C. LE MALAISE ACTUEL DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER, NOTAMMENT DANS LES ANTILLES

La discussion du présent projet de loi intervient dans un contexte de crise sociale grave dans les départements d'outre-mer .

Les prémices de la crise actuelle sont apparues dès le mois de décembre 2008 avec un mouvement social et des barrages dressés en Guyane afin de demander la baisse des prix des carburants. La situation a été résolue après des négociations avec le gouvernement.

Le 20 janvier 2009 a été lancée une grève générale en Guadeloupe à l'appel du Collectif contre l'exploitation outrancière, le « Lyannaj Kont Pwofitasyon » (LKP), collectif regroupant quarante organisations syndicales et associatives. Au-delà de la mobilisation autour du thème du coût de la vie, de la formation des prix et des salaires 13 ( * ) , la plate-forme du collectif comprend plus d'une centaine de mesures sur des problématiques variées, du logement, à l'emploi en passant par les services publics ou la fiscalité.

Le mouvement est également marqué par une dimension sociétale et identitaire forte, liée aux relations avec la métropole ou avec les descendants des anciens colons, les békés , certains allant ainsi jusqu'à affirmer que « la Guadeloupe reste dans un système économique colonial et de monopole » 14 ( * ) .

La mobilisation s'est étendue à la Martinique, où un collectif s'est mis en place le 5 février 2009 et où la grève générale a alors débuté.

Des négociations pluripartites se sont néanmoins engagées entre le collectif, l'Etat, les représentants syndicaux et patronaux, ainsi que les représentants des collectivités locales. Elles ont abouti à un pré - accord sur 131 points , avec notamment la décision d'une baisse de 8 centimes d'euro du prix de l'essence et de 10 centimes du prix du gazole, l'annonce de la baisse de 20 % du prix de 100 produits de première nécessité, la baisse du prix des cantines, un effort de relance pour le logement social, une baisse des impôts locaux ou encore une aide au désendettement des agriculteurs.

Cependant les négociations ont achoppé sur le dernier point, à savoir la revendication d'une revalorisation de 200 euros nets des bas salaires . Cette revendication concernerait 80.000 salariés et coûterait à l'Etat près de 140 millions d'euros. Du fait de cet achoppement, les négociations se sont poursuivies avec des interruptions et des moments de fortes tensions.

Ainsi, à la suite de l'interruption des négociations le 12 février, la situation s'est tendue en Guadeloupe, avec l'érection de barrages sur les routes, plusieurs nuits de violence et la mort d'un syndicaliste.

La gravité de la situation a conduit le Président de la République à intervenir : le 19 février, il a annoncé un ensemble de mesures destinées à apporter une réponse à la crise : des Etats généraux devraient être organisés dans chaque collectivité ultramarine ; 580 millions d'euros d'aides supplémentaires devraient être mobilisés -dont 280 millions destinées à la mise en place du revenu de solidarité active (RSA)- et 150 millions d'euros venir renforcer le présent projet de loi.

Les Etats généraux devraient aborder plusieurs thèmes : les prix et le pouvoir d'achat, le développement endogène des territoires, la gouvernance, les projets de relance et, enfin, la rénovation du dialogue social. Ces consultations devraient avoir lieu jusqu'à la fin du mois de mai, afin de nourrir le premier Conseil interministériel de l'outre-mer, et déboucher sur l'adoption d'un « vaste plan de modernisation de l'Outre-mer » .

Le Président de la République a repris à son compte une proposition du Premier ministre, proche de la revendication d'une augmentation des bas salaires de 200 euros : il s'agit d'une « prime déchargée » (sans cotisations patronales ni salariales) qui serait versée par le patronat pendant deux ans. Elle serait réservée aux bas salaires qui gagnent entre 1 et 1,4 SMIC, soit environ 45.000 personnes en Guadeloupe.

Cette proposition n'a pas recueilli l'agrément du collectif et la négociation s'est donc poursuivie.

Si un accord a été signé en Guadeloupe le 27 février 2009 sur une hausse des salaires de 200 euros (100 euros à la charge de l'Etat, 50 à la charge du patronat et 50 à la charge des collectivités territoriales), ce dernier n'a pas été signé par l'ensemble des organisations patronales. Néanmoins, un accord a été signé, mercredi 4 mars, et le préfet de la Guadeloupe appelle à la reprise de l'activité normale. Par ailleurs aucun accord n'a, à l'heure où ce rapport a été rédigé, été trouvé en Martinique.

L'importance du conflit implique que le présent projet de loi fera très certainement l'objet d'amendements importants, notamment de la part du gouvernement .

* 13 Ces questions seront évoquées plus longuement dans le cadre du commentaire de l'article 1 er A du présent projet de loi.

* 14 Cf. Pascal Perri, « Un système économique qui reste colonial », Libération, 20 février 2009.

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