PROCÉDURE RELATIVE AU DROIT D'ALERTE
Désaccord sur les conclusions de l'enquête
Accord sur les conclusions de l'enquête
Enquête déclenchée par l'employeur et le membre du CHSCT à l'origine du signalement
Vérification de l'existence du danger
par le membre
du CHSCT informé
Information d'un membre du CHSCT par le salarié
Danger grave et imminent constaté par un salarié
Le présent article complète cette procédure en introduisant une obligation d'information des autorités publiques (inspecteur du travail, service de prévention des organismes de sécurité sociale et, selon le cas, inspecteur des installations classées ou ingénieur chargé de la police des stockages souterrains) par le chef d'entreprise, dès lors qu'il en est avisé par un membre du CHSCT et avant même d'engager une enquête.
Ce devoir d'information du chef d'établissement est donc doublement modifié.
Il intervient de manière plus systématique et plus précoce puisque, dans le droit actuel, il n'est tenu d'informer l'inspecteur du travail ou le service de prévention des organismes de sécurité sociale qu'à l'issue de l'enquête et en cas de divergence sur la réalité du danger ou sur la façon de le faire cesser.
Il intervient de manière plus large puisqu'il vise également, au-delà des services « sociaux », l'inspecteur des installations classées ou l'ingénieur chargé de la police des stockages souterrains.
Enfin, le chef d'établissement doit préciser aux autorités publiques les suites qu'il entend donner à l'avis émis par le représentant du personnel au CHSCT ayant constaté l'existence d'une cause de danger grave et imminent. Ainsi, cet avis est assuré de ne pas rester lettre morte. La disposition n'est donc pas seulement procédurale, elle apporte un contenu et une effectivité accrus au droit d'alerte.
II - La position de votre commission
Votre commission considère que le présent article complète de manière opportune la réglementation relative au droit d'alerte, dans les installations à risques, en améliorant sensiblement l'information dont disposent l'ensemble des autorités publiques en cas d'incident.
Elle se contentera donc d'un simple amendement rectifiant une erreur matérielle.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 8
(art. L. 233-1
du code du travail)
Moyens de prévention, de lutte contre l'incendie
et de secours
Objet : Cet article prévoit la mise en place de moyens permanents distincts des moyens publics d'intervention, de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours, ces moyens étant définis par le chef d'entreprise après consultation du CHSCT.
I - Le dispositif proposé
La mise en place de moyens de prévention n'est certes pas une nouveauté : elle est déjà prévue par le code du travail. Ainsi, aux termes de l'article L. 233-1 du code, le principe général est posé selon lequel « les établissements et locaux (...) doivent être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs », ce principe étant largement décliné dans sa partie réglementaire. Ainsi, l'article R. 233-12-17 du code enjoint le chef d'établissement de prendre les mesures nécessaires pour que tout commencement d'incendie puisse être rapidement et efficacement combattu, « dans l'intérêt du sauvetage du personnel » . Ces mesures sont nombreuses : extincteurs, robinets d'incendie, détecteurs, signalisation visuelle et sonore, consignes d'incendie...
De son côté, la réglementation relative aux installations classées impose déjà aux établissements exploitant de telles installations des prescriptions strictes en la matière.
Ainsi, dans les établissements classés Seveso « seuils hauts », un plan d'opération interne doit obligatoirement être établi, en application de l'article 17 du décret du 21 septembre 1977 7 ( * ) . Ce plan définit « les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires que l'exploitant met en oeuvre pour protéger le personnel, les populations et l'environnement ».
Le présent article, qui complète l'article L. 233-1 du code du travail, prévoit que les établissements Seveso « seuils hauts » doivent se doter de moyens appropriés, humains et matériels, de prévention, de lutte contre l'incendie et de secours afin de veiller en permanence à la sécurité des travailleurs, le CHSCT étant consulté sur la définition et la modification de ces moyens.
Il apparaît alors très largement comme une transposition des règles du code de l'environnement, même s'il apporte plusieurs utiles précisions :
- la mobilisation de moyens, non seulement matériels mais aussi humains, et l'impossibilité pour les chefs d'établissement de s'en remettre exclusivement aux collectivités publiques. La collectivité publique ne sera donc pas tenue de se substituer au chef d'établissement. Ce sont donc des moyens propres et permanents ;
- l'obligation de veille permanente imposée au chef d'établissement à l'intérieur de l'entreprise ; le chef d'établissement devra s'assurer qu'à tout moment les moyens de prévention et de secours sont disponibles et opérationnels ;
- l'obligation de consultation du CHSCT, même si celle-ci semble se présumer au regard des prérogatives générales du CHSCT ;
- les moyens mobilisés définis en fonction de la taille de l'entreprise et devant donc être proportionnés aux effectifs et à la nature de l'installation. Ces effectifs correspondent au nombre de personnes occupées sur le site ; il ne s'agit donc pas seulement du personnel de l'établissement, mais de l'ensemble des personnes présentes dans son enceinte. La logique géographique l'emporte donc sur un cantonnement strictement juridique.
II - La position de votre commission
Le présent article vise principalement à transposer dans le code du travail des dispositions issues du droit des installations classées, tout en les précisant.
Votre commission adhère pleinement à la philosophie qui inspire l'économie générale du présent article, tant dans son souci d'accessibilité accrue de la réglementation que dans les précisions qu'il lui apporte. Il n'y a notamment pas de raison de faire dépendre la sécurité des travailleurs occupés sur un site à risques de la mobilisation des collectivités publiques.
La seule réserve que pourrait émettre votre commission réside dans le manque de précision concernant les moyens humains mis en place. Seul un personnel qualifié semble capable de remplir des fonctions de sécurité aussi exigeantes. Cette possibilité est tout à fait envisageable dans les grands établissements. Mais dans les établissements de petite taille, cette possibilité est très aléatoire. A défaut de précision sur le contenu de ces moyens humains, la disposition risque d'être inégalement appliquée.
Votre commission souhaite en outre apporter, par amendement , une précision quant à l'objet des moyens ainsi définis, par cohérence avec les autres dispositions du projet de loi. Dans sa rédaction actuelle, le présent article prévoit qu'ils ont pour objet de « veiller en personne à la sécurité des travailleurs ». Or, en droit du travail, « travailleur » est synonyme de « salarié ». Dès lors, le terme de « travailleur » apparaît ici restrictif. A l'évidence, ces moyens doivent viser la sécurité de l'ensemble des personnes occupées sur le site, à savoir : les salariés de l'établissement, les salariés des entreprises extérieures et les entrepreneurs individuels.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article additionnel avant
l'article 9
(art. L. 236-1 du code du travail)
Obligation pour
l'employeur de mettre en place un CHSCT,
à la demande du
délégué du personnel,
dans les établissements
classés Seveso « seuils hauts »
Objet : Cet article additionnel vise à favoriser l'implantation des CHSCT dans les établissements classés Seveso « seuils hauts » n'en disposant pas.
