B. OPTIMISER L'ORGANISATION DES CONCOURS ET ADAPTER LEUR CONTENU
1. Pour une réflexion globale sur l'attractivité des concours
Depuis une dizaine d'années, le pouvoir règlementaire s'est limité à moderniser, au cas par cas, certains concours administratifs, sans aucune réflexion d'ensemble sur leur attractivité .
Conscient de cette lacune, le Gouvernement a réuni trois groupes de travail entre avril et juillet 2019, dont les réflexions se sont organisées autour de cinq volets.
Les groupes de travail réunis par le Gouvernement : cinq volets d'action - Rendre plus lisibles et attractifs les métiers et concours de la fonction publique (rénovation de la communication, partenariats avec le service public de l'emploi, etc .) ; - Construire une politique d'identification et d'accompagnement des viviers tendant à favoriser la diversité (développement de l'apprentissage, meilleure articulation avec les universités, etc .) ; - Moderniser l'organisation des concours (valorisation de l'expérience professionnelle, développement des concours sur titre, etc .) ; - Professionnaliser les processus de recrutement ; - Renforcer le dialogue social sur les politiques de recrutement et d'attractivité. Source : direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) |
D'ici 2020, le Gouvernement envisage d'expérimenter les propositions des groupes de travail dans deux territoires rencontrant des difficultés particulières de recrutement.
Si elle soutient cette démarche, votre rapporteur invite le Gouvernement à se concentrer sur deux objectifs : optimiser les conditions d'organisation des concours, d'une part, et adapter le contenu des épreuves, d'autre part.
Pour plus de cohérence, l'ensemble des concours de la fonction publique devraient être passés en revue dans un délai de deux ans , une priorité devant être donnée aux concours soulevant le plus de difficultés (à l'instar des concours d'ATSEM et des filières artistiques du versant territorial).
2. L'optimisation des conditions d'organisation des concours
Les organisateurs de concours doivent poursuivre leurs efforts de coordination . Lutter contre l'absentéisme des candidats et le phénomène de « multi-inscriptions » nécessite, en effet, de repenser le calendrier des épreuves.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a d'ailleurs prévu la signature d'une convention entre les centres de gestion et le CNFPT. Cette convention a été signée dès le 20 novembre 2019, illustrant ainsi l'engagement de chacun des acteurs. Un même effort de coordination semble nécessaire dans la fonction publique de l'État, chaque ministère étant compétent pour organiser ses propres concours.
La « base concours » représente un premier outil de mutualisation : à compter du 1 er janvier 2020, elle permettra de recueillir certaines données pour l'ensemble des versants de la fonction publique (nombre et profil des candidats aux concours, composition des jurys, etc .) 37 ( * ) . Bien qu'il présente une vocation statistique, cet outil pourrait permettre de renforcer les efforts de coordination entre les organisateurs de concours, sur la base de données plus fiables.
De même, les calendriers des concours de la fonction publique pourraient faire l'objet d'une publication centralisée , alors qu'il faut aujourd'hui consulter plusieurs sites pour obtenir une information exhaustive 38 ( * ) . Ces calendriers pourraient figurer sur la Place de l'emploi public , site qui réunit déjà les offres d'emplois publics.
En complément, il convient de créer un outil permettant de lutter contre les multi-inscriptions dans le versant territorial , comme le prévoit la loi du 6 août 2019.
La lutte contre les « multi-inscriptions » pour les concours organisés par les centres de gestion Introduit à l'initiative du Sénat, l'article 89 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique pose le principe selon lequel un même candidat a l'interdiction de se présenter à plusieurs concours organisés par les centres de gestion : - lorsque les épreuves ont lieu simultanément ; - et que ces concours permettent d'accéder à un emploi d'un même grade. Un décret doit préciser les modalités d'application de ce dispositif. D'après la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'une des pistes étudiées consiste à créer une plateforme d'inscription unique , permettant d'identifier les candidats inscrits pour un même concours dans plusieurs centres de gestion. |
Sur le plan logistique, plusieurs dispositifs peuvent être envisagés pour simplifier l'organisation des concours . À titre d'exemple :
- certaines épreuves écrites pourraient être mutualisées entre plusieurs concours, facilitant ainsi la conception et la correction des sujets ;
- les coordonnées et le profil des membres de jury pourraient être centralisés sur une plateforme unique, simplifiant la constitution des jurys 39 ( * ) ;
- la correction des copies pourrait être dématérialisée en s'inspirant de la solution mise en oeuvre par l'éducation nationale 40 ( * ) .
