NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi modifiant les dispositions du code de la communication et du
cinéma relatives à la communication audiovisuelle a
été déposé sur le bureau du Sénat le
30 octobre 1996. Il tend notamment
à élargir les
compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel
(C.S.A.) et
vise en particulier à renforcer son rôle en matière de
"
déontologie des programmes
".
A cette fin, l'article 3 du projet, qui tend à modifier l'article 312-3
du code de la communication et du cinéma, énonce : "
Dans
les programmes diffusés par chaque service de communication
audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la
déontologie applicable aux programmes, à la protection de
l'enfance et de l'adolescence, au respect du pluralisme et de
l'honnêteté de l'information, au respect de la vie privée
et à la protection des consommateurs.
"
Il consolide donc l'action du C.S.A. en matière de protection de la
jeunesse et de respect par les diffuseurs des principes de pluralisme et
d'honnêteté de l'information. En effet, l'article 312-3
actuellement en vigueur dispose : "
Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence
dans la programmation des émissions diffusées par un service de
communication audiovisuelle
". En outre, la nécessité pour le
C.S.A. de faire respecter les principes de pluralisme et
d'honnêteté est mentionnée par ailleurs dans le code.
Il introduit en outre trois nouveaux principes :
- la "
déontologie des programmes
", alors que le code
actuel mentionne seulement la "
qualité des
programmes
" ;
- la "
protection de la vie privée
" qui
complète la notion de "
dignité de la
personne
humaine
" figurant déjà dans le code ;
- la "
protection des consommateurs
".
Pour évaluer les dispositions du projet de loi français par
rapport aux législations en vigueur dans les pays voisins, on a donc
cherché à analyser le rôle des instances
étrangères de régulation de l'audiovisuel en
matière de déontologie des programmes.
Les pays retenus sont les suivants : l'
Allemagne
, l'
Espagne
,
l'
Italie,
les
Pays-Bas
et le
Royaume-Uni
. Ils apparaissent
particulièrement représentatifs de la diversité qui
règne en matière de contrôle de la déontologie des
programmes.
*
* *
1) Il n'existe aucune autorité autonome de régulation en Espagne et dans le secteur public allemand.
a)
L'Espagne ne s'est pas encore dotée d'une instance autonome de
régulation.
La question fait certes l'objet de nombreux débats mais, pour l'instant,
c'est une
commission parlementaire qui assure le contrôle permanent
des chaînes publiques de télévision
, tandis que le
ministère en charge de la communication contrôle les
sociétés privées
.
La surveillance exercée par la
commission parlementaire
se limite
le plus souvent à des
séances mensuelles de questions
orales
.
Quant au
contrôle du ministère
chargé de la
communication, il est
quasi-inexistant
. En effet, bien que le
non-respect des principes fondamentaux auxquels sont soumis tous les diffuseurs
(exactitude, impartialité, pluralisme, respect de la vie privée,
protection de la jeunesse et non-discrimination) constitue, d'après la
loi de 1988 sur la télévision privée, une infraction
très grave, celle-ci est rarement sanctionnée.
b) L'autorégulation joue un rôle essentiel dans le secteur
public allemand.
L'audiovisuel constitue une compétence des Länder
. En
l'absence de législation fédérale sur le sujet, c'est la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle
qui a fixé le cadre
juridique général.
Les établissements du secteur public de l'audiovisuel sont
indépendants des Länder qui les ont créés. Chacun
d'eux est soumis au
contrôle d'un organe interne
, le conseil de la
radiodiffusion qui, d'après la Cour constitutionnelle,
"
représente et défend les intérêts de la
collectivité
".
La composition de ce conseil varie d'un établissement à l'autre,
mais elle doit refléter les différents courants d'opinion du Land
d'implantation. En effet, les représentants de la société
civile (les Eglises, les fédérations patronales, les syndicats,
les chambres de commerce et d'industrie, les associations de jeunes,
d'artistes...) doivent constituer au moins les deux tiers de ses membres.
La composition pluraliste des conseils de la radiodiffusion est
réputée garantir le respect de la déontologie des
programmes.
2) Dans le secteur privé allemand, aux Pays-Bas et en Italie, les instances de régulation s'attachent essentiellement à l'interdiction de la violence et à la protection de la jeunesse.
a)
Dans le secteur privé allemand, les instances de régulation sont
très actives dans ce domaine et un organe d'autorégulation
complète leur contrôle.
• Les instances
de régulation du secteur privé
Le secteur privé de l'audiovisuel est contrôlé par des
établissements publics autonomes, les
Landesmedienanstalten
. Ils
sont au nombre de quinze : chaque Land en a créé un, sauf les
deux Länder de Brandebourg et de Berlin qui, dans la perspective de leur
fusion, en ont créé un seul.
Dans presque tous les Länder, la structure des
Landesmedienanstalten
est calquée sur celle des
établissements de la radiodiffusion publique. En particulier, leur
conseil de surveillance doit refléter les courants d'opinion du Land.