Les établissements Seveso « seuils hauts » sont de tailles très diverses. Il peut s'agir de grandes entreprises (raffineries, usines chimiques), mais aussi de petites entreprises (stockage de gaz, stockage d'amnonitrate). On estime généralement que ces établissements comptent, en moyenne, entre 100 et 200 salariés.
Or, en application de l'article L. 236-1 du code du travail, la constitution d'un CHSCT n'est obligatoire que dans les établissements occupant au moins 50 salariés. L'expérience montre d'ailleurs que l'implantation effective des CHSCT reste parfois difficile. Ainsi, plus du quart des établissements assujettis (27 %) n'ont pas de CHSCT. Cette proportion atteint 40 % pour les établissements de 50 à 99 salariés, mais tombe à 25 % pour ceux de 100 à 199 salariés 8 ( * ) . A l'inverse, seuls 18 % des établissements de 20 à 49 salariés (et donc non assujettis à l'obligation) en ont constitué.
Si les établissements à risques apparaissent globalement avoir un meilleur taux de couverture, il semble toutefois qu'un nombre non négligeable 9 ( * ) d'entre eux ne sont pas dotés d'un CHSCT, malgré les risques encourus, soit parce qu'ils n'atteignent pas le seuil de 50 salariés, soit parce que le CHSCT n'a pas été constitué.
Aussi, votre commission a jugé souhaitable de favoriser l'implantation des CHSCT dans les établissements classés Seveso « seuils hauts », le risque n'étant pas fonction des effectifs employés.
Dans cette perspective, deux solutions paraissaient, de prime abord, envisageables, tout en relevant de deux logiques différentes.
La première logique est administrative. L'article L. 236-1 du code du travail autorise, à son troisième alinéa, l'inspection du travail à imposer la création d'un CHSCT dans les établissements de moins de 50 salariés « lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des travaux, de l'agencement ou de l'équipement des locaux ».
Il aurait alors été possible d'étendre expressément cette énumération à l'existence d'un risque industriel.
Votre commission a toutefois choisi d'écarter cette solution pour deux raisons. D'une part, l'inspection du travail n'est pas forcément la plus à même pour apprécier la réalité d'un risque notamment industriel ou technologique, ce qui explique sans doute qu'elle n'utilise cette prérogative qu'extrêmement rarement. D'autre part, elle n'apporte aucune réponse pour les établissements de plus de 50 salariés sans CHSCT.
Aussi, votre commission a-t-elle souhaité privilégier une seconde logique, plus participative et plus responsabilisante pour les salariés.
Le présent article additionnel prévoit donc que, dans les établissements classés Seveso « seuils hauts », l'employeur est tenu de mettre en place un CHSCT à la demande du délégué du personnel, cette disposition n'étant, bien entendu, applicable qu'à défaut de constitution d'un CHSCT dans les conditions de droit commun prévues par l'article L. 236-1 du code du travail.
Une telle disposition permettrait de favoriser l'implantation des CHSCT dans les établissements de plus de dix salariés 10 ( * ) lorsque les représentants du personnel le jugent nécessaire compte tenu notamment des risques encourus.
Votre commission rappelle à ce propos que le législateur n'a pas hésité par le passé à favoriser la création de CHSCT dans des établissements de moins de 50 salariés exposés à un risque particulier, à l'initiative des représentants du personnel. Ainsi, la loi du 31 décembre 1991 comportait des dispositions d'inspiration similaire pour la branche d'activité du bâtiment et des travaux publics.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.
Article 9
(art.
L. 236-1 du code du travail)
Double formation du CHSCT dans les
établissements Seveso « seuils hauts » et
création d'un comité interentreprises de santé
et de
sécurité au travail
Objet : Cet article modifie la composition et l'organisation du CHSCT dans les établissements Seveso « seuils hauts » en prévoyant la mise en place d'une double formation : l'une dite « d'établissement » correspondant à la composition actuelle du CHSCT, l'autre dite « de site » composée de la formation d'établissements et de représentants des chefs et des salariés des entreprises extérieures. Il prévoit en outre, dans le périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques, la mise en place d'un comité interentreprises de santé et de sécurité au travail visant à assurer la concertation des formations de site des CHSCT.
I - Le dispositif proposé
La double formation du CHSCT
La législation actuellement applicable définit strictement tant la mission que la composition du CHSCT.
Sa mission générale de protection de la santé et de la sécurité des salariés 11 ( * ) ne vise que les salariés de l'établissement, ou ceux qui sont mis à disposition.
Quant à sa composition 12 ( * ) , elle se limite expressément, au-delà du chef d'établissement, aux seuls représentants des salariés de l'établissement.
Or, les établissements à risques, et notamment ceux classés Seveso « seuils hauts », se caractérisent souvent par un recours large et fréquent à la sous-traitance dans l'enceinte de l'établissement, ces entreprises extérieures pouvant disposer elles-mêmes de leur propre CHSCT dans les conditions de droit commun.
L'intervention de ces entreprises extérieures reste donc mal prise en compte par la législation relative au CHSCT. Composé exclusivement de représentants de l'établissement utilisateur, le CHSCT n'est pas en mesure d'associer les représentants des entreprises extérieures à ses travaux, quand bien même leur intervention dans l'établissement constituerait un risque supplémentaire pour les salariés de l'établissement.
Le présent article tend alors à modifier la composition et l'organisation du CHSCT dans ces établissements, en instituant une double formation : l'une dite « d'établissement » correspondant à la composition actuelle du CHSCT, l'autre dite « de site » composée de la formation d'établissements et de représentants des chefs et des salariés des entreprises extérieures intervenant dans l'établissement.
Cette formation de site vise, selon l'exposé des motifs du projet de loi, à « représenter une communauté d'intérêts au regard des risques spécifiques auxquels sont soumis les salariés travaillant sur le site, et à permettre une approche globale de la prévention des risques ».
Le présent article, qui complète l'article L. 236-1 du code du travail relatif aux conditions de mise en place des CHSCT, pose le principe de cette double formation du CHSCT dans les établissements Seveso « seuils hauts » occupant au moins 50 salariés et définit les grandes lignes de la composition de ces deux instances.
