B. UNE LOI-CADRE D'ORIENTATION ET UN NOUVEAU CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR L'AFD
Face au contexte en évolution et alors que la politique de développement a longtemps constitué un « pré carré » du pouvoir exécutif, le Gouvernement a lancé, à la fin de l'année 2012, un vaste processus de consultation préparatoire à l'élaboration d'un projet de loi-cadre.
Les « Assises du développement » ont ainsi réuni pendant quatre mois, au début de l'année 2013, de nombreux acteurs du développement et de la solidarité internationale : Etat, ONG, syndicats, entreprises privées, fondations, représentants des collectivités territoriales, parlementaires nationaux et européens, organismes de recherche et partenaires du Sud.
Le Gouvernement a ensuite réuni, le 31 juillet 2013, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement ( CICID ) a approuvé quatre axes de travail et de rénovation : redéfinir les priorités géographiques et sectorielles ; améliorer la cohérence et renforcer les principes transversaux ; assurer une plus coordination de l'ensemble des acteurs ; améliorer l'efficacité et la transparence.
Un projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a été présenté en décembre 2013 pour traduire ces orientations dans la loi, ce qui a permis au législateur - pour la première fois - de débattre et fixer le cadre de cette politique publique. Ce projet de loi a été sensiblement modifié lors de son examen par le Parlement, en particulier à l'initiative de votre commission qui a principalement voulu renforcer son caractère législatif. Il reste cependant un document-cadre très général, voire « bavard » comme l'ont décrit certains de nos collègues.
L'article 1 er de cette loi 2 ( * ) prévoit que la politique de développement, qui a comme « objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement », « participe activement à l'effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l'insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales ». La loi évoque ensuite les principes de cohérence, de complémentarité entre les acteurs, nationaux ou internationaux, d'efficacité, de transparence, d'évaluation ou encore de responsabilité sociétale. Dans le rapport annexé à la loi, il est clairement indiqué que la politique de développement ne doit pas être confondue avec le seul aspect lié au développement durable : « la politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes . Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l'humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l'extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée ».
La loi fixe notamment :
- « quatre grands domaines » : la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l'homme et de l'égalité entre les femmes et les hommes ; l'équité, justice sociale et développement humain ; le développement économique durable et riche en emplois ; la préservation de l'environnement et des biens publics mondiaux.
- deux « priorités transversales » : la promotion de l'autonomisation des femmes et l'intégration systématique des problématiques de genre ; la lutte contre le changement climatique.
- dix « secteurs prioritaires d'intervention » : santé et protection sociale ; agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle ; éducation et formation ; secteur privé et responsabilité sociétale ; développement des territoires ; environnement et énergie ; eau et assainissement ; gouvernance et lutte contre la corruption ; mobilité, migration et développement ; commerce et intégration régionale.
Elle confirme le principe des « partenariats différenciés », qui consiste à adapter les objectifs et les modalités d'intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays, et fixe pour ce faire quatre catégories : les pays pauvres prioritaires ; l'Afrique et la Méditerranée ; les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité ; le reste du monde, en distinguant les « très grands émergents ».
Les discussions parlementaires ont permis d'améliorer les dispositions relatives au pilotage de la politique de développement qui reste largement éclaté entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie et un opérateur autonome important, l'Agence française de développement (AFD). En outre, ces discussions ont aussi permis de renforcer le processus d' évaluation de cette politique en fixant un principe d'indépendance et en en organisant les modalités : la création d'un observatoire dont dépendra un service unique d'évaluation regroupant les trois services existants aujourd'hui et dépendants des donneurs d'ordre (les deux ministères et l'AFD).
Pour mettre en oeuvre les orientations de la loi de juillet 2014, l'Etat et l'AFD ont préparé un contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2016 , dont la commission a été saisie pour avis avant même l'adoption définitive de la loi... L'AFD, devenue un acteur incontournable, constitue l'outil principal de mise en oeuvre de la politique française de développement : ses engagements financiers, qui ont quadruplé en dix ans, ont atteint 7,5 milliards d'euros en 2013, dont 1,5 milliard pour les outre-mer. La proposition de COM pour 2014-2016 fixe un objectif de croissance maîtrisée du chiffre d'affaires qui ne devra pas dépasser 8,5 milliards d'euros au terme du contrat.
Vos rapporteurs ne reviennent pas sur ce COM, qui a été présenté à la commission par Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon 3 ( * ) en juillet 2014, mais ils regrettent le peu d'informations qui ont été transmises sur les suites données à l'avis rendu par la commission à l'unanimité. Qui plus est, la proposition de COM qui a été transmise au Parlement pour avis n'était pas la « bonne » version du document, ce qui est évidemment regrettable.
* 2 Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
* 3 « Agence française de développement : quelles ambitions pour 2014-2016 ? », rapport d'information Sénat n° 766 (2013-2014).