C. DE NOUVEAUX OBJECTIFS D'ÉCONOMIES EXIGEANTS IMPOSÉS AUX OPÉRATEURS SANITAIRES
À compter de 2018, le programme 204 ne financera, à titre principal ou complémentaire, plus que quatre opérateurs sanitaires de l'État, contre huit en 2016. Ce changement de périmètre résulte :
- d'une part, de la création en 2016 de l'agence nationale de santé publique (ANSP), issue du regroupement de trois opérateurs (l'Institut de veille sanitaire, l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires). Les trois dotations qui leur étaient versées sont désormais fusionnées en une subvention unique destinée à la nouvelle agence ;
- d'autre part, ainsi que cela a été mentionné précédemment, du transfert à l'assurance maladie, par le présent projet de loi, du financement de l'ABM et de l'EHESP.
Depuis plusieurs années, votre commission prend acte des efforts d'économies demandés aux agences sanitaires relevant du programme 204 afin de contenir la dépense publique. Comme les années précédentes, les objectifs d'économies qui leur sont assignés par le projet de loi de finances pour 2018 s'avèrent particulièrement exigeants. Ils se traduisent par :
- une réduction de 2,5 % du plafond d'emplois des opérateurs, soit la suppression de 57 ETPT , y compris pour l'ABM (- 4,5 ETPT) et l'EHESP (- 13,5 ETPT). Compte tenu du transfert du financement de ces deux opérateurs à l'assurance maladie, le plafond d'emplois global des opérateurs de la mission s'élève désormais à 1 658 ETPT pour 2018, contre 2 253 en 2017 ;
- une économie de la masse salariale liée à cette diminution évaluée à 3,6 millions d'euros à périmètre constant ;
- une diminution de 5 % des crédits de fonctionnement, soit une économie de 6,5 millions d'euros (ABM et EHESP compris).
Dans ce contexte, les subventions pour charges de service public des opérateurs sanitaires diminuent de 6 % à périmètre courant par rapport à 2017 et sont ramenées à un total de 326 millions d'euros. Cela résulte d'une évolution contrastée selon les opérateurs : si l'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) voient leurs subventions diminuer légèrement, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ainsi que l'Agence nationale de santé publique (ANSP) enregistrent une augmentation de la dotation de l'État.
Évolution des subventions pour charges de
service public
versées aux opérateurs du programme
204
(en millions d'euros)
Opérateur |
LFI 2017 |
PLF 2018 |
Variation 2018/2017 |
Agence de la biomédecine (ABM) |
13,9 |
||
Agence nationale de sécurité du
médicament
|
112,7 |
118,1 |
+5% |
Agence nationale de sécurité sanitaire de
l'alimentation,
|
14,3 |
14,16 |
-1% |
École des hautes études en santé publique (EHESP) |
9,2 |
||
Institut national du cancer (INCa) |
44,5 |
42,4 |
-5% |
Agence nationale de santé publique (ANSP) |
150,5 |
151,3 |
+1% |
Total |
345,0 |
326,0 |
-6% |
Évolution du nombre d'emplois des opérateurs relevant du programme 204
Opérateur |
LFI 2017 |
PLF 2018 |
Variation 2018/2017 |
||
sous plafond |
hors plafond |
sous plafond |
hors plafond |
||
Agence de la biomédecine (ABM) |
243 |
16 |
|||
Agence nationale de sécurité du
médicament
|
955 |
19 |
935 |
19 |
- 2,0 % |
École des hautes études en santé publique (EHESP) |
313 |
32 |
|||
Institut national du cancer (INCa) |
145 |
12 |
141 |
12 |
- 2,8 % |
Agence nationale de santé publique (ANSP) |
597 |
14 |
582 |
19 |
- 2,5% |
Total sous plafond |
2 253 |
1 658 |
- 26,4 % |
||
Total hors plafond |
93 |
50 |
Source : Projets annuels de performances pour 2017 et 2018
Des efforts supplémentaires de mutualisation pourraient en outre être demandés aux agences : après la mise en place d'un système d'information financier et comptable commun à l'ANSP, l'INCa et l'ANSM, le Gouvernement indique vouloir approfondir l'étude de la faisabilité d'une stratégie immobilière commune et la possibilité de regrouper sur un site unique un pôle d'agences en matière de produits et de pratiques. Les crédits inscrits sur la mission « Santé » prennent en compte les études complémentaires requises à cette fin, pour un montant de 20 000 euros.