La formation d'établissements réunit « le chef d'établissement et les représentants salariés de l'établissement ». Elle correspond à l'actuelle composition du CHSCT, même si la rédaction ici retenue diffère quelque peu de la rédaction de l'article L. 236-5 du code du travail 13 ( * ) .
La formation de site du CHSCT réunit de son côté, outre les membres de la formation d'établissement, « des chefs des entreprises extérieures intervenant dans l'établissement et des représentants de leurs salariés ».
La composition de cette formation et les modalités de désignation de ses membres, ainsi que leur statut, sont précisés au II de l'article 11 du projet de loi, le présent article se contentant d'indiquer que son président est le chef de l'entreprise utilisatrice.
Plus généralement, les missions et les conditions de fonctionnement de cette formation de site sont déterminées par les articles 10 et 11 du projet de loi.
Le comité interentreprises de santé et de sécurité au travail
Le présent article, dans son dernier alinéa, institue également des comités interentreprises de santé et de sécurité au travail . Il en précise le champ d'application, les conditions de mise en place, les missions et la présidence.
Ces comités n'ont vocation à être mis en place que dans le périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques créé à l'article 4 du projet de loi. Ce sera « l'autorité administrative compétente » -en l'espèce l'administration du travail- qui les mettra en place.
La mise en place de ces comités devrait toutefois n'être que facultative, la décision de leur création devant être prise en fonction du risque encouru. A cet égard, l'étude d'impact annexée au projet de loi précise que « ce n'est pas une obligation à caractère général puisqu'elle ne sera mise en oeuvre qu'en fonction des besoins réels et des caractéristiques des sites, par décision administrative » . Il reviendra toutefois à un décret en Conseil d'Etat de déterminer les modalités de sa création.
La mission générale de ces comités est de prévenir les « effets dominos » entre entreprises à hauts risques, c'est-à-dire lorsqu'un accident survenant dans un établissement et se propageant à un autre entraîne de nouveaux accidents. Le projet de loi précise ainsi que sa mission est de « contribuer à la prévention des risques professionnels susceptibles de résulter des interférences entre les activités et les installations des différents établissements ».
Pour accomplir cette mission, le comité est chargé d'assurer la concertation entre les formations de site des établissements classés Seveso « seuils hauts ».
Dès lors, la nature de cette mission apporte un éclairage sur sa future composition. Le comité devrait en effet être constitué de représentants de l'ensemble des formations de site des CHSCT des établissements classés Seveso « seuils hauts » compris dans le périmètre du plan de prévention des risques technologiques. Là encore, il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de déterminer la composition et les modalités de désignation des membres, mais aussi le fonctionnement du comité interentreprises.
Il reste que le présent article précise d'ores et déjà les conditions de présidence du comité : ce sera le chef de l'établissement qui compte le plus de salariés qui aura cette charge.
II - La position de votre commission
La double formation du CHSCT
Votre commission ne peut que partager l'objectif ayant amené le Gouvernement à proposer d'organiser le CHSCT en une double formation pour les établissements à hauts risques.
Dans les établissements qui regroupent dans leur enceinte des salariés d'entreprises multiples, il apparaît en effet indispensable de mieux associer les entreprises sous-traitantes et leur personnel aux travaux du CHSCT de l'entreprise utilisatrice, qui reste l'organe central compétent pour la prévention des risques professionnels dans l'établissement. Il était donc nécessaire de modifier la législation applicable, celle-ci n'autorisant pas une telle association.
Il reste que le dispositif ici proposé n'est pas sans soulever quelques difficultés.
La première concerne son champ d'application. Par cohérence avec le champ d'application général de l'ensemble du projet de loi, le présent article ne vise que les établissements classés Seveso « seuils hauts ». Aussi, seuls ces établissements seront habilités à faire participer à leur CHSCT des représentants des entreprises extérieures.
Votre commission considère, pour sa part, qu'un tel champ d'application peut apparaître trop restrictif. S'il est logique de n'imposer l'ouverture du CHSCT d'établissement aux représentants des entreprises extérieures que pour les établissements qui présentent le risque le plus haut, il est regrettable que cette possibilité ne soit pas ouverte, à titre facultatif, aux autres établissements comportant une installation classée soumise à autorisation, et notamment aux installations Seveso « seuils bas ».
A cet égard, votre commission observe que le projet de loi se situe en deçà des initiatives qu'ont déjà pu prendre les partenaires sociaux sur ce sujet. Ainsi, le récent accord du 4 juillet 2002 sur l'amélioration des conditions de travail, d'hygiène et de sécurité , conclu dans la branche de la chimie prévoit, comme le projet de loi, une participation des entreprises extérieures à des CHSCT d'entreprises utilisatrices classées Seveso « seuils hauts ». Mais il introduit également la faculté d'étendre ce dispositif aux autres établissements classés Seveso, ce que ne permettent ni le droit existant, ni le projet de loi.
La seconde difficulté a trait à l'architecture du dispositif proposé. Celle-ci apparaît en effet pour le moins complexe et votre commission craint alors qu'en privilégiant une démarche prioritairement institutionnelle, la solution de la double formation n'aboutisse en pratique qu'à une superposition d'instances qui ne serait pas forcément gage d'efficacité.
Certes, votre commission conçoit volontiers que la volonté du Gouvernement soit de mettre en place une structure souple -en clair un CHSCT « à géométrie variable » en fonction des sujets abordés, selon qu'ils touchent ou non aux règles de sécurité communes applicables dans l'enceinte de l'établissement à l'ensemble des travailleurs présents sur le site- et non d'aboutir à la superposition de deux instances organisées de manière cloisonnée. Mais elle craint pourtant que la rédaction proposée ne conduise à un tel résultat.
De fait, ce dédoublement du CHSCT soulève de nombreuses interrogations que ne règlent qu'à la marge les articles 10 et 11 du projet de loi. Comment seront désignés concrètement les représentants des entreprises extérieures ? Pourront-ils exercer effectivement leurs fonctions ? Quelles seront les prérogatives réelles de la formation de site ? N'y a-t-il pas de risques de conflits de compétences, voire de positions divergentes entre les deux formations ?
Votre commission observe, à cet égard, une certaine contradiction dans la démarche du Gouvernement qui renvoie largement à l'accord collectif le soin de déterminer la composition de la formation de site, les modalités de désignation de ses membres et les conditions de son fonctionnement, mais qui parallèlement encadre dans la loi la marge d'initiative de la négociation collective.
Elle ne méconnaît pas qu'un tel dispositif pose deux lourdes difficultés d'ordre juridique.
