II. LA POURSUITE DE LA LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES
Pendant l'année 2000, la DGCCRF a poursuivi sa mission de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, que ce soit en matière d'ententes ou d'abus de position dominante, mais aussi sa politique d'information et d'avertissement des opérateurs afin de les convaincre du caractère nuisible de leurs comportements anticoncurrentiels pour le consommateur et l'économie en général.
1. Des contrôles renforcés à l'échelon national comme communautaire
En 2000,
les services de la DGCCRF
ont détecté 319 indices de
pratiques anticoncurrentielles et lancé 246 enquêtes. Le
ministre de l'économie, maintenant sa politique de ciblage sur les
affaires importantes ou soulevant des questions nouvelles de concurrence, a
transmis 19 dossiers au Conseil de la concurrence sur la base de
l'article L.462-5 du code de commerce. Des secteurs très divers
sont concernés par ces saisines : outre les marchés publics,
les secteurs des transports, de l'agro-alimentaire ou encore des carburants.
Deux de ces saisines ont pour objet d'inviter le Conseil de la concurrence
à se prononcer sur le respect ou non d'injonctions prononcées
dans de précédents décisions.
En ce qui concerne les pratiques anticoncurrentielles,
la Commission
européenne
, quant à elle, a ouvert, en 2000, 36 nouveaux
dossiers d'infraction présumées ou constatées dans le
domaine de la concurrence. A la date du 31 décembre 2000,
67 dossiers d'infraction étaient en cours d'instruction par la
Direction générale de la concurrence. Il convient
également d'observer au cours de l'année 2000 une baisse du
nombre de notifications. Il est probable que l'on puisse imputer une partie de
cette baisse au nouveau règlement d'exemption par catégorie sur
les accords verticaux, qui a fixé une présomption de
légalité pour les accords verticaux conclus entre des entreprises
détenant moins de 30 % de parts de marché et
bénéficiant d'une dispense de notification.
En ce qui concerne les
domaines d'activité
, le nombre de cas
nouveaux dans le secteur des télécommunications s'est
élevé à dix en 2000, contre onze en 1999. La tendance
observée en 1999 à une diminution sensible du nombre d'affaires
nouvelles dans le domaine des transports et, inversement, à
l'introduction de nouveaux cas dans le secteur des assurances sociales s'est
confirmée en 2000.
En 2000, la Commission a infligé des
amendes
s'élevant
à 199,5 millions d'euros, soit une
augmentation de 77,6 %
par rapport à 1999
, la décision la plus importante ayant
concerné cinq producteurs de lysine, produit utilisé dans
l'alimentation animale, qui se sont vus infliger 110 millions d'euros
au total.
Les ententes injustifiées (cartels)
La Commission européenne a fait porter ses efforts contre des ententes
sur les prix et sur les entraves aux échanges. Elle les a lourdement
sanctionnées. L'affaire du
cartel de la lysine
,
sanctionnée fortement en 2000, a été suivie par deux
autres condamnations de cartels en 2001 : celui des électrodes en
graphite (juillet 2001) et celui du gluconate de sodium
(octobre 2001). Open Nederland a été sanctionnée en
2000 pour entrave aux exportations de voitures neuves provenant d'autres Etats
membres. Volkswagen a été condamné une seconde fois en
2001 pour entrave aux échanges intracommunautaires.
Les autorités françaises ont dans toutes ces affaires soutenu la
Commission européenne. Les ententes injustifiées, notamment sur
les prix, comptent, en effet, parmi les infractions les plus graves au droit de
la concurrence. Les entraves aux échanges intracommunautaires,
particulièrement fréquentes dans le secteur automobile,
constituent, au regard du droit communautaire, des infractions également
très graves.
Les abus de position dominante
Le
13 décembre 2000, la Commission a
« réadopté » deux décisions,
après une annulation de la Cour de Justice pour des raisons de
procédure, imposant une amende de 10 à 20 millions
d'euros respectivement à la société belge Solvay et
à la société britannique Imperial Chemicals Industries
(ICI), pour avoir commis un abus de position dominante sur le
marché
du carbonate de soude.
L'entreprise française
Michelin
a été
condamnée en 2001 pour abus de position dominante sur le marché
du pneu poids lourds, notamment parce que Michelin avait mis en place en France
un système de rabais de fidélité qui avait pour effet de
dissuader les revendeurs de produits Michelin de revendre également des
produits concurrents. L'amende a été relativement modeste, compte
tenu notamment de la collaboration de l'entreprise à la procédure.
Les autorités françaises n'ont pas eu d'objections majeures
vis-à-vis de ces deux décisions de la Commission. D'une
façon générale, les autorités françaises
sont vigilantes à l'égard des comportements abusifs des
entreprises qui détiennent un fort pouvoir de marché.
Quelques décisions novatrices intéressantes
La Commission a adopté des décisions intéressantes et
novatrices au cours de l'année 2001. Il s'agit tout d'abord des
décisions DSD et Eco Emballages dans le secteur des
déchets
ménagers,
qui abordent la nouvelle problématique
« environnement/concurrence ». On peut également
relever l'affaire Deutsche Post qui a permis de faire application de la notion
de position dominante à un opérateur disposant d'un
domaine
réservé.
2. Des avancées jurisprudentielles
Sur le
fond, des décisions importantes intervenues après des saisines
ministérielles ont permis de compléter la jurisprudence en
matière d'entente et en matière d'abus de domination.
En matière d'ententes
, le Conseil de la concurrence a
prononcé des sanctions dans plusieurs affaires de marchés publics
engagées par le ministre de l'économie. Dans une
décision 00-D-20 du 17 mai 2000 relative à des
pratiques relevées lors de marchés d'électrification
rurale dans la Somme, et confirmée par la Cour d'Appel de paris, il a
réaffirmé sa condamnation du recours au groupement d'entreprises
formé dans le seul but de restreindre la concurrence lors de la
passation de
marchés publics
. Quatre chauffagistes ont
été condamnés lourdement pour s'être réparti
des marchés passés par des offices d'HLM de Normandie et de
Bretagne. Une entente sur les prix conclue dans le cadre du Syndicat du
désamiantage et de la décontamination -GETAP a également
été condamnée.
Dans une décision 00-D-28 du 19 septembre 2000, le Conseil de
la concurrence a sanctionné, après une enquête
administrative réalisée par la DGCCRF, plusieurs
banques
pour entente anticoncurrentielle dans le secteur du crédit immobilier
aux particuliers.
S'agissant des abus de position dominante
, la Cour de cassation a
consacré la notion d'infrastructure essentielle dans un arrêt du
25 janvier 2000, confirmant les décisions du Conseil de la
concurrence et de la Cour d'appel de Paris condamnant la société
Héli-Inter Assistance, détentrice du monopole d'exploitation
d'une hélistation, qui avait établi des prix d'accès
discriminatoires et non transparents à cette infrastructure. La
notion d'infrastructure ou de facilité essentielle
recouvre des
situations où une installation est la propriété d'un
opérateur et où un autre opérateur ne peut disposer
d'installation ou d'équipement substituable à ceux auxquels il
demande accès, ni les recréer à un coût et dans des
délais raisonnables. Une décision intéressante du Conseil
de la concurrence en matière d'abus de position dominante, tant par la
définition du marché que par les pratiques d'éviction du
marché relevées, est intervenue le 3 mai 2000 à
la suite d'une saisine du ministre dans le secteur des briques
plâtrières.