II. QUELLES ORIENTATIONS POUR LA POLITIQUE DE RECHERCHE ?
A. POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
Depuis plusieurs années, le Sénat a insisté sur le caractère fondamental pour notre pays de la recherche sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui doivent lui permettre d'entrer dans la société de l'information. Aussi peut-on se féliciter de voir le gouvernement se rallier à cette analyse, et la compter au nombre de ses priorités. Il apparaît toutefois utile, dorénavant, de ne plus se focaliser exclusivement sur ces recherches proprement dites, mais de développer une approche plus transversale sur les conséquences qu'auront les applications de ces technologies.
1. Une priorité régulièrement défendue par le Sénat
Depuis
longtemps déjà, les travaux du Sénat et de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
insistent sur le fait que, dans les années à venir, la croissance
économique de la France dépendra du succès de son
entrée dans la société de l'information. Il ne s'agit pas,
bien entendu, d'affirmer que ce domaine est le seul à mériter un
effort de recherche : les recherches dans le domaine des biotechnologies,
de la santé, de l'environnement et de l'énergie, qui figurent
également parmi les priorités affichées par le
ministère sont importantes et à juste titre distinguées.
Mais le secteur de l'informatique et de la communication, par son
caractère transversal, recouvre tous les autres et les progrès y
sont à la fois fulgurants et déterminants pour l'avenir.
C'est pourquoi, il importe que notre pays ne soit pas réduit au statut
de consommateur de nouvelles technologies, mais qu'il participe, en tant
qu'acteur, à la croissance industrielle qui découlera de la
société de l'information.
Votre rapporteur insiste depuis longtemps sur le fait que la maîtrise de
ces technologies constitue désormais un enjeu stratégique majeur.
Elle déterminera, en effet, pour une large part la
compétitivité des économies, la qualité des
réseaux de communication, l'efficacité administrative et donc
l'attractivité du territoire national pour les investisseurs
étrangers. Il s'agit donc de déjouer un risque de sujétion
non seulement économique mais également scientifique et
culturelle.
Il a toujours insisté sur le potentiel que représente ce secteur
comme moteur de la croissance et source de création d'emplois.
Aussi s'était-il félicité en particulier de l'adoption,
par le conseil européen qui s'est tenu à Lisbonne les 23 et 24
mars 2000, d'une déclaration qui fixe à l'Union l'ambition de
devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive, et
incite à ce titre à promouvoir le développement des
technologies de l'information et des réseaux de
télécommunications les plus modernes.
2. Une priorité transcrite dans le projet de budget pour 2002
Le
conseil interministériel pour la société de l'information
qui s'est tenu le 10 juillet 2000 a reconnu le caractère
stratégique des sciences et technologies de l'information, et a
décidé un effort important pour favoriser la recherche en ce
domaine. Il a annoncé, en particulier, son intention d'augmenter de
25 % en cinq ans les effectifs de la recherche publique qui leur sont
consacrés, et sa décision d'augmenter de 50 % dès
2001 les crédits que leur consacre le fonds national de la science et le
fonds de recherche technologique.
Certaines de ces annonces trouvent une traduction dans le projet de budget pour
2002.
a) Le renforcement des moyens et des effectifs de l'INRIA
L'institut national de recherche en informatique et en
automatique
(INRIA) est au coeur du dispositif de recherche publique français dans
le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Il a pris, au sein de la communauté internationale une place de
choix : son excellence scientifique, son rayonnement et le dynamisme de sa
politique de transfert de technologies sont unanimement reconnus et
appréciés.
Disposant en 2001 de 882 emplois budgétaires, dont 406 postes de
chercheurs, l'INRIA accueille dans ses unités environ 2 400
personnes grâce à une politique active de partenariat
développée avec de nombreux organismes de recherche, en France et
à l'étranger.
La recherche est organisée en groupes de petite taille, appelés
« projets de recherche », qui présentent une forte
unité thématique et disposent d'une grande autonomie. Ces projets
sont évalués tous les quatre ans, et leur rythme de
renouvellement est très élevé. Il en résulte un
renouvellement des responsables de projets de recherche qui favorise
l'autonomie des jeunes chercheurs. Plus de la moitié de ces projets sont
communs avec d'autres établissements.
