II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mardi 28 novembre 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Solidarité et intégration »).
M Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration », a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).
M. Guy Fischer s'est inquiété du fait que les crédits relatifs à de nombreuses actions de la mission soient sous-estimés et imposent le dépôt d'amendements de transfert au profit des lignes sous-dotées.
Concernant les CHRS, il a souligné la nécessité de réformer le système d'hébergement d'urgence, dont la saturation résulte à la fois de l'afflux des demandeurs d'asile et de la difficulté à leur trouver un logement dans le parc social. En outre, les crédits de fonctionnement de ces centres sont insuffisants, alors que les personnels sont confrontés à des personnes qui connaissent des difficultés sociales et sanitaires croissantes, nécessitant un véritable accompagnement.
Il s'est alarmé de la politique conduite à l'égard des demandeurs d'asile qui font l'objet de discriminations croissantes et dont les conditions d'entrée sur le territoire ont été considérablement restreintes. A cet égard, il s'est félicité de l'annulation par le Conseil d'Etat des décrets du 28 juillet 2005 limitant les conditions d'accès à l'AME. Puis il a émis des réserves sur la diminution importante des crédits alloués à l'allocation temporaire d'attente, qui révèle la rigueur de la politique migratoire menée par le ministère de l'intérieur.
Il a dénoncé, par ailleurs, le désengagement de l'Etat pour le financement de l'AME, de la CMU complémentaire, du RMI, de l'API et de l'AAH, pour lesquels les crédits sont largement insuffisants.
Evoquant les études récentes de l'Insee relatives à la pauvreté en France, qui mettent en évidence l'émergence de nouvelles formes de pauvreté, il a rappelé l'existence de 7 millions de travailleurs précaires.
Abordant enfin la politique en faveur des personnes handicapées, M. Guy Fischer a souligné la nécessité d'affiner la réforme mise en oeuvre par la loi du 11 février 2005, notamment dans le domaine de la compensation et des aides par le travail. Il s'est d'ailleurs inquiété des difficultés financières d'un grand nombre de ces établissements. Le retard dans la mise en place des fonds départementaux de compensation est inacceptable, mais il s'explique par le fait que l'effort demandé aux départements est considérable et constitue un véritable transfert de charges de la solidarité nationale vers les contribuables locaux.
Mme Bernadette Dupont a salué l'ampleur de l'effort public en faveur des personnes handicapées. Elle a souhaité connaître les hypothèses retenues pour fixer le montant de l'enveloppe consacrée à l'AAH en 2007. Elle a estimé qu'une attention particulière doit être portée à la prise en charge de nouvelles formes de handicaps, ainsi qu'à la question des personnes handicapées vieillissantes. Elle a enfin dénoncé le manque de personnel qualifié dans un certain nombre d'établissements médico-sociaux.
Malgré les progrès accomplis, elle a considéré que l'effort en faveur de la scolarisation des enfants handicapés doit être poursuivi, notamment par le développement des AVS dont il faut améliorer les conditions de recrutement, de remplacement et de formation.
En réponse à M. Guy Fischer, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a reconnu que l'insuffisance de l'offre de logement constitue un handicap majeur qui résulte des défaillances des politiques menées en la matière dans les trois dernières décennies. La politique conduite par le Gouvernement à l'égard des demandeurs d'asile constitue, selon lui, une réponse adaptée, dans la mesure où la France ne dispose pas des moyens budgétaires suffisants pour assumer les conséquences d'une politique migratoire laxiste.
Concernant le développement des dispositifs d'aide par le travail et des entreprises adaptées, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a admis que ces structures peinent à se développer, bien que le nombre de places ait considérablement augmenté.
Il a en outre relativisé l'ampleur des transferts de charges non compensés pour les départements en matière de RMI, puisque le Gouvernement leur a affecté une enveloppe exceptionnelle de 500 millions d'euros. Il a toutefois rappelé qu'un rapport rédigé par M. Jean-Pierre Fourcade demande que la compensation se fasse à l'euro près.
Par ailleurs, en réponse à Mme Bernadette Dupont, il a fait valoir que la loi « Handicap » du 11 février 2005 est encore récente, ce qui explique certaines lenteurs dans son application. Il faut néanmoins souligner le succès des maisons départementales du handicap qui se sont implantées sur l'ensemble du territoire national.
