas d'histoires, le contexte budgétaire est quelque peu contraint. Il n'y a pas de raison que cette mission ne contribue pas aussi à l'effort budgétaire de toute la Nation.
Je tiens à rendre hommage à ma prédécesseure, qui a construit largement les grands équilibres de ce budget et qui s'est battue à vos côtés pour les protéger.
Je pense à la reconnaissance des combattants, de leurs proches et des victimes civiles de guerre, à la réparation des sacrifices consentis et à la valorisation du patrimoine mémoriel et culturel, qui nourrit la conscience que la France a d'elle-même.
S'il y a bien une baisse de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 – je viens d'en donner des éléments d'explication –, je rappelle que les principaux postes budgétaires sont préservés.
Ainsi, 617 millions d'euros sont prévus pour les pensions militaires d'invalidité, 464 millions d'euros sont consacrés à l'allocation de reconnaissance du combattant. Celle-ci exprime depuis la Grande Guerre la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont combattu et qui ont survécu.
Le point de PMI a été largement évoqué. Permettez-moi de vous dire ce que je pense sincèrement – c'est selon moi la meilleure manière d'ouvrir le débat.
Une règle d'indexation a été fixée en 2022. Elle a été discutée de manière tripartite entre le gouvernement de l'époque, les associations du monde combattant et les parlementaires.
La règle d'indexation s'appuie sur le point d'indice des agents de la fonction publique, lequel n'évolue pas. Plusieurs d'entre vous, notamment Mme Poumirol, ont évoqué la question de l'inflation et exprimé leurs inquiétudes sur ce sujet.
C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai annoncé lors de mon audition par la commission des affaires sociales, nous publierons, au début de l'année 2026, un rapport mesurant l'écart entre le point de PMI et l'inflation. Je sais que le dépôt du précédent rapport a pris du retard, ce qui ne simplifie pas la tâche.
Avant que nous ne passions à l'examen des amendements, je précise que le Gouvernement ne lèvera aucun gage : les crédits que vous souhaitez allouer à une ligne budgétaire devront être ponctionnés sur une autre. Sur ce sujet, j'en appelle à la responsabilité collective.
J'entends la préoccupation du monde combattant concernant l'inflation, que vous relayez très justement ici. Quelle que soit l'issue de nos débats ce soir, gardons-nous de transformer un dispositif d'indexation qui s'est révélé positif à cause d'une situation ponctuelle.
Gardons à l'esprit que la PMI est non pas une pension de retraite, mais une allocation qui témoigne de la reconnaissance de l'État. Au-delà de la situation budgétaire et des débats que nous avons cette année, veillons à préserver la solidité de ce dispositif.
Bref, je continuerai à travailler avec vous sur la question de l'inflation.
J'en viens à la poursuite du plan Blessés 2023-2027. Plusieurs d'entre vous ont souligné l'importance du dispositif Athos. J'ai mesuré à quel point celui-ci était essentiel et méritait nos efforts pour être consolidé, lorsque j'ai visité des maisons Athos à Bordeaux et à Toulon. Je me rendrai d'ailleurs demain à Colmar, pour inaugurer la sixième maison.
Notez que 80 % des 120 mesures du plan Blessés sont déjà appliquées. Je vous appelle à voter les crédits de la mission, qui permettront de mettre en œuvre ce plan jusqu'au bout.
Le budget met également l'accent l'Institution nationale des invalides (INI), à laquelle nous tenons tous ici. La subvention pour charges de service public (SCSP) qui lui est versée est stable, dans la mesure où elle s'élève à 14,4 millions d'euros.
En outre, sachez qu'un nouvel effort de 7,5 millions d'euros sera fait en matière d'investissement pour la réalisation de travaux de mise aux normes et l'acquisition de logiciels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous rendu hommage à l'ONaCVG. Je me joins à vous et salue le travail qui a été accompli par sa directrice générale.
Le projet de loi de finances pour 2026 préserve les moyens en effectifs et en subventions de fonctionnement de cet établissement. En outre, des investissements sont maintenus pour rénover le logiciel de traitement des dossiers et de paiement des allocations.
L'évolution du nombre de ressortissants de l'ONaCVG conduit à une contraction de l'enveloppe consacrée à l'action sociale. Cependant, je vous indique avoir demandé le maintien de la commission instituée en 2024 et en 2025 pour conforter l'aide aux pupilles de la Nation qui ont atteint l'âge de la majorité. Celle-ci pourra ainsi continuer à accompagner les individus concernés, dossier par dossier, et allouer une aide en complément du soutien mis en place à l'échelon départemental.
En 2026, l'ONaCVG bénéficiera d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP). J'espère que vous vous engagerez tous dans la réflexion qui sera ouverte sur ce sujet, car nous aurons besoin de vos recommandations et de votre appui.
Ce contrat permettra notamment d'anticiper la nécessaire adaptation de l'Office à l'évolution du nombre de ressortissants et à leur répartition géographique.