La
stratégie de développement
de l'INRIA repose sur trois
convictions fondamentales :
1) « le cercle vertueux » qui relie la recherche de base et
les applications impose de raccourcir les délais de transferts de
technologie ;
2) il existe des synergies très profondes entre l'informatique, les
mathématiques appliquées et les autres sciences (sciences
physiques, sciences du vivant, sciences économiques et sociales) ;
3) les partenariats et les échanges, au niveau national et
international, sont d'une importance capitale.
Le
contrat quadriennal
passé entre l'Etat et l'INRIA,
signé le 18 juillet dernier, formalise leurs engagements respectifs
pour la période 2000-2003. Il prévoit que les
effectifs
de
l'INRIA seront portés de 755 à 1 180 personnes d'ici
2003, et que les
crédits
accordés à l'Institut lui
permettront d'accompagner l'augmentation de ses effectifs.
En contrepartie de l'effort consenti par l'Etat, l'INRIA s'est engagé
à réaliser
cinq objectifs
définis avec
précision :
• Contribuer au meilleur niveau mondial à la
résolution
des grands défis scientifiques
dans le domaine des sciences et
technologies de l'information et de la communication, mais également
dans les secteurs où il joue un rôle clé, comme les
sciences du vivant, avec la bio informatique ;
• Obtenir des
succès de renom international en matière de
transfert technologique
, que ce soit par la valorisation des
résultats de recherche en milieu industriel, par la création de
sociétés de technologie, ou par la diffusion de logiciels, en
renforçant notamment ses partenariats avec le monde industriel, son
implication dans les incubateurs et les fonds d'amorçage, ou dans les
centres nationaux de recherche technologique (CNRT) proches de ses
thématiques de recherche, récemment créés ;
• Amplifier son
effet d'entraînement et renforcer notablement ses
partenariats
pour favoriser la réussite de l'ensemble du dispositif
national de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine des
sciences et technologies de l'information et de la communication ; doubler
ses partenariats au sein de projets communs de recherche, tripler le nombre de
ses projets de recherche localisés en dehors de ses unités de
recherche ;
• Accroître son
rayonnement international
et contribuer
à renforcer la communauté scientifique européenne dans le
domaine des sciences ;
• Mettre en place une
politique de ressources humaines dynamique
,
améliorer le fonctionnement interne de l'Institut et renforcer son
attractivité.
L'INRIA développe en outre une politique de
transferts vers
l'industrie
particulièrement active. Ceux-ci peuvent prendre quatre
formes principales :
- des
associations avec des partenaires régionaux
, en particulier
des entreprises de technologie -principalement des PME- permettant
d'échanger des informations, de détecter en amont et
d'approfondir les besoins en recherche des entreprises et de leur offrir des
services ;
- des coopérations bilatérales et ponctuelles sous forme de
contrats de recherche ou d'expertise
, parfois intégrés
dans des accords de partenariat définissant sur une base pluriannuelle
les relations avec les grands groupes ;
- des
« actions de développement »
,
opérations finalisées à coût partagé
constituées pour trois à cinq ans en association avec des grands
acteurs ou usagers des STIC ; parmi celles-ci, la plus visible au plan
international est le pilotage par l'INRIA, aux côtés du MIT aux
Etats-Unis et de l'université Keio au Japon, du consortium W3C qui
regroupe plus de 500 organisations dans le monde et a pour but, en
développant des spécifications ou des logiciels de
référence, de préserver l'interopérabilité
des produits et des services du web ;
-
l'essaimage
: plus de 50 sociétés de technologie,
rassemblant au total près de 1 500 salariés, ont
été créées à partir de l'INRIA ;
l'Institut s'est doté en 1998 d'une filiale, INRIA-Transfert, dont la
vocation est de favoriser, notamment sur le plan du financement initial (fonds
d'amorçage), la création d'entreprises à fort contenu
technologique dans le secteur des STIC.
b) Le rôle joué par les réseaux de recherche et d'innovation technologique
Les
réseaux de recherche et d'innovation technologiques (RRIT) en
technologies de l'information et de la communication sont un instrument
essentiel des actions menées par le ministère de la recherche en
ce domaine.
