INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Au sein des crédits destinés à la mission justice par le projet de budget -dont l'enveloppe augmente de 4,5 % par rapport à 2007-, la dotation réservée au programme « administration pénitentiaire » progresse de 6,4 % .
Cette évolution remarquable renforce encore l'effort poursuivi avec constance depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 pour améliorer les conditions de détention après les constats accablants établis par les commissions d'enquête parlementaires en 2000.
La priorité ainsi reconnue à l'administration pénitentiaire ne s'est pas traduite seulement par la modernisation d'une partie importante du parc immobilier et un renforcement considérable des effectifs, conformes pour l'essentiel aux prévisions de la loi de programmation. Elle s'est accompagnée d'un renouvellement profond de la politique pénitentiaire avec la mise en place de structures spécialisées comme les établissements pénitentiaires pour mineurs destinés à mieux prendre en compte le profil des détenus afin de favoriser leur réinsertion. Si longtemps attendue, l'institution, par la loi du 30 octobre 2007, d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait par ailleurs contribuer à un contrôle effectif et unifié des prisons et permettre ainsi de lever les suspicions qu'inspirent traditionnellement les lieux d'enfermement.
Sans doute reste-t-il encore beaucoup à faire. La rénovation du parc immobilier a accusé le contraste avec des établissements vétustes et inadaptés. La formation et l'emploi ne répondent pas encore aux exigences d'une politique de réinsertion efficace. La lutte contre la récidive se heurte à l'insuffisance du suivi des détenus notamment -mais pas seulement- sur le plan psychiatrique.
Le projet de loi pénitentiaire annoncé par le Gouvernement a pour ambition de répondre à plusieurs de ces préoccupations. Au-delà de l'indispensable clarification des règles applicables dans le milieu pénitentiaire, il devrait marquer un progrès significatif dans la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels.
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L'administration pénitentiaire constitue l'un des cinq programmes de la mission justice 1 ( * ) . Il se décline lui-même en trois actions :
- l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » ;
- l'action n° 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » -qui résulte de la fusion des anciennes actions n° 2 « Accueil des personnes en détention » et n° 3 « Accompagnement et réinsertion des personnes placées sous main de justice » ;
- l'action n° 4 « soutien et formation » qui résulte de la fusion des anciennes actions n° 4 « soutien » et n° 5 « formation ».
En outre ce programme comporte plusieurs objectifs assortis d'indicateurs de performance. Le tableau présenté dans les pages suivantes présente sous une forme synthétique l'articulation du budget de l'administration pénitentiaire telle qu'elle résulte de la loi organique relative aux lois de finances.
De nombreux indicateurs ont été modifiés pour 2008 au risque de rendre difficile le suivi des priorités retenues. Cependant, ces évolutions reflètent, selon la réponse de l'administration pénitentiaire au questionnaire budgétaire, la « nécessité de recentrer les objectifs et les indicateurs sur les enjeux principaux du programme » afin de « permettre une réelle mesure de la performance des services ».
Ainsi, l'indicateur relatif au coût d'une journée de détention dont l'interprétation était délicate -une baisse du coût peut signifier soit un gain de productivité, soit une baisse de qualité- est remplacé, d'une part, par le suivi des nouvelles places créées et, d'autre part, par le taux de performance de la production immobilière qui mesure le rapport entre le coût de la place des constructions nouvelles et leur délai de construction.
De même, l'objectif « maintien des liens familiaux » est assorti de deux nouveaux indicateurs mesurant le suivi des structures d'accueil : les parloirs familiaux et les unités de vie familiale. Par ailleurs, afin de permettre une vraie mesure de la performance des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), un nouvel indicateur vise à suivre les conventions entre les SPIP et leurs partenaires sociaux.
Enfin un nouvel objectif a été créé avec le suivi de la qualité des formations dispensées aux personnels de l'administration pénitentiaire.
Les critères d'analyse retenus par la LOLF confortent la démarche adoptée par votre commission des lois au titre de l'avis sur le budget de l'administration pénitentiaire fondée sur une évaluation des orientations de la politique pénitentiaire et de ses résultats, étayée par un travail d'information conduit tout au long de l'année à travers des visites de prisons et des rencontres avec les acteurs concernés.
Votre rapporteur inscrira à cet égard sa démarche dans la voie suivie par son prédécesseur, M. Philippe Goujon auquel il souhaite rendre hommage pour la qualité de la réflexion qu'il a conduite sur l'administration pénitentiaire au cours des trois dernières années.
