UNION EUROPEENNE
La
directive du Conseil du 3 octobre 1989
visant à la coordination
de certaines dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres relatives à l'exercice
d'activités de radiodiffusion télévisuelle, dite
"
Télévision sans
frontières
",
comporte à l'article 22 les dispositions applicables à la
déontologie des programmes.
Ces dispositions concernent essentiellement la
protection des mineurs
:
" Les Etats membres prennent les mesures appropriées pour
assurer que les émissions des organismes de radiodiffusion
télévisuelle qui relèvent de leur compétence ne
comportent pas de programmes susceptibles de nuire gravement à
l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des
programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence
gratuite. Cette disposition s'étend aux autres programmes qui sont
susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou
moral des mineurs, sauf s'il est assuré, par le choix de l'heure de
l'émission ou par toutes mesures techniques, que les mineurs se trouvant
dans le champ de diffusion ne voient pas ou n'écoutent pas normalement
ces émissions.
" Les Etats membres veillent de même à ce que les
émissions ne contiennent aucune incitation à la haine pour des
raisons de race, de sexe, de religion ou de
nationalité. "
ALLEMAGNE
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
a) La
Loi fondamentale
L'article 5 de la Loi fondamentale garantit la liberté de
l'audiovisuel
:
" (1) Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son
opinion par la parole, par l'écrit et par l'image, et de s'informer sans
entraves aux sources qui sont accessibles à tous. La liberté de
la presse et la liberté d'informer par la radio, la
télévision et le cinéma sont garanties. Il n'y a pas de
censure.
" (2) Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois
générales, dans les dispositions légales sur la protection
de la jeunesse et dans le droit au respect de l'honneur personnel. "
b) Les décisions de la Cour constitutionnelle
En l'absence de dispositions constitutionnelles expresses ou implicites
justifiant la compétence de la Fédération dans le domaine
de l'audiovisuel, plusieurs décisions de la
Cour
constitutionnelle
ont précisé le partage des
compétences entre la Fédération et les Länder et ont
fixé le cadre général applicable à l'audiovisuel.
• Dans sa première grande décision de 1961 sur le sujet, la
Cour constitutionnelle a reconnu
les Länder
compétents en
matière de "
radiodiffusion
"
, sauf lorsque les
émissions sont destinées à l'étranger. La
compétence des Länder est limitée au contenu des programmes
car, selon la Cour, il s'agit d'une extension de leur compétence
culturelle, tandis que la Fédération dispose d'une
compétence exclusive dans le domaine des
télécommunications.
Chaque Land adopte donc ses propres lois sur l'audiovisuel, celles-ci devant
seulement respecter les principes généraux édictés
par la Cour constitutionnelle. Dans la mesure où de nombreux
problèmes dépassent le cadre d'un Land, voire les concernent
tous, les Länder ont signé, comme dans tous les cas où ils
doivent régler sur le plan législatif des questions
d'intérêt commun, des contrats interétatiques. Ces
contrats, conclus par les ministres-présidents, sont ensuite
ratifiés par les Parlements des Länder. Le premier contrat
interétatique dans le domaine de l'audiovisuel fut signé en 1954
et concernait la première chaîne de télévision.
• Dans sa quatrième grande décision sur l'audiovisuel,
prise en 1986, la Cour a affirmé la
dualité du système
audiovisuel
allemand en rappelant la liberté pour chaque Land
d'opter pour le maintien du monopole d'un établissement public autonome
ou pour un système mixte où coexistent secteurs public et
privé.
A la suite de cette décision, les Länder ont signé en avril
1987
le
contrat interétatique sur le nouvel ordre de la
radiodiffusion
qui détermine les grandes lignes du système
mixte. Chaque Land a ensuite adopté une loi relative au secteur
privé de l'audiovisuel dite " loi sur les médias "
(1(
*
))
.
Le développement du secteur privé et la réunification ont
conduit à la renégociation d'un nouveau contrat, le
contrat
interétatique sur la
radiodiffusion dans l'Allemagne
unifiée,
signé le 31 août 1991, entré en vigueur
le 1er janvier 1992, et qui se substitue aux anciens. Ce contrat a
été modifié plusieurs fois depuis lors. La dernière
modification est effective depuis le 1er janvier 1997.
Le premier chapitre du nouveau contrat est consacré aux dispositions
communes au secteur public et au secteur privé, le deuxième aux
dispositions applicables au secteur privé et le troisième
à celles qui ne valent que pour le secteur public.
Le secteur public et le secteur privé sont soumis à des
règles différentes, notamment pour ce qui concerne leur
contrôle : si
les instances de contrôle font partie de la
structure des établissements de radiodiffusion publique, dans le secteur
privé, le contrôle est assuré par des établissements
publics autonomes créés par les Länder.
2) Les organes de surveillance du secteur public
Il
n'existe pas d'instance de régulation du secteur public.
Indépendants de l'Etat, les établissements de radiodiffusion
publique sont simplement soumis au contrôle de légalité
exercé par les autorités du Land (des Länder)
considéré(s).