Quatre réseaux portant sur les technologies de l'information et de la
communication ont été mis en place :
• Le réseau national de recherche en
télécommunications (RNRT)
a été
créé en 1998 et a lancé en 2001 son cinquième appel
à proposition. Les orientations prioritaires qui lui sont fixées
pour 2001 portent autour de la notion d'environnement privé. Son budget
prévisionnel qui s'est élevé à 12,96 millions
d'euros (85 millions de francs) contre (8,74 millions d'euros)
57,3 millions de francs attribués en 2000 a été
entièrement affecté. L'analyse des aides 2000 montre que
32 % des fonds ont été attribués à des
laboratoires publics, 35 % à de grands groupes et 33 %
à des PME dont la part est en forte augmentation ;
•
Le réseau micro et nano-technologies (RMNT)
a
été créé en 1999 et sa logistique est
assurée par le CEA-LETI. Aucun thème particulier n'est mis en
position prioritaire, parmi les domaines couverts par le réseau, mais
l'analyse des projets en cours montre que les secteurs
privilégiés sont la micro-électronique,
l'optoélectronique et les microcomposants.
• Le réseau national en technologies du logiciel
(RNTL) a
été lancé en 2000 et son deuxième appel à
proposition en 2001 a mis l'accent sur la recherche sur les logiciels libres.
Son budget qui est passé de 10,2 millions d'euros (67 millions
de francs) en 2000 à 12,96 millions d'euros (85 millions de francs) en
2001, est totalement affecté. L'analyse des financements montre une
répartition de 45 % pour les laboratoires publics et de 55 %
pour les industriels.
• Le réseau de recherche et d'innovation sur l'audiovisuel et le
multimédia (
RIAM) a été créé le 21
février 2001 pour amener une composante « contenu »
et « création » dans le dispositif global.
3. La nécessité d'une réflexion sur les usages des nouvelles technologies
Les
nouvelles technologies vont provoquer, dans tous les domaines du fonctionnement
de nos sociétés, des bouleversements dont nous ne pouvons pas
encore mesurer toute l'importance.
Celles-ci influenceront les sciences de l'organisation, car l'internet oblige
à repenser les structures hiérarchiques en privilégiant le
développement des structures du réseau. Elles affecteront les
sciences de l'éducation, en facilitant le recours au
télé-enseignement, et auront des conséquences
révolutionnaires sur les politiques éducatives qui pourront
être réalisées, par exemple, en direction du pays du Sud,
ou au sein de l'espace francophone. Leur apport peut également
être considérable en matière de biologie. Le programme du
génome humain supposera la constitution de mégabanques de
données, bien sûr, mais aussi les neurosciences qui peuvent,
elles, apporter des contributions aux structures des ordinateurs du futur et
réciproquement. Les géographes devraient être
particulièrement concernés par les conséquences
prévisibles du développement du télétravail sur
l'aménagement du territoire. Les sciences et technologies de
l'information devraient, bien sûr, également intéresser les
psychologues, les sociologues et les spécialistes de la cognitique.
La création, le 5 octobre 2000, d'un
nouveau département au
sein du CNRS
qui a vocation à regrouper différentes
équipes travaillant en matière de sciences et de technologies de
l'information constitue une première réponse à ce besoin
fondamental. De par son caractère pluridisciplinaire, le CNRS
paraît en effet l'organisme le mieux adapté à ce type de
recherches transversales par nature.
Toutefois, ce type de recherche qui doit constituer aujourd'hui, un axe de
recherches prioritaires doit concerner aussi les autres acteurs de la recherche.
Il est significatif, à cet égard, que
l'INRIA
dont le
domaine de compétences est relativement ciblé sur le plan
disciplinaire, s'attache également aux relations que ces technologies
entretiennent avec les autres sciences, avec un effort particulier en direction
des sciences du vivant : bio-informatique, neurosciences, technologies
médicales, modélisation des éco-systèmes, ...
Le
réseau national de recherche en
télécommunications
, a d'ailleurs également
lancé à la fin 2000 un appel à proposition
spécifique sur les usages de ces technologies en coopération avec
les sciences humaines et sociales : 18 projets ont été
proposés, et cinq labellisés en mars 2001 pour un montant de
0,46 million d'euros (3 millions de francs).
Ces efforts doivent être poursuivis et accentués à
l'avenir.
B. LA RECHERCHE EN SCIENCES DU VIVANT
Le
projet de budget pour 2002 renforce les moyens alloués aux sciences du
vivant, à travers l'augmentation du budget de l'INSERM qui
bénéficie de 80 créations d'emplois et de crédits
en hausse de 3,6 % ; de celle du budget de l'INRA qui
bénéficie de 100 créations d'emplois, et de l'enveloppe du
Fonds national de la science (FNS).