Dans le cadre de ses déplacements ouverts à l'ensemble des membres de votre commission, votre rapporteur pour avis s'est ainsi rendu, au cours des deux derniers trimestres dans près d'une vingtaine d'établissements pénitentiaires 2 ( * ) .
Les informations qu'il a recueillies à cette occasion et lors des échanges avec les acteurs de la vie pénitentiaire l'ont conduit à insister plus particulièrement sur quatre thèmes qui trouveront nécessairement un prolongement dans la future loi pénitentiaire :
- l'indispensable développement des aménagements de peine,
- la différenciation des conditions de détention comme préalable à une réinsertion réussie ;
- les moyens de développer l' emploi et la formation dans les prisons ;
- la revalorisation de la situation des personnels .
LE PROGRAMME ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE |
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Trois actions |
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Action 1 Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice |
Action 2 Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice |
Action 4 Soutien et formation |
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62,9 % |
25 % |
12,1 % |
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Huit objectifs |
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Objectif n° 1
En 2007 : 77,3 %. Cible 2008 : 100 Observations : Le dernier de ces indicateurs est nouveau. Il présente d'abord un caractère sécuritaire dans la mesure où il permet de limiter les transfèrements et il a aussi des incidences économiques car il permet de limiter les coûts. Seuls 97 établissements ont vocation à être équipés de visioconférence (75 devaient l'être fin 2007). L'indicateur sera ultérieurement remplacé par le taux d'utilisation des équipements. |
Objectif n° 2
En 2007 : 85. Prévu en 2008 : 87
Prévu en 2008 : 14,9 % (taux de places spécialisées /nombre total de places créées)
Observations : Ces indicateurs sont nouveaux et sont notamment liés à la création d'établissements spécialisés : EPM, quartiers courte peine, centres de semi-liberté, UHSI, UHSA. |
Objectif n° 3
Cible 2012 : 20 %
Observations
: Cet indicateur, utile, ne
dépend qu'en partie de l'administration pénitentiaire
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Objectif n° 4
Observations : Ces deux derniers indicateurs sont nouveaux. Leur mesure interviendra en 2008 afin de fixer la référence pour 2009 et la cible pour 2012. |
Huit objectifs (suite) |
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Objectif n° 5
Observations : la mesure de ces indicateurs interviendra en 2008 |
Objectif n° 6
Prévision 2008 : 9,3 % et
23,4 %
Observations
: On peut s'étonner de
la modestie des objectifs que s'est assignée l'administration
pénitentiaire dans ces domaines puisqu'elle vise seulement le statu quo.
L'objectif ne paraît donc pas conforme à l'obligation de mobiliser
les moyens au service d'une politique de réinsertion
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Objectif n° 7
la mesure de l'indicateur a été reportée à 2008 alors qu'elle devait intervenir en 2007 |
Objectif n° 8
(nouveau)
L'indicateur devrait être mesuré en 2008. |
I. LE PROJET DE BUDGET POUR 2008 : UNE PRIORITÉ CONFIRMÉE POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Le programme « administration pénitentiaire » représente 36,6 % de la mission justice (soit une enveloppe de 2,383 milliards d'euros).
Les crédits de paiement augmentent de 6,4 % par rapport aux crédits ouverts en 2007 (après une hausse de 5 % entre 2006 et 2007) et les autorisations d'engagement progressent de 8,3 %.
(en millions d'euros)
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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Ouvertes
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demandées pour 2008 |
ouvertes
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demandés pour 2008 |
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Titre 2 Dépenses de personnel |
1.414,4 |
1.505,4 |
1.414,6 |
1.505,4 |
Titre 3 Dépenses de fonctionnement |
545,7 |
657,4 |
516,5 |
494,3 |
Titre 5 Dépenses d'investissement |
888,7 |
860,5 |
295,4 |
305,9 |
Titre 6 Dépenses d'intervention |
14,9 |
77,5 |
14,1 |
77,5 |
Totaux (y compris fonds de concours) |
2.864,4 |
3.101,4 |
2.246,4 |
2.383,7 |
La progression des crédits est justifiée, pour l'essentiel, par l'ouverture de 7 nouveaux établissements pénitentiaires au cours de l'année 2008 et la mise en oeuvre des moyens nécessaires à leur fonctionnement ainsi que par la poursuite du programme de construction des 13.200 places décidées dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation de la justice de 2002.
