2. La mise en oeuvre du programme d'investissement
a) La troisième tranche de la programmation des crédits d'investissement
La loi quinquennale du 9 septembre 2002 a prévu l'inscription de 1,75 milliard d'euros en autorisations de programme et de 875 millions d'euros de crédits de paiement.
Le projet de budget pour 2005 doit permettre la réalisation de la troisième tranche de cet ambitieux programme de modernisation des équipements du ministère de la justice.
Le rattachement des crédits inscrits en loi de finances initiale à la loi d'orientation et de programmation pour la justice soulève des discussions entre le ministère de la justice et celui des finances, de l'économie et de l'industrie sur le point de savoir si seules les mesures nouvelles ou le surcroît de moyens dans son ensemble devraient être inscrits dans le cadre de la LOPJ.
En effet, comme l'a indiqué la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2003 « la conséquence est que les mesures décidées par le garde des sceaux sont considérées comme se rattachant à la loi [d'orientation], alors que rien ne justifie directement cette interprétation. Par exemple, pour améliorer les conditions de logement des personnels de la justice notamment en région parisienne, le ministère compte trouver les subventions nécessaires sur les moyens mis en place sur le titre VI au titre de la LOPJ (subventions aux collectivités territoriales pour rénover les bâtiments judiciaires). Il modifie de ce fait les moyens programmés au titre de la LOPJ sur une question qui n'y est pas évoquée. A l'évidence, la relation entre la LOPJ et les lois de finances n'a pas été clairement définie, ce qui rendra le bilan de la première application particulièrement difficile à réaliser, voire artificiel. » 11 ( * )
Sous réserve de ces observations, un premier bilan de la réalisation du programme quinquennal en termes de crédits d'investissement peut être présenté.
EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION
-dépenses d'investissement-
(lois de finances 2003 et
2004 - projet de loi de finances 2005)
En millions d'euros
|
Loi de finances 2003 |
Loi de finances 2004 |
Projet de loi de finances pour 2005 |
Taux de réalisation 2003-2005 |
Loi d'orientation et de programmation pour la justice
|
Dépenses en capital
|
55
|
67
|
113
|
27 %
|
875
|
Autorisations
|
385
|
543
|
407
|
76 %
|
1.750
|
Source : ministère de la justice
Le bilan des ouvertures d'autorisations de programme en 2003, 2004 et 2005 fait apparaître un taux de prévision d'exécution budgétaire satisfaisant pour les trois agrégats des services généraux de la justice (services judiciaires, administration générale et juridictions administratives), ce qui témoigne du louable souci du Gouvernement de provisionner le financement des chantiers immobiliers afin d'en permettre la mise en route le plus rapidement possible.
Toutefois, votre rapporteur pour avis souhaite que le ministère de la justice veille à limiter l'écart entre les autorisations de programme ouvertes et les crédits de paiement correspondants .
La couverture de la LOPJ en ce qui concerne les crédits de paiement se révèle plus contrastée selon les agrégats .
A l'issue des trois premiers exercices budgétaires, le taux de réalisation pour les services judiciaires est très faible (25 %). Cette situation s'explique par le fait qu'une opération d'équipement connaît une montée en puissance après cinq ou six années seulement et ne nécessite pas la mise à disposition d'un montant élevé de crédits dans les premières années de mise en route, comme l'avait d'ailleurs souligné notre collègue M. Hubert Haenel, alors rapporteur spécial des crédits de la justice dans son avis sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice : « une opération d'équipement dans le domaine de la justice ne met pas moins de cinq ou six ans avant de se dénouer (...), le plus gros des dépenses (environ 80 %) intervient dans les deux dernières années de l'opération... » 12 ( * ) . Le rapport sur l'exécution de la LOPJ précise en effet qu'une très forte augmentation des crédits de paiement devrait être prévue par les projets de loi de finances pour 2006 (329 millions d'euros) et 2007 (330 millions d'euros).
En revanche, pour l'administration générale et les juridictions administratives, les dépenses en capital inscrites en lois de finances initiales en 2003, 2004 et celles prévues pour 2005 remplissent largement les objectifs de la LOPJ, signe que les chantiers annoncés sont en cours.
Votre rapporteur pour avis regrette le caractère succinct et parcellaire des informations figurant dans le premier rapport annuel sur l'exécution de la LOPJ en matière d'investissement, qui ne mentionne pas le taux de réalisation des dépenses en capital des juridictions administratives et se borne à présenter des chiffres sans autre commentaire.
b) La poursuite de la modernisation des équipements judiciaires
Le projet de budget pour 2005 prévoit une enveloppe d'autorisations de programme d'un montant de 114,1 millions d'euros, en forte baisse par rapport à l'année dernière (- 61 %). 33,65 millions d'euros sont destinés aux opérations confiées par conventions de mandat à l'Agence de maîtrise d'ouvrage.
Ce recul s'explique par un louable souci de sincérité budgétaire du ministère de la justice .