Dans ce contexte, les agences interviennent dans un cadre à la fois fortement contraint et évolutif, nécessitant une bonne capacité d'adaptation. Votre commission a toujours été favorable à la simplification du paysage sanitaire et jugé légitime que les agences participent d'une gestion rigoureuse des finances publique. Elle a cependant souhaité rester vigilante quant à l'adéquation entre les moyens alloués aux agences et l'évolution de leurs missions, tout particulièrement s'agissant de l'ANSM et de Santé publique France.
1. L'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), un opérateur à conforter
Instituée par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé, l'ANSM s'est substituée le 1 er mai 2012 à l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) à la suite de la crise du « Médiator ». Sa mission est d'assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et de garantir à tous les patients un accès équitable à l'innovation. Elle dispose pour ce faire d'un pouvoir de police sanitaire et prend chaque année plus de 80 000 décisions. Comme l'ont montré les diverses difficultés auxquelles elle a dû faire face dans la période récente (essai clinique « Biotrial », dossier du « Levothyrox »), il s'agit d'un opérateur très exposé, confronté à des enjeux de sécurité et de réputation élevés, en particulier à l'échelle européenne, indépendamment du plein engagement des personnels de l'agence et de leurs cadres dirigeants.
Depuis 2012, les ressources de l'agence sont principalement constituées d'une subvention de l'État, qui représente à elle seule 36 % du montant total des subventions allouées sur la mission « Santé ». Ses autres ressources sont constituées de produits provenant de l'agence européenne du médicament (EMA), de l'OMS, du Conseil de l'Europe ainsi que de conventions d'études et de recherche. Le mode de financement qui prévalait antérieurement, reposant sur des taxes affectées, a été supprimé afin de renforcer l'indépendance de l'opérateur par rapport à l'industrie pharmaceutique.
Outre les réorganisations internes entreprises pour répondre aux différentes situations de crise et au-delà de sa compétence principale, centrée sur l'autorisation de mise sur le marché des médicaments (AMM), l'agence doit être en mesure d'assumer les nouvelles obligations dont l'a investie la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 :
- la certification des logiciels d'aide à la prescription (LAP) et d'aide à la dispensation (LAD) avant leur mise sur le marché ;
- l'évaluation de la méthodologie des essais portant sur les produits de santé dont la liste est établie par le code de la santé publique (essais interventionnels susceptibles de comporter des risques pour les patients) ;
- l'approfondissement de la lutte contre les ruptures d'approvisionnement des médicaments.
L'ANSM doit en outre mettre en oeuvre depuis 2017 les nouveaux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro , règlements dont l'application deviendra entièrement obligatoire dans trois ans pour le premier et cinq ans pour le second.
A la suite du prochain transfert de l'Agence européenne du médicament (EMA) en dehors du Royaume-Uni, l'ANSM doit par ailleurs être en mesure de récupérer l'instruction de nouveaux dossiers d'AMM. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, la Grande-Bretagne est en effet le plus grand contributeur aux travaux de l'EMA, avec environ 20 % du total des dossiers. Cette situation ouvre également une opportunité financière puisque les activités européennes réalisées par l'ANSM constituent sa première source de financement après la subvention de l'État.
