II. METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF ADAPTÉ, AVEC UN COÛT SUPPORTABLE
A. LE RMA, UNE MESURE DÉJÀ PROPOSÉE PAR LE SÉNAT
Dans son rapport 27 ( * ) sur le la proposition de loi précitée relative au RMA 28 ( * ) , notre collègue Philippe Nogrix avait déjà noté de façon pertinente :
« Il est frappant qu'après deux années de croissance soutenue, le nombre des titulaires de minima sociaux n'ait pas connu un reflux plus marqué.
« Cette situation est dangereuse car si le mouvement de créations d'emploi devait à nouveau ralentir, la France devrait assumer à nouveau l'inexorable montée en charge des bénéficiaires de revenus d'assistance financés par la solidarité nationale [...].
« Le revenu minimum d'activité (RMA), issu de la réflexion de MM. Alain Lambert, président de la commission des Finances, et Philippe Marini, rapporteur général, est l'outil qui peut mobiliser les entreprises au service de la cause de l'insertion devant laquelle les collectivités locales se sentent désarmées faute d'instrument adapté. [...]
« Bien appliqué, il permettra à des personnes aujourd'hui durablement éloignées du monde du travail de retrouver une dignité tout en échappant au double écueil de la précarité et de l'assistance ».
1. Une similitude profonde entre le dispositif actuel et celui déjà préconisé par le Sénat
Dans les deux dispositifs, le RMA vise à favoriser le retour à l'emploi de bénéficiaires du RMI en organisant le reversement de cette prestation à leurs employeurs .
Ces mécanismes présentent donc l'avantage d'être à la fois peu coûteux (le RMI est simplement redéployé vers les employeurs) et incitatifs , tant pour les employeurs (qui reçoivent ainsi une aide consistante) que pour les bénéficiaires (dont le revenu est amélioré, puisqu'il s'établit au moins au SMIC).
Le RMA se décompose ainsi en une aide versée à l'employeur , qu'il reverse au salarié, et un revenu supplémentaire versé par l'employeur au salarié.
Si le RMA s'inscrit dans une politique dite d' « activation » des minima sociaux, surtout éprouvée dans les démocraties d'Europe du Nord, il participe indubitablement à la mise en oeuvre du principe défini dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».
2. Des modalités toutefois différentes
Dans le présent projet, les articles 35 à 39 sont consacrés à la création du revenu minimum d'activité.
Le tableau suivant donne le détail de l'économie du RMA « gouvernemental » et du RMA « sénatorial », en faisant ressortir les différences entre ces deux dispositifs.
ECONOMIE DU DISPOSITIF |
RMA ADOPTE PAR LE SENAT |
PROJET DE RMA |
Conventions |
Une convention de RMA, tripartite, est passée entre le bénéficiaire, l'employeur, et, selon le cas, l'Etat ou l'institution gestionnaire du minimum social. Dans ce cadre, un CDI est conclu entre l'employeur et le bénéficiaire. |
Une convention est passée entre le département et l'employeur. Dans ce cadre, un CDD 29 ( * ) de droit privé à temps partiel (20 heures 30 ( * ) ), est conclu avec le bénéficiaire du RMA ; il est renouvelable 32 ( * ) 2 fois, sans pouvoir excéder 18 mois au total . Ce contrat est dénommé « CI-RMA », pour « contrat-insertion - revenu minimum d'activité ». |
Minimum social de référence |
RMI, allocation de solidarité spécifique, allocation d'insertion, allocation d'assurance veuvage, allocation de parent isolé. |
RMI exclusivement. |
Employeurs |
Employeurs relevant de l'article L. 322-4-3 du code du travail (ceux habilités à conclure un contrat initiative emploi - le CIE). Il s'agit donc du secteur marchand . |
Tout employeur public ou privé, sauf les services de l'Etat et des départements et les particuliers. Les employeurs du secteur non marchand ne peuvent passer une convention avec le département que dans le cadre du développement d'activités correspondant à des besoins collectifs non satisfaits. |
Rappel de la structure commune |
RMA = Aide versée à l'employeur (1) + Revenu supplémentaire versé par l'employeur (2) |
|
Aide versée à l'employeur , qui est reversée dans le cadre du RMA ( 1 ) |
Au départ, l' « aide dégressive » est égale au montant du minimum social (par exemple le RMI ) ; elle est ensuite versée à l'employeur pendant trois ans de manière dégressive . |
L' « aide du département » est égale au montant du RMI pour un allocataire isolé après abattement au titre du forfait logement 33 ( * ) (362,30 euros) durant la durée de versement du RMA (pas de dégressivité). |
Revenu supplémentaire versé par l'employeur au salarié ( 2 ) |
Le « salaire négocié » doit permettre d'atteindre le RMA, dont le montant est défini par un accord de branche ; en tout état de cause, le RMA ne peut être inférieur au SMIC. |
Un complément de rémunération 34 ( * ) est versé afin que le RMA atteigne le SMIC pour une activité à temps partiel de 20 heures par semaine, soit 594,21 euros bruts ; il s'élève ainsi à 231,91 euros bruts, soit 182,75 euros nets. |
Charges sociales |
Il n'est pas prévu de soumettre
l' « aide dégressive » aux charges
sociales
.
|
Idem
pour l'«
aide du
département
».
