B. SANS ROMPRE COMPLÈTEMENT AVEC CELLES DE SON PRÉDÉCESSEUR, LES ORIENTATIONS DU PLAN GOUVERNEMENTAL TRADUISENT UNE INFLEXION QUI L'ÉLOIGNE DU TOUT-REPRESSIF
Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives pour la période 2013-2017 se distingue de son prédécesseur sur plusieurs points.
Sur la forme tout d'abord, deux évolutions positives sont à noter . Sa durée est plus longue , puisqu'il court jusqu'au terme du quinquennat, soit les quatre prochaines années, afin de favoriser des mesures de long terme. Un changement sémantique d'importance est intervenu, puisqu'il est désormais fait référence aux « conduites addictives » et non plus aux « addictions ». C'est la reconnaissance du caractère multifactoriel des déterminants de ces comportements et leur développement au-delà de la consommation de produits stupéfiants. Aux yeux de votre rapporteure, ce mouvement aurait pu être approfondi par une réflexion prenant également en compte la pluralité des drogues . Au lieu d'utiliser la terminologie « la » drogue, il aurait été plus approprié de parler « des » drogues.
Sur le fond, sans nier la nécessité de renforcer la lutte contre les trafics et de diminuer leur emprise sur certains territoires, le plan réoriente l'action de l'Etat vers la prévention, la prise en charge des toxicomanes et la réduction des risques. Il insiste tout particulièrement sur la nécessité de fonder les politiques de lutte contre les drogues sur la recherche et la formation .
Comme l'a souligné le docteur Alain Morel lors de son audition par votre rapporteure, c'est la première fois qu'une véritable volonté de structurer la prévention est exprimée . Elle se traduit notamment par la création d'une commission interministérielle de prévention des conduites addictives, dont la mission sera de sélectionner des projets qui seront ensuite validés scientifiquement avant d'être, si les résultats sont probants, promus par la Mildt.
Un effort particulier doit être entrepris en direction de populations à risque , que le plan identifie comme telles. C'est le cas des femmes , dont les comportements en matière de consommation de drogues tendent à se rapprocher de ceux des hommes, notamment en ce qui concerne le tabac et l'alcool. Les conséquences sont nombreuses, par exemple en matière de violences sexuelles et d'exposition aux maladies infectieuses. Il est encore plus inquiétant de constater que 24 % des femmes enceintes déclarent fumer quotidiennement , ce qui est le taux le plus élevé d'Europe, et que la consommation d'alcool ne va pas en se réduisant, principalement chez les jeunes. Les effets sur le foetus et même sur les maladies de l'enfant peuvent être multiples.
Envers les jeunes , les pouvoirs publics sont confrontés à l'efficacité limitée des mesures de prévention jusqu'à présent mises en place. L'objectif est de retarder les premières consommations, de diminuer les dommages liés à celles-ci et surtout de leur faciliter l'accès aux soins. C'est notamment l'objet des consultations jeunes consommateurs, qui doivent être développées afin que l'intervention soit la plus précoce possible. La prévention par les pairs, qui a fait ses preuves à l'étranger, sera développée pour lutter, dans l'enseignement supérieur en particulier, contre les alcoolisations ponctuelles importantes.
Le plan ne fait pas l'impasse sur les trafics et toutes les formes de délinquance liées à la consommation de drogues. L'insécurité inhérente à ces comportements délictueux est durement ressentie par les habitants des quartiers où ils se développent. I l s'inscrit néanmoins dans une logique différente de celle du plan 2008-2011 en cherchant à favoriser l'acceptabilité sociale des usagers et des dispositifs de soins et de réduction des risques mais également en ne se focalisant plus sur la sanction de l'usage.
Partant du constat, largement partagé, de l'insuffisance de la formation initiale et continue en matière d'addictologie et de médecine préventive, le plan prévoit leur développement. Les médecins spécialisés en addictologie auditionnés par votre rapporteure ont fait part de leur pessimisme devant le manque de moyens et l'absence d'équipes de recherche universitaires.
Enfin, l'évaluation du plan est pensée dès sa conception, ce qui est essentiel pour qu'elle soit faite de manière pertinente et qu'elle puisse être source d'enseignements pour l'avenir. La Mildt affirme que 95 % des mesures prévues par le plan 2008-2011 ont été mises en oeuvre. Toutefois, seul un bilan quantitatif non publié a été réalisé par l'OFDT, en l'absence d'une volonté d'évaluation externe dès 2007. Ainsi que Mme Maud Pousset, la directrice de l'OFDT, l'a expliqué à votre rapporteure, il n'y a pas forcément de lien direct entre les mesures adoptées et l'évolution de la consommation durant la même période : leur impact peut se faire ressentir à plus long terme. C'est pourquoi le choix des indicateurs est délicat et les résultats obtenus parfois sujets à caution.
L'évaluation du plan 2013-2017 , qui aura lieu à mi-parcours et à terme, sera confiée à une équipe de recherche académique indépendante , en collaboration avec l'OFDT qui définira son cahier des charges. La procédure d'appel à candidatures devrait être lancée prochainement.