D'un point de vue financier, l'ANSM a entrepris de nombreux efforts visant à optimiser l'utilisation de ses ressources et à définir une stratégie immobilière pluriannuelle. Le fonds de roulement de l'agence s'est cependant trouvé dès la fin de l'année 2016 à la limite de son niveau prudentiel en raison de la succession de soldes déficitaires. Il s'est encore réduit de 35 % entre 2017 et 2016.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, votre rapporteur considère plus que légitime que les crédits alloués à l'ANSM pour 2018 soient en augmentation, avec une subvention de l'État de 118 millions d'euros contre 112 millions en 2017. L'effort portant sur le plafond d'emploi a quant à lui été légèrement minoré par rapport aux autres agences, mais il reste non négligeable, avec une suppression de 20 ETPT . Le Gouvernement indique avoir tenu compte de l'attribution de 3 ETPT au titre des activités européennes de l'agence. Votre rapporteur salue cette démarche mais elle estime qu'elle demeure insuffisante au regard des moyens nécessaires au rétablissement du bon positionnement de l'agence au niveau européen.
2. L'agence nationale de santé publique : des moyens contraints pour mettre en oeuvre la politique de prévention
Officiellement créée le 1 er mai 2016 en application de l'ordonnance du 14 avril 2016 3 ( * ) , l'ANSP a entamé le 1 er janvier 2017 son premier plein exercice budgétaire. En 2016, les trois opérateurs qui allaient donner naissance à « Santé publique France » avaient été exonérés de la réduction d'emploi prévue par le Gouvernement.
Votre commission avait salué cette stabilité, qu'elle estimait nécessaire à fluidité de la mise en place du nouvel opérateur appelé à exercer une triple mission de veille, de prévention et de réponse aux alertes sanitaires.
Après une réduction de 20 ETPT en 2017, au titre de la réduction des effectifs de 10 % sur trois ans prévue par les lettres plafond de 2016 et 2017, le plafond d'emplois de l'ANSP est fixé à 582 ETPT en 2018, soit une diminution de 15 ETPT. Votre rapporteure n'est pas opposée à cette rationalisation, qui renvoie aux gains attendus par la mutualisation, mais elle souhaite insister sur la nécessité de conserver à l'ANSP les moyens qui lui permettent de devenir véritablement l'opérateur de référence en matière de prévention.
En effet, l'ANSP fait face à une mobilisation importante de ses ressources pour la gestion des crises sanitaires qui se sont multipliées au cours des mois passés. L'importance prise par les urgences et les alertes sanitaires ne doit pas remettre en cause sa capacité à s'investir pleinement et efficacement dans sa mission de prévention et de promotion de la santé, d'autant plus que depuis la suppression de la dotation de l'assurance maladie l'année dernière, elle dépend à hauteur de 90 % d'un financement de l'État et les crédits relatifs aux actions de prévention ne sont plus sanctuarisés, contrairement à ce qui avait été négocié dans le cadre de la préparation de l'ordonnance du 14 avril 2016 créant l'ANSP 4 ( * ) . Votre rapporteure estime que cette évolution est en contradiction avec la volonté de mettre l'accent sur l'amélioration de la politique de prévention dans notre pays.
Plus largement, cette situation renvoie aux conséquences de la régulation des dépenses de l'État, que l'on observe en particulier sur la mission « Santé » dont les crédits de prévention s'érodent chaque année. Pour 2018, on note une baisse de 5 millions d'euros des crédits de prévention engagés par l'administration centrale . Il en résulte un simple saupoudrage des dispositifs existants, l'essentiel des dépenses étant une fois de plus renvoyé à l'assurance maladie.
* 3 Ordonnance n° 2016-462 du 27 octobre 2016 portant création de l'agence nationale de santé publique.
* 4 Cette ordonnance prévoyait en effet le principe d'une participation de l'assurance maladie destinée aux missions de prévention de l'ANSP, solution qui permettait de mettre les crédits de prévention (à hauteur de 65 millions d'euros) à l'abri des régulations prévues sur le programme 204. Mais le projet de loi de finances pour 2017 a finalement supprimé définitivement cette dotation.