Un effort particulier a été réalisé dans le domaine
de l'étude du génome humain, grâce aux infrastructures
lourdes mises en place à Evry : Centre national de
séquençage (CNS), Centre national de génotypage (CNG),
Centre de développement bio-informatique (Infobiogen) qui sont
subventionnés par le programme Génomique, doté de
68,60 millions d'euros (450 millions de francs) en 2001.
Le réseau de recherche technologique
« Génoplante », créé en 1998, associe
quatre établissements publics (l'INRA, le CNRS, le CIRAD et l'IRD) et
trois structures industrielles regroupant les entreprises semencières
nationales.
Les programmes couvrent un champ allant des ressources génétiques
à l'analyse génomique des espèces végétales.
Les recherches sur les maladies infectieuses font également l'objet d'un
renforcement de leurs moyens. Le budget du fonds national de la science pour
l'étude des maladies à prion, doté initialement de 3
millions d'euros (20 millions de francs) a été abondé
par 21,4 millions d'euros (140 millions de francs) supplémentaires
par la loi de finances pour 2001.
C. LA RECHERCHE EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
Les recherches portant sur l'environnement occupent une place croissante dans les moyens du ministère de la recherche ; elles disposeront en 2002 de 1 445 millions d'euros (10 milliards de francs) et représentent le deuxième poste du BCRD .
1. La nouvelle problématique de la sécurité environnementale
Celles-ci s'organisent autour de
trois grandes
problématiques
, qui ont été définies lors de la
conférence de Rio et qui correspondent à l'émergence d'une
nouvelle exigence en matière de sécurité
environnementale :
- les changements planétaires (effet de serre, évolutions
climatiques) ;
- la biodiversité et la gestion des ressources renouvelables ;
- le cadre de vie et les relations environnement-santé.
2. Un dispositif de recherche éclaté
Le
potentiel de recherche sur l'environnement est réparti entre les
établissements publics, les universités et les grandes
écoles. Aucun d'entre eux, toutefois, ne couvre l'ensemble de ce
champ :
- les aspects liés à l'agriculture relèvent de l'INRA, du
CIRAD et de CEMAGREF ;
- les zones littorales, océaniques, les questions relatives au climat et
à l'atmosphère relèvent principalement du CNRS, de
l'IFREMER, de l'IRD du CNES et de Météo France ;
- les questions urbaines et sociologiques relèvent notamment du CNRS, du
BRGM et du LCPC ;
En outre, les ministères techniques jouent également un
rôle important d'animation et d'orientation. Pour remédier
à l'éclatement de ce dispositif, le ministère de la
recherche a institué un
conseil de la recherche sur le changement
climatique et le développement durable
chargé de la
réflexion prospective, de l'analyse stratégique et de la
coordination des programmes.
3. Les actions du ministère de la recherche
Les
actions propres du ministère de la recherche se partagent entre les
actions concertées incitatives et les réseaux de recherche et
d'innovation technologiques.
Les
actions concertées incitatives
du domaine de l'environnement
s'intitulent :
- eau et environnement (0,76 million d'euros ; 4,99 millions de
francs) ;
- écologie quantitative (1,37 million d'euros ;
8,99 millions de francs) ;
- prévention des catastrophes naturelles (1,37 million
d'euros ; 8,99 millions de francs) ;
- action planète-océan-atmosphère (0,6 million
d'euros ; 3,94 millions de francs) ;
- observation de la terre (0,6 million d'euros ; 3,94 millions
de francs).
Les
réseaux de recherche et d'innovation technologiques
portant
sur ce même secteur sont :
- le réseau « terre et espace » (4,5 millions
d'euros par an) ;
- le réseau « Eau et technologie de
l'environnement » (5,5 millions d'euros par an);
- le réseau « Pollutions marines accidentelles » (3
millions d'euros par an).
Le soutien apporté par le ministère aux projets EUREKA, ou les
actions conduites par l'ADEME sont également susceptibles de se
rattacher à ce domaine de recherche.
4. La nécessité de renforcer et d'élargir l'étude des risques.
Les
recherches en matière d'environnement, qui tournent autour de la notion
de sécurité environnementale, témoignent de
la prise de
conscience
,
par nos sociétés, de la place centrale que
doit occuper l'évaluation des risques et de leurs
conséquences
.
La question de l'évaluation de ces risques est déjà
devenue un élément clef dans l'approche de la
sécurité environnementale. Elle ne doit pas cependant se limiter
au seul impact environnemental, mais s'étendre aux domaines les plus
variés : qu'il s'agisse de l'étude des risques sociaux,
politiques, épidémiologiques.
