2. Un rapport d'évaluation globalement positif
A l'initiative du Sénat, la loi relative à la gendarmerie nationale a prévu qu'un rapport sera remis au Parlement, tous les deux ans, afin d'évaluer les modalités concrètes de ce rattachement. L'article 27 de la loi précise notamment qu'il s'agit d'évaluer l'impact du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur sur son organisation interne, ses effectifs, l'exercice de ses missions et sa présence sur le territoire.
Par une lettre en date du 25 mai 2011, le Premier ministre a confié à nos collègues, la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, la mission de réaliser ce rapport d'évaluation, rapport qui a été remis au Premier ministre en juillet dernier.
Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?
Ce rapport rappelle d'abord que le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur s'est imposé de lui-même sous un triple effet :
- la police et la gendarmerie avaient déjà pris l'habitude d'un rapprochement depuis qu'en 2002 la gendarmerie avait été placée pour emploi auprès du ministre de l'intérieur ;
- l'élaboration du budget 2008, qui distinguait deux budgets, celui de la police et celui de la gendarmerie, chacun étant rattaché à un ministère différent, avait démontré les limites d'un exercice niant les bénéfices du rapprochement pour emploi de la gendarmerie ;
- un climat difficile s'était progressivement installé entre la gendarmerie et le ministère de la défense, par carence de dialogue et l'éloignement de la gendarmerie permettait d'amener une forme d'apaisement entre les armées.
Deux ans après l'adoption de la loi, le rattachement organique et fonctionnel de la gendarmerie au ministère de l'intérieur est désormais effectif et les compétences du ministère de la défense et celles du ministère de l'intérieur sont aujourd'hui clairement délimitées, d'après ce rapport.
L'objectif premier du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur porte sur l'amélioration du service public de sécurité au service de tous les citoyens.
La loi relative à la gendarmerie nationale a voulu réaffirmer le caractère de « force armée » de la gendarmerie et le dualisme policier . Elle n'a pas eu pour effet de rendre les préfets « propriétaires » de la gendarmerie. Seuls les commandants départementaux de la gendarmerie sont placés sous l'autorité des préfets de département, sans pour autant être affranchis de l'autorité hiérarchique du commandant de région et que soit remis en cause le principe de l'obéissance hiérarchique, consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie.
Il est vrai que la loi ne précise pas les relations entre les préfets de région, qui ne sont pas compétents dans le domaine de l'ordre public et de la police administrative, et les commandants de région de gendarmerie.
Après s'être longuement interrogés sur ce point, nos deux collègues ont estimé préférable de maintenir en l'état le dispositif juridique, tout en invitant, par voie de circulaire, les commandants de région de gendarmerie à trouver auprès de leurs interlocuteurs privilégiés les voies d'un dialogue constructif.
Interrogé sur ce point, lors de son audition devant la commission, le ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, a confirmé cette analyse.
En ce qui concerne la police judiciaire , la loi du 3 août 2009 a conforté les procureurs de la République en portant du niveau réglementaire au niveau législatif le principe du libre choix du service enquêteur , police ou gendarmerie, par l'autorité judiciaire .
L'efficacité de l'action des forces de sécurité a été améliorée, tant au niveau de l'administration centrale, avec une coordination renforcée entre les directions générales de la police et de la gendarmerie, la transformation de l'inspection de la gendarmerie en une inspection générale ou encore la mutualisation de certaines fonctions, aussi bien qu'au niveau déconcentré.
Pour les auteurs du rapport, « ces coordinations et mutualisations donnent la preuve de leur efficacité à la double condition que toujours elles respectent les identités de chacune des forces de sécurité et qu'elles s'inscrivent dans une démarche, non pas d'hégémonie, mais de synergie et de bonne complémentarité entre elles ».
A cet égard, ils recommandent notamment de faire une évaluation précise des conséquences, sur le moyen terme, de ces nouvelles dispositions, dont certaines ne leurs paraissent pas immédiatement convaincantes (les auteurs citent notamment le cas des services d'information générale).
Nos collègues parlementaires dressent également dans leur rapport un bilan positif de l'application du principe de « parité globale de traitement et de carrières » entre gendarmes et policiers , qui vise à faire en sorte que, s'agissant des dispositions statutaires, les déroulements de carrière, les conditions d'avancement et de rémunérations des gendarmes et des policiers soient globalement comparables. Ils considèrent cependant qu' « il serait tout à fait déraisonnable, dans le contexte budgétaire actuel d'un budget contraint presque à l'extrême, d'imaginer pouvoir renoncer à ce principe pour adopter celui de « stricte parité » plus conforme aux voeux des policiers ».
Ils estiment aussi que la réforme des systèmes de participation et de concertation a permis d'instaurer au sein de la gendarmerie, mais en lien avec les armées, un nouveau mode de dialogue, ouvert et confiant avec la hiérarchie de la gendarmerie et la hiérarchie militaire.
Cette réforme, réalisée par un arrêté et une circulaire en date du 23 juillet 2010, s'est traduite par le remplacement des présidents de catégorie par des présidents du personnel militaire, une modification de la composition des commissions de participation, ainsi que par la mise en place, auprès de la hiérarchie, de référents (au niveau départemental) et de conseillers (au niveau régional).
Par ailleurs, le Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) est dorénavant présidé, en fonction de l'ordre du jour, soit par le ministre de la défense, soit par le ministre de l'intérieur, ou bien encore conjointement par ces deux autorités.
Ainsi, le ministre de l'intérieur dispose d'un espace de dialogue et de concertation avec les militaires de la gendarmerie et participe aux avis formulés sur les textes qui déterminent leur condition, dans le strict respect du statut militaire de la gendarmerie.
A cet égard, ils estiment que dans ce nouveau système, « il ne serait pas inopportun que, sur un ordre du jour arrêté conjointement, le ministre de l'intérieur puisse participer, aux côtés du ministre de la défense, à la plus haute instance de concertation qui est celle du conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) dans laquelle les gendarmes sont représentés ».
Enfin, les auteurs du rapport rappellent que l'efficacité de la gendarmerie est incontestablement le fruit du respect de son statut militaire.
Font partie intégrante de ce statut militaire :
- la formation initiale , qui fixe des règles intangibles d'une déontologie militaire exigeante et protectrice à la fois ;
- la discipline applicable aux militaires de la gendarmerie, qu'ils soient en missions civiles ou en missions militaires, intérieures ou extérieures ;
- le logement en caserne , concédé par nécessité absolue de service, corolaire des sujétions auxquelles ils sont astreints.
« Revenir sur les prérogatives de ce statut, sur l'un de ces trois points, reviendrait à mettre gravement en danger l'équilibre si laborieusement atteint entre gendarmes et policiers et à retirer aux gendarmes ce qui fait leur force et leur fierté : leur capacité à être la synthèse vivante du nouveau concept de défense et sécurité nationale, que le ministère de la défense s'attache avec la plus grande fermeté à préserver » , relèvent-ils dans leur rapport.
En définitive, pour les auteurs de ce rapport, « aujourd'hui, alors que la réforme s'est mise en place sereinement, rien ne servirait de la fragiliser, de vouloir ranimer des débats difficiles : la confiance s'est réinstallée, les inquiétudes se sont dissipées ; chacun veille à respecter l'autre dans ce qu'il est ».