INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Avec 2,7 millions d'habitants, soit 4 % de la population française, et une superficie de 120 369 kilomètres carré, répartis sur les cinq continents, nos territoires ultramarins sont incontestablement une richesse et une fierté pour notre pays. Ils lui permettent d'être présent sur l'ensemble du globe et de bénéficier d'une richesse naturelle exceptionnelle.

Pourtant, ces territoires souffrent d'une situation économique et sociale défavorable par rapport à l'Hexagone, en raison de nombreuses difficultés structurelles, liées à leur situation géographique et à l'étroitesse de leurs marchés, qui les empêchent de parvenir à des économies d'échelle, favorisant ainsi une forte dépendance vis-à-vis de leur environnement régional. En outre, l'économie de ces territoires se caractérise par l'importance des activités agricoles et du tertiaire non marchand dans leur structure productive. Par ailleurs, le produit intérieur brut (PIB) par habitant représente, en moyenne, 60 % de celui de l'Hexagone. Le taux de chômage y est en moyenne deux fois supérieur à celui de la métropole ; celui des jeunes est particulièrement préoccupant puisqu'il est de 50 % pour les 15-24 ans, contre 24 % dans l'Hexagone.

Les mouvements sociaux qu'a connus la Guyane en mars-avril 2017 sont la conséquence directe de ces fragilités socio-économiques, auxquelles s'ajoutent les problèmes de sécurité et d'immigration illégale propres à ce territoire.

À ces faiblesses structurelles viennent s'ajouter les risques naturels auxquels sont exposés les outre-mer et qui constituent une difficulté supplémentaire pour leur développement, comme en témoignent les ravages causés par l'ouragan Irma dans les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, dont le coût est estimé à 1,2 milliard d'euros.

C'est dans ce contexte socio-économique préoccupant que la nouvelle ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, a lancé le 4 octobre dernier les assises des outre-mer, ce dont se félicite votre rapporteur. Elles ont pour objet l'ouverture d'un temps d'échanges et de réflexion avec l'ensemble des populations ultramarines, sur différentes thématiques (jeunesse, emploi, santé, sécurité, environnement, création d'entreprise, culture) afin d'identifier les besoins spécifiques de chaque territoire. Les résultats se concluront par la rédaction d'un Livre bleu outre-mer au printemps 2018, destiné à recenser les projets concrets dans chaque domaine pour chaque territoire. Ces projets alimenteront la politique du Gouvernement en faveur des outre-mer.

Se prépare en outre le référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie, qui devrait être organisé en novembre 2018, conformément à l'accord de Nouméa conclu le 5 mai 1998. Le libellé de la question revêtira une grande importance pour permettre un déroulement apaisé de cette consultation à haut risque. D'autres territoires ultramarins pourraient bénéficier d'une évolution statutaire dans les prochaines années. C'est pourquoi votre rapporteur a fait le choix de présenter une monographie institutionnelle de chaque territoire ultramarin, et présenter de façon succincte les problématiques de chacun d'entre eux.

I. UN EFFORT BUDGÉTAIRE CONSTANT, DEPUIS 2010, EN FAVEUR DES OUTRE-MER

Après avoir significativement augmenté entre 2008 et 2010, en raison notamment des événements sociaux qui avaient secoué les Antilles et la préparation de la départementalisation de Mayotte, l'effort budgétaire de l'État en faveur de la mission « Outre-mer » s'est depuis stabilisé autour de deux milliards d'euros chaque année. Le projet de loi de finances pour 2018 traduit, en ce début de quinquennat, le maintien de ces crédits au-dessus de ce seuil.

Il convient toutefois de noter que ce premier budget est, ainsi que l'ont qualifié nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances, un « budget de transition ne présageant qu'en partie des priorités futures ». Le Gouvernement s'est engagé à s'appuyer sur les résultats des assises des outre-mer en cours pour adapter les crédits de la mission dans les prochains mois.

