N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 octobre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales ,

Par M. Georges GRUILLOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Sénat : 4 , 31 , 32 , 33 et 41 (2003-2004)

Collectivités territoriales.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales inaugure cet Acte II de la décentralisation dont le Gouvernement souligne qu'il devrait être « l'aiguillon de la nécessaire modernisation de notre pays et de l'évolution de ses structures administratives ».

On sait que le présent texte de même que les projets de loi organiques qui ont été ou vont être soumis au Parlement (expérimentation, referendum local, transferts financiers) s'inscrivent désormais dans un cadre constitutionnel rénové, celui qui est issu de la réforme du 17 mars dernier et qui se décline en plusieurs principes :

- l'organisation décentralisé de la République ;

- le principe de l'expérimentation ;

- l'objectif constitutionnel de subsidiarité ;

- le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales ;

- l'absence de tutelle d'une commission sur l'autre se combinant avec la notion de « chef de file » ;

- l'objectif d'égalité des ressources et des charges entre collectivités territoriales par la péréquation.

Par ailleurs, une large concertation territoriale a été conduite par le Gouvernement à travers les Assises des libertés locales, qui ont impliqué 55.000 personnes dans les 26 régions de métropole et d'outre-mer, entre le mois d'octobre 2002 et le mois de janvier 2003.

C'est au cours d'un exercice de synthèse, réalisé à Rouen le 28 février dernier, que le Premier ministre a défini les grands objectifs politiques du texte et donc les bases fondamentales de la réforme.

Il s'agit, tout d'abord, de clarifier les champs de compétences des différents niveaux de collectivité territoriale. Ensuite, de répondre aux exigences de la démocratie de proximité. En troisième lieu, de mettre en place des transferts de compétences souples et adaptés aux réalités locales. Enfin, de participer à l'indispensable réforme de l'Etat.

La commission des Affaires économiques a estimé que de nombreux sujets abordés par le projet de loi relatif aux responsabilités locales concernaient directement son champ de compétences.

Elle a donc souhaité s'en saisir pour avis et de procéder à l'étude de 35 des 126 articles du texte, soit plus du quart.

Votre commission des Affaires économiques examinera successivement le chapitre 1er du titre Ier, consacré au développement économique et au tourisme, le titre II, qui contient les dispositions relatives au développement des infrastructures, aux fonds structurels et à la protection de l'environnement, et le chapitre III du titre III, qui traite du logement social et de la construction.

1. Le développement économique et le tourisme

Pour l'essentiel, les quatre articles du chapitre relatif au développement économique et au tourisme , prolongent et amplifient des dispositifs institués par les articles 102 et 103 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Ainsi, l'article 1er conforte le rôle de la région en matière de coordination des interventions économiques déjà esquissé par la loi « Démocratie de proximité ». Il lui reconnaît le rôle de « chef de file » en lui attribuant l'exercice de la responsabilité du développement économique, au travers notamment d'un « schéma régional de développement économique », et surtout la compétence de déterminer les aides qui peuvent être accordées aux entreprises dans la région et d'en définir le régime. Les départements, les communes et leurs groupements peuvent toutefois participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région.

Le texte procède par ailleurs à la suppression de la notion juridique « d'aide indirecte » pour respecter les dispositions communautaires en matière d'aides d'Etat. Dès lors, outre la prise en charge, comme actuellement, des commissions dues par les bénéficiaires de garanties d'emprunt accordées par les établissements de crédit, les départements et les communes ou leurs groupements ne peuvent plus désormais attribuer de manière autonome que des aides à l'immobilier - dont le projet de loi définit précisément le régime -, dans des conditions fixées par voie réglementaire et sous réserve que ces aides s'inscrivent dans le schéma régional de développement économique.

Toutefois, un mécanisme de sauvegarde peut permettre, dans certaines conditions de forme et de délai, à une collectivité territoriale de s'affranchir d'un refus d'intervention ou d'une carence de la région en passant une convention avec l'Etat pour compléter les dispositifs d'aides existants.

