CHAPITRE II - LES MOYENS MIS EN oeUVRE AU PROFIT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES ET DES CONSOMMATEURS

À l'occasion de l'examen de la précédente loi de finances, votre rapporteur pour avis, Mme Élisabeth Lamure, avait porté son attention sur deux dispositifs récemment remodelés et financés dans le cadre du programme 134 : le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), dans son dispositif issu de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, ainsi que l'Agence France entrepreneur. Ces dispositifs étant désormais en « rythme de croisière », il est possible aujourd'hui de mieux en évaluer l'application et de lever les interrogations qui avaient pu se faire jour l'an passé.

De même, il a jugé pertinent de s'intéresser aux efforts budgétaires consacrés aux actions dans le domaine de la consommation au titre de l'action n° 17 « Protection du consommateur » et à l'activité de Bpifrance Financement, à laquelle l'action n° 20 « Financement des entreprises » consacre des crédits en forte hausse.

I. L'EXAMEN DE DEUX DISPOSITIFS DÉSORMAIS « EN RYTHME DE CROISIÈRE »

A. LE FISAC : UN DISPOSITIF AUJOURD'HUI BIEN CIBLÉ QUI NE DEMANDE QU'À S'ÉPANOUIR

1. Un dispositif recentré qui s'avère efficace grâce au mécanisme d'appel à projets

Le FISAC entend se concentrer depuis 2015 sur trois catégories d'opérations :

- d'une part, les opérations collectives , qui concernent un ensemble d'entreprises relevant d'un secteur géographique donné, fragilisé par l'évolution démographique ou par une situation économique particulièrement difficile, et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million d'euros hors taxes, la surface de vente des entreprises à vocation alimentaire ne pouvant excéder 400 m 2 . Ces opérations visent à maintenir ou améliorer le tissu des entreprises commerciales, artisanales et de services dans les pays, les groupements de communes rurales, les centres-villes ainsi que les quartiers des communes de plus de 3 000 habitants ;

- d'autre part, les opérations individuelles en milieu rural , qui concernent les entreprises de proximité souhaitant soit s'implanter, soit se moderniser dans les centres-bourgs des communes dont la population est inférieure à 3 000 habitants. Leur chiffre d'affaires doit être inférieur à 1 million d'euros hors taxes, et la surface de vente des entreprises à vocation alimentaire ne peut excéder 400 m 2 . La maîtrise d'ouvrage de ces opérations peut être publique ou privée ;

- enfin, les actions spécifiques de niveau national , qui peuvent être décidées par le ministre chargé du commerce pour anticiper ou accompagner l'évolution et les mutations des secteurs du commerce, de l'artisanat et des services. Ces actions donnent lieu à l'établissement de règlements particuliers pris par le ministre chargé du commerce, fixant les modalités spécifiques d'intervention du FISAC. Ce fut le cas pour les stations-services en 2016, afin d'apurer les stocks de dossiers déposés auprès du Comité professionnel de distribution des carburants (CPDC)

Une enveloppe autonome subsiste néanmoins au sein du FISAC pour financer des actions de développement économique menées par les chambres de métiers et de l'artisanat ainsi que des projets portés dans le cadre de pôles d'innovation de l'artisanat.

2. Un dispositif d'appel à projets pertinent qui ne doit pas se retourner contre les petites collectivités

Le dispositif fonctionne désormais par appels à projets, structurés autour d'axes prioritaires déterminés chaque année par le ministre chargé du commerce et de l'artisanat. L'appel à projets de l'année n est financé sur le budget de l'année n+1 , l'objectif étant que toutes les décisions d'attribution ou de refus d'aides relatives à l'appel à projets lancé l'année n , soient signées au plus tard le 31 décembre de l'année n+1 . Ainsi, le premier appel à projets établi sur la base de la nouvelle réglementation a été publié mi 2015, les projets étant sélectionnés fin 2015-début 2016 et financés sur les crédits disponibles pour l'année 2016. C'est ce qui explique que le montant des dotations ouvertes soit désormais différent en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour une même année budgétaire.