Cette étude, transversale par nature, doit naturellement
s'intégrer au champ de réflexion de la plupart des chercheurs.
D. LE SOUTIEN AUX TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE ET AUX ENTREPRISES INNOVANTES
Le
soutien aux transferts de technologie et aux entreprises innovantes est un des
axes de la politique de recherche en faveur duquel la commission des affaires
culturelles du Sénat s'est le plus régulièrement
engagée depuis plusieurs années.
Elle a d'ailleurs largement contribué à l'élaboration puis
à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la
recherche, qui a rencontré un puissant appui au Sénat.
Aussi votre rapporteur se félicite-t-il des dispositions
financières et fiscales prises en faveur de la création
d'entreprises innovantes, même s'il estime que les dispositifs actuels
doivent encore être améliorés et étendus.
1. L'application de la loi sur l'innovation et de recherche
La loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999 a pour objet d'encourager les organismes de recherche et les universités à valoriser les résultats de leur recherche, et de permettre aux chercheurs et aux étudiants chercheurs de participer à la création d'une entreprise qui valorise leurs recherches.
a) La valorisation des résultats de la recherche publique
La loi
du 12 juillet 1999 encourage les organismes de recherche et les
universités à valoriser les résultats de leur recherche
grâce à trois séries de dispositions :
- des dispositions qui les autorisent à assurer, par convention, des
prestations de services, à exploiter des brevets et licences, à
commercialiser les produits de leur activité, et pour les
établissements publics à caractère scientifique et
technique, à gérer des contrats de recherche ;
- des dispositions qui les autorisent, par convention et pour une durée
limitée, à fournir à des entreprises ou à des
personnes physiques, des moyens de fonctionnement, et notamment des locaux, des
équipements et des matériels ; bref à créer
des
« incubateurs ».
- des dispositions qui précisent que l'ensemble de ces activités
peuvent être gérées par des
services d'activités
industrielles et commerciales (SAIC).
Si le décret précisant les modalités de création
des incubateurs a été publié dès le mois de
septembre 2000, les textes précisant le régime financier et
comptable des SAIC et les conditions dans lesquelles ils pourront recruter des
agents non titulaires sur des contrats de droit public à durée
indéterminée, ne sont toujours pas sortis. Ce retard inacceptable
entrave le fonctionnement des incubateurs.
En effet, le transfert de technologie, et le passage de l'idée innovante
au projet d'entreprise et à son financement sont des activités de
nature industrielle qui ne souffrent pas l'improvisation, que ces
activités aient trait à la politique de propriété
industrielle, à la rédaction des brevets et des contrats de
licence, à la levée des fonds, ou encore à la
commercialisation des activités, qui nécessitent une approche
très professionnelle.
Compte tenu du caractère interministériel de la rédaction
de ces décrets d'application, le ministère de la recherche ne
peut être tenu pour responsable de ce retard qui incombe plutôt au
gouvernement.
b) L'encouragement à la mobilité et à la création d'entreprises
La loi
n° 99-587 du 12 juillet 1999 a prévu trois séries de
dispositions pour développer les liens entre les chercheurs et les
entreprises qui valorisent leurs recherches. Ces dispositions sont contenues
dans les articles nouveaux 25-1, 25-2 et 25-3 insérés par la loi
de 1999 dans le dispositif de la loi n° 82-610 rectifiée du 15
juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le
développement technologique.
L'article 25-1 autorise les personnels de recherche à participer
à titre personnel, en qualité d'associé ou de dirigeant,
à la création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer la
valorisation de leurs travaux de recherche ;
L'article 25-2 autorise ces mêmes personnels de recherche à
apporter leur concours scientifique, pendant une période de cinq ans
renouvelable, à une entreprise qui assure la valorisation de leurs
travaux de recherche ;
L'article 25-3 autorise ces personnels de recherche à être,
à titre personnel, membres du conseil d'administration ou du conseil de
surveillance d'une société anonyme afin de favoriser la diffusion
des résultats de la recherche publique.
Une circulaire en date du 7 octobre 1999 est intervenue rapidement pour
préciser les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions. Les
décrets relatifs aux plafonds de rémunérations des
chercheurs participant à des actions de transfert de technologies, ont
été pris dans l'année.
Il reste cependant, dans un souci de cohérence juridique, à
inscrire dans les statuts des différents personnels concernés,
les droits que leur reconnaît la loi sur l'innovation et la recherche.