Enfin, l'article 1er organise les relations entre les collectivités publiques nationales et les instances européennes pour respecter les prescriptions communautaires relative au droit de la concurrence. Il définit les responsabilités de chacun en cas de suspension ou de récupération d'une aide économique indûment accordée à une entreprise, et précise que les collectivités territoriales concernées supporteront les conséquences financières d'une éventuelle condamnation de l'Etat pour retard dans l'exécution des décisions communautaires.

Sur cet article, la commission des Affaires économiques proposera d'adopter quelques amendements qui, sans remettre aucunement en cause la logique générale de la nouvelle organisation « coiffée » par la région, rappellent cependant comment les départements et les communes peuvent continuer à intervenir dans le champ économique, tant il est vrai qu'aucun élu local ne saurait se désintéresser des entreprises et activités économiques présentes sur son territoire.

L'article 2 transfère à la région, compte tenu de ses nouvelles responsabilités, des instruments de développement économique relevant aujourd'hui de l'Etat. Il s'agit de crédits du FISAC et du dispositif EDEN, ainsi que d'un certain nombre de crédits actuellement mis en oeuvre par l'Etat au niveau déconcentré, notamment dans le cadre de sa participation aux contrats de plan Etat-région. Le transfert, d'un montant évalué à 238 millions d'euros, se fera dans des conditions prévues par une loi de finances. L'Etat conservera cependant des moyens financiers, au travers d'un fonds de solidarité économique, pour pouvoir intervenir de manière exceptionnelle.

Si cet article n'a guère de valeur normative, il possède cependant une vertu politique importante qu'il s'agira de préciser, au cours des débats, afin de connaître exactement dans quelles conditions les régions seront autorisées à utiliser les financements ainsi décentralisés : auront-elles toute latitude pour les affecter aux actions qu'elles auront décidées, ou seront-elles contraintes de les ventiler conformément à des normes définies au plan national ? En outre, la commission proposera un amendement étendant le transfert aux régions des crédits concernant les actions collectives actuellement menées par l'Etat en faveur des entreprises.

L'article 3 attribue à la région la charge de l'animation de la politique du tourisme et au département le classement et l'agrément des équipements et organismes de tourisme, dans le respect des normes nationales. Prolongeant l'article 103 de la loi du 27 février 2002, la région devient ainsi le pivot de la politique du tourisme, l'Etat ne conservant qu'un certain nombre de fonctions régaliennes : définition de la politique nationale, réglementation des activités touristiques et définition des normes de classement et d'agrément des équipements et des organismes touristiques, coopération internationale, production et diffusion de données statistiques.

S'agissant du transfert du classement et de l'agrément des équipements et organismes de tourisme, la commission proposera un amendement confiant cette responsabilité aux régions plutôt qu'aux départements, qui ont fait savoir par leur association qu'ils n'en souhaitaient pas l'attribution.

Quant à l'article 4, il prévoit que la législation relative au rôle, au statut, à la commercialisation et au financement des offices du tourisme sera modifiée par une ordonnance prise dans le délai d'un an après la publication de la loi. Cette habilitation législative ayant fait l'objet d'une contestation unanime, la commission suggèrera un amendement qui, pour l'essentiel, autorise toutes les communes et groupements de collectivités territoriales à créer un office du tourisme sous forme d'établissement public industriel et commercial, alors qu'aujourd'hui, cette faculté n'est réservée qu'aux stations classées et aux communes littorales.

2. La voirie routière

Le champ de compétence de notre commission l'a conduite, ainsi, à se saisir de la totalité des dispositions (soit dix articles) du chapitre 1er du titre II relatif à la voirie routière .

L'article 12 constitue le socle de ce volet routier puisqu'il fonde le transfert d'une partie du réseau routier national aux départements. Cette nouvelle étape de la décentralisation routière, qui fait suite à celle intervenue en 1972, se déroulera de la manière suivante. Un décret définira d'abord les contours du réseau routier qui a vocation à rester dans le domaine public national. Sur cette base, des arrêtés préfectoraux constateront dans chaque département le transfert du réseau national secondaire. Entre 15 000 et 20 000 kilomètres de voies nationales devraient ainsi revenir aux départements.