Par ailleurs, chaque établissement est soumis au
contrôle d'un
organe interne
, le
conseil de la radiodiffusion
qui, selon la Cour
constitutionnelle, "
représente et
défend les
intérêts de la collectivité dans le domaine de la
radiodiffusion
".
Sa composition varie d'un établissement à l'autre, mais elle doit
refléter les courants d'opinion du Land (des Länder) d'implantation.
Les
représentants de la société civile
(les trois
Eglises, les fédérations patronales, les syndicats, les chambres
de commerce et d'industrie, les syndicats de journalistes, les associations de
jeunes, d'artistes, d'enseignants, de parents d'élèves...)
constituent au moins les
deux tiers de ses membres
car le nombre des
représentants du pouvoir politique ne doit pas dépasser un tiers.
Lorsqu'un établissement est commun à plusieurs Länder, le
conseil de la radiodiffusion doit comporter en outre des représentants
de chaque Land.
3) Les instances de régulation du secteur privé
Le
secteur privé de l'audiovisuel est contrôlé par des
établissements publics
autonomes
, les
Landesmedienanstalten
, principalement financés par la redevance
audiovisuelle.
Les
Landesmedienanstalten
sont au nombre de quinze : Chaque Land en a
créé un, sauf les deux Länder de Brandebourg et de Berlin
qui, dans la perspective de leur fusion, en ont créé un seul.
Les
Landesmedienanstalten
sont organisés à peu près
comme les établissements de radiodiffusion publique. En particulier,
leur
conseil de surveillance
est composé comme le conseil de la
radiodiffusion des établissements du secteur public et
reflète
donc
les différents
courants d'opinion
du Land
. Deux
Landesmedienanstalten
, ceux de Hambourg et de
Brandebourg-Berlin, ont opté pour un modèle différent,
avec un conseil de personnalités qualifiées.
Dans un souci d'harmonisation et de concertation, les
Landesmedienanstalten
ont institué la
Conférence des directeurs
qui
réunit les directeurs des quinze établissements. Cette instance
s'est elle-même dotée de
commissions
spécialisées
.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
Les
règles déontologiques qui s'imposent aux diffuseurs se trouvent
pour l'essentiel dans le contrat interétatique sur la radiodiffusion et
dans les lois des Länder sur les médias. Ces dernières
reprennent en général les dispositions du contrat
interétatique.
a) Le pluralisme et l'impartialité
La liberté de l'audiovisuel, constitutionnellement garantie, implique
nécessairement la garantie du pluralisme
. D'ailleurs, selon la Cour
constitutionnelle, "
la
liberté de la radiodiffusion a
pour objet de protéger et de garantir le pluralisme
".
Cette liberté est, aux termes de
l'article 5-2 de la Loi
fondamentale
, limitée par "
les prescriptions des lois
générales, les dispositions légales sur la protection de
la jeunesse et le droit au respect de l'honneur personnel
".
Dans sa quatrième décision de 1986 sur la radiodiffusion, la Cour
constitutionnelle a précisé que les
critères de
pluralisme applicables au secteur privé ne peuvent pas être aussi
stricts que pour le secteur public
: "
Tant qu'il sera garanti
efficacement que le service public de l'audiovisuel accomplira ces missions, il
semble justifié de ne pas exiger du secteur privé qu'il respecte
un aussi large éventail de programmes ni un pluralisme aussi
équilibré que le service public
".
L'article 25 du
contrat interétatique
, dans sa version en vigueur
depuis le 1er janvier 1997, garantit la pluralité d'opinions : les
chaînes privées doivent laisser s'exprimer les forces et les
groupes significatifs sur le plan politique, philosophique et social, tout en
prenant en compte les opinions des minorités.
A l'article 41, le contrat interétatique reprend tous les principes
fondamentaux applicables aux chaînes privées. Il exige que tous
les programmes respectent la dignité humaine, les convictions morales,
religieuses et philosophiques de chacun.
Le même article affirme la nécessité de
l'indépendance et de l'objectivité des journalistes, en insistant
sur l'obligation de vérifier l'origine et la véracité des
informations, et de séparer les commentaires des informations
elles-mêmes.
b) La protection de la jeunesse
Dans le premier chapitre qui comporte les
dispositions
applicables au
secteur
public et au secteur privé, le contrat
interétatique
définit à l'article 3 la notion
d'"
émissions prohibées
" au nom de la
sauvegarde de la jeunesse.
Il pose le principe de
l'interdiction de la violence sous toutes ses
formes
(actes cruels, incitation à la haine raciale et à
toute autre manifestation d'ostracisme à l'encontre d'un groupe
religieux ou national, scènes pornographiques, glorification de la
guerre...), et plus généralement de toutes les émissions
susceptibles de constituer un " danger moral " grave pour les jeunes.
L'alinéa relatif à la haine raciale a été
modifié dans la dernière version du contrat pour prendre en
compte les autres minorités que les minorités raciales et pour
stigmatiser tous les actes d'ostracisme.
