B. L'OUVERTURE DE SEPT NOUVEAUX ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES
La France dispose aujourd'hui de 190 établissements pénitentiaires (116 maisons d'arrêt, 60 établissements pour peines, 13 centres autonomes de semi-liberté, 1 centre pour peines aménagées) soit 50.727 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles). Parmi ces établissements, 111 ont été construits avant 1911 et sont, pour plusieurs d'entre eux, faute d'entretien, dans un grand état de vétusté.
Aussi, au cours des deux dernières décennies, les gouvernements successifs ont-ils engagé trois programmes immobiliers 6 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 entend créer 13.200 places avec la construction d'une quinzaine d'établissements pénitentiaires et de sept établissements pour mineurs (EPM).
Dans l'attente des livraisons, à compter de 2008, de ce dernier programme, un dispositif d'accroissement des capacités vise à dégager 3.000 places d'hébergement supplémentaire (dont 500 places en semi-liberté) sur des emprises pénitentiaires existantes.
Parallèlement, le Gouvernement a engagé en 1998 un programme de rénovation des trois plus grands établissements pénitentiaires de France (les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et Paris-La Santé, le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes).
En 2008, 3.800 places nouvelles seront construites (soit, compte tenu de la fermeture corrélative des places les plus vétustes, 3.000 places nettes) parmi lesquelles 550 places au titre du dispositif d'accroissement des capacités.
L'année 2008 sera ainsi marquée par l'ouverture de sept nouveaux établissements pénitentiaires. L'achèvement de ces chantiers représente 81 millions d'euros de crédits de paiement.
Localisation |
Type |
Date |
Orvault (44) |
EPM 60 places |
Janvier 2008 |
Porcheville (78) |
EPM 60 places |
Janvier 2008 |
Chauconin (77) |
EPM 60 places |
Juin 2008 |
Saint-Denis de la Réunion |
Maison d'arrêt 576 places |
Juillet 2008 |
Roanne (42) |
Centre de détention 600 places |
Septembre 2008 |
Mont de Marsan (40) |
Centre pénitentiaire 690 places |
Septembre 2008 |
Lyon-Corbas (69) |
Centre pénitentiaire 690 places |
Décembre 2008 |
Les différents cadres juridiques utilisés
Le programme immobilier de l'administration pénitentiaire se conduit sous trois formes :
- les opérations conduites directement par l'administration pénitentiaire en maîtrise d'ouvrage public (32,5 millions d'euros en autorisation d'engagement et 51,95 millions d'euros en crédits de paiement) en particulier le dispositif d' accroissement des capacités existantes afin de dégager environ 1.900 places supplémentaires ;
Deux nouvelles maisons centrales prévues dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation de la justice seront aussi réalisées selon cette procédure -elles devaient l'être en conception réalisation mais les appels d'offres s'étant révélés infructueux (en raison du coût très élevé qu'aurait représenté l'opération), la procédure de consultation a été déclarée sans suite. Le choix de la maîtrise d'ouvrage publique permet de s'assurer que la construction répond au plus près des besoins définis par l'administration pénitentiaire. Cette procédure a enfin été retenue pour la construction du centre pénitentiaire d'Ajaccio (290 places) dont le démarrage est prévu pour février 2008 et la livraison, mai 2011.
- Les opérations en conception-réalisation conduites par l' agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ) et les études préalables liées à ces opérations (60 millions d'euros en autorisations d'engagement et 229 millions d'euros en crédits de paiement). Elles concernent notamment en 2008 la réhabilitation de grands établissements pénitentiaires (Les Baumettes à Marseille et Fleury-Mérogis) ainsi que, dans le cadre de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, la construction de trois établissements pour détenus majeurs de 690 places chacun (Bourg-en-Bresse, Mont-de-Marsan et Rennes) et la réalisation de la maison d'arrêt de la Réunion et du centre pénitentiaire de Ducos en Martinique.
- La construction, également dans le cadre de la LOPJ, d'établissements pénitentiaires en maîtrise d'ouvrage privée (746 millions d'euros d'autorisation d'engagement).
Le partenaire privé est associé selon deux modalités différentes :
- la procédure AOT-LOA (autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat) autorisée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002. Alors que dans la conception réalisation, l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, selon cette procédure, il doit s'acquitter de loyers pendant une période fixée de manière contractuelle -en l'espèce 27 ans - avant d'en devenir propriétaire. Le partenaire privé s'engage, en contrepartie, pendant cette période à assurer le nettoyage, l'entretien, la maintenance du lieu et, avant livraison au terme des 27 ans, le renouvellement complet du matériel.