La première a trait au champ d'application de l'accord. Comment un accord de branche ou d'entreprise pourrait-il avoir des conséquences normatives en dehors de son champ d'application ? Car la participation des représentants des entreprises sous-traitantes à la formation de site du CHSCT pourrait être fixée soit par un accord conclu dans la seule entreprise utilisatrice, soit par un accord de branche quand bien même l'entreprise extérieure ne relèverait pas de cette branche.
Considérant que c'est sans doute pour répondre à cette difficulté d'ordre juridique que le Gouvernement a souhaité encadrer au plus près le dispositif, votre commission observe pourtant qu'il s'agit là, pour l'essentiel, d'un faux débat.
Elle estime, en effet, que l'accord collectif ne doit pas nécessairement produire des effets hors de son champ d'application pour que l'élargissement du CHSCT soit effectif. L'accord collectif peut en effet se borner à exiger soit de l'ensemble des entreprises utilisatrices de la branche en cas d'accord de branche, soit de l'entreprise extérieure en cas d'accord d'entreprise, l'introduction dans les contrats de sous-traitance d'une clause relative à l'élargissement du CHSCT par laquelle le chef de l'entreprise extérieure s'engagerait, le cas échéant, à participer lui-même au CHSCT et à laisser ses salariés y participer. Dès lors, la participation des salariés de l'entreprise extérieure relèverait du simple pouvoir de direction de leur employeur et l'hypothèque juridique seraient ainsi levée.
La seconde difficulté juridique est tout aussi lourde. Elle concerne la place respective de la loi et de l'accord collectif. La loi peut-elle renvoyer largement à l'accord collectif le soin de fixer les modalités de représentation du personnel ?
En application de l'article 34 de la Constitution, « la loi détermine les principes fondamentaux (...) du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». A l'évidence, la représentation du personnel relève de ces principes généraux. A ce titre, la loi doit donc fixer les conditions et les garanties attachées à la représentation.
Mais il reste toutefois possible de renvoyer à l'accord collectif le soin de déterminer les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette représentation. Le Conseil constitutionnel a, en effet, considéré, dans sa décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996, que « la détermination des modalités concrètes de cette mise en oeuvre peut cependant faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives ».
Aussi, votre commission juge-t-elle non seulement possible, mais aussi souhaitable, de laisser aux partenaires sociaux, en fonction des spécificités des branches et des risques auxquels elles sont confrontées, le soin de déterminer les conditions de participation des représentants des entreprises extérieures au CHSCT, la loi pouvant alors se contenter de fixer le principe d'une telle représentation spécifique, son champ d'application et les garanties accordées aux salariés pour l'exercice de leurs fonctions.
Dans ces conditions, votre commission vous propose de modifier, par amendement , le dispositif proposé pour lui redonner toute sa portée.
Cet amendement tend à privilégier l'élargissement du CHSCT à des représentants des entreprises extérieures plutôt que la constitution très formaliste d'une double formation.
Le souhait de votre commission est que cet élargissement puisse prendre la forme d'une seconde partie de la réunion du CHSCT de l'entreprise utilisatrice au cours de laquelle seraient abordées les questions communes de sécurité. A ce titre, pourraient notamment être examinées et débattues les règles communes de sécurité applicables sur le site et les mesures de prévention définies conjointement en application de l'article 5 du projet de loi. Bien évidemment, des propositions pourraient être formulées.
Dans ce cadre, votre commission suggère :
- une extension du champ d'application de la mesure à l'ensemble des établissements comportant une installation soumise à autorisation, l'élargissement du CHSCT ne restant toutefois obligatoire que pour les seuls établissements Seveso « seuils hauts » ;
- un rôle accru pour le dialogue social, en privilégiant la négociation de branche qui apparaît comme le niveau le plus pertinent en matière de sécurité au travail. Ce serait en effet à l'accord de branche de déterminer les conditions d'élargissement du CHSCT en fonction des spécificités de chaque secteur et de la nature du risque encouru. Un encadrement minimal du champ de la négociation est toutefois confié à un décret en Conseil d'Etat pour les établissements Seveso « seuils hauts ». Ce décret pourrait être rédigé au regard des enseignements des premiers accords de branche conclus ;
- une précision sur le statut des représentants des salariés des entreprises extérieures au CHSCT ainsi élargi, la loi devant à l'évidence préciser la protection dont ils bénéficient, mais aussi les règles de confidentialité qu'ils doivent respecter.
Le comité interentreprises de santé et de sécurité au travail
Votre commission approuve la création de ce comité interentreprises destiné à favoriser le rapprochement et l'échange d'informations entre les CHSCT des établissements à hauts risques situés dans une même zone. Cette mesure devrait pourvoir contribuer utilement à prévenir les « effets dominos » et à éviter des accidents en cascades grâce à une plus étroite concertation des représentants du personnel de ces établissements.
Cette solution fondée sur la concertation lui apparaît à bien des égards plus praticable que la proposition qu'avait formulée la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Celle-ci préconisait 14 ( * ) , en effet, dans ces zones industrielles à hauts risques, la création d'un « CHSCT de site habilité à intervenir dans toutes les entreprises participantes ». Ce dispositif lourd n'aurait en effet pas manqué de poser des difficultés pour sa mise en oeuvre.
Il conviendra toutefois de veiller à organiser une concertation effective entre ces comités interentreprises et les comités locaux d'information et de concertation sur les risques technologiques (CLIC), créés par l'article 2 du projet de loi. En ce sens, la participation au CLIC de représentants des CHSCT parties au comité interentreprises apparaît nécessaire.
Votre commission vous propose également d'adopter, outre deux amendements de coordination, un amendement visant à ne pas fixer dans la loi les règles de présidence de ce comité interentreprises.
D'une part, il n'est sans doute pas opportun de le préciser dans la loi, celle-ci ne définissant pas la composition de cette instance.
D'autre part, votre commission n'est pas persuadée que la présidence en comité doive être automatiquement confiée au chef de l'établissement occupant le plus de salariés. Dans une logique de sécurité, il ne serait pas illogique qu'elle revienne au chef de l'établissement présentant le plus grand risque.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 10
(art.
L. 236-2 et L. 236-9 du code du travail)
Nouvelles attributions du
CHSCT dans les établissements
classés Seveso
« seuils hauts »
Objet : Cet article tend à confier de nouvelles attributions au CHSCT, dans les établissements classés Seveso « seuils hauts », afin de renforcer son rôle en matière de sécurité.
I - Le dispositif proposé
Le présent article vise à préciser, modifier et élargir les attributions en matière de sécurité du CHSCT dans les établissements à risques afin qu'il soit en mesure de mieux prévenir les risques professionnels inhérents à la présence d'installations classées dans l'enceinte de l'établissement, mais aussi à déterminer les missions propres à la formation de site du CHSCT.
