III. UN ÉCLAIRAGE SUR LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LA GOUVERNANCE EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT

Comme chaque année, votre rapporteur pour avis souhaite insister sur un point particulier du développement durable et cette année, il lui est apparu intéressant de faire le point sur la lutte contre le changement climatique et la gouvernance en matière d'environnement au plan mondial.

A. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE COMME ENJEU DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

S'agissant de la lutte contre le changement climatique, il est clair que cette préoccupation s'inscrit pleinement dans une démarche de développement durable.

Le rapport de Sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale établi à la demande du gouvernement britannique et rendu public en octobre 2006, passe en revue l'éventail des faits avérés sur les incidences du changement climatique et sur son coût économique. Il souligne que le changement climatique affectera les éléments fondamentaux de la vie sur la Terre : l'accès des populations à l'eau, la production alimentaire, la santé et les grands équilibres naturels. Les pays pauvres risquent d'être les premiers et les plus durement touchés.

Selon le rapport, les modèles économiques officiels montrent qu'un laisser-faire pourrait coûter 5 % du PIB mondial chaque année et que les dommages collatéraux pourraient même porter ce coût à 20 % du PIB mondial, voire plus.

En revanche, agir pour réduire les gaz à effet de serre supposera une dépense de l'ordre de 1 % du PIB mondial chaque année.

Le rapport conclut à la nécessité d'une intervention au plan international, assise sur des objectifs communs de long terme et adossée à des accords-cadres d'action reposant sur quatre idées-forces : les permis d'émission, la coopérative technique, la lutte contre la déforestation et l'adaptation au changement climatique.

Votre rapporteur pour avis fait sienne l'affirmation inscrite dans le rapport Stern, à savoir qu'il ne s'agit plus d'avoir à choisir entre « éviter le changement climatique » et « promouvoir la croissance et le développement » . Bien au contraire, il faut encourager l'évolution des technologies énergétiques et les mutations des systèmes économiques pour pérenniser à terme la croissance économique tant des pays riches que des pays pauvres.

1. L'avenir du Protocole de Kyoto au-delà de 2012

Dans ce contexte, le Protocole de Kyoto constitue désormais une réalité, qu'il importe de pérenniser au-delà de 2012.

L'objectif fixé par le protocole de Kyoto en 1997 était de diminuer globalement les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les pays développés de 5 % à l'horizon 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990. Sans attendre la ratification de ce protocole par la Russie, intervenue en février 2005 et indispensable à sa mise en oeuvre, l'Union européenne s'était engagée à réduire ses émissions de GES de 8 % à répartir entre ses États membres.

Les Etats signataires se sont engagés à appliquer des politiques visant notamment à :

- accroître l'efficacité énergétique ;

- développer les sources d'énergie renouvelables ;

- installer, renforcer et protéger des puits et des réservoirs de GES ;

- promouvoir les technologies de piégeage du dioxyde de carbone (CO 2 ) ;

- promouvoir de nouvelles formes d'agriculture ;

- remettre en cause les dispositifs fiscaux et les subventions publiques contraires aux objectifs de la Convention-cadre de 1992.

Afin de faciliter, par les pays signataires, la réalisation de leurs engagements, le protocole de Kyoto définit des mécanismes dits de « flexibilité » en complément des politiques susvisées, et notamment :

- les permis d'émission, lesquels permettent de vendre ou d'acheter des droits à émettre entre pays industrialisés ;

- la mise en oeuvre conjointe (MOC), qui offre aux parties prenantes la possibilité de procéder à des investissements dans les pays en voie de développement visant à réduire les émissions de GES en dehors du territoire national et de bénéficier ainsi des crédits d'émissions engendrés par les réductions obtenues de cette façon ;

- le mécanisme de développement propre (MDP), analogue au précédent mais mis en oeuvre dans les pays en transition.

Il importe désormais, dans le cadre de la Convention climat, de préparer, au niveau politique, les négociations sur « l'après Kyoto » au-delà de 2012 à travers notamment l'examen des engagements des pays développés.

Lors de la 12 e conférence des parties à la Convention climat et de la deuxième réunion des parties au Protocole de Kyoto qui s'est tenue à Nairobi du 6 au 17 novembre dernier, des décisions importantes ont été prises, qui donnent un signal important sur la pérennité du dispositif .

Les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto, y compris les pays en développement, ont reconnu la nécessité de diviser au moins par deux les émissions au niveau mondial. Cette reconnaissance partagée représente, pour votre rapporteur pour avis, une avancée forte vers la mise en place d'objectifs post-2012 .