Pour accompagner ce mouvement, l'article 12 du projet de loi réaffirme le rôle de l'Etat comme garant de la cohérence et de l'efficacité de l'ensemble du réseau routier, ce qui justifie ses attributions en matière de sécurité, d'information des usagers et de connaissance statistique des réseaux. De même, l'article 12 conforte le droit de regard donné aux régions en matière de coordination des investissements routiers, en particulier dans le cadre des schémas régionaux de transports.

L'article 13 prévoit que dans chaque départements d'outre mer, le réseau routier national sera intégralement transféré soit au département, soit à la région, à l'issue d'une concertation entre ces deux collectivités. Il s'agit de conforter l'idée d'une décentralisation routière régionale, qui avait été ouverte par la loi d'orientation sur l'outre-mer de décembre 2000.

Abordant la question du financement des infrastructures, l'article 14 remet à plat le régime des péages sur la voirie routière. Ainsi, il rend possible l'instauration par les collectivités publiques de péages sur les routes express, que celles-ci soient données en concession ou gérées en régie. En outre, il autorise l'Etat à percevoir des péages sur les autoroutes et les ouvrages d'art qu'il gère en régie, alors que cela n'était jusqu'à présent possible qu'en cas de concession.

L'article 15 complète la liste des fonctionnaires et agents habilités à constater et à réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier en y adjoignant les agents des départements, les agents de la collectivité territoriale de Corse et les agents des régions d'outre-mer.

L'article 16 tend à donner une nouvelle définition des routes à grande circulation et à renforcer les obligations inhérentes à ce statut. Il s'agit notamment de permettre à l'Etat de garantir, une fois réalisé le transfert des routes nationales concernées aux départements, le délestage du trafic et le passage des transports exceptionnels ou des convois militaires.

Toujours dans le but de permettre à l'Etat de mener des actions d'intérêt général, l'article 17 du projet de loi tend à intégrer dans le régime législatif des plans d'urgence deux types de dispositifs à caractère réglementaire, les plans de gestion de trafic et les plans d'action en cas d'intempérie. Ces plans sont destinés à assurer la continuité du réseau routier en cas de crise.

L'article 18 prévoit que les collectivités territoriales qui apportent des fonds de concours à des opérations d'aménagement conduites sur le réseau routier national seront pourront bénéficier du FCTVA. Il s'agit là d'une dérogation au fonctionnement de ce fonds, puisque selon le droit en vigueur, seules peuvent donner droit à récupération les dépenses d'investissement que les collectivités territoriales consentent directement sur leur propre domaine. Une condition de seuil est toutefois posée à cet avantage : il est nécessaire qu'au moins la moitié du coût total de l'opération soit supportée par les collectivités territoriales et leurs groupements.

3. Les aérodromes civils

L'article 22 traite du transfert aux collectivités locales de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion de la très grande majorité des aérodromes civils de notre pays qui appartiennent actuellement à l'Etat.

Les aéroports les plus importants, notamment ceux d'Aéroports de Paris, ne sont pas concernés. Les collectivités pourront, dans les trois années qui viennent, présenter des demandes pour prendre en charge ces aérodromes. Au 1er janvier 2007, ces aérodromes seront transférés en tout état de cause, la région étant la collectivité attributaire par défaut.

En cas de candidatures concurrentes de plusieurs collectivités territoriales, le préfet organisera une concertation en vue d'aboutir à une candidature unique. A défaut d'accord, le préfet désignera la collectivité attributaire, qui sera, en pratique, la région.

L'article 23, quant à lui, permettra au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures modifiant le Livre du code de l'aviation civile traitant de la sûreté des vols et de la sécurité de l'exploitation des aérodromes.