Les hypothèses retenues pour apprécier la progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH paraissent réalistes, car elles tablent sur une augmentation d'1,5 %, qui correspond à la réalité observée cette année. De même, la croissance du montant de l'allocation, évaluée à 1,9 %, est en ligne avec l'inflation prévisionnelle pour 2007. En revanche, le coût des compléments d'AAH a été sous-estimé : il s'est élevé à 83 millions d'euros en 2006, et non 29 millions d'euros comme l'indique le présent projet de budget.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , s'est enfin félicité de la création de 6.466 postes d'AVS pour 2007, ce qui permet d'assurer la présence d'un adulte pour onze élèves handicapés scolarisés. Le nombre de postes reste toutefois insuffisant, notamment en raison des conditions restrictives de leur recrutement, ce qui justifierait un assouplissement des conditions de qualification exigées pour obtenir l'agrément.
Mme Michèle San Vicente a souhaité des précisions sur les progrès accomplis en 2006 en matière de scolarisation, ainsi que sur l'effort réalisé en faveur des établissements et services d'aide par le travail (Esat).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a indiqué que des négociations ont été engagées avec les actionnaires d'Esat sur le montant de l'aide au poste. Il a reconnu que certains de ces établissements se trouvent en difficulté en raison de la concurrence avec les pays à bas salaires. Cette situation n'est pas propre à la France : la principale entreprise adaptée suédoise a perdu son marché de sous-traitance avec Nokia et Ericson, ces entreprises ayant préféré délocaliser leur production. Il est donc nécessaire de soutenir les efforts d'adaptation des entreprises adaptées pour trouver de nouveaux débouchés.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souligné l'importance de donner aux CHRS les moyens financiers de s'adapter à l'évolution du profil des personnes accueillies qui comprennent désormais des familles avec enfants.
Elle a indiqué que dans son département, l'entrée en Esat est subordonnée à des listes d'attente allant jusqu'à cinq ans et que le faible nombre des personnes sortant chaque année de ces établissements ne permet pas d'intégrer un nombre suffisant de jeunes adultes maintenus dans les établissements pour enfants au titre de l'amendement « Creton ». En conséquence, elle a voulu savoir comment les nouvelles places créées en 2007 se répartissent entre établissements pour adultes et établissements pour enfants.
Elle s'est interrogée sur l'organisme retenu pour gérer le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Cet organisme aura-t-il les mêmes missions en matière d'insertion des travailleurs handicapés que l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) ?
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a fait observer que les CHRS ont la possibilité de louer des appartements dans les organismes HLM afin d'accueillir des familles.
Il a ensuite considéré que le nombre de places manquantes en Esat n'était pas très important compte tenu des efforts de création de places réalisés ces dernières années. Les jeunes adultes maintenus en établissement pour enfants sont en majorité des personnes qui relèvent non pas des Esat, mais d'une prise en charge en foyer occupationnel. Il est donc nécessaire d'inciter les départements à créer davantage de places dans ce type de structures qui relèvent de leur compétence.
S'agissant de la répartition des créations de places, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 2.500 places nouvelles en Esat, tandis que la loi de financement de la sécurité sociale crée 2.100 places en maisons d'accueil spécialisé (Mas) et en foyers d'accueil médicalisé (Fam) et 300 places en instituts médico-éducatifs (IME).
Il a précisé que le FIPHFP est géré financièrement par la Caisse des dépôts et consignations, mais que l'attribution des aides relève d'un comité national regroupant des représentants des employeurs publics et des fonctionnaires. Il a de nouveau insisté sur la nécessité de modifier les règles d'intervention de ce fonds pour permettre sa participation au financement des « Cap Emploi ». Il a en outre rappelé que la commission était initialement favorable à une fusion de ce fonds avec l'Agefiph.
M. Alain Milon a voulu savoir si l'ensemble des AVS sont salariés par l'éducation nationale : dans son département, un certain nombre de postes restent financés par les communes.