En outre, la conférence a pris date pour une revue complète du protocole de Kyoto en 2008. Il convient de souligner -pour s'en réjouir- que cette revue interviendra à un moment clé des négociations, sous présidence française de l'Union européenne, et devra permettre la révision globale du régime qui devra être adopté en 2009, pour que le dispositif soit opérationnel en 2012.

2. Le dispositif européen du permis d'émission de gaz à effet de serre

Au niveau européen, la directive 2003/87/CE établit un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre et un marché de permis à l'échelle communautaire qui fonctionne depuis début 2005 et couvre environ 46 % du total des émissions de CO 2 de l'ensemble de l'Union européenne.

Principes du marché de permis européen

Sont visées, dans un premier temps, les seules émissions de CO2 des secteurs industriels les plus impliqués : le secteur de la production d'énergie secondaire et du raffinage pétrolier, la fabrication de papier, de verre et de ciment. Ceux-ci représentent ensemble 45 à 50 % du total des émissions de l'industrie et concernent 11 400 installations sur le territoire de l'Union européenne.

Chaque entreprise concernée se voit allouer un montant donné de quotas par année pour la période 2005-2007. En fin d'année, elle doit disposer d'un montant de quotas équivalent à ses émissions. Les entreprises sont libres d'acheter ou de vendre leurs quotas, elles peuvent aussi les mettre en réserve pour un usage ultérieur.

Préalablement à l'ouverture du marché européen de quotas de gaz à effet de serre, chaque Etat membre devait notifier à la Commission européenne son « plan national d'affectation des quotas » (PNAQ). Dans ce plan, chaque Etat membre précise le montant global de quotas alloué à ses entreprises et les règles d'allocation par installation.

Pour la France, le PNAQ-I 22 ( * ) a été établi en conciliant au mieux le maintien de la compétitivité économique et le respect des engagements internationaux de la France, à savoir l'objectif de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre prévu dans le cadre du Protocole de Kyoto. Le taux d'effort a été fixé à 2,43 %, ce qui correspond à une réduction d'émission de 3,5 millions de tonnes de CO 2 et le montant total de quotas du PNAQI est de 156 millions de tonnes de CO 2 par an, dont une réserve de 5,6 millions de tonnes prévue pour couvrir les besoins de quotas des nouvelles installations et des extensions d'installations existantes. Au total, 150,4 millions de tonnes de CO2 ont été allouées aux 1.126 installations concernées .

Bien qu'il soit trop tôt pour établir un bilan de la période 2005-2007, les premières constatations motivent les recommandations de la Commission européenne pour la définition des PNAQ de la période 2008-2012.

Ainsi, la baisse brutale, en mai 2006, du cours de la tonne de CO 2 sur le marché d'échanges européen s'explique, de façon mécanique, par un excès d'offres de permis par rapport à la demande. Plusieurs raisons sont avancées comme l'amélioration de la qualité de l'air, la faiblesse de l'activité économique ou encore la diffusion plus importante de technologies propres mais il s'agirait surtout d'une attribution trop généreuse de quotas dans les PNAQ des différents Etats membres.

Le 15 mai 2006, la Commission européenne a en effet confirmé que les installations industrielles avaient émis 44 millions de tonnes de CO 2 de moins que leurs quotas.

En outre, selon des statistiques européennes récentes, les émissions de CO 2 auraient augmenté de 15 % en 2005 pour les secteurs concernés par le marché européen des quotas.

C'est pourquoi les Etats membres sont appelés à intensifier leurs efforts pour la période 2008-2012 afin de respecter les objectifs de Kyoto, en adoptant des PNAQ plus ambitieux et rigoureux.

La Commission européenne doit faire également des propositions dans les semaines à venir pour plafonner les émissions des transports à partir de 2009, notamment celles du transport aérien.

Le projet français transmis par le Gouvernement à la Commission européenne en septembre dernier a été préparé en appliquant un taux d'effort global de 3,4 % pour inciter les industriels à poursuivre leurs efforts pour la maîtrise de leurs émissions, tout en préservant leur compétitivité.

- S'agissant des entreprises existantes, le projet prévoit une baisse de 5,9 % des quotas par rapport à 2005-2007, c'est-à-dire 141,6 millions contre 150,4 millions de tonnes de CO 2 par an.