Le premier bilan que l'on peut tirer de ces dispositions est encourageant
puisque, entre le 2 décembre 1999 et le 22 février 2001, la
commission de déontologie chargée d'examiner les demandes, a
reçu 130 dossiers, dont 111 ont, au 1
er
mars 2001 obtenu un
avis favorable.
2. Le soutien apporté à la création d'entreprises innovantes
Ces dispositions législatives sont complétées par des mesures financières destinées à favoriser la création d'entreprises innovantes.
a) L'appel à projet « incubation et capital amorçage des entreprises technologiques ».
Le
ministère de l'éducation nationale, de la recherche de la
technologie et le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie ont lancé en mars 1999 un appel à projets
« Incubation et capital-amorçage des entreprises
technologiques » à destination des établissements
d'enseignement supérieur, des organismes de recherche, des
professionnels de l'accompagnement des entreprises et des professionnels du
capital-risque afin d'encourager la création d'entreprises
technologiques innovantes susceptibles de valoriser le potentiel de recherche
des laboratoires publics.
Dans sa partie
« incubation »
l'appel à
projets vise à susciter la mise en place de nouvelles structures
d'incubation émanant d'établissements d'enseignement
supérieur ou de recherche. Le soutien du ministère s'est
dirigé vers des projets nouveaux organisés en partenariat entre
plusieurs établissements et bénéficiant du concours des
collectivités locales.
Le volet
« amorçage »
vise à apporter
aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche une
avance en capital qui leur permettra de constituer, avec des partenaires
publics et privés, des fonds destinés à investir dans des
entreprises en création.
L'appel à projets était initialement doté de
100 millions de francs (15,25 millions d'euros) pour le volet
« incubateurs » et de 100 millions de francs
(15,25 millions d'euros), mais compte tenu du nombre de projets
présentés, ces enveloppes financières ont
été portées respectivement à 161 millions de
francs (24,5 millions d'euros) et à 150 millions de francs
(22,86 millions d'euros).
En avril 2001, 31 incubateurs avaient été
sélectionnés, soit au minimum un par région
métropolitaine avec l'objectif d'accueillir, sur trois ans, 900 porteurs
de projets de création d'entreprises innovantes, soit un potentiel de
750 créations effectives.
A la même date, les 10 fonds d'amorçage sélectionnés
-3 fonds nationaux thématique et 7 fonds régionaux-
représentaient un montant cible d'environ 887,8 millions de francs
(135,35 millions d'euros), l'engagement de l'Etat représentant
81 % de l'enveloppe budgétaire.
L'investissement moyen d'un fonds d'amorçage national thématique
est de 6,5 millions de francs (1 million d'euros) et celui d'un fonds
d'amorçage régional peut atteindre 2 millions de francs
(0,30 million d'euros).
b) Le concours national d'aide à la création d'entreprises innovantes
Lancé en 1999, le concours national d'aide à la
création d'entreprises innovantes a connu, en 2001, sa troisième
édition.
Son budget a été fortement renforcé : de
100 millions de francs (15,25 millions d'euros) en 1999, il a
été relevé à 200 millions de francs
(30,50 millions d'euros) en 2000 et 2001.
Il a permis de sélectionner 778 lauréats sur trois ans dont
462 sur des projets en émergence, et 316 en
« création-développement », permettant, au
total, la création de 280 entreprises.
c) Le rôle de l'ANVAR : un soutien essentiel dont les modalités sont à redéfinir.
Le
développement des entreprises innovantes et le renforcement de leurs
investissements, phénomènes encore récents, sont dus, dans
une bonne mesure, à l'appui qu'elles reçoivent de l'ANVAR. Or ces
aides prennent le plus souvent, la forme d'avances remboursables.
C'est ainsi qu'en 2000, son soutien s'est élevé à
217,8 millions d'euros (1 425 millions de francs)
répartis entre 3 240 projets.
Ces montants sont appréciables, mais cette forme d'intervention n'est
pas nécessairement la plus satisfaisante.
Comme tout responsable adapte son comportement aux critères suivant
lesquels il sera jugé, cette forme d'intervention pourrait conduire les
délégués régionaux de l'ANVAR à se focaliser
trop exclusivement sur les seuls taux de réussite et d'échec,
sans prendre en compte les très grandes réussites. Or, celles-ci
peuvent se traduire par une envolée de la valorisation au centuple de la
mise initiale mais sont au départ plus risquées.