1) pour les employeurs du secteur non marchand : une exonération totale des charges sociales patronales, qui donne lieu à l'application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, ce qui implique que l'exonération est intégralement compensée par le budget de l'Etat ; 2) pour les employeurs du secteur marchand : l' « aide du département » ouvre droit aux exonérations de droit commun, notamment celle concernant les bas salaires. |
Coût individuel de la mesure pour l'Etat |
Le coût est égal, dans le dispositif voté au Sénat, à celui de la prise en charge des exonération de droit commun ( par le FOREC) . |
1) pour les employeurs du secteur marchand, pas de prise en charge particulière ; 2) pour les employeurs du secteur non marchand , il ressort à 84,32 euros par contrat (compensation de l'exonération des charges sociales patronales sur le complément de rémunération) |
Droits connexes des bénéficiaires du RMI |
Non précisé. |
Conservés (CMU, exonération de la taxe d'habitation). |
Public éligible |
Bénéficiaires des différents minima sociaux . |
(D'après l'exposé des motifs et les intentions formulées par le gouvernement, le projet renvoyant à un décret) allocataires du RMI depuis au moins deux ans au cours des trois dernières années. |
Contre-indications pour les entreprises |
Avoir procédé à un licenciement économique dans les 6 mois précédant la date d'effet du CI-RMA. Embauche résultant du licenciement d'un salarié sous CDI. Ne pas être à jour de ses contributions et cotisations sociales. |
idem |
Formation |
Un accord de branche détermine les modalités d'une formation ou d'un tutorat. |
Les CI-RMA comportent des dispositions relatives aux objectifs d'insertion professionnelle de leurs bénéficiaires, de leurs tutorats, suivis individualisés, formations et accompagnements, ainsi qu'à leurs modalités d'orientation professionnelle dans le cadre de leurs parcours d'insertion. La formation est effectuée sur le temps de travail. |
Effets de seuil pour les entreprises |
Neutralisation des seuils sociaux. |
Neutralisation des seuils fiscaux et sociaux. |
Il résulte de l'examen de ces éléments que le dispositif que le gouvernement souhaite mettre en oeuvre diffère du dispositif sénatorial, qui prévoyait notamment une diminution progressive de l'aide versée à l'employeur. Par ailleurs, il apparaît moins général, puisque le seul minima social visé est le RMI, et qu'il n'est prévu que le recours à des contrats à durée déterminée à mi-temps. Enfin, le recours au secteur non-marchand s'inscrit à rebours de la logique de la réforme structurelle du marché de l'emploi qu'a annoncée le gouvernement à son arrivée, et que le Sénat avait appelé de ses voeux.
Toutefois, les moindres contraintes de gestion qu'entraîne le dispositif gouvernemental devraient faciliter sa mise en oeuvre, et sa pertinence doit être appréciée en cohérence avec l' évolution de la conjoncture et de la politique de l'emploi.
* 27 Rapport n° 206 (2000-2001) de M. Philippe Nogrix , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 30 janvier 2001.
* 28 Proposition n° 317 (1999-2000), présentée par MM. Alain Lambert et Philippe Marini.
* 29 Ce CDD a donc en principe une durée de 6 mois ; dans l'exposé des motifs, rien ne figure sur la durée du contrat, mais le présent projet prévoit bien qu'un décret en fixera la durée.
* 30 Il s'agit d'une durée impérative (dans un premier temps, le gouvernement avait envisagé qu'un décret en déterminerait les «modalités de dérogation »). Le cumul du CI-RMA avec une autre activité rémunérée n'est pas autorisé (de même, le gouvernement avait d'abord envisagé qu'une activité professionnelle complémentaire dans la limite d'un mi-temps, à l'issue d'une période de trois mis et pour une période limitée à un an, pourrait, dans des conditions fixées par décret, être exercée). 31 Le renouvellement de la convention est décidé par le département à l'issue d'une évaluation des compétences professionnelles du salarié et de sa participation à la vie de l'établissement (notamment par l'ANPE) au regard de la situation du salarié.
* 32 Le renouvellement de la convention est décidé par le département à l'issue d'une évaluation des compétences professionnelles du salarié et de sa participation à la vie de l'établissement (notamment par l'ANPE) au regard de la situation du salarié.
* 33 Le cas échéant, le RMI continue donc à être versé aux personnes bénéficiant d'un CI-RMA, pour un montant égal au montant de RMI versé avant la reprise d'activité diminué du montant de l'aide à l'employeur. Ce cumul RMA-RMI permet au dispositif de rester aussi attractif lorsque le bénéficiaire perçoit un RMI d'un montant plus élevé que l'aide du département compte tenu des personnes à sa charge. De plus, si le montant du RMI initialement perçu est inférieur au montant du RMI pour un allocataire isolé après abattement au titre du forfait logement, alors le RMA devient encore plus attractif, car le montant de l'aide du département n'est pas diminué en conséquence.
* 34 L'employeur a la possibilité de dépasser le montant du SMIC, mais l'exonération des charges sociales patronales pour les employeurs du secteur non marchand est plafonnée au complément de rémunération correspondant au SMIC.