Cette procédure permet de sélectionner les dossiers qui remplissent le mieux les critères définis par le Gouvernement.

Les axes retenus par les appels à projets - qui distinguent des priorités thématiques et des zones géographiques privilégiées - restent relativement stables depuis trois ans , ce qui permet de mieux concentrer l'effet de levier des crédits du FISAC sur plusieurs années consécutives.

Selon les éléments communiqués par la direction générale des entreprises (DGE) à l'occasion de son audition par votre rapporteur, le resserrement du dispositif a conduit à une réduction du nombre de demandes présentées chaque année, qui dépassait encore 1 200 en 2012. Ainsi, à la suite de l'appel à projets de 2015, ont été reçus 193 dossiers relatifs à des opérations individuelles et 142 au titre des opérations collectives, soit un total de 335. S'agissant de l'appel à projets de 2016, le nombre de ces dossiers s'est élevé respectivement à 173 et 96, soit un total de 269.

Priorités retenues par les appels à projets (2015-2017)

Dans l'appel à projet 2015 , les priorités thématiques étaient :

- la modernisation, la création et l'attractivité des derniers commerces et des commerces multiservices en zones rurales ;

- la modernisation et la diversification des stations-services qui assurent le maillage du territoire et dont la gestion est assurée par un exploitant indépendant ou par une commune ;

- l'accessibilité des commerces à tous les publics.

Les zones géographiques privilégiées étaient les communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR) et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En 2016 , le Gouvernement a entendu établir des priorités thématiques différentes selon qu'il s'agit d'opérations collectives ou d'opérations individuelles en milieu rural.

Pour les opérations collectives, ont été retenues :

- la modernisation, la diversification, l'accessibilité et la sécurisation des entreprises de proximité existantes ;

- la création et la modernisation des halles, marchés couverts et marchés de plein air, qui peuvent par ailleurs favoriser l'attractivité commerciale des commerces sédentaires.

Pour les opérations individuelles en milieu rural, les trois priorités définies en 2015 ont été conservées.

Aux deux zones géographiques ciblées en 2015 ont été ajoutées les centralités commerciales dégradées connaissant un fort taux de vacance.

Les priorités établies en 2016 ont été reconduites en 2017. Un accent particulier a néanmoins été mis sur la revitalisation des centres-villes, avec la création d'une « enveloppe réservée » de 1 million d'euros destinée à financer des opérations de revitalisation du commerce inscrites dans des stratégies globales de développement de territoire, porteuses de partenariats innovants entre les acteurs publics et privés et mettant en oeuvre une démarche structurée de développement du management de centre-ville.

Ces dossiers font ensuite l'objet d'une instruction conjointe aux niveaux local et national . Une sélection est opérée par un comité qui, pour les opérations collectives, comprend des représentants des bureaux de la DGE chargés du commerce, de l'artisanat et de l'aménagement commercial, du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ainsi que de la Caisse des dépôts et consignations. Si, selon la DGE, les dossiers reçus sont pour l'essentiel de qualité, elle souligne que la capacité d'ingénierie à disposition des différentes collectivités qui candidatent exerce une influence significative quant aux résultats obtenus, les collectivités « bien outillées » disposant le plus souvent d'études préalables leur permettant d'étayer leurs demandes. Votre rapporteur insiste néanmoins pour que les capacités d'ingénierie des collectivités demandeuses puissent être prises en considération pour l'évaluation des dossiers : les petites collectivités, qui n'ont pas les mêmes moyens en la matière que les plus importantes, ne doivent pas être pénalisées de ce seul fait et leurs projets doivent être regardés avec une certaine bienveillance.

Ainsi, selon le Gouvernement, les appels à projets menés en 2016 ont permis le financement de 128 opérations rurales individuelles, pour un total de 3,5 millions d'euros , et 122 opérations collectives, pour un total de 14,76 millions d'euros .