4. Le domaine public fluvial

L'article 26 complète le régime de décentralisation du domaine public fluvial qui a été introduit par la loi du 30 juillet 2003 relative aux risques technologiques et naturels . Curieusement, c'est cette loi toute récente (et non le présent projet de loi) qui a reconnu l'existence, à côté du domaine public fluvial de l'Etat, d'un domaine public fluvial propre aux collectivités territoriales , qui serait constitué à partir du classement des voies d'eau relevant de leur domaine privé, ou par le transfert de voies d'eau du domaine public fluvial de l'Etat . Ce transfert facultatif est réalisé soit directement, soit au terme d'une expérimentation de six ans .

Il convient de souligner qu'avant cette loi, trois régions avaient accepté un transfert de la gestion du domaine fluvial de l'Etat, en vertu d'une possibilité ouverte par la loi de décentralisation de 1983 . Or, pour ces régions, le projet de loi prévoit un transfert automatique de la propriété du domaine fluvial national qu'elles gèrent . Cette solution n'est pas satisfaisante. En effet, recevoir la propriété d'un domaine implique des conséquences autrement plus lourdes que d'en assurer la simple gestion. A bon droit, les trois régions concernées souhaiteraient avoir le choix, comme les autres. C'est pourquoi votre commission des Affaires économiques vous proposera un amendement tendant à permettre à ces régions de rejoindre le régime de l'expérimentation.

Outre l'articulation entre le dispositif de 1983 et la décentralisation ouverte par la loi de juillet 1983, l'article 26 du projet de loi détermine les conditions d'une décentralisation des ports intérieurs . Comme pour les voies d'eau, les différentes collectivités territoriales pourront être candidates à ce transfert, un droit de priorité étant toutefois reconnu à la région. Il convient de noter que le régime applicable aux ports intérieurs, jusqu'à présent inclus dans celui des voies d'eau, fera désormais l'objet d'un traitement distinct. Cela permettra, le cas échéant, de donner la propriété d'un port intérieur à une collectivité territoriale distincte de celle qui est propriétaire de la voie d'eau sur laquelle il est situé.

Enfin, de la même manière que la loi de juillet 2003 le prévoit pour les canaux et cours d'eau d'intérêt national, un décret établira une liste des ports d'intérêt national qui ne peuvent faire l'objet d'un transfert.

5. Les ports d'intérêt national

Généralisant et rendant obligatoire l'expérimentation prévue par l'article 104 de la loi du 27 février 2002, l'article 24 prévoit un processus de transfert de l'Etat aux collectivités territoriales de ses compétences sur les ports d'intérêt national .

L'Etat ne conservant que la responsabilité des ports maritimes autonomes, une procédure de transfert des autres ports maritimes est organisée pour s'achever le 31 décembre 2005. Si les collectivités territoriales sont a priori chacune compétente pour un type de port - les régions pour les ports de commerce, les départements pour les ports de pêche, et les communes pour les ports de plaisance -, le transfert s'effectue cependant sur la base du volontariat et de la souplesse. Ce n'est qu'en cas de concurrence ou, au contraire, d'absence de candidatures, que les transferts sont décidés par l'Etat, après que celui-ci a initié une procédure de concertation entre les collectivités ayant concurremment déposé une demande. Sur cet article, divers amendements proposeront une clarification du texte.

Quant à l'article 25, il prévoit, par voie d'ordonnances prises dans le délai d'un an après la publication de la loi, l'actualisation et l'adaptation des dispositions législatives relatives à la police des ports maritimes et aux voies ferrées portuaires, ainsi que la transposition en droit interne de dispositions communautaires.

6. Le syndicat des transports d'Ile-de-France

Les articles 29 à 34 du projet régionalisent l'établissement public appelé syndicat des transports d'Ile de France .

Anciennement dénommé syndicat des transports parisiens (STP), le syndicat des transports d'Ile de France (depuis la loi du 14 décembre 2000 dite SRU qui a notamment ajouté la région d'Ile de France dans sa composition) est chargé d'une mission générale de coordination des transports en Ile-de-France :

- en fixant les dessertes ;

- en désignant les exploitants ;

- en définissant le mode d'exécution des services de transports (ferroviaire, routier, transport guidé tel que le tramway...) ;

- en précisant les conditions générales d'exploitation ;

- enfin, en déterminant la politique tarifaire.

