C. UNE SATISFACTION : L'APPLICATION DES PROTOCOLES SIGNÉS AVEC LES FÉDÉRATIONS DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ
Votre rapporteur est sensible à la façon volontariste et sincère dont les ministres MM. Hervé Gaymard et Nicolas Forissier ont pris en main le dossier du financement de l'enseignement agricole privé, et sont parvenus à des avancées significatives, qui apportent un second souffle à ces établissements.
Après les retards accumulés les années précédentes, ces mesures sont salutaires pour répondre à la situation financière précaire de ces établissements, dont nombre de parlementaires s'étaient préoccupés. Pourtant, elles ne font qu'appliquer, enfin, les « lois Rocard » de 1984...
Le projet de loi de finances pour 2005 traduit les engagements pris par le ministère : une dotation supplémentaire de 14,5 millions d'euros est inscrite en faveur de l'enseignement technique privé, afin de financer l'impact des protocoles signés avec les fédérations représentatives en 2003 et 2004. Aussi, les subventions aux établissements de l'enseignement privé sous contrat progressent de 5 % par rapport à 2004.
Cet effort notable est à souligner dans un contexte budgétaire tendu. Votre rapporteur restera vigilant, toutefois, à ce qu'il s'applique de façon concrète et pérenne pour les établissements.
1. Les subventions aux établissements du temps plein
Les dotations de l'Etat à l'enseignement privé du temps plein comprennent la rémunération des personnels enseignants, agents contractuels publics, et la subvention à l'élève, destinée à couvrir les autres dépenses de fonctionnement des établissements.
a) Les crédits de rémunération des personnels enseignants
• L'évolution des dotations
177,54 millions d'euros sont inscrits au projet de loi de finances pour 2005 au titre de la rémunération des enseignants liés à l'Etat par un contrat de droit public ainsi que des documentalistes, intégrés à l'équipe pédagogique depuis 1994, soit une légère diminution de 0,2 % par rapport à 2004.
La dotation allouée à chaque établissement est calculée en postes équivalents temps plein (ETP), dans le cadre d'une contractualisation avec l'Etat. Pour 2005, le nombre de postes d'enseignants notifiés au contrat reste stable (5 160 postes, soit + 1 par rapport à 2004), après avoir connu une forte augmentation en 2001 (+ 321 postes), à la suite de la diminution des obligations de service des professeurs de lycée professionnel 18 ( * ) .
En outre, les établissements peuvent se réserver une marge de souplesse, dans une limite de 15 % de cette dotation, pour recruter directement des contractuels de droit privé (environ 600 postes), afin d'assurer des remplacements ou répondre à des besoins plus ponctuels. Ils reçoivent une compensation forfaitaire de l'Etat, dite subvention « article 44 » 19 ( * ) , qui équivaut à près de 26 millions d'euros.
On notera qu'une enquête du ministère est en cours pour évaluer, de façon plus précise, le coût réel de ces postes, afin de calibrer au mieux le montant de cette subvention.
• La situation des personnels
Depuis 2003 20 ( * ) , un dispositif d'allocation temporaire de cessation d'activité, le RETREP, vise à permettre aux agents contractuels de l'enseignement agricole privé, de la même façon qu'aux enseignants des établissements privés de l'éducation nationale, de bénéficier des mêmes conditions de départ à la retraite que leurs homologues du public, lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions du régime général.
Or, dans l'attente de l'évolution du dispositif rendue nécessaire par la loi portant réforme des retraites, aucune dépense n'est prévue à ce titre au projet de loi de finances pour 2005. Cette situation est préoccupante, compte tenu de la montée en puissance rapide du dispositif : selon les prévisions du ministère, le coût de l'allocation temporaire d'activité s'élèverait à 1,97 million d'euros en 2004 et 2,66 millions d'euros pour 2005, pour atteindre environ 4 millions d'euros de dépense annuelle dans cinq ou six ans.
Néanmoins, des avancées ont été réalisées ces dernières semaines pour apporter une réponse à l'écart du niveau des pensions constaté entre les enseignants du privé et ceux du public et au besoin de clarification de leur statut : le Gouvernement a retenu le principe de la création d'un régime additionnel de retraite , sur le modèle de celui mis en place pour la fonction publique ; la cotisation supplémentaire à ce régime pour les personnels sera compensée par leur affiliation 21 ( * ) au régime spécial des fonctionnaires pour les risques maladie, maternité, invalidité et décès, par transfert du régime général.
La montée en puissance de ce dispositif, qui permettra, à terme, une réévaluation de 10 % des pensions des maîtres du privé de l'éducation nationale et de l'enseignement agricole, aura un impact financier lourd pour l'État, mais mettra fin à une situation inéquitable et ambiguë.