Pour cette raison, il conviendrait que l'ANVAR puisse participer aussi -de
façon modeste mais efficace- à la phase la plus délicate
du capital risque, la phase de l'amorçage. Une intervention sous la
forme, non plus d'avance remboursable, mais de participation au capital serait
plus adaptée à des interventions dans des secteurs à la
fois plus risqués et plus rentables en cas de réussite.
d) Les fonds publics pour le capital risque
Pour
renforcer l'offre de capitaux à risque, encore insuffisante en France,
deux fonds ont été créés et confiés à
la caisse des dépôts et consignations.
Le
« Fonds public pour le capital risque »
(FPCR)
est abondé par l'Etat, par la caisse des dépôts, et par la
banque européenne d'investissement (BEI) à hauteur de
45,7 millions d'euros (300 millions de francs) chacun. Il a pour
objectif d'investir dans des fonds de capital risque privés en
exerçant un effet de levier. Au premier semestre 2001, l'engagement
total du fonds se situait à environ 123,5 millions d'euros
(810 millions de francs) sur un montant de 137,9 millions d'euros
(905 millions de francs). Il privilégie des sociétés
liées aux secteurs des biotechnologies et des technologies de
l'information et de la communication.
Au dixième fonds public, le
« Fonds de promotion pour le
capital risque »
répondant aux mêmes objectifs et
d'un montant global de 150 millions d'euros (984 millions de francs)
devrait être prochainement créé.
3. La percée d'une fiscalité favorable
a) Le crédit d'impôt recherche
Le
crédit d'impôt recherche est une mesure fiscale d'ordre
général, créée en 1983 et qui est en application
jusqu'en 2003.
Elle consiste en l'attribution d'un allégement fiscal, qui est de droit,
et fonctionne, pour les entreprises qui en sont les
bénéficiaires, comme un apport de trésorerie.
En 2000, 6 623 entreprises ont souscrit une déclaration de
crédit d'impôt au titre de l'année 1999. Parmi celles-ci,
3 271 ont déclaré un crédit positif pour un montant
de 3 350 millions de francs (510 millions d'euros). Il est
à noter que cette mesure profite particulièrement aux PME. Les
entreprises de moins de 200 millions de francs de chiffre d'affaires
réalisent en effet 15 % des dépenses globales de recherche
et développement, mais obtiennent 35 % des crédits
d'impôts consentis au niveau national. Les entreprises de plus de
500 millions de francs de chiffres d'affaires, qui totalisent 77,5 %
des frais de recherche, ne bénéficient, en revanche, que de
55 % du crédit d'impôt.
b) La fiscalité du capital risque
Les
souscriptions de parts de fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI),
effectués par les particulier depuis le 1
er
janvier 1997,
donnent droit à une réduction d'impôt de 25 % du
montant investi. Le projet de loi de finances pour 2002 propose de relever le
plafond de cette réduction d'impôt de 75 000 francs
(11 433 euros) à 78 714,80 francs
(12 000 euros) pour les célibataires, et de
150 000 francs (22 870 euros) à
157 430 francs (24 000 euros) pour les couples.
De plus, les fonds communs de placement dans l'innovation étant des
fonds communs de placement à risques, les personnes physiques peuvent,
sous certaines conditions, être exonérées d'impôt sur
le revenu pour les sommes auxquelles ces parts donnent droit.
c) Les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE)
Ces
bons, créés par la loi de finances pour 1998, permettent à
de jeunes entreprises de moins de quinze ans, d'attirer des salariés en
les intéressant à leur croissance. Le régime fiscal et
social qui s'attache aux plus-values réalisées grâce
à ces bons, est justifié par le fait que ces salariés
prennent un risque en allant travailler dans des entreprises encore fragiles et
qui ne peuvent leur offrir la rémunération auxquelles ils
pourraient prétendre dans des sociétés plus mûres.
Ces bons sont réservés aux entreprises françaises
passibles de l'impôt sur les sociétés, non cotées ou
dont les titres sont cotés sur le nouveau marché, ou sur un
marché similaire de l'espace européen, qui sont détenues
de manière continue, pour au moins 25 % de leur capital par des
personnes physiques, ou par des personnes morales elles-mêmes
détenues par des personnes physiques.
Ce dispositif ouvre des perspectives intéressantes, mais est encore trop
étroit. Il conviendrait de le compléter par un nouveau
système de stock-options, plus transparent, qui pourrait consister en
distribution d'actions s'adressant à la majorité des
salariés d'une entreprise.