A. LA STABILITÉ, À PÉRIMÈTRE CONSTANT, DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

La mission Outre-mer regroupe l'ensemble des dotations budgétaires allouées par l'État aux territoires ultramarins et gérées par le ministère des outre-mer. Ses crédits se répartissent entre deux programmes :

- le programme 138 Emploi outre-mer , qui regroupe, au sein de trois actions, les crédits destinés aux aides aux entreprises propres aux outre-mer ainsi que ceux relatifs aux divers dispositifs spécifiques aux outre-mer d'aide à la formation professionnelle. En 2018, le montant des crédits de ce programme s'élève à 1 329 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 334 millions d'euros en crédits de paiement (CP), dont 1 175 millions d'euros en AE et 1 179 millions d'euros en CP hors dépenses de personnel. Le budget de ce programme connaît une progression de 3,2 % en AE et de 3,5 % en CP ;

- le programme 123 Conditions de vie outre-mer , qui décline, au sein de huit actions, les crédits destinés au financement des dispositifs propres aux outre-mer (aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, accès au financement bancaire) ainsi que les crédits affectés au soutien à l'investissement des collectivités territoriales. Dans le projet de loi de finances pour 2018, les crédits de ce programme s'élève à 775 millions d'euros en AE et à 735 millions d'euros en CP, ce qui correspond, par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, à une progression de 2,6 % en AE et de 4,5 % en CP.

L'ensemble des crédits de la mission est récapitulé dans le tableau suivant :

Numéro et intitulé du programme
et de l'action

Autorisations d'engagement
(en milliards d'euros)

Crédits de paiement
(en milliards d'euros)

Ouvertes
en LFI
pour 2017

Demandées
en 2018

FDC 2 ( * ) et ADP 3 ( * ) attendus
en 2018

Ouvertes
en LFI
pour 2017

Demandées
en 2018

FDC et ADP attendus
en 2018

138

Emploi outre-mer

1,276

1,328

0,016

1,278

1,334

0,016

01

Soutien aux entreprises

1,028

1,079

1,030

1,079

02

Aides à l'insertion et à la qualification professionnelle

0,246

0,247

0,016

0,246

0,253

0,016

03

Pilotage des politiques des outre-mer

0,002

0,002

0,002

0,002

123

Conditions de vie outre-mer

0,849

0,776

0,00015

0,789

0,735

0,00015

01

Logement

0,246

0,226

0,232

0,228

02

Aménagement du territoire

0,144

0,161

0,00015

0,164

0,166

0,00015

03

Continuité territoriale

0,042

0,041

0,042

0,041

04

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

0,030

0,020

0,022

0,020

06

Collectivités territoriales

0,300

0,262

0,280

0,226

07

Insertion économique et coopération régionales

0,001

0,001

0,001

0,001

08

Fonds exceptionnel d'investissement

0,040

0,040

0,035

0,036

09

Appui à l'accès aux financements bancaires

0,046

0,025

0,013

0,017

Source : commission des lois du Sénat
à partir de l'annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Outre-mer »

Au total, à périmètre courant, les crédits de la mission connaissent une légère baisse par rapport à 2017 (- 0,94 % en AE et - 0,07 % en CP). À périmètre constant, les crédits de la mission Outre-mer augmentent de + 3,42 % en AE (soit + 72,6 millions d'euros) et + 3,7 % en CP (soit + 85,1 millions d'euros). Cette hausse traduit et confirme, dans un contexte général de maîtrise des dépenses de l'État, la priorité accordée aux outre-mer par le Gouvernement.

La moitié des crédits de cette mission porte sur la compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer, qui s'élèvent à 1,079 milliard d'euros, soit 81,2 % des crédits du programme 138. Bien que les projets de loi de finances pour 2018 et de financement de la sécurité sociale pour 2018 ne prévoient aucun recentrage de ces exonérations, il semblerait qu'elles fassent néanmoins l'objet d'un réexamen courant 2019.


* 2 Fonds de concours : ils sont constitués par des fonds à caractère non fiscal versés pour concourir à des dépenses d'intérêt public et par les produits de legs et donations attribués à l'État. Dans ce dispositif, la partie versante est une personne morale ou physique distincte de l'État : collectivité publique étrangère, collectivité territoriale, établissement public, organisme ou particulier.

* 3 Attributions de produits : elles visent à recueillir les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l'État.

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