Par ailleurs, il serait urgent de revoir les modalités de recrutement dans l'enseignement agricole privé, afin de réduire la précarisation de la situation des enseignants. En effet, 95 % d'entre eux sont recrutés directement par les chefs d'établissement, dans la mesure où le mode de recrutement normal par concours se heurte, d'une part, à la difficulté de prévoir les besoins réels par discipline, et, d'autre part, à une certaine inadaptation des concours (par la nature des épreuves, les conditions d'ancienneté...). Or ces agents, classés en 3 e catégorie, bénéficient de conditions de rémunération 22 ( * ) et de progression de carrière médiocres, et donc peu attractives.
A la suite des travaux d'un groupe de travail mis en place en 2001, des progrès ont consisté, dans un premier temps, à ouvrir aux concours des sections plus adaptées aux besoins de l'enseignement privé (axées sur la production notamment). En outre, un projet, qui n'a toujours pas abouti, prévoit d'instituer un 3 e concours permettant à certains de ces agents d'accéder à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés ou des PLP.
b) Les subventions de fonctionnement à l'élève : une volonté réelle d'appliquer enfin la loi
La « loi Rocard » du 31 décembre 1984 23 ( * ) a prévu que les établissements du temps plein bénéficient d'une subvention de fonctionnement déterminée en fonction du coût moyen par élève constaté dans l'enseignement public, selon le mode d'accueil (externat, demi pension, internat), et correspondant aux charges de personnels non enseignants et de fonctionnement matériel et pédagogique à la charge de l'État et des régions.
Or, ces dispositions sont restées quasiment inappliquées : la faible périodicité des enquêtes et l'étalement des rééchelonnements, dans des enveloppes budgétaires contraintes, ont conduit à l'accumulation de retards dans l'ajustement des subventions versées par l'Etat. Le montant des dotations allouées aux établissements s'est progressivement déconnecté de la réalité de leurs besoins réels.
Ce n'est qu'à partir de 2003 que le ministère de M. Hervé Gaymard a entrepris la revalorisation de la subvention à l'élève, à partir des résultats d'une enquête 24 ( * ) de l'inspection de l'enseignement agricole réalisée en 2001. Ainsi, une dotation de 11,2 millions d'euros a été inscrite à ce titre en loi de finances initiale pour 2003.
En outre, le ministère a retenu le principe d'une compensation intégrale de l'écart constaté en 2002 entre le montant de la subvention fixée par arrêté ministériel pour 2002 et les montants résultant de l'enquête, soit 11,2 millions d'euros , versés selon un échéancier réparti sur les exercices 2003 (50 %), 2004 (25 %), et 2005 (25 %).
Pour 2003, une ouverture de collectif fin 2002 et des redéploiements de crédits ont permis de couvrir les deux premières annuités. L'annuité due en 2004 a été financée par redéploiement de crédits. Pour 2005, le montant de la dernière annuité de rattrapage est de 2,8 millions d'euros.
D'abord formalisés dans un protocole et une convention financière signés le 20 janvier 2003 par le ministre de l'agriculture et les fédérations du temps plein (CNEAP 25 ( * ) et UNREP 26 ( * ) ), ces engagements ont été transposés dans le décret n° 2004-929 du 31 août 2004 , qui modifie notamment l'article R* 813-38 du code rural 27 ( * ) . Les taux de pondération des coûts constatés pour le calcul de la subvention sont fixés à 100 % pour l'externat, 60 % pour la restauration et 50 % pour l'hébergement. Par ailleurs, le ministère s'engage :
- à réaliser, tous les 5 ans, une enquête sur le coût de référence de l'élève dans l'enseignement public ;
- entre deux enquêtes, un arrêté interministériel définit les modalités d'indexation de la subvention.
Pour 2005, l'actualisation de la subvention se traduit par une hausse de 1,1 % du montant des parts aux élèves, soit une incidence de 1,1 million d'euros, équivalente à celle prévue en 2004.
Au total, le coût du rattrapage et de l'indexation s'élève, pour 2005, à 3,9 millions d'euros, portant le montant des subventions versées par l'Etat aux établissements privés du temps plein à 101,7 millions d'euros (en hausse de 1 % par rapport à 2004).
A titre de comparaison, les crédits versés en 2002 étaient de 84,2 millions d'euros, pour des effectifs d'élèves équivalents soit une revalorisation , conséquente, de l'ordre de 21 % sur la période 2002-2005.
* 18 de 23 à 18 heures par semaine, soit au même niveau que les professeurs certifiés.
* 19 En référence à l'article 44 du décret d'application du 14 septembre 1988.
* 20 Décret du 17 mars 2003.
* 21 Par l'article 12 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005.
* 22 Ils sont rémunérés sur la grille indiciaire des adjoints d'enseignement, catégorie qui n'existe plus dans l'enseignement public de l'éducation nationale.
* 23 article L. 813-8 du code rural
* 24 Cette enquête évalue les coûts par élève à :
- 1 246 euros pour un élève externe
- 1 719 euros pour un élève demi pensionnaire
- 3 167 euros pour un élève interne.
* 25 CNEAP - Conseil national de l'enseignement agricole privé
* 26 UNREP - Union nationale rurale d'éducation et de promotion
* 27 issu du décret du 14 septembre 1988 d'application de la loi Rocard