Il pourrait également être envisagé de permettre aux
créateurs d'entreprises de mettre plus de 25 % de leurs actions
propres dans les plans d'épargne en action.
E. LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Le recul
de la culture scientifique et technique dans notre pays est préoccupant
pour la recherche et pour le débat public. Il est préoccupant
pour la recherche car il s'accompagne d'une certaine désaffection des
jeunes pour les études et les filières scientifiques. Il est
préoccupant pour le débat public car la démocratie suppose
une bonne appréhension des savoirs nécessaires à notre
temps.
Le ministère indique que les
moyens prévus en 2002 pour des
actions comme la fête de la science
, ou l'animation d'ateliers
scientifiques en milieu scolaire, s'élèvent à 2,35
millions d'euros (15 millions de francs) ; 4,4 millions d'euros (29
millions de francs) sont en outre consacrés au soutien des centres de
culture scientifique et technique implantés en région.
Ces montants paraissent cependant dérisoires si on les rapproche des
dépenses qui sont consacrées à la Cité des sciences
et de l'Industrie de la Villette, au Muséum national d'Histoire
naturelle, ou encore au Palais de la Découverte, qui sont tous les
trois, pour l'essentiel implantés à Paris.
Un comité interministériel devrait imposer la
décentralisation d'une partie de ces organismes -à l'instar de ce
qui a été commencé au Muséum national d'histoire
naturelle. Il faut en effet aider fortement à la naissance de sites en
province, notamment auprès des technopoles les plus dynamiques, qui
peuvent constituer des réservoirs de compétences pour les faire
vivre. Une partie des crédits du FRT -et de la DATAR- devrait être
mobilisée à cet effet.
Sans culture scientifique et technique démocratisée il n'y aura
pas de vocations scientifiques chez les jeunes ; l'action actuelle de
centres de culture scientifique et technique n'est pas à la hauteur des
besoins et leur localisation dans les grandes métropoles
régionales est parfois inadaptée dans la mesure où ils ne
diffusent rien hors de leur localisation.
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* *
Je
terminerai par deux propositions.
La première est de rechercher une répartition des
responsabilités plus claire en matière de financement public de
la recherche :
- à l'échelon européen, la réalisation des
grands programmes, le financement de grands équipements transnationaux,
et l'incitation à une mobilité internationale des
chercheurs ;
- à l'échelon de l'Etat, une politique de recherche
appuyée sur des moyens plus importants que ceux dont il dispose
aujourd'hui ;
- enfin, aux régions, départements et communautés
d'agglomération ou communautés urbaines, l'appui donné aux
centres d'excellence et aux technopoles, adossé au soutien de l'Etat.
Les collectivités territoriales françaises seraient heureuses
d'avoir, à l'image des Länder allemands, de plus gros moyens pour
intervenir, de façon efficace, dans des domaines vitaux pour leur avenir.
La seconde est d'inciter les pouvoirs publics à mieux prendre en compte
un axe de recherche transversal dont l'importance ne me semble pas avoir
été encore appréciée à sa juste dimension.
Je veux parler de la
gestion des risques
qui est au coeur de la
fragilité de nos sociétés modernes. Il ne me semble plus
possible de se contenter de les envisager a posteriori, à travers des
plans ORSEC ; il faut envisager leur étude systématique, en
amont, avec des équipes de recherche pluridisciplinaires, et en y
associant des gens de terrain et les professionnels concernés, notamment
les compagnies d'assurance, en s'appuyant sur les moyens des Fonds de la
recherche technologique (FRT).
En conclusion, le projet de budget de la recherche pour 2002 n'est pas
dépourvu de mérites :
- il confirme une clarification des priorités de la recherche
salutaire ;
- il amorce une politique de l'emploi scientifique qui est indispensable
dans le contexte démographique actuel, caractérisé par
l'imminence de nombreux départs en retraite de chercheurs ;
Mais il présente aussi des insuffisances qui tiennent à la
fois :
- à la faible progression de ses crédits qui ne permet
même pas le maintien, hors inflation, de ses moyens ;
- et à l'absence de véritable politique de diffusion de la
culture scientifique alors que la démocratisation du savoir est un des
enjeux de l'avenir.
Pour ces raisons, je vous proposerai de vous en remettre à la sagesse du
Sénat, dans l'attente des réponses que le ministre voudra bien
donner à nos interrogations.
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