La procédure AOT-LOA a été retenue pour deux lots de construction dans le cadre de la LOPJ (d'une part, les centres pénitentiaires de Béziers -810 places-, Nancy -690 places-, le centre de détention de Roanne -600 places- et la maison d'arrêt de Lyon -690 places ; d'autre part, les centres pénitentiaires de Poitiers -600 places-, Le Havre -690 places- et Le Mans -400 places). L'intérêt de la procédure tient à sa célérité puisque le délai entre la signature du contrat et la réception du bâtiment et de l'ordre de 2 ans à 30 mois 7 ( * ) ;
- la procédure en partenariat public-privé : outre les prestations prévues dans le cadre du contrat AOT-LOA, elle inclut les services correspondants aux actuels marchés dits de « gestion déléguée » (restauration, buanderie, travail pénitentiaire, formation professionnelle, transport et cantine). La période contractuelle est de 27 ans ; cependant, les services à la personne sont remis en concurrence tous les huit ans 8 ( * ) . Cette procédure a l'avantage pour l'administration de contractualiser avec un interlocuteur, unique titulaire du contrat, assurant l'interface avec l'ensemble des acteurs et intervenants du fonctionnement d'un établissement pénitentiaire.
Trois établissements du programme « 13.200 places » devraient être réalisés selon cette procédure : les établissements pénitentiaires de Lille- Annoeullin, Réau (en Ile-de-France) et Nantes (soit au total 2.060 places). De même, la rénovation de la maison d'arrêt de la Santé à Paris sera réalisée en partenariat public privé (464 millions d'autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2008).
La rénovation des grands établissements pénitentiaires
Les établissements concernés -qui concentrent à eux seuls un cinquième des capacités totales de détention- ont fait l'objet en 1998 d'un programme spécifique dans la mesure où le coût de leur rénovation ne pouvait être intégré dans l'enveloppe annuelle des crédits de rénovation de l'administration pénitentiaire.
D'abord orienté vers la remise à niveau des bâtiments assortie de quelques aménagements fonctionnels limités, le programme de rénovation a été étendu à une restructuration plus complète comportant, sur le modèle des nouvelles constructions en cours, l'encellulement individuel, la douche en cellule et les espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion.
S'agissant de la maison d'arrêt de la Santé , comme M. Philippe Goujon l'avait relevé l'an passé, la décision a été arrêtée de rénover l'établissement dans le cadre d'un partenariat public-privé afin de permettre la réalisation de 1.200 places. Le chantier démarrerait à la fin de l'année 2009 et se déroulerait sur vingt-quatre mois (coût des travaux estimé à 464 millions d'euros.
A Marseille , le chantier de rénovation, engagé en janvier 2006, doit durer 8 ans. Il concernera d'abord la sécurité du site et l'accueil des visiteurs avant de se poursuivre par l'hébergement.
A Fleury-Mérogis , les travaux de rénovation pour un montant de 380 millions d'euros ont également commencé en janvier 2006 pour une durée de huit ans. Comme à Marseille, les travaux sont réalisés par tranches successives pour permettre le maintien en activité des structures.
La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et son
chantier de rénovation
Présentation générale des conditions de détention La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis dont la construction s'est échelonnée entre 1964 et 1968 comporte trois entités distinctes : la maison d'arrêt des hommes, avec cinq bâtiments (appelés tripales) disposés en étoile ; le centre des jeunes détenus constitué d'un bâtiment également en forme d'étoile ; la maison d'arrêt des femmes formée par un bâtiment hexagonal. Au 1 er janvier 2007, la maison d'arrêt des hommes comptait 2.823 détenus, le centre des jeunes détenus, 337 détenus dont 60 mineurs, la maison d'arrêt des femmes, 347 détenues. La population pénale est composée pour moins des deux tiers de prévenus et pour un tiers de condamnés. A la date de la visite de votre rapporteur, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis accueillait 3.697 détenus pour une capacité théorique de 2.855 places -soit un taux d'occupation de 145 % pour la maison d'arrêt des hommes. La maison d'arrêt est confrontée à une augmentation de la population pénale dans un contexte délicat marqué par la fermeture de l'une des « tripales » pour la rénovation de la maison d'arrêt des hommes et par le redéploiement sur les établissements d'Ile-de-France des détenus que la maison d'arrêt de la Santé ne peut plus accueillir en raison de sa restructuration 9 ( * ) . La surpopulation carcérale a conduit à affecter deux détenus au sein de chaque cellule. En principe, chaque tripale accueille des détenus originaires du même département. Cette « départementalisation » engagée depuis 1999 vise à assurer une certaine continuité dans le suivi des détenus par les partenaires extérieurs. L'organisation de la détention tient compte d'autres facteurs. Ainsi, les détenus