Il prévoit notamment de :
- préciser la procédure de consultation du CHSCT sur les demandes d'autorisation d'exploitation d'installations classées ;
- mettre en place une consultation du CHSCT sur toute nouvelle décision de sous-traitance pouvant présenter des risques particuliers ;
- instituer une consultation du CHSCT sur la liste des postes de travail liés à la sécurité des installations classées Seveso « seuils hauts » ;
- autoriser le CHSCT à faire appel à un expert en risques technologiques.
Le paragraphe I modifie l'article L. 236-2 du code du travail qui définit les attributions du CHSCT, notamment en matière de sécurité des installations classées.
A ce titre, il modifie, à son 1°, pour la préciser, la seule disposition actuelle de cet article L. 236-2 du code du travail relative à ces installations et introduit, à son 2°, de nouvelles attributions pour qu'ils puissent contribuer à une meilleure maîtrise des risques liés à la présence d'installations Seveso « seuils hauts ».
Dans sa rédaction actuelle 15 ( * ) , l'article L. 236-2 prévoit déjà, à son neuvième alinéa, une procédure de consultation du CHSCT en cas de demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée . Il est ainsi prévu que le chef d'établissement consulte le CHSCT sur les documents établis à l'intention des autorités publiques chargées de la protection de l'environnement et qu'il est informé des prescriptions imposées par ces mêmes autorités.
L'article L. 23-8 16 ( * ) du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 précise, pour sa part, le déroulement de la procédure. Il prévoit que le CHSCT est consulté sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête publique et que son avis est transmis au préfet. Mais il doit se prononcer dans un délai de 45 jours, faute de quoi son avis est réputé favorable.
Le 1° du paragraphe I du présent article modifie cette procédure afin de prendre en compte la possibilité pour le CHSCT de faire appel à un expert en risques technologiques introduite au paragraphe II et d'étendre les délais accordés au CHSCT pour se prononcer.
On observera que, contrairement au champ d'application du projet de loi qui ne concerne que les établissements classés Seveso « seuils hauts », cette disposition est plus large puisqu'elle vise, en cohérence avec la législation actuelle, l'ensemble des établissements comportant une installation soumise à autorisation, et doit logiquement s'appliquer pour toute demande d'autorisation quand bien même l'établissement ne comporterait encore aucune installation de ce type.
Les délais de la procédure de consultation apparaissent actuellement sans doute trop courts pour que le CHSCT puisse rendre son avis dans les meilleures conditions. De fait, celui-ci n'en rend bien souvent pas et son avis est alors réputé favorable.
Aussi, la présente disposition prévoit-elle de dissocier la phase d'information du CHSCT et celle de sa consultation pour éclaircir une procédure aujourd'hui quasiment inextricable 17 ( * ) .
Le CHSCT sera d'abord informé par le chef d'établissement des documents établis à l'intention des autorités publiques à l'appui de la demande d'autorisation. Il est toutefois précisé que cette information a lieu avant l'envoi de ces documents à l'autorité publique. La liste de ces documents, rendus notamment obligatoires par l'article L. 512-1 du code de l'environnement, est précisée par l'article R. 236-10-1 du code du travail, qui renvoie aux dispositions des articles 2, 3, 20, 22 et, s'il y a lieu, 12 du décret du 21 septembre 1977 18 ( * ) . Il s'agit notamment de l'étude d'impact et de l'étude de danger.
A ce stade, conformément aux dispositions du paragraphe II du présent article, le CHSCT peut décider de recourir à un expert en risques technologiques pour l'éclairer sur les conséquences de l'exploitation de l'installation.
La consultation proprement dite du CHSCT n'intervient alors qu'après que l'expert a pu rendre son rapport, dans un délai d'un mois suivant l'enquête publique.
Au total, la modification ainsi apportée conduit à allonger significativement les délais dont dispose le CHSCT pour examiner la demande d'autorisation : alors qu'ils ne peuvent excéder actuellement 45 jours, ils pourront atteindre jusqu'à quatre mois et demi, le CHSCT devant en tout état de cause s'être prononcé avant la décision préfectorale.
Le 2° de ce paragraphe précise les attributions respectives des formations d'établissement et de site du CHSCT et étend les prérogatives de la formation d'établissement en matière consultative.
S'agissant des attributions respectives des deux formations, il attribue à la seule formation d'établissements les prérogatives de droit commun fixées à l'article L. 236-2 du code du travail. A contrario , il détermine de manière limitative les prérogatives de la formation de site. Celles-ci sont au nombre de quatre :
- elle est consultée sur les « règles communes destinées à assurer la sécurité dans l'établissement ». On rappellera que le CHSCT, en application de l'article L. 236-2, doit déjà donner son avis sur tous les documents se rattachant à sa mission ;
- elle a pour mission de veiller à l'observation de ces règles communes et des mesures de sécurité définies conjointement par le chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice et par le chef de l'entreprise extérieure en vertu de l'article 5 du projet de loi. On rappellera que le premier alinéa de l'article L. 236-2 confie déjà au CHSCT la « mission de veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires » en matière de sécurité, d'hygiène et de conditions de travail ;
- elle peut proposer toute action de prévention des « risques liés à l'interférence entre les activités et les matériels de l'établissement et ceux des entreprises extérieures ». A cet égard, on observera que l'article R. 237-22 du code du travail prévoit déjà une information du CHSCT sur le plan de prévention arrêté d'un commun accord par le chef de l'entreprise utilisatrice et le chef de l'entreprise extérieure après l'analyse des « risques pouvant résulter de l'interférence entre les activités, les installations et matériels » et que le troisième alinéa de l'article L. 236-2 permet au CHSCT de proposer des actions de prévention ;
- elle reçoit les documents établis à l'intention des autorités publiques chargées de la protection de l'environnement -et notamment les études de danger- ainsi que le rapport de l'expert en risques technologiques que la formation d'établissement a pu commander.
S'agissant des nouvelles attributions confiées à la formation d'établissement, elles sont au nombre de deux :
- elle est consultée avant toute décision de sous-traiter une activité jusqu'alors réalisée par les salariés de l'établissement, si tant est que l'intervention de l'entreprise extérieure puisse présenter des « risques particuliers » tels que définis à l'article 5 du projet de loi ;
- elle est également consultée sur la liste des postes relevant de fonctions de sécurité inhérentes à l'installation (conduite, surveillance et maintenance de l'installation) que le chef d'établissement sera désormais tenu d'établir. Cette liste pourra, le cas échéant, préciser parmi ces postes lesquels, compte tenu de leur nature et au regard de l'évaluation des risques réalisée par l'employeur, nécessitent un encadrement particulier. Cet encadrement pourrait alors prendre une triple forme : soit la nécessité d'être directement confié à un salarié de l'établissement (et non un sous-traitant), soit l'interdiction d'être confié à un salarié sous « contrat précaire » (à savoir un intérimaire ou un salarié en contrat à durée déterminée), soit la présence d'au moins deux salariés qualifiés pour réaliser la tâche en lien avec la sécurité de l'installation pour prévenir les risques inhérents aux « postes isolés ».
