D. LES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES : LA DÉCENTRALISATION DANS L'IMPASSE ?
1. Des dotations préservées dans l'attente de leur transfert aux collectivités territoriales
Les crédits consacrés à l'action 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » s'établissent, pour 2009, à 29,46 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), contre respectivement 30,66 et 32,20 millions d'euros en 2008, soit une diminution de 3,9 % en autorisations d'engagement et de 8,5 % en crédits de paiement .
Ces crédits sont destinés aux 42 conservatoires à rayonnement régional (CRR - anciens conservatoires nationaux de région) et aux 106 conservatoires à rayonnement départemental (CRD - anciennes écoles nationales de musique, de danse et de théâtre), pour lesquels la participation de l'Etat représente en moyenne 8 % du budget de fonctionnement.
Ces crédits ont vocation à être transférés aux départements et régions, conformément aux dispositions de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
La diminution observée entre 2008 et 2009 est justifiée par un changement de périmètre : seuls ont été maintenus sur la ligne budgétaire de cette action les crédits ayant vocation à être transférés ; ces derniers ont été revalorisés de 3 % en 2009.
2. Le rapport d'information de votre commission
Face aux difficultés constatées dans la mise en oeuvre du volet « enseignements artistiques » de la loi du 13 août 2004 24 ( * ) - dont les objectifs sont présentés dans l'encadré suivant -, la commission des affaires culturelles a confié à notre collègue Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime, la préparation d'un rapport d'information afin de dresser un état des lieux de la situation et de formuler des propositions.
LE VOLET « ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES » DE LA LOI DU 13 AOÛT 2004 Dans un domaine relevant déjà, depuis les lois de 1983, de l'initiative et de la responsabilité des collectivités territoriales, l'article 101 de la loi du 13 août 2004 a tenté de clarifier la répartition des compétences entre chacun des niveaux de collectivités publiques en matière d'organisation et de financement des conservatoires et écoles de musique, danse et théâtre, selon le schéma suivant : - les communes et leurs groupements conservent les responsabilités d'organisation et de financement des missions d'enseignement initial et d'éducation artistique des établissements d'enseignement spécialisé ; - les départements sont chargés d'adopter un « schéma départemental de développement des enseignements artistiques », élaboré en vue d'améliorer l'offre de formation et les conditions d'accès à l'enseignement ; - les régions sont chargées d'organiser les cycles préprofessionnels (cycles d'enseignement professionnel initial - CEPI), dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF), et d'en assurer le financement ; - enfin, l'Etat continue d'exercer ses prérogatives en matière de contrôle des établissements (classement, évaluation, qualification des enseignants) et conserve l'initiative et la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur artistique. En parallèle, la loi a prévu le transfert aux départements et régions, au vu des schémas départementaux et des plans régionaux, des crédits alloués par l'Etat à ces établissements (et jusqu'alors versés aux communes). Un objectif était notamment de clarifier une situation complexe héritée de l'histoire, marquée par un enchevêtrement des responsabilités, et de mieux répartir la charge de ces établissements, reposant pour une part prépondérante sur les communes ou leurs groupements. La loi a enfin réaffirmé les missions de service public des conservatoires, de l'éveil à la formation de l'amateur et du futur professionnel, dans le souci, notamment, de favoriser leur démocratisation. |
La commission a approuvé, en juillet 2008, les conclusions et les vingt propositions de ce rapport 25 ( * ) .
* Celui-ci fait le constat d'une réforme restée « au milieu du gué » :
- d'un côté, les attentes des professionnels sont fortes à l'égard d'une réforme jugée nécessaire ; les avancées sont par ailleurs certaines : ainsi, les départements se sont investis dans l'élaboration des schémas ;
- de l'autre, la mise en oeuvre de la loi est désormais « en panne » : les transferts de crédits ne sont toujours pas intervenus ; leur niveau est jugé insuffisant par les régions notamment ; ces dernières ont adopté une position qualifiée de « prudente, voire attentiste » : une seule - Poitou-Charentes - a intégré, à ce jour, le volet « enseignements artistiques » au sein de son PRDF.
* Dans ce contexte, le rapport avance 20 propositions axées autour de trois priorités : définir une méthodologie pour sortir de l'impasse, mettre en oeuvre la réforme avec pragmatisme et consolider la rénovation des enseignements artistiques. Le rapport insiste notamment sur :
- la nécessité pour l'Etat de clarifier et conforter le volet financier de la réforme, en aboutissant à une évaluation partagée du coût de mise en oeuvre de la réforme par les régions, et par la définition, sur la base de critères transparents, d'une clé de répartition des crédits à transférer entre départements et régions ;
- la nécessité de répartir plus équitablement les charges pesant sur les communes, en poursuivant la structuration intercommunale des enseignements artistiques, permettant de mutualiser les équipements et moyens d'enseignement ;
- la nécessité d' organiser la concertation entre les élus et les acteurs des différents niveaux de collectivités dans le cadre de « commissions de coordination » au niveau régional, dans un souci d'aménagement concerté du territoire et de valorisation des complémentarités locales ;
- la nécessité de poursuivre l' ouverture des conservatoires sur la Cité, pour en faire des « pôles ressource » au coeur de partenariats multiples, notamment avec les établissements scolaires ;
- la nécessité de clarifier les objectifs des cycles d'enseignement professionnel initial et d'informer les élèves sur les débouchés possibles.
* Votre rapporteur note avec satisfaction que la ministre de la culture, en réactivant cet été le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel , a inscrit cette question à l'ordre du jour. Un groupe de travail devrait ainsi être constitué dans ce cadre. Par ailleurs, une nouvelle réunion de la Commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) s'est tenue le 13 novembre 2008.
Votre rapporteur s'interroge sur les évolutions récentes de ce dossier et notamment sur les suites données aux propositions formulées par le rapport d'information adopté par votre commission.
* 24 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
* 25 « Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise », rapport d'information présenté par Mme Catherine Morin-Desailly au nom de la commission des affaires culturelles, Sénat, n° 458 (2007-2008).