ÉLÉMENTS JURIDIQUES ET BUDGÉTAIRES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
I. AVANT TOUT SOUCIEUX DE NE PAS ENVOYER DE « SIGNAUX » AUX MARCHÉS, LE COMPTE DE L'ETAT ACTIONNAIRE EST ÉGALEMENT PEU INSTRUCTIF POUR LE PARLEMENT
En principe, ce compte d'affectation spéciale obéit à une logique juridique et budgétaire qui consiste à retracer les recettes tirées des participations de l'État et leur utilisation. En pratique, les principaux flux budgétaires qui doivent transiter de façon certaine par ce compte en 2014, comme en 2013, apparaissent comme des « jeux d'écriture » exceptionnels qui ne se rattachent pas à ce schéma.
Soulignant ce décalage entre la théorie et la pratique, les rapports parlementaires et ceux de la Cour des comptes estiment souhaitable d'afficher de façon plus plausible en loi de finances initiale :
- le montant prévisionnel de cessions, presque invariablement fixé à une somme avoisinant 5 milliards d'euros chaque année ;
- et celui des dépenses de désendettement fictivement affiché à hauteur de 4 milliards d'euros au cours des dernières années, puis brutalement ramené à 1,5 milliard dans le PLF pour 2014, sans aucune explication dans la documentation budgétaire, ce qui a conduit votre rapporteur pour avis à recouper plusieurs séries d'informations pour en dégager la signification.
Le projet de loi de finances pour 2014, comme celui de l'an dernier, ne tient cependant pas compte de ces recommandations de transparence.
Compte tenu de l'importance de la dette publique, votre rapporteur estime souhaitable de maintenir le programme 731, inactif depuis 2008, et à travers lui, la possibilité, pour le compte d'affectation, de contribuer au désendettement de l'État. Certes, les montants en jeu - près de 2 000 milliards de dette et un portefeuille d'actions d'environ 100 milliards - amènent à conclure lucidement que même si d'éventuelles cessions devaient intervenir, leur potentiel (environ 5 % du PIB en imaginant une liquidation totale - ce que le rapporteur et la commission n'estiment, en aucun cas, souhaitable) resterait négligeable au regard d'une dette qui avoisine 100 % du PIB de notre pays. Toutefois, votre commission des affaires économiques a suggéré que l'Etat actionnaire puisse contribuer, au moins à titre symbolique, au désendettement, par exemple en y affectant une partie des dividendes versés en numéraire et en « gageant » cette réforme par une modification de la règle qui impose, à l'heure actuelle, d'allouer ces dividendes en numéraire au budget général.
A. LE SOCLE JURIDIQUE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
L' article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui pose le principe d'un compte d'affectation spéciale dédié aux participations financières de l'État définit :
- d'abord, de façon générale, les comptes d'affectation spéciale qui « retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte. » ;
- puis il précise que « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa ».
Cette dernière phrase constitue le fondement juridique sur lequel le compte d'affectation spéciale devrait être alimenté en 2014 par deux versements d'un montant total de 5,011 milliards d'euros.
Plus en détail, les documents « bleus » budgétaires annexés au projet de loi de finances rappellent que ce compte d'affectation spéciale retrace :
En recettes :
- tout produit des cessions par l'État de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;
- les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'État qui lui sont reversés ;
- les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;
- les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;
- les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'État ;
- les versements du budget général.
En dépenses :
- les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'État ;
- les dotations au Fonds de réserve pour les retraites (F2R) ;
- les augmentations de capital, les avances d'actionnaires et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'État ;
- les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de sociétés ;
- les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées ci-dessus.
Ce compte d'affectation spéciale se limite ainsi, en principe, aux opérations de l'État actionnaire intervenant comme investisseur. L' exigence de performance de la gestion publique, consacrée par la loi organique relative aux lois de finances, s'impose à lui pour la gestion de son patrimoine industriel.
Compte tenu de ces deux caractéristiques, il est tentant de comparer l'évolution du « portefeuille » de l'État actionnaire à celui d'un fonds ou organisme de placement collectif en valeurs mobilières, comme le fait régulièrement la presse financière et comme semble y inciter la présentation du jaune budgétaire 2014 (cf. tableau ci-dessous), qui met en exergue la progression des cotations boursières.
Extrait du rapport relatif à l'Etat actionnaire présenté en annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.
Reste que la logique de base du compte d'affectation spéciale, inscrite dans notre corpus de normes budgétaires, est :
- d'une part, de rapprocher des recettes de cession de titres et des dépenses d'acquisition de même nature ;
- d'autre part, de contribuer au désendettement de l'Etat.
Pourtant, dans la pratique, les montants les plus importants de ce compte sont, en recettes, les versements exceptionnels du budget général et, en dépenses, des opérations exceptionnelles qui n'aboutissent pas directement à l'achat de titres d'entreprises créatrices de valeur industrielle.