2. Un bilan provisoire de la première vague de réformes opérées en 2007 et 2008
De manière générale, l'âge d'ouverture des droits, dans les régimes spéciaux, est variable - de 40 à 60 ans - et diffère selon le métier exercé et l'ancienneté.
Les modifications entrées en vigueur le 1 er avril 2007 dans le régime de la Banque de France et le 1 er juillet 2008 dans six autres régimes spéciaux - SNCF, RATP, Opéra de Paris, Comédie française, Industries électriques et gazières, Clercs et employés de notaires - ont conduit à un rapprochement partiel des droits et à aligner progressivement, avec un décalage dans le temps, les barèmes de décote et de surcote sur ceux applicables dans la fonction publique et au régime général.
Toutefois, la réforme retenue en 2007 et 2008 pour les régimes spéciaux a maintenu le principe d'une spécificité des droits .
Les principaux paramètres de convergence de ces régimes avec ceux de la Fonction publique 41 ( * ) sont les suivants :
- passage de 37,5 à 40 ans (en 2012) puis à 41 ans (en 2016) de la durée d'assurance pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;
- indexation des pensions sur les prix (et non plus sur les salaires) à compter de 2009 ;
- introduction d'une décote et d'une surcote ;
- suppression des bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les nouveaux recrutements ;
- suppression des « clauses-couperets » c'est-à-dire de la mise à la retraite automatique des agents atteignant leur âge d'ouverture des droits à la retraite.
En revanche, une série de dispositions ont été maintenues , plus favorables que dans les autres régimes de base :
- les âges d'ouverture des droits (par exemple : 50 ans pour les agents de conduite et 55 ans pour les autres agents) ;
- le taux maximum de liquidation de la pension : 75 % pour une carrière complète, pouvant être porté à 80 % avec les bonifications ;
- le traitement de référence pour le calcul de la pension sur les éléments de rémunération des six derniers mois.
En 2009, le Gouvernement avait chiffré l'impact financier de cette réforme sur les comptes des régimes de retraite. Ces estimations mettaient en évidence un gain cumulé de 500 millions d'euros d'ici à 2012, puis des économies annuelles moyennes de 500 millions d'euros par an principalement pour les caisses de la SNCF et de la RATP.
Le principal effet de la réforme tient dans le fait que les agents ne sont plus mis à la retraite d'office à cinquante ou cinquante-cinq ans selon qu'ils sont conducteurs ou sédentaires. En conséquence, le nombre annuel de demandes de liquidation des droits à retraite à la SNCF a diminué à compter de 2008 : il est passé de 7 000 en 2007 à 5 800 en 2008 et à 4 800 en 2009 (au lieu de 7 700 initialement projetés cette année-là). Seulement 40 % des agents en droit de partir à la retraite en 2009 ont fait valoir ce droit. Les économies d'ores et déjà réalisées, de l'ordre de 75 millions d'euros, prennent également en compte une moindre revalorisation des pensions : 0,4 % au lieu de 1,5 % prévu dans le budget initial.
Mais s'il convient d'observer que le recul de l'âge de départ à la retraite des cheminots a représenté une économie en 2009 - et de s'en féliciter -, il apparaît encore hypothétique de présager du comportement des agents à l'avenir et des effets de rattrapage. A titre d'illustration, les perspectives d'évolution de la subvention de l'Etat, calculées par la caisse de retraite de la SNCF, s'inscrivent dans un mouvement de croissance du soutien public jusqu'en 2013, puis une très lente décroissance à partir de 2014 et 2015.
Malgré cet objectif à long et très long terme de la réduction du soutien public, votre rapporteur pour avis constate que le niveau de la contribution de l'Etat pour les retraites de la SNCF dépassera, chaque année, les trois milliards d'euros jusqu'en 2021. La réforme de 2008 ne répond assurément pas au défi du retour à l'équilibre des régimes spéciaux.
Les prévisions 2010-2030 de la caisse de retraite de la SNCF
(en millions d'euros courants)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2021 |
2030 |
|
Nombre de cotisants |
155 150 |
153 680 |
152 152 |
150 635 |
149 129 |
147 638 |
140 402 |
140 402 |
Nombre de retraités directs |
184 148 |
184 031 |
183 988 |
184 022 |
184 405 |
184 473 |
170 158 |
152 045 |
Nombre de réversions |
105 723 |
104 242 |
102 609 |
100 832 |
98 948 |
96 948 |
82 557 |
69 553 |
Rapport démographique pondéré (réversion : 0,5) |
65 % |
65 % |
64 % |
64 % |
63 % |
63 % |
66 % |
75 % |
Montant des cotisations |
2 025 |
1 987,6 |
1 955 |
1 949 |
1 912 |
1 882 |
1 825 |
1 875 |
Montant des pensions versées |
5 019 |
5 195 |
5 136 |
5 159 |
5 175 |
5 181 |
4 826 |
4 376 |
Subvention de l'Etat |
2 992 |
3 192,25 |
3 311,5 |
3 404,23 |
3 314 |
3 350 |
3 050 |
2 547 |
Source : caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF
Enfin, ainsi que notre collègue Bertrand Auban, rapporteur spécial des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » l'a rappelé dans le bilan de la réforme du régime spécial de la SNCF 42 ( * ) , en contrepartie de la réforme des régimes spéciaux, un certain nombre de mesures d'accompagnement ont été accordées : création d'un échelon supplémentaire pour les agents pour tenir compte de leur prolongation d'activité, élargissement de l'assiette du salaire brut liquidable, majorations de traitement liées à la prolongation d'activité, mesures d'accompagnement de fin de carrière et prise en compte de la pénibilité. L'augmentation de la masse salariale des entreprises cotisant aux régimes spéciaux est une conséquence mécanique du maintien dans l'emploi de personnes en fin de carrière dont les indices de rémunération sont logiquement les plus élevés.
* 41 L'objet de la réforme de 2008 des régimes spéciaux était d'introduire des dispositions analogues à celles adoptées pour les régimes de la fonction publique en 2003 avec, sauf exception, un décalage de calendrier de 4 ans et demi (la réforme est entrée en vigueur au 1 er juillet 2008, alors que celle de la fonction publique était entrée en vigueur le 1 er janvier 2004).
* 42 Rapport d'information n° 732 (2009-2010).