Depuis la réforme du 14 décembre 2000, le STIF est constitué de l'Etat, de la région d'Ile de France, de la Ville de Paris et des départements de l'Ile-de-France.

Son conseil est composé en nombre égal de représentants de l'Etat et de représentants des collectivités locales intéressées.

Ses ressources comprennent pour l'essentiel :

- les concours financiers de l'Etat et des collectivités territoriales membres du syndicat aux charges d'exploitation des services de transport de la région d'Ile-de-France ;

- le produit du versement transport perçu à l'intérieur de ladite région.

En quoi le projet de loi relatif à la décentralisation modifie t il le dispositif existant ? Tout simplement en retirant l'Etat du jeu.

L'autorité organisatrice que continuera à être le STIF sera désormais un établissement public territorial regroupant à l'exclusion de l'Etat l'ensemble des collectivités territoriales déjà citées et présidée par un membre normalement le Président du Conseil régional.

Le nouvel établissement, précise la réforme, sera entièrement subrogé à l'ensemble des biens, droits et obligations de l'ancien STIF.

Des compétences nouvelles lui sont dévolues :

- capacité de maîtrise d'ouvrage en matière de réalisation d'infrastructures de transport ;

- capacité de fixer les taux du versement transport dans le respect des plafonds légaux ;

- compétence pour l'élaboration et la révision des PDU (plan de déplacement urbain) ;

- organisation et financement des transports scolaires en Ile-de-France (depuis 1984, cette responsabilité avait été décentralisée sauf dans cette région où elle relevait toujours de l'Etat) ;

- compétence d'organisation du transport public fluvial de personnes.

Ce retrait de l'Etat emporte à l'évidence de lourdes conséquences financières. Aussi, en contrepartie du transfert, le projet de loi de décentralisation prévoit il que les charges nouvelles résultant des nouvelles dispositions seront compensées chaque année par l'Etat aux collectivités territoriales intéressées selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

On notera que la RATP a obtenu que soit explicitement mentionné le fait que les charges de retraite de la régie continueront à être financées par l'Etat.

7. Les fonds structurels européens

L'article 35 du projet de loi tend, quant à lui, à consacrer l'expérience actuellement conduite en Alsace en ce qui concerne la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens .

Il s'agit d'une décentralisation « à la carte ». Seules les collectivités locales qui en auront fait la demande, pourront se voir confier par l'Etat la fonction d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de certains programmes communautaires.

Le projet de loi prévoit que les régions devraient être prioritaires pour bénéficier de ce transfert de compétences. Ce n'est que dans le cas où les régions manifestent le souhait de ne pas participer à l'expérimentation, que l'Etat pourra confier cette mission aux départements, aux communes ou à leurs groupements, voire à un groupement d'intérêt public.

Sur ce point, votre commission des Affaires économiques présentera un amendement établissant l'égale vocation des différentes collectivités territoriales -et en particulier des départements- à bénéficier, le cas échéant, de cette décentralisation. On rappellera qu'en Rhône-Alpes par exemple les programmes de l'Objectif 2 ont pour supports des dispositifs départementalisés. Par ailleurs, pour tout ce qui concerne les financements communautaires à vocation sociale (notamment ceux du Fonds social européen), le rôle fondamental des départements doit être aussi pris en considération.

8. Les déchets ménagers

S'agissant des articles 36, 37 et 38 du projet de loi, ils constituent les seules dispositions en matière d'environnement de ce projet de loi et ne portent que sur la décentralisation de la compétence d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers qui est confiée aux départements, et pour l'Ile-de-France à la région.

L'objectif poursuivi est de favoriser une meilleure implication des collectivités territoriales dans cet exercice de réflexion et de prospective, sur les moyens à mettre en oeuvre pour organiser la collecte et l'élimination des déchets ménagers en respectant des normes très largement fixées au niveau communautaire.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité opère un transfert similaire vers les régions s'agissant de l'élaboration des plans régionaux d'élimination des déchets industriels.