Cette composition pluraliste constitue théoriquement une garantie du
respect des principes déontologiques.
Les
Landesmedienanstalten
concentrent leurs efforts sur la
protection
de la jeunesse et sur l'interdiction de la violence sous toutes ses formes.
Ils émettent d'ailleurs, notamment dans ce domaine, des directives qui
ont valeur de réglementation. Les quinze
Landesmedienenanstalten
ont créé des organes communs, parmi lesquels une commission
permanente sur la protection de la jeunesse.
• L'organe d'autorégulation
Comme les
Landesmedienenanstalten
exercent seulement leur contrôle
a posteriori,
de leur propre chef ou à la suite de plaintes,
les chaînes privées allemandes ont, à la fin de
l'année 1993, après de vifs débats mettant en cause le
contenu de leurs programmes, décidé de créer une instance
d'autorégulation dont la compétence est limitée à
la protection de la jeunesse et qui examine, avant leur diffusion, les
émissions qui lui sont présentées volontairement par les
chaînes.
b) Le Commissariat aux médias néerlandais surveille assez peu
le contenu des programmes et limite son contrôle à la protection
de la jeunesse.
La loi sur les médias, qui s'applique au secteur public comme au
secteur privé, ne comporte presque aucune disposition relative au
contenu des programmes
: elle prohibe seulement la diffusion avant 20 h des
films interdits aux enfants de moins de 12 ans, et avant 21 h de ceux interdits
aux moins de 16 ans. Compte tenu des nombreuses infractions relevées, le
Commissariat aux médias a récemment décidé de
renforcer sa surveillance sur les horaires de diffusion.
Dans les domaines autres que la protection de la jeunesse, le Commissariat
n'intervient pas et c'est la logique de l'autorégulation qui
prévaut.
Elle paraît jouer efficacement dans le secteur public. En effet, depuis
1967,
le temps d'antenne sur les trois chaînes publiques est
attribué à des associations qui représentent un courant
culturel, religieux, spirituel ou social
. La répartition se fait
proportionnellement au nombre d'adhérents
. Ainsi, tout
excès dans la programmation risque de se traduire par une perte
d'adhérents et donc par une réduction du temps d'antenne.
c) En Italie, le contrôle du contenu des programmes est
également très limité.
La loi Mammi de 1990 a confié au
Garant
, déjà
responsable du contrôle de la presse, la surveillance des chaînes
publiques et privées de télévision. En matière de
déontologie des programmes, le rôle du Garant apparaît
limité : il contrôle
a posteriori
les règles
concernant la violence et la protection des mineurs et émet de temps
à autre des recommandations sur les horaires de programmation.
Par ailleurs,
la commission parlementaire d'orientation et de surveillance
des services de la radio et de la télévision
,
créée en 1975, surveille théoriquement la
conformité des programmes des chaînes publiques aux principes
généraux de pluralisme, d'objectivité,
d'exhaustivité et d'impartialité. Compte tenu de son
caractère très politique, la commission n'exerce guère ce
pouvoir. De plus, elle ne dispose d'aucun pouvoir de sanction.
3) Les autorités de régulation anglaises disposent de large pouvoirs en matière de contrôle de la déontologie des programmes.
La
loi de 1990 sur l'audiovisuel a créé deux autorités de
régulation, compétentes à la fois pour le secteur public
et pour le secteur privé
: le
Broadcasting Standards Council
et le
Broadcasting Complaints Commission
.
Les compétences du premier portent sur la
représentation de la
violence et du sexe
et sur la
préservation du bon goût et
de la décence
(ce qui inclut notamment la surveillance de la
qualité du langage), tandis que celles de la seconde concernent les
atteintes à la vie privée et la présentation exacte et
impartiale des faits et des informations
.
Ces deux instances rédigent et mettent à jour des codes de bonne
conduite, contrôlent
a posteriori
les programmes, réalisent
des recherches sur le contenu des programmes, examinent les plaintes qu'elles
reçoivent et peuvent contraindre les contrevenants à diffuser les
avertissements qu'elles prononcent à leur encontre.
La loi de 1996 a organisé la fusion de ces deux instances en une seule
qui commencera ses travaux le 1er avril 1997.
Par ailleurs, l'
Independent Television Commission
, qui attribue les
licences aux sociétés privées a l'obligation légale
de rédiger des codes de bonne conduite sur les programmes et de
contrôler qu'elles les respectent. Ces codes recouvrent les mêmes
domaines que ceux du
Broadcasting Standards Council
et de la
Broadcasting Complaints Commission
: bon goût, décence,
exactitude, impartialité et absence de violence.
*
* *
L'élargissement des compétences du C.S.A. en
matière de déontologie et d'éthique permettra au
système français de se rapprocher du modèle britannique.
Les principes au respect desquels le C.S.A. devra veiller sont peu ou prou ceux
que s'efforcent de garantir les instances de régulation britanniques.
Seule, la "
protection des consommateurs
" paraît
être une originalité française.