Le versement des subventions accordées intervient par le biais du RSI dans des délais très réduits. S'agissant des opérations individuelles, le paiement s'effectue sur service fait : le versement de l'aide dépend donc strictement de la date de réalisation des investissements ou travaux. Les opérations collectives autorisent quant à elles le versement d'une avance à la signature des conventions FISAC, sous conditions. Cette avance couvre 40 % des dépenses de fonctionnement et 40 % des sommes accordées au titre des aides aux entreprises, ce qui favorise un démarrage rapide des projets. Le reste des versements intervient ensuite sur service fait. S'agissant des opérations nationales, des échéanciers de versement sur trois ou quatre années sont mis en place et correspondent à la réalisation des prestations ou à la production de certaines pièces (bilan d'action...).

3. Mieux valoriser le dernier instrument de soutien opérationnel de l'État au commerce de proximité

Le FISAC est le dernier instrument de soutien opérationnel du budget de l'État au profit du commerce de proximité . Et il ressort du rapport établi par la DGE sur la période 1992-2016 que ce fonds s'est révélé efficace pour le maintien des commerces de proximité, notamment en zone rurale.

Extraits du rapport d'activité sur le FISAC 1992-2016

Dans son rapport d'activité sur le FISAC 1992-2016, la direction générale des entreprises relève que, en moyenne, sur la période 1999-2012 :

« - les opérations en faveur des bénéficiaires se répartissent comme suit : création : 36,1 % ; reprise : 16,6 % ; modernisation : 47,3 % 4 ( * ) ;

« - les taux de survie des entreprises aidées par le FISAC atteignent globalement 91,46 % à trois ans et 87,46 % à cinq ans.

« À titre de comparaison, et avec toutes les précautions d'usage quant à la composition de l'échantillon interrogé 5 ( * ) , la dernière étude réalisée par l'INSEE sur le thème de la pérennité des entreprises en 2015 aboutissait aux résultats suivants : le taux de survie à trois ans des entreprises du commerce créées en 2010 s'établit à 64 % tandis que celui à cinq ans (entreprises du commerce créées en 2006) est de 59 %, que celles-ci aient obtenu une aide ou non 6 ( * )

.

« Il semble donc que les entreprises aidées par le FISAC soient plus pérennes que la moyenne constatée par l'INSEE pour les entreprises de commerce qui repose sur un échantillon plus large et sans restriction géographique sur la taille des communes 7 ( * ) .

« L'enquête introduit également des éléments d'analyse relatifs aux aides apportées par le FISAC dans les communes rurales ne disposant que d'une seule activité commerciale. Ainsi, entre 2008 et 2012 les derniers commerces de la commune représentent en moyenne 22,8 % du nombre de bénéficiaires total sur les cinq années considérées, soit plus d'un dossier sur cinq. Par ailleurs, il semble que le soutien du FISAC contribue significativement au maintien de la seule (ou dernière) activité commerciale dans les communes de moins de 3 000 habitants. En effet, le taux de maintien à trois ans de ces activités commerciales se situe en moyenne autour de 87 % de l'échantillon (années 2008/2011/2012). Le taux de survie à cinq ans constaté pour ce type de commerce bénéficiaire est quant à lui de 78 % (années 2009/2010). Au final, on peut considérer que le FISAC contribue directement ou indirectement à la pérennité de la dernière activité commerciale dans plus de 8 communes rurales sur 10. »

Source : direction générale des entreprises.

La forte réduction du montant des crédits dévolus au FISAC depuis quelques années implique néanmoins de recentrer encore davantage son « effet levier » sur des projets stratégiques.

Depuis 2017, le montant dévolu au FISAC a en effet diminué de 82 %. Selon les documents budgétaires, il devrait atteindre en 2018 quelque 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,03 millions d'euros en crédits de paiement , accusant donc une nouvelle baisse de 2 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport aux montants ouverts pour 2017, ce qui est significatif compte tenu de son faible volume.

