C. LA MISE EN oeUVRE DE L'EXTENSION DU DROIT À RÉPARATION DEPUIS 2012
Entre 2012 et 2017, les gouvernements successifs ont satisfait à plusieurs des revendications légitimes du monde combattant , qu'il se soit agi de corriger certaines injustices liées au traitement des anciens combattants d'Algérie, de garantir l'égalité de toutes les générations du feu ou de réaffirmer la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants les plus âgés.
Après avoir été accordée par la loi du 9 décembre 1974 19 ( * ) selon des modalités très restrictives, progressivement assouplies à la fin des années 1990, l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant servi en Algérie, en Tunisie et au Maroc est conditionnée depuis la loi de finances pour 2004 20 ( * ) à un critère unique de présence de quatre mois en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Toutefois, si la guerre d'Algérie s'est effectivement achevée à cette date, des troupes françaises sont restées stationnées sur le territoire de cet État nouvellement indépendant. Ce cadre juridique ne permettait pas d'attribuer la carte du combattant à des soldats qui, s'ils pouvaient justifier de quatre mois de présence en Algérie, avaient débuté leur séjour sur place moins de quatre mois avant l'indépendance.
La loi de finances pour 2014 21 ( * ) a remédié à cette situation en autorisant la délivrance de cette carte « à cheval » aux anciens combattants totalisant quatre mois de présence en Algérie, dont au moins un jour avant le 2 juillet 1962, mettant fin à une différence de traitement injustifiée.
Alors qu'il avait été estimé qu'elle concernerait 8 400 personnes, ce sont 11 929 cartes du combattant qui avaient été attribuées à ce titre au 30 juin 2017, dont plus de 70 % dès 2014 . Tous ses titulaires ont au moins 75 ans : ils perçoivent donc la retraite du combattant et bénéficient d'une demi-part fiscale supplémentaire.
Les anciens des Opex pouvaient quant à eux recevoir la carte du combattant depuis la loi du 4 janvier 1993 22 ( * ) . Toutefois, ils devaient satisfaire à l'un des six critères élaborés en référence aux combats des deux guerres mondiales, soit :
- avoir appartenu pendant trois mois à une unité combattante ;
- avoir appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;
- avoir pris part à cinq actions de feu ou de combat ;
- avoir été évacué pour une blessure contractée en service au sein d'une unité combattante ;
- avoir été évacué pour une blessure de guerre ;
- avoir été détenu par l'adversaire pendant au moins quatre-vingt-dix jours.
Ces six cas de figure se sont révélés inadaptés aux conditions d'engagement des forces françaises en Opex. En conséquence, entre 1993 et 2010, seulement 41 440 cartes du combattant ont été attribuées à ce titre. Cette même année, un arrêté 23 ( * ) est venu préciser la définition des actions de feu ou de combat requises pour recevoir la carte, afin d'y intégrer celles communément rencontrées en Opex, comme le contrôle de foule, le rétablissement de l'ordre, le contrôle de zone ou le déminage.
Cet assouplissement restait insuffisant et ne garantissait pas l'égalité entre la quatrième génération du feu et celles qui l'ont précédée, pourtant proclamée symboliquement par l'ensemble des responsables politiques et demandée par les intéressés. En conséquence, le législateur a, dans la loi de finances pour 2015 24 ( * ) et à compter du 1 er octobre 2015, aligné les critères d'attribution de la carte du combattant au titre des Opex sur celui en vigueur pour la guerre d'Algérie, c'est-à-dire quatre mois de présence s ur un même théâtre d'opération.