Dans la fonction publique de l'État, des « services concours » pourraient être créés au sein des préfectures. Ils seraient chargés d'organiser les concours déconcentrés de l'ensemble des ministères, ce qui permettrait d'optimiser les locations de salles et le recrutement de surveillants.
3. L'adaptation des épreuves de concours
Pour diversifier le profil des fonctionnaires, il convient de poursuivre les efforts d'adaptation des épreuves, sans en réduire le niveau d'exigence . Certaines épreuves pourraient devenir plus opérationnelles, suivant le modèle du cas pratique prévu pour le concours des IRA.
La professionnalisation des épreuves : l'exemple des IRA Depuis 2019, le concours des Instituts régionaux d'administration (IRA) comporte deux épreuves écrites d'admissibilité et une épreuve orale d'admission. La première épreuve d'admissibilité consiste à résoudre un cas pratique à partir d'un dossier portant une politique publique relevant de l'État. Cette épreuve remplace une composition d'ordre général relative à la place des pouvoirs publics en France. Pour la deuxième épreuve d'admissibilité, les candidats doivent répondre à un questionnaire à choix multiples de 120 questions. Ce QCM remplace une épreuve de six questions à réponse courte, qui semblait pourtant mieux adaptée aux attentes d'un concours administratif . Au stade de l'admission, les candidats sont convoqués à un entretien avec le jury . Cet entretien « débute par une présentation par le candidat de son parcours et de sa motivation et se poursuit par un échange qui comprend notamment une ou plusieurs mises en situation professionnelle » 41 ( * ) . |
Dans la même logique, votre rapporteur préconise de développer les épreuves collectives de mise en situation , qui permettent au jury d'apprécier les aptitudes relationnelles des candidats.
L'épreuve collective de mise en situation : l'exemple de l'ENA Depuis 2014, le concours de l'École nationale d'administration (ENA) comprend une épreuve collective d'interaction . Prévue au stade de l'admission, cette épreuve vise à « apprécier les qualités intellectuelles, personnelles et relationnelles des candidats dans des situations de relation à autrui » 42 ( * ) . Les candidats sont répartis par groupes de trois. Mis en situation sur un sujet, ils jouent successivement le rôle de l'exposant (qui, après 10 minutes de préparation, propose un point de vue), du répondant (qui engage la discussion) et de l'observateur (qui analyse l'échange avec le jury). |
Enfin, les concours sur titre pourraient être développés dans la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale.
Les concours sur titre Déjà très répandus dans le versant hospitalier (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc .), les concours sur titre permettent d'attester des capacités des candidats sur présentation d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle. Les épreuves sont simplifiées : les candidats sont évalués au regard de leurs titres ou de leurs travaux antérieurs et d'un entretien oral . Des épreuves complémentaires peuvent être organisées en tant que de besoin. À l'initiative du Sénat, la loi du 6 août 2019 de transformation la fonction publique a franchi une première étape : alors qu'ils étaient réservés aux filières sociale, médico-sociale et médico-technique, les concours sur titre couvrent désormais l'ensemble du versant territorial. |
*
* *
Sur le plan budgétaire, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.
LISTE DES PROPOSITIONS POUR RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DES CONCOURS DE LA FONCTION PUBLIQUE
Ø Pour une réflexion globale sur l'attractivité des concours
1. Passer en revue l'ensemble des concours de la fonction publique d'ici deux ans afin de simplifier leurs conditions d'organisation et d'adapter le contenu des épreuves.