A. LA CRÉATION DE 842 EMPLOIS SUPPLÉMENTAIRES
Les effectifs
L'augmentation des crédits demandés pour 2008 permettra de financer, à titre essentiel, 842 emplois supplémentaires en ETPT 3 ( * ) -parmi lesquels 691 ETPT de personnels de surveillance- ainsi que, de manière plus marginale, certaines mesures catégorielles.
Le nombre d'ETPT demandé en 2008 permettra à l'administration pénitentiaire de procéder à 1.100 recrutements au cours de l'année 2008 auxquels s'ajoutera un millier de recrutements au titre du remplacement des personnels sortants 4 ( * ) .
L'accroissement des effectifs est indispensable pour permettre l'ouverture de neuf établissements sur la période 2008-2009.
Le taux d'encadrement aujourd'hui de l'ordre de 0,37 surveillant par détenu est appelé à diminuer avec l'ouverture d'établissements de plus grande dimension. Le programme « 13.200 » places engagé dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation de la justice de 2002 devrait ainsi permettre d'économiser 220 emplois (soit plus de 10 millions d'euros). Dès 2008, l'économie est évaluée à 30 agents, soit 1,4 million d'euros.
Selon les indications données par Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition par votre commission, le 13 novembre dernier, sur les nouveaux emplois autorisés par le projet de loi de finances, 150 seront attribués au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP).
Il convient de rappeler à cet égard que depuis 2003, 794 postes de conseillers d'insertion et de probation ont été créés en renfort des 1.800 postes existant en 2002, soit une progression de 44 % .
Le dernier concours de conseiller d'insertion et de probation, en 2006, a permis un recrutement de 290 élèves fonctionnaires et le même nombre d'élèves ont commencé leur formation en janvier 2007.
Afin de mieux utiliser les créations d'ETPT, l'administration pénitentiaire s'est efforcée d'établir un calendrier prévisionnel de recrutement et de formation afin de faire entrer plus tôt dans l'année civile le plus grand nombre de personnels nouvellement recrutés.
Un taux de réalisation très satisfaisant des objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice
La LOPJ a prévu la création de 3.740 emplois au bénéfice de l'administration pénitentiaire dont quarante-cinq pour l'école nationale de l'administration pénitentiaire. Au total, 3.068 emplois ont été votés au terme des lois de finances 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007, soit un taux de réalisation très satisfaisant de 82 % .
Comme l'a indiqué à votre rapporteur le directeur de l'administration pénitentiaire, M. Claude d'Harcourt, le décalage, limité, entre l'objectif de la LOPJ et la réalisation des effectifs n'a pas pesé sur l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires. Il a peut-être davantage pesé sur le recrutement des conseillers d'insertion et de probation. Selon M. Claude d'Harcourt, l'augmentation des effectifs du SPIP se heurte à la difficulté matérielle de leur trouver des locaux au sein des établissements pénitentiaires. Aussi un effort particulier sera-t-il fait en faveur des locations dans le projet de budget pour 2008.
Les mesures catégorielles
Parmi les principales mesures catégorielles envisagées (3,5 millions d'euros) en 2008, il convient de mentionner :
- la poursuite de la réforme de la filière des personnels de surveillance (la troisième des neuf tranches de la réforme intervenue en 2005) -2,6 millions d'euros ;
- l'extension en année pleine de la réforme statutaire du corps des directeurs des services pénitentiaires (le décret du 15 mai 2007 portant statut particulier des corps des services pénitentiaires a prévu que ce corps était désormais constitué de deux grades au lieu de trois précédemment 5 ( * ) ) -près d'un million d'euros.
* 1 Pour la commission des lois, le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans un avis présenté par M. Nicolas Alfonsi. Les trois autres programmes -justice judiciaire, accès au droit et à la justice et conduite et pilotage de la justice et organes rattachés- sont traités par M. Yves Détraigne.
* 2 Voir annexe n° 1, la liste des établissements visités par votre rapporteur.
* 3 Les équivalents temps plein travaillé correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quantité de travail des agents (un agent titulaire travaillant à temps partiel à 80 % correspond à 0,8 ETPT). En outre, tout ETPT non consommé l'année N est perdu l'année N + 2, contrairement à la notion d'emplois budgétaires qui, une fois créés, demeuraient acquis.
* 4 Les prévisions permettent d'estimer à 1.027 le nombre de sorties nettes de personnels titulaires parmi lesquelles 698 départs à la retraite.
* 5 A savoir celui de directeur des services pénitentiaires comprenant dix échelons plus un échelon stagiaire et un échelon élève, et celui de directeur hors classe qui comprend six échelons et un échelon fonctionnel.