Au 1 er juillet 2017, 112 255 cartes du combattant ont été délivrées aux anciens militaires ayant servi en Opex depuis 2010, dont environ 40 000 en application de ce nouveau cadre juridique. Les principaux théâtres concernés sont l'ex-Yougoslavie (32 366), l'Afghanistan (24 129) et le Tchad (12 835). Au total, 150 000 hommes et femmes devraient pouvoir bénéficier de la carte du combattant grâce à cette nouvelle règle. Toutefois, contrairement à la carte « à cheval », ces nouveaux titulaires de la carte du combattant sont jeunes . En 2016, par exemple, seulement 1 311 des 19 177 anciens combattants à qui la carte a été attribuée au titre des quatre mois de présence en Opex, soit 6,8 % , étaient âgés d'au moins 65 ans , c'est-à-dire éligibles à la retraite du combattant. Au total, parmi les 153 695 titulaires de la carte « Opex », moins de 2 500 (1,6 %) ont au moins 74 ans et bénéficient donc de la demi-part fiscale.
La retraite du combattant est en effet versée à tous les titulaires de la carte du combattant à partir de 65 ans , ou 60 ans pour les personnes résidant outre-mer ou titulaires d'une PMI indemnisant une infirmité imputable à une opération de guerre ou de maintien de l'ordre. Elle n'est ni imposable, ni réversible, et son montant est fixé en nombre de points d'indice des PMI 25 ( * ) .
Répartition par tranche d'âge du nombre de
retraites du combattant
versées au 31 décembre
2016
tranche
|
moins de 65 ans |
de 65 à 69 ans |
de 70 à 74 ans |
de 75 à 79 ans |
de 80 à 84 ans |
de 85 à 89 ans |
de 90 à 94 ans |
de 95 à 99 ans |
100 ans et plus |
Total |
Effectif |
355 |
5 554 |
25 060 |
500 839 |
415 026 |
59 953 |
38 704 |
11 665 |
1 791 |
1 058 947 |
Source : Ministère des armées
L'essentiel des 1 058 947 retraites du combattant versées en 2016 l'étaient à des anciens combattants d'Algérie, compris pour plus de 85 % d'entre eux dans la tranche d'âge 75-85 ans.
Répartition par conflit du nombre de retraites
du combattant
versées au 31 décembre 2016
Conflit |
Opérations
|
Seconde Guerre mondiale
|
Guerre d'Algérie |
Opex
|
Non déterminé 26 ( * ) |
Total |
Effectif |
1 320 |
78 852 |
879 413 |
21 212 |
71 127 |
1 058 947 |
Source : Ministère des armées
La retraite du combattant avait été revalorisée chaque année entre 2008 et 2012, passant de 37 points (495,06 euros) à 48 points (665,28 euros), ce qui a représenté une progression de son montant de 34,3 % . Jusqu'en 2016, son niveau est resté presque inchangé, évoluant seulement en fonction de la valeur du point de PMI qui, en application du rapport constant, est indexé sur les traitements bruts de la fonction publique d'État.
C'est finalement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 qu'une revalorisation en deux étapes du montant de la retraite du combattant a été proposée par le Gouvernement puis mise en oeuvre par décret 27 ( * ) . Au 1 er janvier 2017, il est passé à 50 points , soit 720 euros , puis à 52 points (748,8 euros) au 1 er septembre suivant.
Le coût de cette mesure en 2017 a été estimé à 26,3 millions d'euros . Sa prise en charge en année pleine devrait représenter en 2018 une dépense supplémentaire de 32,6 millions d'euros . Votre rapporteur pour avis est satisfait de constater que, s'agissant de l'augmentation du montant de la retraite du combattant, le Gouvernement a tenu les engagements pris par son prédécesseur devant la représentation nationale .
* 19 Loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
* 20 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, art. 123.
* 21 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, art. 109.
* 22 Loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant.
* 23 Arrêté n° 80066/DEF/DAJ/D2P/EGL du 10 décembre 2010 fixant la liste des actions de feu ou de combat définies à l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
* 24 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, art. 87.
* 25 La valeur du point de PMI a été fixée à 14,4 euros à compter du 1 er janvier 2017.
* 26 Retraites du combattant versées aux ressortissants d'États anciennement sous souveraineté française et dont le conflit au titre duquel elles ont été obtenues n'est pas connu.
* 27 Décret n° 2016-1904 du 28 décembre 2016 modifiant l'article D. 321-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.