Le paragraphe II du présent article, qui complète l'article L. 236-9 du code du travail relatif aux possibilités de recourir à un expert, autorise la formation d'établissement du CHSCT à faire appel à un expert en risques technologiques.
L'article L. 236-9 du code du travail prévoit déjà que le CHSCT puisse faire appel à un expert agréé dans deux cas : soit en cas de risque grave constaté dans l'établissement, soit en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. La Cour de cassation va d'ailleurs au-delà des cas de recours prévus par le code du travail, puisqu'elle admet le recours à un expert pour « éclairer (le CHSCT) sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions de prévention » alors même que la nouvelle organisation du travail est déjà en place 19 ( * ) .
L'expert doit être agréé par arrêté comprenant les ministres du travail et de l'agriculture, les frais d'expertise étant à la charge de l'employeur.
Le présent paragraphe élargit ces possibilités d'expertise pour les seules formations d'établissement des CHSCT des établissements classés Seveso « seuils hauts ». Il permet en effet de recourir à un expert spécialisé non plus en sécurité au travail, mais en « risques technologiques ». Le recours à une telle expertise n'est toutefois possible que dans deux cas : soit pour éclairer le CHSCT dans sa procédure de consultation sur une demande d'autorisation d'une installation classée soumise à autorisation, soit en cas de danger grave en rapport avec l'installation Seveso « seuils hauts ».
Une telle disposition vise à permettre, comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, « d'améliorer la culture technologique des membres du CHSCT et de leur permettre ainsi d'appréhender les études de danger dans leur globalité technique ».
Conformément aux autres dispositions de l'article L. 236-9 du code du travail, les frais d'une telle expertise seront également à la charge de l'employeur.
II - La position de votre commission
Le présent article comporte trois séries de dispositions diverses qui appellent une appréciation distincte.
S'agissant de la nouvelle procédure de consultation du CHSCT en cas de demande d'autorisation d'une exploitation soumise à autorisation , votre commission ne peut que se féliciter des éclaircissements apportés à une procédure utile mais qui, écartelée entre les dispositions quelque peu contradictoires du code du travail et du code de l'environnement, est quasiment illisible. Elle considère que les modifications ainsi apportées sont de nature à lui redonner une réelle portée, en permettant notamment d'assurer une réelle articulation entre l'étude de danger et l'analyse des risques professionnels.
S'agissant des attributions respectives de la formation d'établissement et de la formation de site du CHSCT , votre commission estime, en revanche, que les dispositions du présent article ne permettent pas de préciser clairement le partage des responsabilités entre les deux formations et risquent alors d'aboutir à ces conflits -positifs ou négatifs- de compétences lourdes de conséquences, pouvant même conduire à bloquer le fonctionnement du CHSCT.
De fait, votre commission observe que les attributions de la formation de site ne sont pas précisément définies.
Elle s'interroge ainsi sur le contenu des « règles communes destinées à assurer la sécurité dans l'établissement », sur lesquelles la formation de site doit porter un avis. En quoi diffèrent-elles des règles générales de sécurité sur lesquelles la formation d'établissement est consultée ? Que se passe-t-il en cas d'avis divergent des deux formations sur une même règle ? Elle s'interroge également sur la mission de « veille » dévolue à la formation de site et son articulation avec la mission identique confiée à la formation d'établissement. Elle s'interroge, de même, sur l'articulation entre les attributions des deux formations s'agissant de leur faculté de proposer des actions de prévention.
Elle observe également que le présent article n'aborde pas la question des pouvoirs accordés à la formation de site pour lui permettre d'exercer ses attributions. On ne sait, en effet, si elle dispose, par exemple, d'un pouvoir d'enquête ou d'inspection. On ne sait non plus comment, dans l'affirmative, les représentants des entreprises extérieures seraient associés à l'exercice de ses pouvoirs.
Dans ces conditions, votre commission considère que le présent article ne fait, en définitive, qu'amplifier les craintes qu'elle a pu formuler sur le principe de la double formation. Aussi, par coordination avec la position adoptée à l'article 9, votre commission vous propose-t-elle de supprimer, par amendement , les dispositions du présent article relatives à la double formation du CHSCT.
S'agissant des nouvelles attributions confiées au CHSCT des établissements classés Seveso « seuils hauts », votre commission en partage largement la philosophie.
Il lui semble néanmoins nécessaire de préciser, par amendement , la portée de l'obligation nouvelle d'établir une liste des postes de travail relevant de fonctions de sécurité, la rédaction actuelle étant parfois ambiguë. Si la publication d'une telle liste est obligatoire, les précisions éventuelles relatives à l'encadrement de ses postes sont, elles, facultatives, l'objet de la consultation du CHSCT étant justement d'en débattre.
Votre commission vous proposera donc d'apporter les nécessaires précisions à l'intelligibilité de cette disposition. Cet amendement précise ainsi que cette liste est établie par le chef d'établissement. Il précise également la nature des postes visés. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne mentionne que les « postes comportant des tâches de conduite, de surveillance et de maintenance de l'installation ». Il semble plus pertinent d'éviter une telle énumération qui risque d'être à la fois vague et limitative et de viser explicitement les postes liés à la sécurité de l'installation. Il prend, enfin, en compte la situation des entrepreneurs individuels et des artisans qui peuvent intervenir sur le site, en prévoyant que certaines tâches peuvent exiger la présence de deux personnes qualifiées (et non plus deux salariés).
Mais, au-delà de ces nouvelles attributions, votre commission juge également nécessaire de renforcer, par amendement, l'implication du CHSCT en cas d'incident pour favoriser le « retour sur expériences ». Elle observe, à ce propos, qu'un accord collectif dans une branche à risques prévoit justement une telle clause d'analyse systématique des incidents, en liaison avec le CHSCT, et estime souhaitable de la généraliser.
A l'heure actuelle, le CHSCT n'est automatiquement réuni qu'en cas d'accident et ce, quelle que soit la gravité de ses conséquences. Dans un souci de prévention des risques majeurs, il semble plus judicieux de renverser cette logique : la réunion doit avoir lieu après tout incident, mais seulement au cas où il aurait pu entraîner des conséquences graves.