2. Revoir, en priorité, l'organisation des concours soulevant le plus de difficultés comme le concours d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) et ceux des filières artistiques de la fonction publique territoriale.
Ø Optimiser les conditions d'organisation des concours
3. Publier de manière centralisée le calendrier des concours des trois versants de la fonction publique.
4. Mettre rapidement en oeuvre l'article 89 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique afin de mieux lutter contre les « multi-inscriptions » aux concours et de réduire le taux d'absentéisme des candidats.
5. Optimiser l'organisation des concours sur le plan logistique, par exemple en généralisant la dématérialisation de la correction des copies.
Ø Adapter le contenu des épreuves
6. Poursuivre l'effort de professionnalisation des épreuves sans en réduire le niveau d'exigence, en favorisant le recours à des épreuves pratiques, tant à l'écrit qu'à l'oral.
7. Développer les épreuves collectives de mise en situation, permettant au jury d'apprécier les aptitudes relationnelles des candidats.
8. Développer les concours sur titre dans la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale afin d'assouplir le processus de recrutement.
ANNEXES
Schémas et plafonds d'emplois des ministères et des opérateurs (en ETP)
Ministères |
Opérateurs |
Total |
||||||||
Schéma d'emplois |
Plafond d'emplois PLF 2020 |
Schéma d'emplois |
Plafond d'emplois PLF 2020 |
Schéma d'emplois |
PLF 2020 |
|||||
LFI 2019 |
PLF 2020 |
LFI 2019 |
PLF 2020 |
LFI 2019 |
PLF 2020 |
|||||
Secteurs dont les effectifs baissent dans le PLF pour 2020 |
||||||||||
Action et comptes publics Économie et finances |
- 2 227 |
- 1 935 |
134 323 |
- 366 |
- 37 |
3 602 |
- 2 593 |
- 1 972 |
137 925 |
|
Transition écologique et solidaire |
- 811 |
- 797 |
37 382 |
- 267 |
- 276 |
19 292 |
- 1 078 |
- 1 073 |
56 674 |
|
Solidarités, santé et sport |
- 250 |
- 243 |
8 965 |
- 254 |
- 123 |
8 867 |
- 504 |
- 366 |
17 832 |
|
Agriculture et alimentation |
- 140 |
130 |
29 799 |
- 137 |
- 190 |
13 882 |
- 277 |
- 60 |
43 681 |
|
Culture |
- 50 |
- 15 |
9 593 |
- 110 |
- 35 |
18 585 |
- 160 |
- 50 |
28 178 |
|
Europe et affaires étrangères |
- 130 |
- 81 |
13 524 |
- 166 |
- 106 |
6324 |
- 296 |
- 187 |
19 848 |
|
Éducation nationale |
- 1 800 |
0 |
1 022 849 |
- 13 |
- 42 |
3 233 |
- 1 813 |
- 42 |
1 026 082 |
|
Secteurs dont les effectifs sont stabilisés dans le PLF pour 2020 |
||||||||||
Enseignement supérieur,
|
0 |
0 |
6 992 |
0 |
0 |
259 638 |
0 |
0 |
266 630 |
|
Secteurs dont les effectifs augmentent dans le PLF pour 2020 |
||||||||||
Intérieur |
2 143 |
1 347 |
292 469 |
125 |
189 |
2 868 |
2 268 |
1 536 |
295 337 |
|
Justice |
1 300 |
1 520 |
88 011 |
0 |
0 |
625 |
1 300 |
1 520 |
88 636 |
|
Armées |
466 |
300 |
271 125 |
- 16 |
- 26 |
8 509 |
450 |
274 |
279 634 |
|
Services du Premier ministre |
191 |
169 |
9 759 |
0 |
- 12 |
591 |
191 |
157 |
10 350 |
|
Travail |
- 233 |
- 226 |
8 599 |
- 1 385 |
395 |
54 445 |
- 1 618 |
169 |
63 044 |
|
Cohésion des territoires |
- 15 |
- 8 |
291 |
-4 |
31 |
639 |
- 19 |
23 |
930 |
|
Outre-mer |
23 |
35 |
5 583 |
0 |
0 |
127 |
23 |
35 |
5 710 |
|
TOTAL Budget général |
- 1 533 |
196 |
1 939 264 |
- 2 593 |
- 232 |
401 227 |
- 4 126 |
- 36 |
2 340 491 |
|
Contrôle et exploitation aériens |
0 |
0 |
10 544 |
0 |
- 7 |
805 |
0 |
- 7 |
11 349 |
|
Publications officielles et
|
- 38 |
- 4 |