Pour les déchets ménagers, depuis la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, les conseils généraux, à leur demande, pouvaient demander le transfert de la compétence d'élaboration de ce plan et à ce jour douze départements l'ont fait, les Bouches-du-Rhône devant le faire très prochainement.

En matière de déchets, les départements interviennent surtout pour aider les collectivités locales et leurs groupements à financer les équipements de traitement nécessaires. De 1996 à 1999, la dépense moyenne annuelle des départements s'est élevée à 68 millions d'euros.

Au delà de l'accord de principe que l'on peut donner à cette proposition de transfert, en soi peu coûteuse, les interrogations sont grandes sur la progression des dépenses des départements en matière de déchets dès lors que l'Etat, à travers l'ADEME, revoit à la baisse les aides versées aux collectivités territoriales.

Si cette tendance devait se poursuivre, il faudrait nécessairement réfléchir aux ressources nécessaires aux départements pour exercer ce rôle d'appui auprès des collectivités locales. Il pourrait s'agir de l'affectation d'une partie de la TGAP actuellement versée par les collectivités lors de l'enfouissement des déchets.

Votre rapporteur souhaite également rappeler que l'élaboration de ces plans doit être menée en étroite concertation avec l'ensemble des collectivités locales et de leurs groupements qui assument la responsabilité du traitement des déchets, à travers notamment la commission consultative départementale.

Il convient enfin de réaffirmer l'intérêt de développer la coopération interdépartementale pour permettre l'adoption de plans interdépartementaux. L'article L. 541 14 du code de l'environnement prévoit cette faculté et n'est pas modifié sur ce point par le projet de loi. Cette solution est d'ailleurs retenue pour la région d'Ile de France, ce qui apparaît de bon sens compte tenu de sa spécificité, et votre rapporteur vous proposera de préciser que les représentants des conseils généraux concernés sont membres de la commission consultative afin de renforcer la concertation lors de l'élaboration du plan régional.

Plus généralement, on peut regretter que ce projet de loi ne soit pas plus ambitieux en matière d'environnement, domaine dans lequel les départements sont très impliqués. A cela, il a été répondu à votre rapporteur que plusieurs lois spécifiques étaient en préparation, concernant les déchets, l'eau ou encore le patrimoine naturel, et que la question de la répartition des compétences y serait traitée.

9. Les sociétés d'aménagement régional

L'article 48 a pour objet de transférer de l'Etat aux régions la propriété des biens de l'Etat dont l'exploitation a été concédée à des sociétés d'aménagement régional (SAR) et de substituer par conséquent les régions à l'Etat dans les droits et obligations exercés en tant qu'autorité concédante.

Au nombre de quatre aujourd'hui, les SAR sont des sociétés d'économie mixte associant l'Etat et les différentes collectivités locales concernées, créées dans les années 50 afin de conduire une politique de grands travaux d'aménagement du territoire, essentiellement hydrauliques, dans les régions du Sud de la France.

Le texte précise explicitement que les transferts de patrimoine et de compétences n'interviennent qu'à la demande expresse des régions concernées.

Il indique également que les transferts n'affectent pas les concessions qui sont encore en cours au moment où ils interviennent.

L'article 48 précise par ailleurs que les transferts sont réalisés sans aucune contrepartie financière.

Il est enfin prévu que les modalités des transferts sont fixées par convention entre l'Etat et les régions concernés, ou à défaut par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.

10. Le logement social

Les articles 49 et 50 sont relatifs au logement social .

L'article 49 prévoit les conditions dans lesquelles l'Etat pourra déléguer aux établissements publics de coopération intercommunale et aux départements la gestion des aides à la pierre en faveur du logement social.

En effet, les EPCI, de plus 50 000 habitants et dotés d'un programme local de l'habitat, qui le souhaiteront pourront passer une convention de délégation avec l'Etat, d'une durée de six ans, et auront en charge la gestion et la répartition des aides à la pierre, tels que les prêts à la construction des logements sociaux ou les aides à la réhabilitation du parc locatif privé.

