Service des études juridiques (Mai 2010)
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
L'action de groupe introduite en 2000 dans le règlement relatif à la procédure civile applicable en Angleterre et au pays de Galle s'applique à toutes les actions civiles. Elle passe par l'obtention d'une ordonnance d'action de groupe qui prévoit l'ouverture d'un registre spécifique où les parties qui ont déjà déposé des actions individuelles peuvent demander au juge d'être inscrites. Le juge peut également prévoir que certaines actions individuelles inscrites au registre de groupe serviront d' « actions modèle ». Dans tous les cas, l'action de groupe n'est possible que si aucune autre procédure n'apparaît plus appropriée. |
On examinera successivement :
- le « group litigation » ou action de groupe ;
- l'action collective des consommateurs ;
- la règle du représentant ou « representative rule » ;
- et les pouvoirs du tribunal en cas de pluralité d'actions similaires.
I. LE « GROUP LITIGATION » OU ACTION DE GROUPE
Le règlement relatif à la procédure civile, partie 19 section III a introduit en mai 2000 une action de groupe appelée « group litigation ».
Cette procédure de groupe a pour objet de « permettre le traitement des actions en justice qui soulèvent des questions de fait ou de droit communes ou connexes » (art. 19-10 du règlement relatif à la procédure civile).
L' ordonnance d'action de groupe ( group litigation order ) se présente comme un instrument de procédure permettant la gestion groupée d'un nombre important d'actions individuelles dont certaines peuvent avoir été déposées non seulement avant la constitution du groupe mais aussi devant des tribunaux différents.
1. Le champ d'application de la procédure
L'action de groupe a vocation à s'appliquer à toutes les actions civiles quel que soit leur domaine ( Id. art. 1910).
Le rapport d'étude du Professeur Rachel Mulheron sur « La réforme de la réparation collective en Angleterre et au pays de Galles » soumis, en février 2008, au Civil Justice Council 1 ( * ) indique qu'entre le 2 mai 2000 et la date de publication du rapport, 62 ordonnances d'action de groupe ont été rendues. 21 % d'entre elles étaient relatives à la réparation de sévices subis dans des foyers d'enfants et des écoles et 15 % à la réparation de dommages environnementaux.
Les recommandations adressées, en juillet 2008 , par le Civil Justice Council au lord chancelier sous le titre « Amélioration de l'accès à la justice par les actions de groupe » proposaient la généralisation de cette procédure qui ne sert en pratique, pour le moment, que dans certains types d'affaires (dommages liés à des accidents de transport, des accidents et maladies professionnelles, à l'utilisation de produits défectueux notamment de produits pharmaceutiques, à l'environnement, à de mauvais traitements dans les écoles et les foyers d'enfants, à des frais bancaires, etc.).
En juillet 2009 , le gouvernement a cependant estimé que le droit à une action collective ne devait être reconnu que « dans des secteurs spécifiques à condition qu'il y ait des besoins manifestes et qu'il soit procédé à une évaluation des impacts économiques et autres ». Cette appréciation ainsi que l'élaboration de la réglementation incomberaient à chaque ministère qui serait guidé dans sa tâche par un document-cadre rédigé par le gouvernement.
Le 19 novembre 2009 , le gouvernement a déposé au parlement un projet de loi relatif aux services financiers qui prévoyait, entre autres choses, d'améliorer dans ce secteur l'action collective des consommateurs devant les tribunaux dès lors qu'un grand nombre de consommateurs étaient concernés (action collective contre des banques notamment). Ces dispositions n'ont pas été retenues dans le texte final adopté le 8 avril 2010.
2. La demande et sa recevabilité
L'ordonnance d'action de groupe doit être demandée par une des parties, demandeur ou défendeur, qui a déjà saisi un juge du fond à titre individuel. Le tribunal peut également en prendre l'initiative sous réserve d'avoir obtenu l'accord de la hiérarchie judiciaire.