requérant une plus grande protection sont regroupés au sein du même bâtiment. En outre, les détenus écroués la nuit sont accueillis dans des cellules installées au rez-de-chaussée du même bâtiment avant d'être orientés dans le quartier d'accueil des tripales départementales où ils sont placés sous observation pendant sept jours (et font l'objet d'une évaluation médicale et scolaire notamment). L'attention portée aux premières heures de la détention contribue à limiter le choc de la détention. Ainsi de jeunes détenus, pourtant primo délinquants et n'ayant jamais eu de contact avec l'univers carcéral, ont confirmé à votre rapporteur qu'ils avaient été traités lors de leur première nuit au sein de l'établissement dans des conditions respectueuses de leur personne. Dans le cadre général des principes d'organisation de la détention qui viennent d'être rappelés, l'affectation doit tenir compte de plusieurs critères afin de favoriser une cohabitation correcte entre codétenus (ainsi les détenus qui travaillent ou suivent une formation ne partagent pas, en principe, leur cellule avec des détenus inactifs). L'augmentation de la population pénale ne permet toutefois pas toujours une répartition « rationnelle » des personnes avec le risque toujours possible de violences entre codétenus. Toutefois le principe de séparation entre les détenus pour affaires criminelles et détenus pour affaires correctionnelles est respecté -du moins au niveau des cellules- car les uns et les autres peuvent néanmoins cohabiter sur un même étage. Le directeur de l'établissement a souligné l'importance de l'encellulement individuel pour favoriser un meilleur suivi du détenu et le responsabiliser. Il a insisté sur la nécessité de faire respecter au sein de l'établissement un ordre fondé sur les règles du droit -le désordre ne pouvant profiter qu'aux caïds et au seul jeu des rapports de force. Le nombre d'incidents en 2006 -suicides (2 +1 à l'hôpital), tentatives de suicide (40), automutilations (35)- toujours trop élevé doit néanmoins être rapporté au nombre de séjournants à Fleury-Mérogis : soit quelque 11.830 détenus. De même, rapporté au flux des entrants, le nombre de procédures disciplinaires (2.253) apparaît limité. Ces procédures ont fait l'objet de 23 recours gracieux et de deux recours contentieux. Le quartier disciplinaire (qui compte 47 cellules -dont 29 étaient occupées à la date de la visite) ne répond plus aux normes notamment au regard des exigences de luminosité. Il reste comparable aux quartiers disciplinaires de nombreux établissements pénitentiaires visités par votre rapporteur. Les travaux sont indispensables et seront entrepris dans le cadre de la rénovation de la maison d'arrêt. L'état de l'avancement du chantier L'infrastructure de Fleury-Mérogis a connu un dégradation prématurée du fait de l'insuffisance de l'entretien et d'une surpopulation pénale quasi constante. La première des cinq « tripales » qui constituent la maison d'arrêt des hommes est en cours de rénovation et devrait être livrée au printemps 2008. Le chantier se poursuivra au rythme d'une tripale tous les deux ans jusqu'en 2015. La capacité de l'établissement devrait être à terme portée de 2.855 places à 3.522 places. Votre rapporteur a pu visiter les nouveaux modèles de cellule -simple et double- mis en place dans le cadre de la rénovation. La cellule double a pour originalité de comporter deux pièces, l'une réservée aux lits, l'autre à la vie collective. Même si l'encellulement individuel devrait être le principe, la possibilité de placer, à sa demande, un détenu dans une cellule double doit être maintenue, et ce indépendamment des considérations pratiques liées à l'augmentation de la population pénale. Le dispositif retenu à Fleury-Mérogis tout en tenant compte de cette hypothèse atténue les inconvénients liés à la cohabitation. Votre rapporteur a pu constater par ailleurs que la rénovation du réseau électrique et de la chaufferie générale était achevée. En outre, de nouvelles maisons d'accueil des familles ont été créées pour les trois structures (hommes, femmes et mineurs). Un quartier courte peine devrait aussi être créé au sein de l'enceinte pénitentiaire. |
Le programme de rénovation de Fresnes n'est pas, dans l'immédiat du moins, considéré comme prioritaire par rapport à celui des trois autres établissements. Le schéma directeur en avait été réalisé en 2004 mais les études n'ont pas été poursuivies du fait de l'absence de perspective de financement.
* 6 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de six établissements.
* 7 Le premier lot a été attribué à la société EFFAGE en novembre 2005 et la réception des premières constructions interviendra au cours du 3è trimestre 2008 ; le deuxième lot a été attribué au groupement QUILLE en juillet 2006 et les premières réceptions sont prévues en 2009.
* 8 Les contrats en gestion déléguée courent sur une période de 9 ans.
* 9 L'effectif des détenus est passé de 1.300 détenus à 750 après la fermeture des blocs B et C de la Santé.