B. LA RÉFORME DES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT
1. Le contenu de la réforme
Les aides personnelles constituent un outil indispensable de la politique en faveur du logement. Elles permettent, en effet, d'alléger la dépense de logement des ménages pauvres ou modestes.
Ce dispositif, où coexistent deux barèmes, l'aide personnelle au logement (APL) et l'allocation logement (AL), est néanmoins complexe et peut conduire à des situations injustes :
- les revenus du travail sont en effet traités de façon moins favorable que ceux provenant de minima sociaux ; une personne célibataire ayant un travail à temps partiel rémunéré au niveau du RMI aura une allocation logement inférieure d'environ 400 francs à celle d'un isolé bénéficiant du RMI (1.460 francs environ). Cette inégalité de traitement est un frein important à l'emploi et contrarie les politiques d'intéressement à la reprise d'activité ;
- par ailleurs, des ménages ayant des revenus et des dépenses de logement identiques ont une aide différente selon qu'ils bénéficient de l'AL ou de l'APL ; ces écarts, qui ne sont pas justifiables, rendent le système peu lisible et en alourdissent la gestion.
Votre commission des Affaires sociales préconise depuis plusieurs années déjà une réforme des aides personnelles au logement.
L'année dernière, elle n'avait pas hésité à dessiner les contours d'une telle réforme 2 ( * ) . Elle préconisait notamment :
- la fusion des trois types d'aides en un barème unique ;
- la prise en compte de l'ensemble des ressources des bénéficiaires, que celles-ci proviennent ou non de transferts sociaux ;
- l'institution d'un taux d'effort minimal, pour assurer que les bénéficiaires prennent bien en charge personnellement une partie du coût de leur logement ;
- le recentrage du système, afin d'expurger les aides à la personne des dispositions qui sont sans lien avec la politique du logement ;
- la révision des modalités de versement de l'ALS aux étudiants ;
- la prise en compte rénovée des critères de salubrité du logement dans l'attribution des aides pour éviter le développement d'un " marché des taudis ".
Ces différentes propositions ont rencontré cette année un écho favorable de la part du Gouvernement.
Lors de la Conférence de la famille du 15 juin 2000, le Gouvernement a, en effet, présenté une réforme des aides au logement dans deux directions :
- rendre plus cohérente la prise en compte des ressources pour le calcul des aides, notamment entre minima sociaux et revenus d'activités équivalents ;
- aller vers un barème harmonisé des différentes aides.
La création d'un barème unique pour l'allocation de logement et l'aide personnalisée au logement devrait permettre d'aboutir à un traitement unifié des ressources, quelle que soit leur nature (minima sociaux ou revenus d'activité). L'aide sera maintenue à son niveau maximal jusqu'à un montant de revenu égal au RMI (ou à un salaire équivalent) puis décroîtra de façon linéaire au fur et à mesure de l'augmentation des revenus, ce qui en facilitera la compréhension par les allocataires. Les personnes ayant de faibles revenus d'activité verront ainsi leur aide fortement revalorisée.
Au total et selon les données communiquées par le Gouvernement, ce sont 4,8 millions d'allocataires qui sont concernés par cette réforme dont le coût est estimé à 6,5 milliards de francs. Pour 1,2 million d'entre eux, le gain mensuel sera supérieur à 200 francs. Pour 1,6 million d'entre eux, le gain mensuel sera compris entre 50 francs et 200 francs. Le gain moyen annuel sera d'environ 1.300 francs, soit une augmentation de plus de 10 % de l'aide versée. Aucun ménage ne verra son aide diminuée du fait de ce nouveau barème.
Cette réforme sera mise en place en deux étapes :
- dès le 1 er janvier 2001 : barème intermédiaire représentant environ la moitié de l'effort ;
- au 1 er janvier 2002 : barème définitif.
Compte tenu d'un ajustement à la baisse, consécutif à l'amélioration de la conjoncture économique, pour un montant de 1,345 milliard de francs, de la contribution de l'Etat au Fonds national de l'habitation et au Fonds national de l'aide au logement, on peut estimer que la contribution de l'Etat au financement des aides à la personne augmentera de 655 millions de francs en 2001 pour atteindre 35 milliards de francs.
Contribution de l'Etat au financement des aides personnelles (1)
(en milliards de francs)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
19,4 |
28,4 |
27,5 |
29,9 |
32,1 |
32,4 |
33,2 |
34,6 |
34,3 |
35,0 |
(1) dotations inscrites en LFI et LFR
Source : Secrétariat d'Etat au logement.