Dotations du FISAC

(en millions d'euros)

PLF 2007

PLF 2008

PLF 2009

PLF 2010

PLF 2011

PLF 2012

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018

Autorisations d'engagement

81,5

70

70

78

64

42,7

32,3

19,3

19,3

18,1

16,5

14

Crédits de paiement

81,5

60

60

64

64

42,7

32,3

19,3

16,9

13,1

10

11,03

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

L'un des projets les plus stratégiques à cet égard est certainement la revitalisation des centres-villes de communes moyennes qui connaissent une situation de très forte vacance commerciale.

Ainsi que l'a mis en relief en 2016 le rapport de l'IGF et du CGEDD, sur un panel portant sur près de 190 centres-villes, le taux de vacance moyen évalué à 6,1 % en 2001 s'est élevé à 10,4 % pour l'année 2015. Mais certains connaissent des niveaux de vacance alarmants, comme Béziers (24,4 %), Châtellerault (22,5 %), Forbach (21,9 %) ou Annonay (21,3 %), et il est vraisemblable que ce taux s'est encore fortement apprécié depuis lors. Il s'agit d'une question de dynamisme économique et d'aménagement du territoire majeure, qui faute d'être résolue renforcera encore la fracture territoriale dans notre pays. Il y a, en la matière, une situation d'urgence, car la disparition dans les centres-villes d'une offre de commerces et de services complète entraîne une désaffection durable de fréquentation des acheteurs et, à terme, la disparition totale d'artères commerçantes .

Le Sénat, dans le cadre d'une initiative conjointe de vos délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises, se penche aujourd'hui sur cette question et devrait formaliser ses recommandations au cours de l'année 2018. Toutefois, sans attendre cette échéance, votre rapporteur est convaincu qu'il convient d'ores et déjà de mobiliser davantage le FISAC sur cette thématique en renforçant la dotation budgétaire du FISAC destinée à conforter les moyens disponibles pour la revitalisation des centres-villes. On ne peut que se féliciter de l'existence, dans le cadre de l'appel à projets publié en 2017, d'une enveloppe de 1 million d'euros - qui sera financée sur les fonds disponibles en 2018 - spécifiquement réservée aux projets de revitalisation du commerce mettant en oeuvre une démarche structurée de développement du management du centre-ville. Cette somme reste néanmoins symbolique , même en la combinant avec la réorientation des crédits suggérée plus haut.

Lors de la réunion de commission du 15 novembre 2017, votre rapporteur avait proposé, avant le vote intervenu à l'Assemblée nationale, d'augmenter de 2 millions d'euros le montant de la dotation du FISAC afin de mener des actions de plus grande envergure pour la revitalisation commerciale des centres-bourgs et centres des villes moyennes, en opérant un prélèvement de même montant sur l'action n° 1 du programme 345. Votre commission en avait accepté le principe.

Au cours de sa séance publique du 16 novembre 2017, l'Assemblée nationale a procédé à un tel ajustement , à l'initiative de M. Joël Giraud. Cette mesure rejoint donc la position défendue par votre commission, ce dont on ne peut que se féliciter. En revanche, il importe que cet abondement des crédits ne profite pas, à titre exclusif, au soutien aux stations-services, comme cela était suggéré par son auteur, mais qu'il finance aussi des actions de revitalisations d'autres commerces.


* 4 Résultats obtenus sur la base d'un échantillon de 2 699 bénéficiaires interrogés.

* 5 L'INSEE a décidé de ne plus reconduire son enquête relative au taux de maintien des entreprises commerciales et artisanales créées ou implantées dans des communes de moins de 2 000 habitants. La dernière en date concernait les entreprises créées ou reprises en 2002 et 2006, données désormais trop anciennes pour permettre une comparaison actualisée.

* 6 Source : INSEE première n° 1543: « Entreprises créées en 2010 : sept sur dix sont encore actives trois ans après leur création » Damien RICHET - avril 2015.

* 7 Les résultats sont obtenus à partir d'un échantillon total de 52 000 entreprises créées en 2010 dont 25% issues du secteur commerce (ce secteur intègre le commerce de gros et de détail ainsi que la réparation de véhicules automobiles et de motocycles).

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