- En outre, le périmètre du PNAQ-II est étendu à de nouvelles installations de combustion de plus de 20 MW, ou encore de fabrication d'éthylène et de polypropylène en pétrochimie et il est proposé de prendre en compte des émissions de protoxyde d'azote de certaines activités de l'industrie chimique.

- Enfin, le projet de PNAQ-II ne prévoit d'allouer gratuitement que 90 % des quotas, les 10 % restants étant mis aux enchères.

Votre rapporteur pour avis est favorable au système européen d'échange des droits d'émission de CO 2 et il est très attaché à la crédibilité du marché européen . De son succès dépend en grande partie l'avenir du Protocole de Kyoto au-delà de 2012, d'où la nécessité d'ajuster de façon rigoureuse les allocations de quotas aux Etats membres pour la période 2008-2012.

Mais il importe également de prendre en compte les besoins de la croissance économique et la nécessaire préservation de la compétitivité des entreprises européennes . A cet égard, la proposition du comité interministériel pour le développement durable, faite le 13 novembre 2006, sur la mise en place d'une « taxe carbone », prend tout son sens. Cette taxe s'appliquerait à toutes les importations de produits industriels en provenance de pays refusant de s'engager en faveur du Protocole de Kyoto après 2012, permettant ainsi d'atténuer le différentiel de compétitivité entre les entreprises relevant du Protocole de Kyoto et les autres. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis soutient pleinement cette initiative française qui doit faire l'objet d'un mémorandum transmis, début 2007, à ses partenaires européens.

3. Les engagements nationaux au travers du plan climat

Alors que l'industrie française a diminué fortement ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990 (- 21,6 % d'émissions entre 1990 et 2004) et que la production d'énergie, du fait du recours à l'énergie nucléaire et aux énergies renouvelables recèle peu de gisements de réduction de ce type d'émissions, les secteurs du bâtiment et des transports restent fortement émetteurs. Les prévisions font état d'émissions qui excéderaient tendanciellement de 10 % l'objectif de Kyoto.

Évolution par secteur des émissions de gaz à effet de serre de 1990 à 2002

(Source : ministère de l'écologie et du développement durable)

C'est pourquoi le Plan climat, adopté en 2004 et actualisé en 2006, regroupe l'ensemble des mesures applicables à tous les secteurs en vue d'économiser 54 millions de tonnes de CO 2 par an à l'horizon 2010.

En outre, l'objectif « Facteur 4 » correspond à la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 et il a été inscrit dans la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

Les principales mesures adoptées lors de la révision du Plan climat sont reprises dans le Pacte national pour l'environnement annoncé le 4 octobre dernier par le Premier ministre.

On peut ainsi évoquer :

- la création d'un livret de développement durable pour les particuliers en portant le plafond du CODEVI de 4.600 à 6.000 euros, permettant de mobiliser un supplément de 10 milliards d'euros pour des prêts écologiques ;

- le doublement des crédits de l'ADEME affectés au financement des réseaux collectifs de chaleur renouvelable financé par l'affectation de la taxe sur la consommation de charbon ;

- l'accélération du développement des carburants propres avec la promotion du flex-fioul, un mélange à base de biocarburant n'incorporant que 15 % d'essence ;

- l'encouragement à la production de logements sociaux à très haute performance énergétique (THPE), à travers des prêts bonifiés à 2,45 %.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cet engagement gouvernemental affiché en faveur de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre . Il s'étonne, a contrario, de l'absence de document de politique transversale (DPT) sur le climat, dont il avait déjà l'an dernier souhaité la définition. Compte tenu du caractère imminent transversal du sujet et du foisonnement des initiatives adoptées récemment, il apparaît indispensable d'identifier clairement les politiques conduites par les différents ministères .

D'après la première maquette élaborée par le ministère de l'écologie et du développement durable, les actions de plus de 23 programmes de différentes missions budgétaires sont identifiées comme contribuant à la politique de protection du climat et représentent plus de 2 milliards d'euros par an . Une annexe permettrait également de retracer l'engagement des différents établissements publics dont l'ADEME qui est fortement impliquée dans la maîtrise de la demande d'énergie et la lutte contre le changement climatique.

L'engagement de Mme Nelly Olin devant la commission des affaires économiques portait sur la création du DPT climat dans la loi de finances rectificative pour 2006, mais il ne semble pas que le projet de loi initial le prévoit, ce que votre rapporteur pour avis déplore vivement .

* 22 Validé par la Commission européenne en décembre 2004, le PNAQI a fait l'objet du décret n° 2005-190 du 25 février 2005.

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