D. LA GOUVERNANCE DES GRANDS PORTS MARITIMES RESTE À MODERNISER
Sur le plan juridique , les réformes de 2008 et 2013 ont mis fin à une gouvernance des ports lourde et inefficace . Les conseils d'administration étaient bien souvent de simples chambres d'enregistrement des décisions proposées par le directeur général.
En pratique , l'autonomie juridique de nos ports est une fiction et l'État reste omniprésent. En effet, la gouvernance actuelle ne donne pas suffisamment de poids aux collectivités territoriales . Elles demeurent encore trop en retrait dans les conseils de surveillance, bien que l'État ne soit pas systématiquement majoritaire dans ces structures, compte tenu de l'absence de consignes données aux représentants des ministères et de l'indépendance des personnalités qualifiées.
Surtout, dans la mesure où nos ports connaissent une situation difficile, ils n'ont aucune capacité d'autofinancement , et restent par conséquent totalement tributaires du ministère des Finances pour leurs projets d'investissements.
Au final, nos ports paraissent, comme par le passé, davantage gérés comme des infrastructures plutôt que comme des outils commerciaux . L'omniprésence de l'État constitue une anomalie française : en dehors de l'Espagne et de la France, tous les grands ports européens sont rattachés à des collectivités ou organismes de proximité ; or même l'Espagne a décidé de décentraliser la gestion de ses grands ports, qui restent néanmoins propriété de l'État. En réalité, il n'y a donc qu'en France où l'État conserve l'organisation de la gestion des outils portuaires.
Rien n'interdit d'envisager aujourd'hui un mouvement de décentralisation de la gestion de nos grands ports maritimes , tout en maintenant la structure de gouvernance issue de la réforme de 2008 (conseil de surveillance, directoire et conseil de développement, auxquels s'ajoute la nouvelle commission des investissements introduite par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue). Il suffirait pour cela de revoir la composition du conseil de surveillance avec, par exemple, 40 % de représentants de l'État (y compris les personnalités qualifiées), 40 % de représentants des collectivités locales, et 20 % réservés aux acteurs économiques de la chaîne logistique portuaire.
En effet, les collectivités territoriales sont directement concernées par la gestion de l'outil portuaire , au niveau des terrains et espaces pour l'implantation de zones logistiques, de zones économiques et d'espaces nécessaires pour réaliser certains moyens d'acheminements, ou encore dans l'accompagnement financier de certains investissements. Avec la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, les régions vont d'ailleurs être de plus en plus impliquées dans le développement économique portuaire , ainsi que dans le renforcement logistique des territoires. Ces récentes lois de réforme territoriale ont également doté les régions d'outils d'aménagement de leur territoire (SRADDET, SRDEII,...) que ces dernières pourront saisir en cas de besoin, pour aménager les ports et leurs hinterlands. Enfin, en tant que président de la nouvelle commission des investissements, le président de région devrait naturellement être amené à jouer un rôle plus important dans la gestion de ces grands ports.
Dans le même esprit, il serait normal que le choix des responsables des directoires se fasse par un appel ouvert à candidature . Actuellement, le directeur général reste généralement un fonctionnaire d'État, alors que la loi du 4 juillet 2008 ne l'impose nullement. Il demeure tributaire, pour la progression de sa carrière administrative, de la tutelle du ministère. Il n'entreprendra donc pas de s'en abstraire, même si des dispositions le lui permettent, tant les habitudes sont fortes.
Une gouvernance renouvelée, à plus forte culture commerciale, permettrait de développer une stratégie de marque à l'international , surtout en Asie, à l'instar du port de Hambourg, qui assure sa promotion avec succès à travers l'association Port of Hamburg Marketing depuis plus de 25 ans. Nous avons besoin de constituer une « équipe de France portuaire » pour porter les intérêts portuaires de la France au-delà des frontières nationales. Un véritable travail collectif , impliquant une communauté d'acteurs « chassant en meute », est nécessaire pour le rayonnement des ports français et l'attraction de nouveaux clients et de nouveaux flux.