L'importance des opérations immobilières réalisées en 2004 a nécessité d'en provisionner le financement. Elles ont concerné plusieurs palais de justice notamment ceux de Pontoise dont la deuxième tranche de travaux a été accélérée, Narbonne, Besançon, dont la deuxième tranche de restructuration complète du palais ancien est en voie de réalisation, Roanne et Saint-Etienne 13 ( * ) .
Tel ne sera pas le cas en 2005. Les principales opérations d'équipement commencent tout juste à démarrer et seront dès lors peu « consommatrices » de crédits. L'enveloppe allouée cette année vise en effet à couvrir le financement d'études préparatoires au lancement des travaux des palais de justice de Rouen et Nancy ainsi que la première tranche de travaux du tribunal de grande instance de Bobigny.
L'année 2006 devrait connaître une nouvelle accélération des programmes d'équipement avec le lancement :
- d'opérations lourdes concernant les sites judiciaires de Caen, Laon, Aix-en-Provence et Versailles ;
- de la deuxième tranche de travaux du tribunal de grande instance de Bobigny ;
- de la première tranche de travaux des tribunaux de Rouen et Nancy.
Les crédits de paiement, d'un montant de 98,6 millions d'euros, accusent une baisse moins marquée (- 13 %), mais qui se révèle plus préoccupante . En effet, comme l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, cette enveloppe pourrait se révéler insuffisante pour couvrir les ordonnancements et les mandatements des derniers mois de l'année, si tous les chantiers en cours connaissent l'état d'avancement prévu.
Le tableau reproduit ci-après retrace l'évolution des crédits d'équipement alloués aux services judiciaires depuis 2002.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS
D'ÉQUIPEMENT
ALLOUÉS AUX SERVICES JUDICIAIRES
(2002-2005)
En millions d'euros
Loi de finances initiale |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Autorisations de programme |
83,8 |
242 |
292,7 |
114,1 (- 61 %) |
Crédits de paiement |
79,2 |
104,5 |
111,7 |
98,6 (- 12 %) |
Source : ministère de la justice
c) Une gestion des crédits d'investissement perturbée par les mesures de régulation budgétaire
En 2003, les mesures de régulation budgétaire (gels ou mises en réserve) ont amplifié les difficultés du ministère pour gérer ses crédits d'équipement.
Dans l'ensemble, si on excepte le problème persistant de la construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris, la consommation des crédits alloués en loi de finances a atteint un niveau satisfaisant (96 % des crédits disponibles). Ainsi, 99,2 % de l'enveloppe consacrée aux dépenses de restructuration, à la rénovation, à la sécurisation et au gros entretien des sites judiciaires ont été consommés, ce qui a permis la livraison de nombreux travaux 14 ( * ) . En outre, 93 % de la ressource ouverte auprès de l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice a été utilisée. Cette évolution démontre les efforts de gestion accomplis ces dernières années.
Toutefois, ce bilan positif ne doit pas masquer la situation délicate à laquelle se sont trouvés confrontés les services du ministère de la justice au second semestre de l'année 2003. Un gel des crédits de report, transformé en annulation, est intervenu, amputant la dotation initiale de 23,6 millions d'euros. De plus, paradoxalement, les services de certains ordonnateurs secondaires ont calculé de manière trop optimiste les dépenses à régler avant le terme de l'exercice laissant sans emploi 7 millions d'euros alors que des sommes sont restées impayées (4,1 millions d'euros), faute de crédits disponibles auprès d'une vingtaine d'ordonnateurs secondaires. Selon le ministère de la justice, « ce dysfonctionnement ne devrait pas se reproduire en 2004 car, depuis l'annonce du gel des reports et la constitution d'une réserve de précaution, les crédits de paiement ne sont délégués qu'afin de régler des factures en attente ou en vue de dépenses imminentes, toute immobilisation prolongée de la ressource devant conduire à une remontée vers l'administration centrale des sommes non immédiatement utiles. » En outre, pour 2004, un dégel partiel des crédits mis en réserve a été accordé qui devrait permettre au ministère de la justice d'honorer ses factures.
L'Union syndicale des magistrats a dénoncé les mesures de régulation budgétaire, jugeant paradoxal d'afficher un budget en augmentation alors que la pénurie des moyens était parfois patente.
Il conviendrait de limiter les effets perturbateurs de la régulation budgétaire en fixant des enveloppes plus réalistes en loi de finances initiale, ce qui au demeurant permettrait de redonner toute sa portée à l'autorisation budgétaire parlementaire.
* 11 Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2003 en vue du règlement du budget de l'exercice 2003 - juin 2004 - p. 116.
* 12 Avis n° 374 (Sénat, 2001-2002) de M. Hubert Haenel au nom de la commission des Finances - p. 22.
* 13 Ces deux derniers chantiers étant désormais achevés.
* 14 Parmi lesquels la reconversion des locaux des tribunaux pour enfants, la rénovation des salles d'assises d'Aix-en-Provence, Châteauroux, Nevers et Quimper, la rénovation des façades des palais de justice du Puy-en-Velay et de Thionville.