Selon l'article 3.2 de la directive relative à la pratique du Ministère de la Justice pour la partie 19 section III, la demande d'ordonnance d'action de groupe doit contenir :
- un résumé de la nature du litige ;
- le nombre et la nature des actions en justice individuelles déjà déposées ;
- le nombre et la nature des actions en justice individuelles susceptibles d'être déposées ;
- les questions de fait ou de droit communes susceptibles d'être soulevées par le litige ;
- l'énoncé des points qui permettent de distinguer des sous-groupes de demandeurs.
Une ordonnance d'action de groupe ne peut être rendue que si :
- il « existe ou il est susceptible d'exister un certain nombre d'actions en justice individuelles » ( Id. art. 19.11 du règlement précité) ;
- ces actions « soulèvent des questions de fait ou de droit communes ou connexes » ( Id. art. 19.11).
Les principes généraux qui gouvernent le système judiciaire doivent être respectés. Le système judiciaire doit être juste et équitable . Il doit permettre la gestion des dossiers de manière « efficace et économe », assurer à chaque partie la même possibilité de présenter son cas et de se défendre et faire en sorte que les cas semblables sont traités de manière identique. Enfin l'application de cette procédure collective doit procurer un bénéfice majeur au tribunal et aux parties.
Le juge doit obtenir l'accord de la hiérarchie judiciaire (art. 3.3 à 3.9 de la directive relative à la pratique du Ministère de la Justice pour la partie 19 section III).
Il ne faut pas qu'une autre procédure apparaisse plus appropriée comme la consolidation ou l'application de la règle du représentant (article 2.3 de la directive précitée). Ces procédures sont évoquées ci-après.
En vertu de l'article 19.11 du règlement précité, l'ordonnance d'action de groupe doit :
- donner des instructions relatives à la tenue d'un « registre de groupe » ( register group ) qui contient toutes les actions gérées collectivement dans le cadre de l'ordonnance ;
- spécifier la liste des questions de fait ou de droit qui permettra d' identifier les actions dans le cadre de l'ordonnance ;
- désigner le juge compétent pour gérer les actions inscrites dans le registre de groupe appelé « juge gestionnaire » ( management judge ).
Cet article prévoit également que l'ordonnance d'action de groupe contient des instructions relatives à sa publication .
Une fois le registre de groupe ouvert par l'ordonnance d'action de groupe, les parties qui ont déposé des actions individuelles doivent demander à y être enregistrées ( opt-in ) en adressant une requête à cet effet au juge gestionnaire. Pour l'inscription au registre, une action doit avoir été préalablement intentée à titre individuel (art. 6.2 de la directive précitée). Les parties inscrites au registre font en principe automatiquement parties de la procédure collective, sauf décision contraire du juge.
Le juge gestionnaire peut fixer des critères d'entrée dans le registre de groupe et/ou un délai limite (art. 19.13 du règlement précité).
Par ailleurs, le juge gestionnaire peut désigner une ou plusieurs actions individuelles inscrites au registre de groupe pour servir « d'actions modèle » ( test claim ) (voir infra « test case »).
3. La décision au fond et ses effets
Lorsqu'une décision relative à une (ou plusieurs) question de fait ou de droit, objet de l'ordonnance d'action de groupe, est rendue dans une action inscrite au registre de groupe, cette décision lie les parties à toutes les autres actions figurant dans le registre au moment où elle est rendue, sauf si le juge en décide autrement. En outre, le juge peut indiquer les limites dans lesquelles sa décision lie également les parties à une action introduite ultérieurement .
S'agissant de l'indemnisation, le juge peut inviter les membres du groupe à demander une réparation de leur préjudice individuel en adressant une nouvelle requête à un juge du fond, mais il peut aussi attribuer des dommages et intérêts collectifs en fixant une clef de répartition qui tient compte du préjudice individuel subi par chaque membre du groupe.
Une partie qui n'est pas satisfaite de la décision peut exercer un recours contre celle-ci après autorisation du juge.
Si la partie entre dans le registre de groupe après la décision, elle peut seulement demander au juge que la décision ne la lie pas.
* 1 Organisme public consultatif dont le champ de compétence est la politique judiciaire en Angleterre et au pays de Galles.