620 |
0 |
0 |
0 |
- 38 |
-4 |
620 |
|
TOTAL Budgets annexes |
- 38 |
- 4 |
11 164 |
0 |
- 7 |
805 |
- 38 |
- 11 |
11 969 |
|
TOTAL |
- 1 571 |
192 |
1 950 428 |
- 2 593 |
- 239 |
402 032 |
- 4 164 |
- 47 |
2 352 460 |
Source : commission des lois du Sénat, à partir du PLF pour 2020
Répartition des apprentis dans la fonction publique de l'État (année scolaire 2018-2019, stock)
Nombre d'apprentis |
Part dans le total |
|
Europe et affaires étrangères |
44 |
0,53 % |
Solidarités, santé et sport |
350 |
4,21 % |
Agriculture et alimentation |
422 |
5,07 % |
Culture |
230 |
2,76 % |
Armées |
1 387 |
16,66 % |
Transition écologique et solidaire |
381 |
4,58% |
Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche |
3 841 |
46,15 % |
Économie et finances |
359 |
4,31 % |
Intérieur |
1 012 |
12,16 % |
Justice |
223 |
2,68 % |
Services du Premier ministre |
74 |
0,89 % |
TOTAL |
8 323 |
- |
Source : commission des lois du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Coûts de gestion de l'action sociale interministérielle
(en % des aides versées)
Source : commission des lois du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE
Ø Personnes entendues
Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)
M. Thierry Le Goff , directeur général
Mme Sandrine Staffolani , chef de bureau du recrutement et des politiques d'égalité et de diversité
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
M. Christophe Bernard , sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale
Mme Virginie François , adjointe à la cheffe du bureau des élus locaux, du recrutement et de la formation des personnels territoriaux
M. Damien Duplouy , chargé d'études
Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)
Mme France Burgy , directrice générale
Mme Martine François, directrice générale adjointe chargée du développement de la formation
Mme Francine Levannier , directrice des concours et de la mobilité des cadres de direction
Fédération hospitalière de France (FHF)
Mme Amélie Roux, adjointe au responsable du pôle ressources humaines
Ø Contribution écrite
Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG)
* 37 Décret n° 2018-114 du 16 février 2018 relatif à la collecte de données à caractère personnel relatives aux caractéristiques et au processus de sélection des candidats à l'accès à la fonction publique et créant la « base concours ».
* 38 Site SCORE pour la fonction publique de l'État, sites des concours des centres de gestion et du CNFPT pour la fonction publique territoriale, sites du centre national de gestion et des agences régionales de santé (ARS) pour le versant hospitalier, etc .
* 39 Dans la fonction publique de l'État, la DGAFP envisage de créer une « CVthèque de membres de jurys », ouverte à l'ensemble des ministères.
* 40 Concrètement, le candidat continue de composer sur une copie papier. Sa copie est ensuite numérisée puis envoyée aux correcteurs, qui inscrivent leurs observations sous forme numérique. Réduisant les coûts logistiques, cette solution facilite les « doubles corrections » et évite tout égarement des copies.
* 41 Arrêté du 28 mars 2019 fixant les règles d'organisation générale, la nature, la durée, le programme des épreuves et la discipline des concours d'entrée aux Instituts régionaux d'administration.
* 42 Arrêté du 16 avril 2014 fixant la nature, la durée et le programme des épreuves des concours d'entrée à l'École nationale d'administration.