Exemples d'effet de la réforme (au 1 er janvier 2002)
1°) Une personne est employée à mi-temps avec un revenu égal à ½ SMIC (2.705 francs nets mensuels). Elle paie un loyer de 1.700 francs et 400 francs de charges en région parisienne. Son aide évoluera comme suit :
- dans le parc privé
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
ALS mensuelle |
1.088 F |
1.490 F (+ 302 F) |
Taux d'effort |
37 % |
23 % |
- en HLM
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
APL mensuelle |
1.280 F |
1.490 F (+ 210 F) |
Taux d'effort |
30 % |
23 % |
2°) Un jeune ménage avec un enfant a un seul salaire de 7.000 francs nets mensuels. Il vit dans une grande ville de province avec un loyer de 2.300 francs et 500 francs de charges. Son aide évoluera comme suit :
- dans le parc privé
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
ALF mensuelle |
809 F |
1.004 F (+ 195 F) |
Taux d'effort |
28 % |
25 % |
- en HLM
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
APL mensuelle |
860 F |
1.004 F (+ 144 F) |
Taux d'effort |
28 % |
25 % |
3°) Un ménage avec deux enfants a un seul salaire de 8.000 francs nets mensuels. Il vit dans une grande ville de province avec un loyer de 2.500 francs et 600 francs de charges. Son aide évoluera comme suit :
- dans le parc privé
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
ALF mensuelle |
913 F |
1.170 F (+ 257 F) |
Taux d'effort |
27 % |
24 % |
- en HLM
Aide actuelle |
Avec la réforme |
|
APL mensuelle |
1.031 F |
1.170 F (+ 139 F) |
Taux d'effort |
26 % |
24 % |
(Source : Secrétariat d'Etat au logement)
2. Les limites de la réforme des aides au logement
Le Gouvernement s'est employé à réaliser cette réforme " par le haut ", c'est-à-dire par une augmentation de l'enveloppe globale. Cela n'a été rendu possible que par la croissance économique qui, à travers la baisse du chômage et la hausse des salaires qu'elle induit, réduit les besoins d'aide des ménages modestes et accroît les ressources affectées par les employeurs au financement des aides personnelles au logement.
Compte tenu de ses appels répétés à une " remise en ordre " des aides logement les années précédentes, votre commission ne peut que saluer la réforme des aides à la personne engagée par le Gouvernement.
Cette réforme ne répond cependant qu'imparfaitement aux enjeux puisqu'elle concerne essentiellement les barèmes qui seront regroupés en un barème unique et les modalités de prise en compte des revenus de référence.
La réforme proposée n'apporte pas, par exemple, de réponse à la question de l'ALS aux étudiants. La distinction introduite en 1999 entre étudiants boursiers et non boursiers dans le plancher applicable, apparaît insuffisante compte tenu du fait qu'elle pénalise des étudiants non boursiers issus de ménages modestes.
On remarque également que le coût de la réforme à terme est loin d'être maîtrisé. Un retournement de la conjoncture pourrait en effet faire " s'envoler " le besoin de financement des aides personnelles au logement.
Si, en 2000, la contribution de l'Etat au financement a diminué de 283 millions de francs pour atteindre 34,3 milliards de francs, on observe une hausse en 2001 qui contraste avec la conjoncture qui aurait dû permettre une maîtrise plus visible des dépenses. En agissant ainsi, le Gouvernement obère les marges de manoeuvres budgétaires de ses successeurs lors d'un éventuel retournement de conjoncture.
On peut regretter par ailleurs que la réforme se limite au seul secteur locatif alors que le régime des aides à l'accession demandait également à être simplifié et modifié afin de promouvoir davantage l'accession sociale à la propriété.
Pour ce qui est du secteur locatif, cette réforme laisse insatisfaites des demandes importantes des HLM et des associations familiales. Les nouveaux loyers plafonds sont ceux de l'APL ; le problème de l'écart entre le loyer effectif et le loyer pris en compte reste donc entier. Ce problème concerne principalement les ménages modestes dans le secteur conventionné et toutes les catégories de famille dans le secteur libre.
Par ailleurs, le forfait de charge reste inchangé par rapport aux barèmes antérieurs (300 francs pour un couple auxquels s'ajoutent 66 francs par personne à charge). Cela pose un double problème :
- le niveau du forfait est insuffisant pour un logement de taille moyenne. On peut rappeler que l'observatoire des charges de l'Union nationale HLM donne des valeurs de l'ordre de 10 francs/m2 en 1998, soit 650 francs pour un trois pièces occupé par un couple avec un enfant, à comparer à un forfait de 366 francs ;
- l'actualisation du forfait semble n'obéir à aucune règle précise. Votre rapporteur pour avis remarque qu'il serait souhaitable d'adopter le principe d'une actualisation sur un panier de charges représentatif, constitué par exemple à partir de sous-indices de l'indice des prix à la consommation. Cette disposition permettrait de ne pas aggraver le décalage entre forfait et charges réelles.
* 2 Rapport pour avis n°93 du Sénat (1999-2000) présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2000, tome VIII, logement social, M. Jacques Bimbenet, rapporteur, pp. 42 et suivantes.