B. LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE : L'IMPACT DIFFÉRÉ DE LA RÉFORME (ARTICLE 20)

1. Une mosaïque de régimes spéciaux en déséquilibre démographique et financier

Parmi les régimes de retraite de base 38 ( * ) , ceux communément désignés comme des « régimes spéciaux » couvrent pour l'essentiel les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques et, dans quelques cas, des salariés du secteur privé (marins, clercs et employés de notaires...). Les fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires relèvent du service des retraites de l'Etat (SRE), et les fonctionnaires des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers dépendent de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ; les effets de la réforme des retraites sur ces régimes spécifiques ont été étudiés plus haut.

Les autres principaux régimes spéciaux sont ceux des industries électriques et gazières (CNIEG), de la SNCF, de la RATP, des Mines, des ouvriers de l'État (FSPOEIE), de la Banque de France, de l'Opéra national de Paris et de la Comédie française. Un sort particulier leur est réservé, tant au regard des droits dont bénéficient les affiliés que des modalités de financement.

a) Les régimes de retraite dont l'équilibre financier est assuré par l'Etat

En premier lieu, l'Etat assure l'équilibre d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique, réunis au sein de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite » : SNCF, RATP, marins, mineurs, SEITA, Imprimerie nationale, régies ferroviaires d'outre-mer et ORTF.

Pour 2010, les contributions de l'Etat s'élèveront à 5,72 milliards d'euros , soit une progression de 10 % par rapport à 2009 (5,2 milliards d'euros). Ce budget soutient l'équilibre d'un ensemble hétéroclite de régimes sociaux et de retraite dans des proportions allant de 50 % à 100 % du montant des prestations d'assurance vieillesse. Le tableau ci-dessous retrace la part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraites.

Part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraite
relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraite »

(en millions d'euros)

nombre de cotisants/
nombre de pensionnés

Volume de prestation de pensions servies

Subvention de l'Etat

Part de la subvention de l'Etat dans le régime

Retraités de la SEITA

1 083/10 071

160,10

132,38

83%

Régime de retraite des marins

32 900/119 000

1 081,32

792,50

73%

Caisse autonome de la SNCF

155 150/289 871

5 218,70

3 120,60

60%

Caisse autonome de la RATP

44 100/47 120

912,00

526,70

58%

Fonds de retraite des mines

6 430/335 137

1 765,50

971,60

55%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

En outre, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (9 bénéficiaires 39 ( * ) ), des régies ferroviaires d'outre-mer (263 bénéficiaires) et de l'ORTF (350 bénéficiaires) ne comptent plus de cotisants et sont donc totalement subventionnés par l'Etat au titre de la solidarité nationale.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne comprend pas l'ensemble des crédits de l'Etat affectés au financement des régimes spéciaux de retraite .

Sur ce point, la Cour des comptes a relevé que ces flux manquants, non répertoriés dans le « jaune » budgétaire consacré au « Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale », représentent près de 780 millions d'euros en 2010. C'est donc à juste titre que la Cour a recommandé que cette masse « très significative » de crédits soit mieux identifiée et soit, le cas échéant, intégrée à la mission « Régimes sociaux et de retraite » 40 ( * ) .

b) Les autres régimes spéciaux

Par ailleurs, les régimes spéciaux qui ne sont pas financés par le budget de l'Etat bénéficient de transferts au titre de la compensation ou de contributions directes du régime général pour assurer leur équilibre financier. Les montants des ressources externes de certains régimes sont parfois très élevés par rapport à leurs ressources propres (les cotisations). Le rapport annuel de la commission des comptes de la sécurité sociale permet ainsi de prendre la mesure de l'impact financier sur le régime général de l'adossement réalisé en 2005 des retraites des électriciens et gaziers : les transferts issus de la CNAV et de l'AGIRC-ARRCO en faveur de la CNIEG s'élèvent à près de 2,5 milliards d'euros, soit 62 % du montant des prestations vieillesse.

Autres régimes spéciaux (prévisions pour 2011 des branches vieillesse)

(en millions d'euros)

nombre de cotisants et de pensionnés

Volume de prestation de pensions servies

Compensation ou contributions

Part de subvention et transferts dans le régime

Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)

138 756/162 509

3 975

2 474

(contributions directes CNAV et AGIRC-ARRCO)

62 %

Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN)

43 748/64 561

724

35

(compensation du régime général)

5 %

Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAMIVAC)

14 650/56 832

220

156

(contribution directe de la CNAV)

71 %

Banque de France

12 884/15 375

418

319

(contribution fictive employeur)

76 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2010

Ces éléments, glanés au hasard des différents rapports budgétaires et financiers de l'Etat et de la sécurité sociale, gagneraient en lisibilité si un document de synthèse retraçant l'intégralité de l'effort public en faveur des régimes spéciaux de retraite pouvait être mis à la disposition de la représentation nationale. De ce point de vue, votre rapporteur pour avis s'étonne qu'une telle démarche n'ait pas été entreprise par le Gouvernement dans le cadre de l'étude d'impact du présent projet de loi, même si - nous le verrons plus loin - celui-ci ne s'applique pas directement aux régimes spéciaux.


* 38 Vingt-et-un régimes de base sont regroupés au sein du GIP Info Retraite : régime général (salariés du privé non agricole - CNAV), MSA salariés (salariés agricoles), MSA non-salariés (non-salariés agricoles), régimes des fonctionnaires civils et militaires, FSPOEIE (ouvriers des établissements industriels de l'État), CNRACL (collectivités locales), régimes des mines, CNIEG (industries électriques et gazières), SNCF, RATP, ENIM (marins), CRPCEN (clercs et employés de notaires), CAVIMAC (cultes), Banque de France, Opéra de Paris, Comédie française, RSI (artisans et commerçants), CNAVPL (professions libérales), CIPAV (architectes et autres professions libérales), CNBF (avocats), Port autonome de Strasbourg. A ces vingt et un régimes s'ajoutent un certain nombre de régimes regroupant un nombre limité d'assurés - dont de nombreux régimes « fermés » et des régimes « locaux » (Alsace-Lorraine notamment).

* 39 L'imprimerie nationale est une société anonyme, à capitaux publics, depuis le 1 er janvier 1994. Parmi environ 550 salariés, moins de 20 d'entre eux sont actuellement fonctionnaires.

* 40 Ne sont donc pas retracées dans les documents budgétaires les subventions versées notamment aux caisses de retraite de l'Opéra de Paris et de la Comédie française qui regroupent 2 151 cotisants pour 2006 pensionnés.

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