B. LA PRISE DE CONSCIENCE QUE LE PASSAGE À L'INDUSTRIE DU FUTUR EST L'UNE DES CLÉS DU REDRESSEMENT INDUSTRIEL

1. Gains de productivité et montée en gamme

Le déploiement des technologies du numérique apparaît de nature à bouleverser les deux composantes de la compétitivité industrielle, la compétitivité prix et hors prix.

Pour ce qui concerne la compétitivité-prix , une étude du Boston consulting group estime ainsi, à partir du cas allemand, que la mise en oeuvre des solutions techniques et organisationnelles de l'industrie du futur permet d'atteindre en quelques mois une réduction des coûts de fabrication de l'ordre de 15 à 25 %, voire de 30 % dans certaines branches 16 ( * ) . En se fondant sur l'analyse de plusieurs projets pilotes en matière d'industrie du futur, le cabinet Ernst & Young estime quant à lui que des réductions de 10 % à 15 % des coûts de production sont réalisables sur des périodes courtes, et même jusqu'à 30 % si on raisonne sur l'ensemble de la chaîne de valeur étendue 17 ( * ) . Tous ces chiffres mériteraient d'être confirmés par des études réalisées dans un cadre académique garantissant rigueur méthodologique et robustesse des estimations. Toutefois, s'ils se confirmaient, cela signifierait qu'on se trouve face à une opportunité d'effacer une bonne partie de l'avantage dont disposent les pays où la main-d'oeuvre est moins chère.

Industrie du futur, gains de productivité et de flexibilité :
Quelques exemples de mécanismes à l'oeuvre

Le développement des techniques de maintenance préventive permet de réduire fortement le nombre des pannes qui bloquent de façon intempestive les lignes de production.

Les techniques de communication hommes/machines permettent aux opérateurs humains des diagnostics et des interventions plus pertinents et plus rapides pour relancer la production quand un incident l'a interrompue.

Le pilotage fin des processus de production et l'utilisation de matériaux innovants permettent une optimisation de la dépense énergétique.

Le développement de la robotique intelligente et des machines multifonctions permet de reconfigurer plus simplement un atelier et de produire en séries courtes à coûts maîtrisés, et donc d'adapter la production aux besoins différenciés et changeants des consommateurs.

La mise en réseau des services commerciaux, des services d'approvisionnement et des services de fabrication permet d'ajuster les prévisions en matière de stock et de logistique dès la prise de commande. Si l'industrie du futur n'a pas inventé les concepts de « juste à temps » ou de « zéro stock », elle permet de franchir un palier dans la poursuite de ces objectifs.

La virtualisation des systèmes de production par la modélisation 3D permet de simuler toutes les opérations de production et de maintenance et donc de repérer et de résoudre par anticipation les difficultés susceptibles de survenir dans les ateliers réels.

Concernant la compétitivité hors prix , l'industrie 4.0 apparaît comme un vecteur essentiel de la montée en gamme industrielle notamment grâce à la personnalisation de l'offre qu'elle rend possible :

- la digitalisation de la relation client permet d'associer beaucoup plus étroitement les clients à l'élaboration et à l'évaluation des biens et services qui leur sont proposés. Leurs besoins sont donc identifiés plus précisément et plus rapidement. De plus, les biens industriels de l'ère numérique intègrent de plus en plus des services, notamment sous forme d'applications numériques embarquées, qui contribuent à cette personnalisation de l'offre , au point que ce qui est vendu est de plus en plus souvent un ensemble d'usages ou une expérience de consommation davantage qu'un bien stricto sensu ;

- mieux identifiés, les besoins des clients sont adressés plus précisément et plus rapidement. Le niveau de flexibilité de l'outil productif qu'autorisent les techniques et les processus de fabrication des usines 4.0 offre en effet une capacité d'adaptation de l'offre aux attentes différenciées et changeantes des clients sans commune mesure avec ce que permettaient les générations d'usines précédentes. On peut réorienter la production plus rapidement, produire en séries beaucoup plus courtes sans générer de coûts fixes rédhibitoires. L'optimisation digitale de l'articulation entre la fonction de fabrication et les fonctions d'approvisionnement et de livraison permet également de livrer le client dans des délais sensiblement plus courts. Selon l'étude précédemment citée de Ernst&Young, l'Industrie du futur peut conduire à une division des délais de livraison par quatre.

2. Une opportunité de relocalisation de la production

Le bouleversement des facteurs de la compétitivité permis par le déploiement des techniques et des formes d'organisation caractéristiques de l'industrie du futur rend envisageable la relocalisation de certaines productions industrielles :

- la forte substitution de capital au travail qui s'opère à travers les investissements nécessaires à l'industrie 4.0 a pour effet que les choix de localisation des industries du futur sont moins directement conditionnés par le coût du travail que dans les dernières décennies - et ce d'autant moins que l'avantage salarial comparatif de certains pays émergents commence à se réduire. Les pays à coût horaire de la main-d'oeuvre élevé, comme la France, rattrapent donc une partie de leur handicap « coût » ;

- par ailleurs, dans les usines du futur en grande partie autopilotées, l'intervention humaine est recentrée sur les tâches manuelles les plus complexes et sur les activités de programmation/pilotage/maintenance des machines, c'est-à-dire sur les tâches les plus qualifiées. Or, le besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée et bien rémunérée conduit, là encore, les entreprises à favoriser l'implantation de leurs sites de production dans les territoires où les investissements en capital humain sont suffisants ;

- enfin, la nécessité d'adapter rapidement l'offre à la demande (c'est-à-dire d'identifier rapidement les besoins spécifiques du client, de modifier la production en conséquence et de le livrer sans délai) conduit à privilégier des sites de production et des réseaux de sous-traitants plus proches des clients.

Le numérique et les nouvelles technologies de fabrication offrent ainsi une opportunité historique aux entreprises de se moderniser, d'innover et de produire en France. Pour les pays comme la France, qui ont subi une profonde désindustrialisation au cours des dernières décennies, c'est une chance d'inverser leur déclin industriel.


* 16 Boston consulting Group, Industry 4.0 : The Future of Productivity and Growth in Manufacturing Industries, avril 2015

* 17 EY, Croire en l'Industrie du futur et au futur de l'industrie, 2017

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