Le contrat interétatique interdit
la diffusion des émissions
réservées à un
public d'adultes entre 6 heures et
23 heures
(entre 6 heures et 22 heures pour les émissions interdites
aux moins de 16 ans), tout en prévoyant la possibilité de
dérogations ponctuelles, notamment pour les films réalisés
il y a plus de 15 ans. Aucune restriction horaire n'est prévue pour les
films interdits au moins de 12 ans, mais le contrat appelle les diffuseurs
à la vigilance.
Depuis 1995, le contrat oblige les diffuseurs à nommer un
délégué à la protection de la jeunesse
, qui
conseille les responsables de la programmation sur toutes les questions
relatives à la protection des mineurs
.
c) Le respect de la vie privée
Un nouvel article a été ajouté au contrat
interétatique à l'occasion de la dernière modification :
il prévoit l'
interdiction
,
pour les chaînes
privées
, de diffuser sans autorisation des renseignements, d'ordre
personnel ou matériel, sur des particuliers ou des
sociétés.
2) Le rôle des instances de régulation
Le
contrat interétatique pose le principe d'une concertation des
établissements de radiodiffusion publique avec les
Landesmedienanstalten
pour établir des directives, notamment en
matière de protection de la jeunesse.
a) Le secteur public
En application des textes légaux, le conseil de la radiodiffusion des
différents établissements détermine les principes
directeurs relatifs aux programmes. Il en surveille l'application par les
responsables des programmes et de la diffusion.
Conformément à la logique d'
autorégulation
, il agit
dans le cadre de la concertation. En dernier ressort, il ne peut donc que
mettre fin au mandat du président de l'établissement, qu'il
élit.
La composition même du conseil de la radiodiffusion constitue en
théorie un gage de respect du principe de pluralisme. Dans les faits, la
représentation de tous les partis politiques dans chaque Land assure un
certain équilibre, mais n'empêche pas la politisation de tous les
organes du secteur public.
b) Le secteur privé
•
Le pouvoir réglementaire des Landesmedienanstalten
Les directives des
Landesmedienanstalten
, qui ont valeur de
réglementation, complètent les textes légaux
en
matière de déontologie des programmes, et notamment dans le
domaine de la protection de l'enfance.
D'ailleurs,
parmi les commissions spécialisées
créées par la Conférence des directeurs des
Landesmedienanstalten,
il en existe une qui est compétente pour
la protection de la jeunesse. Elle permet d'assurer l'unité du
contrôle sur l'ensemble du territoire.
•
Le contrôle a posteriori
Qu'il se fonde sur le contrat interétatique ou sur les directives, le
contrôle des
Landesmedienanstalten
s'effectue
a
posteriori
, sur plaintes des citoyens ou
de leur propre
initiative.
De façon générale, les sanctions prévues,
avertissement et suspension ou retrait de l'autorisation en cas de
récidive, sont trop peu graduées pour être efficaces.
Les infractions à l'article 3 relatif à la protection de la
jeunesse peuvent, sur la base du contrat interétatique et
indépendamment de ce que prévoient les directives des
différents
Landesmedienanstalten,
être sanctionnées
par une amende pouvant aller jusque 500 000 DEM (c'est-à-dire 1,7
million de francs).
•
La concertation
En pratique, les
Landesmedienanstalten
interviennent auprès des
diffuseurs surtout par la discussion et la concertation.
De même, pour éviter toute violation des règles de
protection de la jeunesse, la commission compétente créée
par la Conférence des directeurs des
Landesmedienanstalten
visionne les émissions avant leur diffusion lorsque celles-ci sont
susceptibles de poser un problème.
En outre, deux fois par an environ, la commission demande aux responsables des
chaînes de présenter leurs projets concernant la jeunesse. Des
auditions ponctuelles ont également lieu. Tout ceci permet le plus
souvent d'éviter une violation des règles de protection de la
jeunesse.
*
* *
Comme
les compétences des
Landesmedienanstalten
sont limitées
à un contrôle
a posteriori
, les chaînes
privées ont, en novembre 1993, créé une
association
d'autorégulation
, la
Freiwillige Sebstkontrolle Fernsehen
(F.S.F., autocontrôle volontaire de la télévision) qui
examine, avant leur diffusion, les émissions qui lui sont
présentées volontairement par les chaînes. Les
chaînes privées sont presque toutes membres de la F.S.F. En
revanche, les chaînes publiques ont décidé de ne pas en
faire partie.
La création de la F.S.F. a été décidée pour
prévenir une intervention législative souhaitée par
l'opinion publique.
Les statuts de la F.S.F. obligent ses membres à lui présenter les
émissions qui semblent dangereuses pour la jeunesse ainsi que celles
pour lesquelles une autorisation exceptionnelle doit être demandée
pour l'horaire de diffusion. Cette obligation résulte de la
nécessité d'appliquer les critères de l'organe
d'autorégulation de l'industrie cinémato-graphique. En effet,
celui-ci classe les films en fonction de l'âge de leurs spectateurs selon
quatre tranches d'âge (de 6 à 12 ans, de 12 à 16 ans, de 16
à 18 ans et plus de 18 ans) et affecte à chacune d'elles un
créneau horaire.