EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'épidémie de Covid19 nous a démontré une fois de plus que, dans un monde fragilisé par la multiplication des facteurs de risques (catastrophes naturelles, pandémies, conflits géopolitiques, attentats terroristes), la protection et la sécurité des personnes et des biens sont un enjeu majeur pour tout État. Elles font d'ailleurs partie de ses missions régaliennes.
Des 2 500 000 Français de l'étranger, dont près de 1 800 000 inscrits au registre des Français établis hors de France, beaucoup vivent dans des pays dits « à risque » et sont particulièrement vulnérables, parfois même du simple fait d'être Français. Leurs biens personnels, mais aussi, notamment dans le cas des TPE et des PME, leurs investissements professionnels, peuvent être anéantis du jour au lendemain. En cas de crise sanitaire grave, comme on le voit aujourd'hui avec la pandémie de coronavirus, les Français de l'étranger sont souvent ostracisés, parfois même accusés d'être responsables de la propagation de la pandémie, et on peut craindre qu'ils ne puissent être convenablement soignés dans des hôpitaux saturés.
Alors que, sur notre territoire national, de nombreux dispositifs permettent une indemnisation et un nouveau départ, à l'étranger, nos compatriotes, en l'état actuel de la législation, ne peuvent compter que sur une hypothétique indemnisation de la part de leur État de résidence, le plus souvent inexistante. Aucun fonds public ne leur permet, à ce jour, d'être indemnisés, sauf s'ils sont victimes d'actes terroristes.
La présence de compatriotes dans le monde entier, et en particulier dans les pays dits « à risque » est pourtant essentielle à notre commerce extérieur et à notre rayonnement politique et culturel. Il importe donc de sécuriser leurs parcours en mettant en place un dispositif d'indemnisation ou, a minima , un fonds de solidarité, mobilisable rapidement pour répondre aux situations d'urgence liées à des crises par nature assez difficilement prévisibles.
La création en 2008 du Centre de Crise du Ministère des Affaires étrangères, qui coordonne la réponse aux crises à l'étranger impliquant des ressortissants français ou appelant une réponse humanitaire, a constitué un véritable progrès. Mais ce centre n'a pas vocation à aider financièrement les particuliers ou petites entreprises affectés par les crises. Et le mécanisme de protection civile de l'Union Européenne n'est pas adapté au traitement des difficultés des expatriés.
C'est pour cela qu'il nous a semblé nécessaire de déposer une nouvelle proposition de loi tendant à la création d'un fonds de solidarité pour les Français établis à l'étranger victimes de graves crises politiques, sanitaires ou environnementales, à la suite de celles déjà déposées en 2008 et en 2016, aujourd'hui caduques.
En dépit à la fois d'un rapport du Conseil économique social et environnemental de 2009 proposant « la mise en place d'un système d'indemnisation des expatriés pour perte de biens » et se déclarant « favorable dans le respect du principe d'équité entre tous les citoyens, à un système d'indemnisation au bénéfice des Français établis hors de France », et d'une réponse du Ministre des Affaires étrangères à la question écrite n° 18110 du 07/04/2011 indiquant que la suggestion de création d'un fonds de garantie au niveau européen retenait son attention et qu'il allait commander une étude de faisabilité, le projet de fonds d'indemnisation ne s'est jamais concrétisé, ni à l'échelle française ni au plan européen. Nous n'avons d'ailleurs jamais vu l'étude de faisabilité annoncée. Si la protection consulaire européenne a fait quelques progrès, avec l'adoption le 31 mars 2015 de la proposition de directive du Conseil relative à la protection consulaire des citoyens de l'Union à l'étranger (2011/0432 CNS), aucun fonds de soutien n'a été créé et les négociations sur ce dossier semblent au point mort.
Il semble également irréaliste d'espérer la mise en place d'une assurance-indemnisation privée pour les Français de l'étranger. Dès sa création en 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) s'était préoccupé de la question des dommages de guerre et de la possibilité de couverture des risques afférents. Ce dossier de mise en place d'une assurance-indemnisation pour la perte des biens des expatriés a été repris au début des années 1980, sous l'impulsion notamment des sénateurs des Français établis hors de France Paulette BRISEPIERRE, Charles de CUTTOLI, Jacques HABERT, Paul D'ORNANO et Xavier de VILLEPIN. Des années plus tard, à la suite d'un voeu unanime du CSFE, une enquête d'opinion a été réalisée par le Ministère des Affaires étrangères, prouvant l'intérêt de nos compatriotes pour une telle protection. Mais, malgré des tentatives réitérées, aucune société d'assurance ne semble avoir voulu aller jusqu'au bout de la mise sur le marché d'un tel produit, même si le nombre de Français s'expatriant croît régulièrement et de façon importante.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de demander à l'État français de se substituer à la responsabilité des autorités du pays dans lequel les pertes sont constatées, mais de soutenir nos ressortissants dont la présence à l'étranger est bénéfique à notre Nation. La mise en place d'un fonds public permanent de solidarité pour les Français expatriés victimes de crises graves dans leur pays de résidence traduirait les principes d'égalité et de solidarité de tous les Français devant les charges résultant de catastrophes énoncées dans le préambule de notre Constitution. Ce fonds de solidarité devra évidemment faire preuve de réactivité dans les situations d'urgence pour pallier au plus vite les difficultés provisoires rencontrées par nos compatriotes en mettant en place des aides d'urgence destinées à assurer la satisfaction des besoins fondamentaux des personnes et la survie des entreprises dans l'attente, notamment, de leur indemnisation effective et pérenne.
Le fonds de solidarité pourrait être alimenté par des dons et legs, par une fraction du produit des successions appréhendées par l'État à titre de déshérence, ainsi que par une fraction du produit de l'établissement des passeports. Ce serait ainsi un témoignage de la solidarité nationale envers ceux de nos compatriotes expatriés victimes de circonstances graves et imprévisibles.
Tels sont les motifs de la présente proposition de loi.