M. Nicolas About, président , a expliqué que les AVS sont normalement pris en charge par l'éducation nationale, mais que des règles de qualification très strictes conduisent souvent les rectorats à refuser leur agrément aux personnes sélectionnées par les familles, qui n'ont alors d'autre recours que de se tourner vers les communes pour financer l'accompagnement nécessaire pour leur enfant.
Mme Bernadette Dupont s'est déclarée méfiante vis-à-vis d'un recrutement des AVS à travers des associations, craignant que l'attribution d'une aide ne finisse par être subordonnée à l'adhésion à l'une de ces associations.
M. Nicolas About, président , a expliqué que ce type de dérives l'a conduit à militer pour la séparation entre associations gestionnaires d'établissements et de services et associations non gestionnaires.
M. Alain Vasselle s'est enquis de la mise en oeuvre effective des propositions de la commission d'enquête sénatoriale sur la maltraitance des personnes handicapées. S'agissant de la maltraitance institutionnelle, un grand nombre de ses propositions restent en effet lettre morte, notamment celle relative à la liberté de sortie des personnes handicapées accueillies en établissement.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a indiqué que les deux principales causes de maltraitance en établissement sont le manque de formation du personnel et la dégradation du taux d'encadrement en raison des trente-cinq heures. Le recrutement dans ces établissements est difficile en raison des faibles marges de manoeuvre budgétaires accordées par les financeurs. Il a également dénoncé le fait que l'Etat agrée les conventions collectives applicables dans ces structures, sans en tirer les conséquences en matière de fixation des enveloppes de financement.
M. Nicolas About, président , a souhaité revenir sur la question des aides humaines attribuées aux personnes handicapées dans le cadre de la PCH. Il a dénoncé le fait que les personnes qui choisissent de recruter directement leur personnel sans passer par une association reçoivent des sommes plus faibles que lorsqu'elles recourent à un service mandataire ou prestataire. Or, le tarif de prise en charge des aides humaines devrait être identique quel que soit le mode de recrutement, de façon à permettre aux personnes handicapées d'optimiser l'affectation des sommes qui leur sont versées.
La commission a ensuite adopté les amendements présentés par le rapporteur :
- le premier vise à transférer 6 millions d'euros au profit des CHRS afin d'assainir leur situation financière, en prélevant les crédits correspondants sur les dépenses de communication interne et externe du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » ;
- le deuxième supprime les 114,8 millions d'euros de crédits consacrés au financement des missions d'intégration de l'Ancsec afin de les redéployer au profit de l'AME, de l'API et de l'AAH, dont la sous-évaluation récurrente a entraîné l'accumulation d'une dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale, qu'il s'agit de réduire ;
- le troisième réaffecte la subvention versée au FIAH au profit du financement des mesures de tutelle et de curatelle d'Etat qui figurent dans le programme « Action en faveur des familles vulnérables » ;
- le quatrième opère une clarification des conditions d'octroi de l'AAH aux personnes dont le taux d'invalidité est compris en 50 % et 80 %, en supprimant la condition d'ancienneté au chômage ;
- le cinquième corrige une erreur de référence ;
- le dernier prévoit que les tarifs de la PCH sont fixés de telle sorte que les frais de compensation restant à la charge de la personne handicapée n'excèdent pas 10 % de ses ressources personnelles, nettes d'impôt.
Mme Valérie Létard a approuvé le principe d'un transfert de recettes au profit des CHRS pour améliorer leur situation financière. En revanche, elle a craint que la suppression des crédits de l'Ancsec dans la mission « Solidarité et intégration » n'hypothèque le financement des actions en faveur de l'intégration. Aussi bien s'est-elle dite favorable à l'amendement proposé, à la condition que le Gouvernement s'engage à rétablir les crédits correspondants dans la mission « Ville et logement », ainsi que le suggère le rapporteur.
A M. Jean-Pierre Godefroy qui s'étonnait qu'aucune proposition ne soit faite pour organiser le placement des sommes collectées par le fonds « fonction publique » sur un compte rémunéré, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a indiqué que cette mesure relève plutôt du domaine réglementaire.
Enfin, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2007 ainsi modifiés et à l'adoption des articles 53 à 56 qui lui sont rattachés .