Il est important de noter que le montant de ces aides sera complètement fongible, ce qui offre une marge de manoeuvre non négligeable aux collectivités délégataires.

Les départements se voient également reconnaître une telle faculté. Toutefois, une priorité de fait est accordée aux EPCI dans la mesure où la compétence des départements serait limitée aux territoires non couverts par une convention passée entre l'Etat et les EPCI.

Il faut préciser que, parallèlement, le projet de loi organise une procédure de déconcentration aux préfets de région pour la répartition des crédits. Ces derniers auront en effet la charge de répartir les enveloppes régionales qui leur seront attribuées entre les collectivités délégataires et les départements.

La convention de délégation précisera notamment les conditions de financement des actions programmées, les modalités d'adaptation des aides de l'Etat en fonction de circonstances locales particulières et les modalités de délégation de tout ou partie du quota préfectoral d'attribution de logements sociaux. Les objectifs en matière de politique de l'habitat seront eux précisés dans le programme local de l'habitat.

A ce sujet, les dispositions relatives au PLH sont modifiées et mis en cohérence avec les nouvelles dispositions du PLH.

En outre, la loi ouvrirait un droit général à tous les types de collectivités territoriales pour apporter des aides au logement, indépendamment et en complément de celles versées par l'Etat.

Enfin, le projet de loi substitue au comité départemental de l'habitat un Comité régional de l'habitat, doté des mêmes prérogatives. Ce comité sera chargé notamment d'assister le préfet dans sa mission de répartition des crédits entre les départements.

L'article 50 complète la loi de 1990 relative au droit au logement. La gestion et le financement des fonds de solidarité pour le logement -qui accordent des aides aux ménages en difficulté pour le maintien dans le logement- est décentralisé aux départements. Par ailleurs, les missions des fonds de solidarité pour le logement (FSL) sont élargies pour les personnes qui éprouveraient des difficultés à payer leurs facteurs d'eau, d'énergie et de services téléphoniques.

En conséquence de cette décentralisation, le conseil général devra élaborer le règlement intérieur du Fonds, qui précisera les modalités d'octroi des aides.

Enfin, il est prévu la possibilité de créer des démembrements locaux des FSL. Tout EPCI ayant passé une convention de délégation au titre de l'article précédent, pourra, de droit, obtenir la constitution d'un fonds intercommunal et en assurer la gestion. L'article 51, relatif au transfert du patrimoine de logements étudiants de l'Etat aux communes ou à leurs groupements prévoit, quant à lui, que les biens meubles et immeubles affectés aux logements sociaux étudiants précédemment propriété de l'Etat seront transférés à la commune ou, le cas échéant, au groupement de communes par arrêté préfectoral. La gestion de ces logements sera assurée par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires dans le cadre d'une convention passée avec la collectivité territoriale.

Toutefois, en conséquence du transfert de propriété, les collectivités locales seront chargées d'assurer l'entretien et les travaux de réhabilitation de ce patrimoine, dont la commission des Affaires culturelles a pourtant montré qu'il n'était pas en très bon état ! Ce transfert est donc susceptible de présenter une charge financière importante pour les finances locales.

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La commission des Affaires économiques s'est entièrement solidarisée des grandes orientations proposées par un projet de loi équilibré dont elle a jugé qu'il proposait, outre la poursuite des grands objectifs politiques et constitutionnels déjà évoqués, l'approfondissement de la décentralisation et la préservation du rôle de l'Etat dans un certain nombre de domaines qui relèvent, à l'évidence, de l'intérêt général et d'une nécessaire politique de cohésion nationale.

Elle vous proposera toutefois un certain nombre d'amendements qui améliorent ou précisent, selon elle, le texte.

La commission a travaillé en étroite coordination avec les rapporteurs des autres commissions saisies sur ce projet de loi et notamment M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois, saisie au fond.

Par ailleurs, il faut souligner que le Gouvernement a multiplié les réunions avec vos rapporteurs dans un souci d'information et de concertation préalable.

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