L'amendement prévoit donc, dans ce cas, pour les établissements Seveso « seuils hauts », une réunion du CHSCT après tout incident. Cette réunion doit avoir pour objet l'analyse des causes et des enchaînements ayant conduit à l'incident et doit être l'occasion de formuler des propositions pour éviter son renouvellement. Le retour sur expériences se fait alors à l'occasion de l'examen du bilan et du programme annuel de prévention par le chef d'établissement. L'application de ces nouvelles dispositions se fera par accord de branche ou par accord d'entreprise.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 11
(art.
L. 236-2-1, L. 236-5, L. 236-7 et L. 236-10 du code du
travail)
Composition et fonctionnement des doubles formations du CHSCT
et
formation spécifique aux risques des membres du CHSCT
Objet : Cet article vise à définir la périodicité des réunions des formations du CHSCT, à préciser leur composition et les modalités de désignation de leurs membres et à fixer le statut des représentants du personnel siégeant dans la formation de site. Il introduit également une obligation de formation des représentants salariés du CHSCT aux risques particuliers en rapport avec l'activité de l'entreprise.
I - Le dispositif proposé
Le présent article est composé de quatre paragraphes :
- le I fixe la périodicité des réunions des formations du CHSCT ;
- le II détermine la composition des deux formations et précise les modalités de désignation des représentants des entreprises extérieures à la formation de site ;
- le III concerne les moyens des représentants du personnel à la formation de site ;
- le IV institue une formation spécifique, pour les représentants salariés du CHSCT, aux risques liés à l'activité de l'entreprise.
Le paragraphe I fixe la périodicité des réunions des formations du CHSCT des établissements classés Seveso « seuils hauts ».
L'article L. 236-1 du code du travail prévoit, dans sa rédaction actuelle, que le chef d'établissement est tenu de convoquer le CHSCT dans trois hypothèses :
- au minimum une fois par trimestre dans le cadre de ses réunions périodiques ;
- à la demande motivée de deux de ses membres représentant le personnel ;
- à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves.
Le présent paragraphe vise alors à compléter cet article pour traiter du cas particulier des établissements Seveso « seuils hauts », dont le CHSCT comporte une double formation.
Il prévoit que la formation d'établissement se réunit au moins quatre fois par an, mais aussi lorsqu'un salarié de l'établissement est victime d'un accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves. La formation de site doit, elle, se réunir au moins une fois par an et lorsqu'un salarié d'une entreprise extérieure intervenant dans l'établissement est victime d'un accident de même nature.
Le paragraphe II , qui modifie l'article L. 236-5 du code du travail, détermine la composition des formations du CHSCT et précise les modalités de désignation des représentants des salariés des entreprises extérieures à la formation de site.
S'agissant de la composition du CHSCT, il prévoit que la composition de la formation d'établissement correspond exactement à la composition actuelle du CHSCT telle que fixée par le code du travail : elle comprend le chef d'établissement et une délégation du personnel désignée par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel. Ce paragraphe apporte toutefois une modification du droit existant, puisqu'il autorise la formation de site à inviter, à titre consultatif ou occasionnel, tout chef d'une entreprise extérieure 20 ( * ) .
Conformément aux dispositions de l'article 9 du projet de loi, la formation de site du CHSCT comprend, outre les membres de la formation d'établissement, une représentation des chefs des entreprises extérieures et de leurs salariés. Cette représentation est déterminée par accord collectif de branche ou d'entreprise ou, à défaut, par voie réglementaire. Le champ du dialogue social est néanmoins encadré puisque cette représentation doit nécessairement prendre en compte trois critères : le nombre des entreprises extérieures, la durée de leur intervention et leur effectif intervenant annuellement dans l'établissement.
S'agissant des modalités de désignation des représentants salariés des entreprises extérieures à la formation de site, le présent paragraphe les encadre, là encore, très largement en précisant à la fois qui peut être représentant et qui les nomme. Ainsi, les représentants des salariés des entreprises extérieures devront être choisis, du reste fort logiquement, parmi les salariés intervenant régulièrement sur le site. En outre, ce sera le CHSCT de l'entreprise extérieure qui désignera les représentants des salariés de l'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, en leur absence, les membres de l'équipe appelés à intervenir dans l'établissement.
S'agissant enfin des garanties accordées aux représentants des salariés des entreprises extérieures à la formation de site du CHSCT, le présent paragraphe en prévoit deux.
D'une part, il impose à la fois au chef d'établissement de l'entreprise utilisatrice et aux chefs des entreprises extérieures de prendre « toutes dispositions relevant de leurs prérogatives pour permettre aux salariés désignés d'exercer leurs fonctions ».
D'autre part, il leur garantit, à l'instar des autres représentants du personnel au CHSCT, une protection contre le licenciement identique à celle dont disposent les membres du comité d'entreprise.
Le paragraphe III , qui modifie l'article L. 236-7 du code du travail relatif au « crédit d'heures » dont bénéficient les représentants du personnel au CHSCT pour exercer leurs fonctions, prévoit d'accorder des moyens en temps pour les représentants du personnel siégeant à la formation de site du CHSCT. Ces moyens concernent aussi bien les représentants du personnel de l'entreprise utilisatrice que ceux des entreprises extérieures à la formation de site.
Contrairement aux dispositions de l'article L 236-7 du code du travail, le projet de loi ne fixe pas dans la loi le montant de ce crédit d'heures, mais renvoie à un accord collectif de branche ou d'entreprise ou, à défaut, à un décret en Conseil d'Etat, le soin de déterminer le temps nécessaire à l'exercice de telles fonctions. Les représentants de l'entreprise utilisatrice, qui sont déjà membres de la formation d'établissement du CHSCT, ne bénéficient toutefois d'un crédit d'heures supplémentaires que si celui-ci est nécessaire à l'exercice de leurs fonctions.
Le paragraphe IV , qui modifie l'article L. 236-10 du code du travail relatif à la formation des représentants du personnel au CHSCT, institue au profit des représentants des salariés aux deux formations du CHSCT une formation spécifique aux risques particuliers liés à l'activité de l'entreprise.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 236-10 du code du travail prévoit un droit à la formation des représentants du personnel au CHSCT afin qu'ils puissent exercer convenablement leurs missions. L'article R. 236-15 du même code explicite l'objet de cette formation : elle a « pour objet de développer en eux l'aptitude à déceler et à assurer les risques professionnels et la capacité d'analyser les conditions de travail. Cette formation revêt un caractère théorique et pratique (...). Elle tend à les initier aux méthodes et aux procédés à mettre en oeuvre pour prévenir les risques professionnels et améliorer les conditions de travail. Elle est dispensée à chaque bénéficiaire selon un programme préétabli qui tient compte des caractéristiques de la branche professionnelle à laquelle se rattache son entreprise, des caractères spécifiques de celle-ci ainsi que du rôle propre du bénéficiaire en son sein. »
Cette formation apparaît comme une initiation à la prévention des risques professionnels propres à chaque branche.
