V. LES MESURES COMMUNES AUX DIFFÉRENTES BRANCHES
A. LA RÉFORME DES MODALITÉS DE REVALORISATION DES PRESTATIONS SOCIALES (ARTICLE 57)
Afin de préserver le pouvoir d'achat de leurs titulaires, les montants de prestations et de minima sociaux sont en principe revalorisés chaque année en fonction de l'inflation. Les règles et les dates de revalorisation diffèrent cependant d'une prestation à l'autre . Le tableau ci-après présente les règles actuellement applicables pour les principales prestations.
Les différentes règles et dates de revalorisation des prestations sociales
1 er janvier |
1 er avril |
1 er juillet |
1 er septembre |
1 er octobre |
|
Inflation prévisionnelle avec correctif de l'inflation constatée |
Prestations familiales ; ASPA ; rentes AT-MP ; pensions d'invalidité |
Pensions de retraite |
|||
Inflation prévisionnelle |
RSA ASS |
Plafonds de ressources CMU-C et ACS |
AAH |
Source : commission des finances du Sénat
Deux règles principales d'indexation sur l'inflation coexistent actuellement :
- une revalorisation en fonction de l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT), éventuellement majorée ou minorée d'un correctif si l'inflation constatée au titre de l'année précédente et publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) diffère de la prévision retenue initialement, lors de la détermination du taux de revalorisation. Cette règle concerne 80 % des montants de prestations indexées sur l'inflation, dont les pensions de retraite. En 2014 , 190 milliards d'euros de prestations ont ainsi été revalorisées selon cette méthode ;
- une revalorisation en fonction de l' inflation prévisionnelle , retenue au moment de la revalorisation, sans application de mécanisme correctif . Cette règle est principalement utilisée pour des prestations financées par l'État, comme le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et l'allocation pour adulte handicapé (AAH).
Ces revalorisations peuvent intervenir à cinq dates différentes : le 1 er janvier pour le revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ; le 1 er avril pour les prestations familiales, les pensions d'invalidité, les rentes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les majorations pour tierce personne, le capital décès et les allocations de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ; le 1 er juillet pour les plafonds de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l'aide à la complémentaire santé (ACS) ; le 1 er septembre pour l'AAH et le 1 er octobre pour les pensions de retraite et les cotisations et salaires servant de base au calcul des pensions.
Enfin, les indices de référence retenus diffèrent selon la date de revalorisation : pour les prestations revalorisées avant la fin du troisième trimestre, la prévision d'inflation retenue est celle établie par la commission économique de la nation (CEN), tandis que la prévision d'inflation figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé à la loi de finances est utilisée pour les revalorisations intervenant au cours du dernier trimestre de l'année.
Il résulte de l'hétérogénéité de ces règles des écarts importants, d'une part, entre les taux de revalorisation appliqués aux différentes prestations et, d'autre part, entre l'indice de revalorisation retenu et l'inflation constatée. Par exemple, le tableau ci-dessous permet de constater qu'en 2014 le montant de l'AAH a été revalorisé de 1,7 %, la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) de 0,6 % et que les pensions de retraite n'ont pas été revalorisée, alors même que l'indice des prix à la consommation a effectivement progressé de 0,4 % sur l'année.
Comparaison entre les prévisions d'inflation, l'inflation constatée et le taux de revalorisation appliqués à certaines prestations sociales
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
Prévision CEN pour l'année N |
1,8 % |
1,8 % |
1,2 % |
1,1 % |
0,0 % |
Prévision du RSF pour l'année N |
2,2 % |
1,7 % |
1,7 % |
1,3 % |
0,9 % |
Inflation constatée |
2,1 % |
1,9 % |
0,7 % |
0,4 % |
- |
Revalorisation de la BMAF |
1,5 % |
1,0 % |
1,2 % |
0,6 % |
0,0 %* |
Revalorisation des pensions |
2,1 % |
2,1 % |
1,3 % |
0,0 % |
- |
Revalorisation de l'AAH |
4,4 % |
2,2 % |
1,7 % |
1,7 % |
1,3 % |
* Afin de ne pas diminuer le montant des prestations familiales, le taux de revalorisation qui aurait été obtenu avec l'application du correctif au titre de 2013 (- 0,7 %) n'a pas été appliqué, compte tenu de l'inflation nulle prévue par la CEN en 2015.
** A partir de 2008, l'AAH a été revalorisée de 25 % sur cinq ans, ce qui explique le taux de revalorisation élevé en 2011.
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2015)
Par conséquent, l' article 33 du projet de loi de finances pour 2016 propose une nouvelle règle de revalorisation unique , fondée sur l'évolution moyenne des prix à la consommation hors tabac constatée sur les douze derniers mois et publiée par l'Insee (article L. 161-25 du code de la sécurité sociale). En cas d'inflation négative, un mécanisme dit de « bouclier » est introduit afin de garantir le maintien des prestations à leur niveau antérieur. Celui-ci consiste à fixer à 1 le niveau plancher du coefficient de revalorisation.
L' article 57 du présent projet de loi de financement prévoit l'application de cette nouvelle règle pour un ensemble de prestations relevant du champ des lois de financement de la sécurité sociale, à savoir l'ensemble des pensions de retraite de droit direct et de droit dérivé et leurs majorations, l' ASPA , les pensions d'invalidité , les rentes AT-MP , l' allocation de veuvage, les prestations familiales indexées sur la BMAF et le plafond de ressources relatif à la CMU-C et à l'ACS .
Cet article prévoit également d' harmoniser les dates de revalorisation : l'ensemble des prestations de sécurité sociale énumérées ci-avant seront revalorisées au 1 er avril de chaque année, à l'exception des pensions de retraite pour lesquelles la date du 1 er octobre est conservée. Pour mémoire, la date de revalorisation des pensions de retraite avait été reportée du 1 er avril au 1 er octobre.
En application de ces nouvelles dispositions et de l'hypothèse d'inflation retenue dans le présent projet de loi de financement (1 %), les pensions de retraite devraient être revalorisées de 0,6 % au 1 er octobre 2016 et l'ensemble des autres prestations sociales de 0,4 % au 1 er avril 2016 . Compte tenu de ces hypothèses, la réforme proposée devrait entraîner une moindre dépense de 400 millions d'euros de prestations pour l'ensemble des organismes de sécurité sociale. Selon l'évaluation préalable, « à terme, la mesure est cependant neutre compte tenu de l'alignement sur longue période entre inflation prévisionnelle et inflation constatée ».
L'Assemblée nationale a adopté huit amendements rédactionnels et de coordination à cet article.
Impact financier de la réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales en 2016
(en millions d'euros)
Sécurité sociale |
État |
Collectivités territoriales |
TOTAL |
400 |
88 |
90 |
578 |
Source : évaluations préalables annexées au projet de loi de financement de la sécurité sociale et au projet de loi de finances pour 2016
Après avoir décalé du 1 er avril au 1 er octobre la date de revalorisation des pensions de retraite en 2014, dans le cadre de la réforme des retraites 102 ( * ) , le Gouvernement compte, à nouveau, sur une modification des modalités de revalorisation pour contenir, ponctuellement, les dépenses de prestations sociales. De plus, le moment choisi pour introduire cette nouvelle règle d'indexation selon l'inflation constatée apparaît particulièrement opportun, dans la mesure où les prix à la consommation devraient à nouveau croître en 2016 et 2017.
La règle proposée représentant néanmoins une relative simplification pour les assurés, en comparaison du système actuel, votre rapporteur pour avis est favorable à son adoption sans modification .
* 102 Article 5 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.