Le présent paragraphe vise, au-delà de cette formation générale, à « améliorer la connaissance technique des représentants du personnel qui seront amenés à se prononcer sur des orientations ou documents relatifs à la prévention d'accidents technologiques » comme le souligne l'étude d'impact annexée à ce projet de loi.
Il introduit donc une nouvelle obligation de formation dont il précise l'objet - « formation spécifique correspondant à des risques ou facteurs de risques particuliers, en rapport avec l'activité de l'entreprise » - et les bénéficiaires -les représentants du personnel à la formation d'établissement du CHSCT et les représentants des salariés des entreprises extérieures à la formation de site du CHSCT, à la condition que ces dernières « travaillent habituellement dans l'établissement » .
Mais il renvoie à un accord collectif de branche ou d'entreprise le soin de définir les conditions dans lesquelles cette formation est dispensée et renouvelée. Aussi, à l'inverse de l'actuelle formation instituée par l'article L 236-10, son renouvellement n'est que facultatif 21 ( * ) . En l'absence d'accord, ce sera l'employeur qui fixera les conditions de cette formation.
En application du dernier alinéa de l'article L. 236-10, la charge financière de cette nouvelle formation incombera à l'entreprise utilisatrice.
II - La position de votre commission
Dans la mesure où votre commission propose de remplacer la double formation du CHSCT par un élargissement de celui-ci, elle ne peut que proposer, par coordination, de supprimer les paragraphes I, II et III du présent article qui concernent la formation de site du CHSCT.
Elle tient néanmoins à souligner deux ambiguïtés dans ces paragraphes.
S'agissant de la périodicité des réunions du CHSCT, les dispositions du paragraphe I apparaissent plus restrictives que celles de l'actuel article L. 236-2-1 -elles ne mentionnent plus la réunion du CHSCT à la demande de deux membres salariés de cette instance-, sans que l'on sache si les dispositions du projet de loi et celles du code du travail sont exclusives l'une de l'autre.
S'agissant du statut des représentants des salariés des entreprises extérieures à la formation de site du CHSCT, votre commission observe que le paragraphe II du présent article leur accorde logiquement, à l'instar des représentants du personnel de l'établissement au CHSCT, des garanties en termes de protection contre le licenciement, mais ne leur impose aucune obligation. Or, l'article L. 236-3 du code du travail prévoit que les membres du CHSCT sont soumis à une obligation de discrétion et au secret professionnel. Dans le cas présent, il apparaît que le projet de loi aurait du reprendre de telles obligations, a fortiori s'agissant de salariés d'entreprises extérieures.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article additionnel après
l'article 11
(art. L. 236-7 du code du travail)
Rapprochement entre le
CHSCT et l'inspecteur
des installations classées
Objet : Cet article additionnel vise à autoriser l'inspecteur des installations classées à assister aux réunions du CHSCT d'un établissement Seveso « seuils hauts » et à permettre aux représentants du personnel du CHSCT de lui présenter des observations lors de ses visites dans l'établissement.
L'article L. 236-7 du code du travail prévoit, dans ses deux derniers alinéas, que l'inspecteur du travail est prévenu des réunions du CHSCT et peut y assister et que les représentants du personnel au CHSCT sont informés des visites de l'inspecteur du travail dans l'établissement et peuvent lui présenter leurs observations.
Votre commission juge souhaitable d'étendre, pour les établissements classés Seveso « seuils hauts », ces dispositions à l'inspecteur des installations classées, qui n'est pas aujourd'hui autorisé à assister aux réunions du CHSCT.
Il lui est en effet apparu que l'une des lacunes du dispositif de prévention des risques industriels résidait dans le cloisonnement existant entre son volet « industriel » et son volet « social ». L'information passe mal, faute d'association non seulement entre l'inspection du travail et l'inspection des installations classées, mais aussi entre le CHSCT et l'inspection des installations classées.
Elle considère alors qu'une telle disposition serait de nature à limiter un tel cloisonnement et à contribuer utilement à l'information des inspecteurs des installations classées, sans leur imposer nécessairement un surcroît de travail.
Votre commission vous propose d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.
* 7 Tel que modifié par le décret du 20 mars 2000.
* 8 Ces chiffres sont issus de l'enquête REPONSE menée en 1998 par la DARES.
* 9 Sans qu'il soit possible de l'évaluer précisément en l'absence de statistiques.
* 10 On rappellera en effet qu'en application de l'article L. 421-1 du code du travail l'élection de délégués du personnel n'est obligatoire que dans les établissements occupant plus de 10 salariés.
* 11 en application de l'article L. 236-2 du code du travail.
* 12 en application de l'article L. 236-5 du code du travail
* 13 Cet article précise que le CHSCT « comprend le chef d'établissement ou son représentant et une délégation du personnel ».
* 14 Dans sa proposition n° 43.
* 15 Telle qu'issue de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991.
* 16 Tel que modifié par le décret n° 96-18 du 5 janvier 1996.
* 17 L'article R. 236-10-1 du code du travail prévoit que la consultation du CHSCT a lieu avant l'envoi au préfet des documents joints à la demande d'autorisation. Parallèlement, l'article 23-8 du décret du 21 septembre 1977 prévoit que la consultation du CHSCT a lieu dès l'ouverture de l'enquête publique. Or, en application de l'article 5 du même décret, le préfet ne peut lancer l'enquête publique que lorsque le dossier est complet... Tout cela n'est guère cohérent et on peut se demander s'il revient à la loi de régler des conflits entre décrets...
* 18 Ce jeu pour le moins complexe de renvois entre code de l'environnement et code du travail ne favorise guère l'intelligibilité et l'accessibilité de la réglementation. Elle le favorise d'autant moins que le décret de 1977 susvisé est tantôt daté du 21 septembre, tantôt du 21 décembre...
* 19 Arrêt de la chambre sociale du 24 octobre 2000.
* 20 Le code du travail ne prévoit que la possibilité d'une invitation de « toute personne qualifiée de l'établissement ».
* 21 Alors que la formation générale doit être renouvelée au bout de quatre années de mandat.